Vie de Benjamin Franklin/Volume 1/14

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AVIS
NÉCESSAIRE À CEUX QUI VEULENT
DEVENIR RICHES.
Écrit en 1736.

L’argent n’a de l’avantage que par l’usage qu’on en fait.

Avec six livres sterlings, vous pouvez, dans un an, faire usage de cent livres sterlings, pourvu que vous soyez un homme d’une prudence et d’une honnêteté reconnues.

Celui qui dépense inutilement plus de quatre sous par jour, dépense inutilement plus de six livres sterlings dans un an ; ce qui est l’intérêt ou le prix de l’usage de ces livres sterlings.

Celui qui chaque jour perd dans l’oisiveté pour quatre sous de son temps, perd l’avantage de se servir de cent livres sterlings tous les jours.

Celui qui prodigue sottement pour cinq schellings de son temps, perd cinq schellings, avec autant d’imprudence que s’il les jetoit dans la mer.

Celui qui perd cinq schellings, non-seulement perd ces cinq schellings, mais tout le profit qu’il pourroit en retirer en les fesant travailler ; ce qui, dans l’espace de temps, qui s’écoule entre la jeunesse et l’âge avancé, doit s’élever à une somme considérable.

De plus : celui qui vend à crédit, met toujours, à l’objet qu’il vend, un prix équivalent au principal et à l’intérêt de son argent, pour le temps dont il doit en être privé. Celui qui achète à crédit, paie l’intérêt de ce qu’il achète : et celui qui paie argent comptant, pourroit mettre cet argent à intérêt. Ainsi celui qui possède une chose, qu’il a achetée, paie un intérêt pour l’usage qu’il en fait.

Cependant, il vaut toujours mieux payer comptant les objets qu’on achète, parce que celui qui vend à crédit, s’attendant à perdre cinq pour cent, par de mauvaises dettes, augmente d’autant le prix de ses marchandises. — Celui qui achète à crédit, paie sa part de cette augmentation. — Celui qui paie argent comptant, y échappe ou peut du moins y échapper.

Quatre liards épargnés sont un sou que l’on gagne.
Une épingle par jour coûte cinq sous par an[1].



  1. A penny sav’d is two-pence clear ;
    A pin a day’s a groat a year
    .