Vie antérieure

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Œuvres complètes de François CoppéeLibrairie L. HébertPoésies, tome II (p. 301-302).
VIE ANTÉRIEUR


S’il est vrai que ce monde est pour l’homme un exil
Où, ployant sous le faix du labeur dur et vil,
Il expie en pleurant sa vie antérieure ;
S’il est vrai que dans une existence meilleure,
Parmi les astres d’or qui roulent dans l’azur,
Il a vécu, formé d’un élément plus pur,
Et qu’il garde un regret de sa splendeur première ;
Tu dois venir, enfant, de ce lieu de lumière
Auquel mon âme a dû naguère appartenir ;

Car tu m’en as rendu le vague souvenir,
Car en t’apercevant, blonde vierge ingénue,
J’ai frémi, comme si je t’avais reconnue ;
Et lorsque mon regard au fond du tien plongea,
J’ai senti que nous nous étions aimés déjà.
Et depuis ce jour-là, saisi de nostalgie,
Mon rêve au firmament toujours se réfugie,
Voulant y découvrir notre pays natal,
Et, dès que la nuit monte au ciel oriental,
Je cherche du regard dans la voûte lactée
L’étoile qui par nous fut jadis habitée.