Vers pour Yseult (Fernand Séverin)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 252-254).


Vers pour Yseult


I


Pâle de tes adieux et vain de ton amour,
Me voici gravissant les pentes du retour
Et les roses du soir m’attristent jusqu’aux pleurs.

Je rentre dans la paix et dans le souvenir,
Mais des ailes en moi s’ouvrent vers l’avenir
À travers le hallier des présentes douleurs.

L’espérance vivace étouffe les regrets,
Et les vierges jardins de nos âmes sont prêts
À frémir avant peu sous de nouvelles fleurs.


II


Comme un vivant parfum de suaves verveines,
J’ai senti ruisseler ton âme dans mes veines,
Quand tes mains seulement s’enlacèrent aux miennes.


Et je souffre et jouis en ta chair et ton âme,
Et tes moindres propos sont de longs traits de flamme
Qui ravivent en moi les blessures anciennes.

Ton front pâle et puissant et tes claires prunelles
Sont garants au chercheur d’extases éternelles,
Et j’ai peur du baiser de tes lèvres chrétiennes.


III


Dès que fleurit nos cœurs l’amour adolescent,
La même âme brûla dans notre jeune sang,
Et nous fumes deux lys embaumant à la fois.

Nous allâmes longtemps par un même chemin :
Je n’étais qu’un enfant qui vibrait dans ta main
Et nos yeux suppléaient au silence des voix ;

Puis ton âme grandit par delà les baisers,
Et me voilà pleurant de mes rêves brisés,
Plus enfant et plus doux encore qu’autrefois !


IV


Ton rêve coutumier a des élans funèbres
Vers le hautain passé des mystiques ténèbres
Et c’est un fier aiglon qui s’envole de l’aire !


Les miens sont un essaim d’oiseaux tendres et sages
Qui soupirent d’amour sous de calmes bocages,
Et ton rêve, à leur sens, a le vol téméraire.

Que ne laisses-tu là ton orgueil et tes fièvres
Pour l’éternel baiser des âmes sur les lèvres ?
Voleras-tu toujours dans ton ciel solitaire ?


V


Ô douleur ! je ne puis, je n’oserais te suivre ;
Viens mourir avec moi dans l’ivresse de vivre
Et goûter en tremblant aux douceurs de se taire.