Vie et opinions de Tristram Shandy/2/69

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 203).



CHAPITRE LXIX.

Préparatifs de mon Père.


Mon père, à la seule idée du grenadier du régiment de Makai, étoit retombé sur son lit, comme si mon oncle Tobie l’eût assommé. Il y retomba dans la même attitude. Il ne se releva qu’en faisant les mêmes mouvemens. Les attitudes en elles-mêmes, madame, ne sont presque rien ; mais le passage d’une attitude à l’autre est quelque chose. C’est en sentimens ce que les dissonnances sont en musique ; elles préparent aux grands traits.

C’est pourquoi mon père ne sortit de cette seconde crise qu’en observant tout ce qu’il avoit fait à la première ; et il étoit prêt aussi à recommencer son discours lorsqu’il se rappela le peu de succès qu’il avoit eu… Cet essai lui fit prendre un autre biais. Il se leva, fit trois tours dans la chambre, puis s’arrêta tout court et debout, en face de mon oncle Tobie, alors il se crut avoir un avantage qui ne lui seroit pas aisément enlevé par un homme assis ; et posant trois doigts de sa main droite dans la paume de sa main gauche, il parla ainsi à mon oncle Tobie.