Vie et opinions de Tristram Shandy/3/24

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 82).



CHAPITRE XXIV.

Il s’échauffe de plus en plus.


Le roi Guillaume, dit mon oncle Tobie, s’adressant à Yorick, — fut si terriblement irrité contre le comte de Solme, de ce qu’il avoit désobéi à ses ordres, qu’il lui défendit de paroître devant lui, et qu’il ne consentit à le voir que plusieurs mois après. »

« J’ai bien peur, répondit Yorick, que monsieur Shandy ne soit aussi irrité contre le caporal, que le roi Guillaume le fut contre le pauvre comte. Mais, continua-t-il, il seroit bien dur pour le caporal, dont la conduite a été si diamétralement opposée à celle du comte de Solme, de n’obtenir pour récompense que la même disgrâce. — Ces exemples-là ne sont que trop fréquens dans le monde. » —

« J’aimerois mieux, s’écria mon oncle Tobie en se levant, j’aimerois mieux faire jouer la mine, faire sauter mes fortifications, mon château, et m’ensevelir avec le caporal sous leurs ruines, que d’être témoin d’une telle indignité. » — Le caporal fit à son maître une demi-révérence ; — mais si affectueuse et si reconnoissante, qu’une révérence entière en auroit moins dit.