Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres/6/Diogène

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J. H. Schneider, Libraire (Tome IIp. 14-55).
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Livre VI


DIOGENE.



Diogene, fils d’Icese, Banquier, étoit de Sinope. Diocles dit que son pere, ayant la banque publique & altérant la monnoie, fut obligé de prendre la fuite ; & Eubulide, dans le livre qu’il a écrit touchant Diogene, rapporte que ce philosophe le fit aussi, & qu’il fut chassé avec son pere ; lui-même s’en accuse dans son livre, intitulé Pardalis. Quelques-uns prétendent qu’ayant été fait maître de la monnoie, il se laissa porter à altérer les especes par les ouvriers, & vint à Delphes ou à Délos, patrie d’Apollon, qu’il interrogea pour savoir s’il feroit ce qu’on lui conseilloit, & que n’ayant pas compris qu’Apollon, en consentant qu’il changeât la monnoie, avoit parlé allégoriquement[1], il corrompit la valeur de l’argent, & qu’ayant été surpris, il fut envoyé en exil. D’autres disent qu’il se retira volontairement, craignant les suites de ce qu’il avoit fait. Il y en a aussi qui disent qu’il altéra de la monnoie qu’il avoit reçue de son pere ; que celui-ci mourut en prison, & que Diogene prit la fuite & vint à Delphes, où ayant demandé à Apollon, Page:Diogène Laërce - Vies - tome 2.djvu/33 non pas s’il changerait la monnaie, mais par quel moyen il se rendrait plus illustre, il reçut l’oracle dont nous avons parlé.

Étant venu à Athènes, il prit les leçons d’Antisthène ; & quoique celui-ci le rebutât d’abord, ne voulant point de disciples, il le vainquit par son assiduité. On dit qu’Antisthène menaçant de le frapper à la tête avec son bâton il lui dit : Frappe, tu ne trouveras point de bâton assez dur pour m’empêcher de venir t’écouter. Depuis ce temps-là il devint son disciple, & se voyant exilé de sa patrie, il se mit à mener une vie fort simple. Théophraste, dans son livre intitulé Mégarique, raconte là-dessus, qu’ayant vu une souris qui courait, & faisant réflexion que cet animal ne s’embarrassait point d’avoir une chambre pour coucher, & ne craignait point les ténèbres, ni ne recherchait aucune des choses dont on souhaite l’usage, cela lui donna l’idée d’une vie conforme à son état. Il fut le premier, selon quelques-uns, qui fit doubler son manteau, n’ayant pas le moyen d’avoir d’autres habillements, & il s’en servit pour dormir. Il portait une besace, où il mettait sa nourriture, & se servait indifféremment du premier endroit qu’il trouvait, soit pour manger, soit pour dormir, ou pour y tenir ses discours ; ce qui lui faisait dire, en montrant le Portique de Jupiter, le Pompée, que les Athéniens lui avoient bâti un endroit pour passer la journée. Il se servait aussi d’un bâton lorsqu’il étoit incommodé, & dans la suite il le portoit par-tout, aussi bien que la besace, non à la vérité en ville, mais lorsqu’il étoit en voyage, ainsi que le rapporte Olympiodore, Patron des étrangers à Athenes[2], & Polyeucte Rhéteur, aussi bien que Lysanias, fils d’Æschrion. Ayant écrit à quelqu’un de vouloir lui procurer une petite maison, et celui-là tardant à le faire, il choisit pour sa demeure un tonneau, qui étoit dans le temple de la mere des Dieux. L’été il se vautroit dans le sable ardent, & l’hiver il embrassoit des statues de neige, s’exerçant par tous ces moyens à la patience. Il étoit d’ailleurs mordant & méprisant : il appelait l’école d’Euclide un lieu de colere, & celle de Platon, un lieu de consomption. Il disoit que les Jeux Dionysiaques étoient d’admirables choses pour les fous, & que ceux, qui gouvernent le peuple, ne sont que les ministres de la populace. Il disoit aussi que lorsqu’il considéroit la vie, & qu’il jetoit les yeux sur la police des gouvernemens, la profession de la Médecine et celle de la Philosophie, l’homme lui paroissoit le plus sage des animaux ; mais que lorsqu’il considéroit les interprêtes des songes, les devins et ceux qui employoient leur ministère, ou l’attachement qu’on a pour la gloire & les richesses, rien ne lui semblait plus insensé que l’homme. Il répétoit souvent qu’il faut se munir dans la vie, ou de raison, ou d’un licou. Ayant remarqué un jour dans un grand festin que Platon ne mangeait que des olives, Pourquoi, lui demanda-t-il, sage comme vous êtes, n’ayant voyagé en Sicile que pour y trouver de bons morceaux, maintenant qu’on vous les présente, n’en faites-vous point usage ? Platon lui répondit : En vérité, Diogène, en Sicile même je ne mangeais la plupart du temps que des olives. Si cela est, répliqua-t-il, qu’aviez-vous besoin d’aller à Syracuse ? Le pays d’Athènes ne porte-t-il point assez d’olives ? Phavorin, dans son Histoire diverse, attribue pourtant ce mot à Àristippe. Une autre fois mangeant des figues., il rencontra Platon, à qui il dit qu’il pouvait en prendre sa part ; & comme Platon en prit & en mangea, Diogène lui dit : qu’il lui avoit bien dit d’en prendre, mais non pas d’en manger. Un jour que Platon avoit invité les amis de Denys, Diogène entra chez lui, & dit, en foulant ses tapis, Je foule aux pieds la vanité de Platon ; à quoi celui-ci répondit : Quel orgueil ne fais-tu point voir, Diogène, en voulant montrer que tu n’en as point ! D’autres veulent que Diogène dit : Je foule l’orgueil de Platon, & que celui-ci répondit, Oui, mais avec un autre orgueil. Sotion, dans son quatrième livre, rapporte cela avec une injure, en disant que le Chien tint ce discours à Platon. Diogène ayant un jour prié, ce Philosophe de lui envoyer du vin, & en même temps des figues, Platon lui fit porter une cruche pleine de vin : sur quoi Diogène lui dit, Si l’on vous demandait combien font deux & deux, vous répondriez qu’ils font vingt. Vous ne donnez point suivant ce qu’on vous demande, & vous ne répondez point suivant les questions qu’on vous fait, voulant par-là le taxer d’être grand parleur. Comme on lui demandait dans quel endroit de la Grèce il avoit vu les hommes les plus courageux, Des hommes ?dit-il je n’en ai vu nulle part ; mais j’ai vu des enfants à Lacédémone[3]. Il traitait une matière sérieuse, & personne ne s’approchait pour l’écouter. Voyant cela, il se mit à chanter ; ce qui ayant attiré beaucoup de gens autour de lui, il leur reprocha, qu’ils recherchoient avec soin ceux qui les amusoient de bagatelles, & qu’ils n’avoient aucun empressement pour les choses sérieuses.Il disoit aussi, qu’on se disputait bien à qui saurait le mieux faire des fosses & ruer[4] ; mais non pas à qui se rendrait le meilleur & le plus sage. Il admirait les Grammairiens, qui recherchoient avec soin quels avoient été les malheurs d’Ulysse, & ne connaissoient pas leurs propres maux ; les Musiciens, qui accordoient soigneusement les cordes de leurs instruments, & ne pensoient point à mettre de l’accord dans leurs mœurs ;les Mathématiciens, qui observoient le soleil & la lune, & ne prenoient pas garde aux choses qu’ils avoient devant les yeux ; les Orateurs, qui s’appliquoient à parler de la justice, & ne pensoient point à la pratiquer ; les Avares, qui parloient de l’argent avec mépris, quoiqu’il n’y eût rien qu’ils aimassent plus. Il condamnait aussi ceux, qui, louant les gens de bien comme fort estimables en ce qu’ils s’élevoient au dessus de l’amour des richesses, n’avoient eux-mêmes rien de plus à cœur que d’en acquérir. Il s’indignait de ce qu’on faisait des sacrifices aux Dieux pour en obtenir la santé, tandis que ces sacrifices étoient accompagnés de festins nuisibles au corps. Il s’étonnait de ce que des esclaves, qui avoient des maîtres gourmands, ne voloient pas leur part des mets qu’ils leur voyoient manger. Il louait également ceux qui vouloient se marier, & ceux qui ne se marioient point ; ceux qui voyageoient sur mer, & ceux qui ne le faisoient pas ; ceux qui se destinoient au gouvernement de la République, & ceux qui faisoient le contraire ; ceux qui élevoient des enfants, & ceux qui n’en élevoient point ; ceux qui cherchoient le commerce des Grands, & ceux qui l’évitoient[5]. Il disoit aussi, qu’il ne faut pas tendre la main à ses amis avec les doigts fermés.

Ménippe[6], dans l’Encan de Diogène, rapporte que lorsqu’il fut vendu comme captif, on lui demanda ce qu’il savoit faire, & qu’il répondit, qu’il savoit commander à des hommes, ajoutant, en s’adressant au crieur, qu’il eût à crier, Si quelqu’un voulait s’acheter un maître. Comme on lui défendait de s’asseoir, Cela ne fait rien, dit-il, on vend bien les poissons de quelque manière qu’ils soient étendus. Il dit encore, qu’il s’étonnait de ce que quand on achète un pot ou une assiette, on l’examine de toutes les manières ; au lieu que quand on achetait un homme, on se contentait d’en juger par la vue. Xéniade l’ayant acheté, il lui dit, que quoiqu’il fût son esclave, c’étoit à lui de lui obéir, tout comme on obéit à un Pilote ou à un Médecin, quoiqu’on les ait à son service.

Eubulus rapporte, dans le livre intitulé L’Encan de Diogène, que sa manière d’instruire les enfants de Xéniade étoit de leur faire apprendre, outre les autres choses qu’ils devoient savoir, à aller à cheval, à tirer de l’arc, à manier la fronde, & à lancer un dard. Il ne permettait pas non plus, lorsqu’ils étoient dans l’école des exercices, que leur maître les exerçât à la manière des Athlètes, mais seulement autant que cela étoit utile pour les animer, & pour fortifier leur constitution. Ces enfants savoient aussi par cœur plusieurs choses qu’ils avoient apprises des poètes, des autres écrivains, & de la bouche de Diogène même, qui réduisait en abrégé les explications qu’il leur en donnait, afin qu’il leur fût plus facile de les retenir. Il leur faisait faire une partie du service domestique, & leur apprenait à se nourrir légèrement & à boire de l’eau. Il leur faisait couper les cheveux jusqu’à la peau, renoncer à tout ajustement, & marcher avec lui dans les rues sans veste, sans souliers, en silence, & les yeux baissés ; il les menait aussi à la chasse. De leur côté, ils avoient soin de ce qui le regardait, & le recommandoient à leur père & à leur mère.

Le même Auteur, que je viens de citer, dit qu’il vieillit dans la maison de Xéniade, dont les fils eurent soin de l’enterrer. Xéniade lui ayant demandé, comment il souhaitait d’être enterré, il répondit, le visage contre terre ; & comme il lui demanda la raison de cela, Parce que, dit-il, dans peu de temps les choses qui sont dessous se trouveront dessus, faisant allusion à la puissance des Macédoniens, qui, de peu de chose qu’ils avoient été, commençoient à s’élever. Quelqu’un l’ayant mené dans une maison richement ornée, & lui ayant défendu de cracher, il lui cracha sur le visage, disant qu’il ne voyait point d’endroit plus sale où il le pût faire ; d’autres pourtant attribuent cela à Aristippe. Un jour il criait : Hommes, approchez  ; & plusieurs étant venus, il les repoussa avec son bâton, en disant, J’ai appelé des hommes, & non pas des excréments. Cela est rapporté par Hécaton au premier livre de ses Chries[7]. On attribue aussi à Alexandre d’avoir dit, que s’il n’étoit point né Alexandre, il aurait voulu être Diogène. Ce Philosophe appelait pauvres, non pas les sourds & les aveugles ; mais ceux qui n’avoient point de besace. Métrocle, dans ses Chries, rapporte qu’étant entré un jour, avec les cheveux à moitié coupés, dans un festin de jeunes gens, il en fut battu ; & qu’ayant écrit leurs noms, il se promena avec cet écriteau attaché sur lui, se vengeant par là de ceux qui l’avoient battu, en les exposant à la censure publique. Il disoit qu’il étoit du nombre des chiens qui méritent des louanges, & que cependant ceux qui faisoient profession de le louer, n’aimoient point à chasser avec lui.Quelqu’un se vantait en sa présence de surmonter des hommes aux Jeux Pythiques : Tu te trompes, lui dit-il, c’est à moi de vaincre des hommes ; pour toi, tu ne surmontes que des esclaves. On lui disoit qu’étant âgé, il devait se reposer le reste de ses jours : Hé quoi, répondit-il, si je fournissais une carrière, & que je fusse arrivé près du but, ne devrais-je pas y tendre avec encore plus de force, au lieu de me reposer ? Quelqu’un l’ayant invité à un régal, il refusa d’y aller, parce que le jour précédent on ne lui en avoit point su gré. Il marchait nu-pieds sur la neige, & faisait d’autres choses semblables, que nous avons rapportées. Il essaya même de manger de la chair crue, mais il ne continua pas. Ayant trouvé un jour l’Orateur Démosthène, qui dînait dans une taverne ; & celui-ci se retirant, Diogène lui dit, Tu ne fais, en te retirant, qu’entrer dans une taverne plus grande. Des étrangers souhaitant de voir Démosthène, il leur montra son doigt du milieu tendu, en disant, Tel est celui qui gouverne le peuple d’Athènes[8]. Voulant corriger quelqu’un qui avoit laissé tomber du pain, & avoit honte de le ramasser, il lui pendit un pot de terre au cou, et dans cet équipage le promena par la Place Céramique[9]. Il disoit, qu’il faisait comme les maîtres de musique, qui changeoient leur ton pour aider les autres à prendre celui qu’il fallait. Il disoit aussi que beaucoup de gens passoient pour fous à cause de leurs doigts, parce que si quelqu’un portait le doigt du milieu tendu, on le regardait comme un insensé ; ce qui n’arrivait point, si on portait le petit doigt tendu. Il se plaignait de ce que les choses précieuses coûtoient moins que celles qui ne l’étoient pas tant, disant, qu’une statue coûtait trois mille pièces, & qu’une mesure[10] de farine ne coûtait que deux pièces de cuivre.

Il dit encore à Xéniade, lorsque celui-ci l’eut acheté, qu’il prît garde de faire ce qu’il lui ordonnerait ; & Xéniade lui ayant répondu, Il me semble que les fleuves remontent vers leur source [11], Si étant malade,répliqua Diogène, vous aviez pris un Médecin à vos gages, au lieu d’obéir à ses ordres, lui répondriez-vous que les fleuves remontent vers leur source ?Quelqu’un voulant apprendre de lui la Philosophie, il lui donna un mauvais poisson à porter, & lui dit de le suivre. Le nouveau disciple, honteux de cette première épreuve, jeta le poisson & s’en fut. Quelque temps après, Diogène le rencontra, et, se mettant à rire : Un mauvais poisson, lui dit il, a rompu notre amitié. Dioclès raconte cela autrement. Il dit que quelqu’un ayant dit à Diogène, Tu peux nous commander ce que tu veux,le Philosophe lui donna un demi-fromage à porter ; & que comme il refusait de le faire, Diogène ajouta, Un demi-fromage a rompu notre amitié. Ayant vu un enfant qui buvait de l’eau en se servant du creux de sa main, il jeta un petit vase qu’il portait pour cela dans sa besace, en disant qu’un enfant le surpassait en simplicité. Il jeta aussi sa cuiller, ayant vu un autre enfant ; qui, après avoir cassé son écuelle, ramassait des lentilles avec un morceau de pain qu’il avoit creusé.

Voici un de ses raisonnements : Toutes choses appartiennent aux Dieux. Les sages sont amis des Dieux. Les amis ont toutes choses communes ; ainsi toutes choses sont pour les sages.Zoïle de Perge rapporte, qu’ayant vu une femme qui se prosternait d’une manière déshonnête devant les Dieux, & voulant la corriger de sa superstition, il s’approcha d’elle & lui dit, Ne crains-tu point, dans cette posture indécente, que Dieu ne soit peut-être derrière toi ; car toutes ces choses sont pleines de sa présence. Il consacra à Esculape un tableau, représentant un homme qui venait frapper des gens qui se prosternoient le visage contre terre[12]. Il avoit coutume de dire, que toutes les imprécations, dont les Poètes font usage dans leurs tragédies, étoient tombées sur lui, puisqu’il n’avoit ni ville, ni maison, & qu’il étoit hors de sa patrie, pauvre, vagabond, & vivant au jour la journée, ajoutant qu’il opposait à la fortune le courage, aux lois la nature, la raison aux passions.Pendant que dans un lieu d’exercice nommé Cranion[13], il se chauffait au soleil, Alexandre s’approcha, & lui dit qu’il pouvait lui demander ce qu’il souhaitait. Je souhaite, répondit-il, que tu ne me fasses point d’ombre ici. Il avoit été présent à une longue lecture, & celui qui lisait, approchant de la fin du livre, montrait aux assistants qu’il n’y avoit plus rien d’écrit. Courage, amis, dit Diogène, je vois terre. Quelqu’un, qui lui faisait des syllogismes, les ayant conclus par lui dire qu’il avoit des cornes, il se toucha le front & répondit, C’est pourtant de quoi je ne m’aperçois point. Un autre voulant lui prouver qu’il n’y avoit point de mouvement, il se contenta pour toute réponse de se lever & de se mettre à marcher. Quelqu’un discourait beaucoup des phénomènes célestes ; En combien de jours, lui dit-il, es-tu venu du Ciel ? Un Eunuque, de mauvaises mœurs, ayant écrit sur sa maison, "Que rien de mauvais n’entre ici" : Et comment donc, dit Diogène, le maître du logis pourra-t-il y entrer ? S’étant oint les pieds, au lieu de la tête, il en donna pour raison que lorsqu’on s’oignait la tête, l’odeur se perdait en l’air ; au lieu que des pieds elle montait à l’odorat. Les Athéniens vouloient qu’il se fît initier à quelques mystères, & lui disoient, pour l’y engager, que les Initiés présidoient sur les autres aux Enfers. Ne serait-il pas ridicule,répondit-il, qu’Agésilas & Épaminondas croupissent dans la boue, & que quelques gens du commun fussent placés dans les îles des bienheureux, parce qu’ils auroient été initiés ? Il vit des souris grimper sur sa table : Voyez, dit-il, Diogène nourrit aussi des parasites. Platon lui ayant donné le titre de sa secte, qui étoit celui de Chien, il lui dit : Tu as raison ; car je suis retourné auprès de ceux qui m’ont vendu [14]. Comme il sortait du bain, quelqu’un lui demanda s’il y avoit beaucoup d’hommes qui se lavoient ; il dit que non. "Y a-t-il donc beaucoup de gens reprit l’autre ? " Oui. dit Diogène. Il avoit entendu approuver la définition que Platon donnait de l’homme, qu’il appelait un Animal à deux pieds, sans plumes. Cela lui fit naître la pensée de prendre un Coq, auquel il ôta les plumes, & qu’il porta ensuite dans l’école de Platon, en disant : Voilà l’homme de Platon ; ce qui fit ajouter à la définition de ce Philosophe, que l’homme est un Animal à grands ongles. On lui demandait quelle heure convient le mieux pour dîner. Quand on est riche, dit-il, on dîne lorsqu’on veut, & quand on est pauvre, lorsqu’on le peut. Il vit les brebis des Mégariens qui étoient couvertes de peaux[15], pendant que leurs enfants alloient nus ; il en prit occasion de dire qu’il valait mieux être le bouc des Mégariens que leur enfant. Quelqu’un l’ayant heurté avec une poutre, en lui disant ensuite de prendre garde : Est-ce, répondit-il, que tu veux me frapper encore ? Il appelait ceux qui gouvernent le peuple des Ministres de la populace, & nommait les couronnes des ampoules de la gloire. Une fois il alluma une chandelle en plein jour, disant qu’il cherchait un homme. Il se tenait quelquefois dans un endroit d’où il faisait découler de l’eau sur son corps ; & comme les assistants en avoient pitié, Platon, qui étoit présent, leur dit : Si vous avez pitié de lui, vous n’avez qu’à vous retirer, voulant dire que ce qu’il en faisait étoit par vaine gloire. Quelqu’un lui ayant donné un coup de poing : En vérité, dit-il, je pense à une chose bien importante que je ne savais pas ; c’est que j’ai besoin de marcher avec un casque. Un nommé Midias lui ayant donné des coups de poing, en lui disant qu’il y avoit trois mille pièces toutes comptées pour sa récompense, Diogène prit le lendemain des courroies, comme celles des combattants du Ceste, & lui dit, en le frappant : Il y a trois mille pièces comptées pour toi.Lysias, Apothicaire, lui demanda s’il croyait qu’il y eût des Dieux ? Comment, dit-il, ne croirais-je pas qu’il y en a, puisque je crois que tu es l’ennemi des Dieux ?Quelques uns attribuent pourtant ce mot à Théodore. Ayant vu quelqu’un qui recevait une aspersion religieuse, il lui dit : Pauvre malheureux ! ne vois-tu pas que comme les aspersions ne peuvent pas réparer les fautes que tu fais contre la Grammaire, elles ne répareront pas plus celles que tu commets dans la vie ? Il reprenait les hommes, par rapport à la prière, de ce qu’ils demandoient des choses qui leur paraissoient être des biens, au lieu de demander celles qui sont des biens réels. Il disoit de ceux qui s’effroient des songes, qu’ils ne s’embarrassent point de ce qu’ils font pendant qu’ils sont éveillés, & qu’ils donnent toute leur attention aux imaginations qui se présentent à leur esprit pendant le sommeil.Un Héraut ayant, dans les Jeux Olympiques, proclamé Dioxippée Vainqueur d’hommes, Diogène répondit, Celui dont tu parles n’a vaincu que des esclaves ; c’est à moi de vaincre des hommes.

Les Athéniens aimoient beaucoup Diogène. On conte qu’un garçon ayant brisé son tonneau, ils le firent punir, & donnèrent un autre tonneau au Philosophe. Denys le Stoïcien rapporte qu’ayant été pris après la bataille de Chéronée & conduit auprès de Philippe, ce prince lui demanda qui il étoit, & qu’il répondit, Je suis l’espion de ta cupidité ; ce qui émut tellement Philippe, qu’il le laissa aller. Un jour Alexandre chargea un nommé Athlias de porter à Athènes une lettre pour Antipater. Diogène, qui étoit présent, dit qu’on pouvait dire de cette lettre, qu’Athlias l’envoyait d’Athlias par Athlias à Athlias[16]Perdicéas l’ayant menacé de le faire mourir s’il ne se rendait auprès de lui, il répondit qu’il ne ferait rien de fort grand par là, puisqu’un escarbot, & l’herbe Phalange, pouvoient faire la même chose. Bien au contraire il renvoya pour menace à Perdicéas, qu’il vivrait plus heureux s’il vivait sans voir Diogène. Il s’écriait souvent que les Dieux avoient mis les hommes en état de mener une vie heureuse ; mais que le moyen de vivre ainsi n’étoit pas connu de ceux qui aiment les tartes, les onguents & autres choses semblables. Il dit à un homme qui se faisait chausser par son Domestique, qu’il ne serait heureux que lorsqu’il se ferait aussi moucher par un autre ; ce qui arriverait, s’il perdait l’usage des mains. Il vit un jour les Magistrats, qui présidoient aux choses saintes[17] accuser un homme d’avoir volé une fiole dans le Trésor ; sur quoi il dit, que les grands voleurs accusoient les petits. Voyant aussi un garçon qui jettoit des pierres contre une potence, Courage, lui dit-il, tu atteindras au but. De jeunes-jeunes qui étoient autour de lui, lui dirent, qu’ils auroient bien soin qu’il ne les mordît pas. Tranquilisez-vous, mes enfans, leur dit-il, les Chiens ne mangent point de betteraves[18]. Il dit aussi à un homme qui se croyoit relevé par la peau d’un lion dont il étoit couvert, Cesses de déshonorer les enseignes de la vertu. Quelqu’un trouvoit que Callisthène étoit fort heureux d’être si magnifiquement traité par Alexandre : Au contraire, dit-il, je le trouve bien malheureux de ne pouvoir dîner & souper que quand il plait à Alexandre. Lorsqu’il avoit besoin d’argent, il disoit qu’il en demandoit à ses amis, plutôt comme une restitution que comme un présent. Un jour qu’étant au Marché, il faisoit des gestes indécens, il dit qu’il seroit à souhaiter qu’on pût ainsi appaiser la faim. Une autre fois il vit un jeune garçon qui alloit souper avec de grands Seigneurs : il le tira de leur compagnie, & le reconduisit chez ses parens, en leur recommandant de prendre garde à lui. Un autre jeune homme, qui étoit fort paré, lui ayant fait quelque question, il dit : qu’il ne lui répondroit pas qu’il ne lui

lui eût fait connaître s’il étoit homme, ou femme. Il vit aussi un jeune homme dans le bain, qui versait du vin d’une fiole dans une coupe, dont l’écoulement rendait un son[19]. Mieux tu réussis, lui dit-il, moins tu fais bien. Étant à un souper, on lui jeta des os comme à un chien : il vengea cette injure, en s’approchant de plus près de ceux qui la lui avoient faite, et en salissant leurs habits. Il appelait les Orateurs et tous ceux qui mettoient de la gloire à bien dire, des gens trois fois hommes ; en prenant cette expression dans le sens de trois fois malheureux. Il disoit qu’un riche ignorant ressemble à une brebis, couverte d’une toison d’or. Ayant remarqué sur la maison d’un gourmand qu’elle étoit à vendre : Je savais bien, dit-il, qu’étant si pleine de crapule, tu ne manquerais pas de vomir ton maître. Un jeune homme se plaignait qu’il étoit obsédé par trop de monde ; Et, toi, lui dit-il, cesses de donner des marques de tes mauvaises inclinations. Étant un jour entré dans un bain fort sale, Où se lavent, dit-il, ceux qui se sont lavés ici ? Tout le monde méprisait un homme qui jouait grossièrement du luth, lui seul lui donnait des louanges ; & comme on lui en demandait la raison, il répondit que c’étoit parce que quoiqu’il jouât mal de cet instrument, il aimait mieux gagner sa vie de la sorte que se mettre à voler. Il saluait un joueur de luth, que tout le monde abandonnait, en lui disant, Bonjour, Coq ; & cet homme lui ayant demandé pourquoi il l’appelait de ce nom, il lui dit que c’étoit à cause qu’il éveillait tout le monde par sa mélodie. Ayant remarqué un jeune garçon qu’on faisait voir, il remplit son giron de lupins[20], & se plaça vis-à-vis de lui : sur quoi le monde qui étoit là, ayant tourné la vue sur Diogène, il dit qu’il s’étonnait de ce qu’on quittait l’autre objet pour le regarder. Un homme fort superstitieux le menaçait de lui casser la tête d’un seul coup. Et moi, lui dit-il, je te ferai trembler en éternuant de ton côté gauche. Hégésias lui ayant demandé l’usage de quelqu’un de ses écrits, il lui dit : Si tu voulais des figues, Hégésias, tu n’en prendrais pas de peintes ; tu en cueillerais de véritables. Il y a donc de la folie en ce que tu fais de négliger la véritable manière de t’exercer l’esprit pour chercher la science dans les livres. Quelqu’un lui reprochait qu’il étoit banni de son pays : Misérable ! dit-il, c’est là ce qui m’a rendu Philosophe. Un autre lui disant pareillement, « Ceux de Sinope t’ont chassé de leur pays », il répondit, Et moi je les ai condamnés à y rester. Il vit un jour un homme qui avoit été vainqueur aux Jeux Olympiques, menant paître des brebis, & lui dit : Brave homme, vous êtes bientôt passé d’Olympe à Némée[21]. On lui demandait ce qui rendait les Athlètes si insensibles : il répondit, C’est qu’ils sont composés de chair de bœuf & de pourceau. Une autre fois il exigeait qu’on lui érigeât une statue ; & comme on voulait savoir le sujet d’une pareille demande, il dit, Je m’accoutume par là à ne point obtenir ce que je souhaite. La pauvreté l’ayant obligé d’abord à demander de l’assistance, il dit à quelqu’un qu’il priait de subvenir à ses besoins : Si tu as donné à d’autres, donne-moi aussi ; & si tu n’as encore donné à personne, commence par moi. Un Tyran lui demanda quel airain étoit le meilleur pour faire des statues : Celui, dit-il, dont on a fait les statues d’Harmodius & d’Aristogiton [22]. Étant interrogé de quelle manière Denys se servait de ses amis, Comme on se sert des bourses,dit-il ; on les suspend quand elles sont pleines, & on les jette quand elles sont vides. Un nouveau marié avoit écrit sur sa maison : Hercule, ce glorieux vainqueur, fils de Jupiter, habite ici ; que rien de mauvais n’y entre.Diogène y mit cette autre inscription : Troupes auxiliaires après la guerre finie. Il appelait appelait l’amour de l’argent la Métropole de tous les maux. Un dissipateur mangeait des olives dans une taverne, Diogène lui dit, Si tu avais toujours dîné ainsi, tu ne souperais pas de même. Il appelait les hommes vertueux les Images des Dieux ; & l’amour, l’Occupation de ceux qui n’ont rien à faire. On lui demandait quelle étoit la condition la plus misérable de la vie : il répondit que c’étoit celle d’être vieux & pauvre. Un autre lui demanda quelle étoit celle de toutes les bêtes qui mordait le plus dangereusement : C’est, dit- il, le calomniateur parmi les bêtes sauvages, & le flatteur parmi les animaux domestiques. Une autre fois voyant deux Centaures qui étoient fort mal représentés, Lequel, dit-il, est le plus mauvais ? Il disoit qu'un discours, fait pour plaire, étoit un filet enduit de miel ; & que le ventre est, comme le gouffre de Charybde, l’abîme des biens de la vie. Ayant appris qu’un nommé Didyme avoit été pris en adultère, Il est digne, dit-il, d’être pendu de la manière la plus honteuse. " Pourquoi, lui dit-on, l’or est-il si pâle ? " C’est, répondit-il, parce que beaucoup de gens cherchent à s’en emparer. Sur ce qu’il vit une femme qui étoit portée dans une litière, il dit qu’il faudroit une autre cage pour un animal si farouche. Une autre fois il vit un esclave fugitif qui étoit sur un puits, & lui dit, Jeune homme, prends garde de tomber. Voyant dans un bain un jeune garçon qui avoit dérobé des habits, il lui demanda s’il étoit là pour prendre des onguents, ou d’autres vêtements ? Sur ce qu’il vit des femmes qui avoient été pendues à des oliviers, Quel bonheur ! s’écria-t-il, si tous les arbres portoient des fruits de cette espèce. Il vit aussi un homme qui dérobait des habits dans les sépulcres, & lui dit, Ami, que cherches-tu ici ? Viens-tu dépouiller quelqu’un des morts ?[23] On lui demandait s’il n’avoit ni valet, ni servante. Non, dit-il. “Qui est celui, reprit-on, qui vous enterrera lorsque vous serez mort ? ” Celui, répliqua-t-il, qui aura besoin de ma maison. Voyant un jeune homme, fort beau, qui dormait inconsidérément, il le poussa & lui dit : Réveille-toi, de peur que quelqu’un ne te lance un trait inattendu[24]. Sur ce qu’un autre faisait de grands festins, il lui dit : Mon fils, tes jours ne seront pas de longue durée ; tu fréquentes les marchés[25]. Platon, en discourant sur les Idées, ayant parlé de la qualité de Table & de Tasse considérée abstraitement, Diogène lui dit : Je vois bien ce que c’est qu’une Table & une Tasse ; mais pour la qualité de Table & de Tasse[26], je ne la vois point. À quoi Platon répondit, Tu parles fort bien. En effet, tu as des yeux, qui sont ce qu’il faut pour voir une table & une tasse ; mais tu n’as point ce qu’il faut pour voir la qualité de table & de tasse ; savoir, l’entendement. On lui demanda ce qu’il lui semblait de Socrate ; il répondit que c’étoit un fou. Quand il croyait qu’il fallait se marier : Les jeunes gens, pas encore, dit-il ; et les vieillards, jamais. Ce qu’il voulait avoir pour recevoir un soufflet : Un casque, répliqua-t-il. Voyant un jeune homme qui s’ajustait beaucoup, il lui dit : Si tu fais cela pour les hommes, c’est une chose inutile ; & si tu le fais pour les femmes, c’est une chose mauvaise. Une autre fois il vit un jeune garçon qui rougissait : Voilà de bonnes dispositions, lui dit-il ; c’est la couleur de la vertu. Il entendit un jour deux avocats, & les condamna tous deux, disant que l’un avoit dérobé ce dont il s’agissait, & que l’autre ne l’avoit point perdu.Quel vin aimes-tu mieux boire ? lui dit quelqu’un : Celui des autres, reprit-il. On lui rapporta que beaucoup de gens se moquoient de lui ; il répondit : Je ne m’en tiens point pour moqué.Quelqu’un se plaignait des malheurs qu’on rencontre dans la vie ; à quoi il répondit que le malheur n’étoit point de vivre, mais de mal vivre. On lui conseillait de chercher son esclave qui l’avoit quitté : Ce serait bien, dit-il, une chose ridicule, que mon esclave Manès pût vivre sans Diogène, et que Diogène ne pût vivre sans Manès. Pendant qu’il dînait avec des olives, quelqu’un apporta une tarte ; ce qui lui fit jeter les olives, en disant : Hôte, cédez la place aux Tyrans[27] & cita en même temps ces autres paroles : Il jeta l’olive[28]. On lui demanda de quelle race de chiens il étoit : Quand j’ai faim, dit-il, je suis Chien de Malte[29] ; et quand je suis rassasié, je suis Chien Molosse. Et de même qu’il y a des gens qui donnent beaucoup de louanges à certains chiens,quoiqu’ils n’osent pas chasser avec eux, craignant la fatigue ; de même aussi vous ne pouvez pas vous associer à la vie que je mène, parce que vous craignez la douleur. Quelqu’un lui demanda s’il étoit permis aux sages de manger des tartes : Aussi bien qu’aux autres hommes, dit-il. Pourquoi, lui dit un autre, donne-t-on communément aux mendiants, & point aux Philosophes ? Parce que, répondit-il, on croit qu’on pourra devenir plutôt aveugle & boiteux que Philosophe.Il demandait quelque chose à un avare, & celui-là tardant à lui donner, il lui dit : Pensez, je vous prie, que ce que je vous demande est pour ma nourriture, & non pas pour mon enterrement. Quelqu’un lui reprochant qu’il avoit fait de la fausse monnaie, il lui répondit : Il est vrai qu’il fut un temps où j’étais ce que tu es à présent ; mais ce que je suis maintenant, tu ne le seras jamais.Un autre lui reprochait aussi cette faute passée : Ci-devant, reprit-il, étant enfant, je salissais aussi mon lit, je ne le fais plus à présent. Étant à Minde, il remarqua que les portes de la ville étoient fort grandes, quoique la ville elle-même fût fort petite, & se mit à dire : Citoyens de Minde, fermez vos portes, de peur que votre ville n’en sorte. Un homme avoit été attrapé volant de la pourpre ; Diogène lui appliqua ces paroles : Une fin éclatante & un sort tragique l’ont surpris [30]Craterus le priait de se rendre auprès de lui : J’aime mieux, dit-il, manger du sel à Athènes que de me trouver aux magnifiques festins de Craterus. Il y avoit un Orateur, nommé Anaximène, qui étoit extrêmement gros. Diogène, en l’accostant, lui dit : Tu devrais bien faire part de ton ventre à nous autres pauvres gens ; tu serais soulagé d’autant, & nous nous en trouverions mieux.Un jour que ce Rhéteur traitait quelque question, Diogène, tirant un morceau de salé, s’attira l’attention de ses auditeurs, & dit, sur ce qu’Anaximène s’en fâcha, Une obole de salé a fini la dispute d’Anaximène. Comme on lui reprochait qu’il mangeait en plein Marché, il répondit que c’étoit sur le Marché que la faim l’avoit pris. Quelques uns lui attribuent aussi la repartie suivante à Platon. Celui-ci l’ayant vu éplucher des herbes, il s’approcha, & lui dit tout bas : "Si tu avais fait ta cour à Denys, tu ne serais pas réduit à éplucher des herbes". Et toi, lui repartit Diogène, si tu avais épluché des herbes, tu n’aurais pas fait ta cour à Denys. Quelqu’un lui disant, "La plupart des gens se moquent de vous", il répondit : Peut-être que les ânes se moquent aussi d’eux ; mais comme ils ne se soucient pas des ânes, je ne m’embarrasse pas non plus d’eux.Voyant un jeune garçon qui s’appliquait à la Philosophie, il lui dit : Courage ! fais qu’au lieu de plaire par ta jeunesse, tu plaises par les qualités de l’âme. Quelqu’un s’étonnait du grand nombre de dons sacrés qui étoient dans l’Antre[31] de Samothrace : Il y en aurait bien davantage, lui dit-il, s’il y en avoit de tous ceux qui ont succombé sous les périls. D’autres attribuent ce mot à Diagoras de Mélos. Un jeune garçon allait à un festin ; Diogène lui dit : Tu en reviendras moins sage. Le lendemain, le jeune garçon l’ayant rencontré, lui dit : "Me voilà de retour du festin, & je n’en suis pas devenu plus mauvais." mauvais. Je l’avoue, répondit Diogène, tu n’es pas plus mauvais, mais plus relâché. Il demandait quelque chose à un homme fort difficile, qui lui dit : „Si vous venez à bout de me le persuader”. Si je pouvais vous persuader quelque chose, répondit Diogène, ce serait d’aller vous étrangler. Revenant un jour de Lacédémone à Athènes, il rencontra quelqu’un qui lui demanda d’où il venait & où il allait : De l’appartement des hommes à celui des femmes[32], répondit-il. Une autre fois, qu’il revenait des Jeux Olympiques, on lui demanda s’il y avoit beaucoup de monde ; Oui, dit-il, beaucoup de monde ; mais peu d’hommes. Il disoit que les gens perdus de mœurs ressemblent aux figues qui croissent dans les précipices, & que les hommes ne mangent point ; mais qui servent aux corbeaux & aux vautours. Phryné ayant offert à Delphes une Vénus d’or, il l’appela la preuve de l’Intempérance des Grecs. Alexandre s’étant un jour présenté devant lui, & lui ayant dit, „Je suis le grand monarque Alexandre”. Et moi, répondit il, je suis Diogène le Chien. Quelqu’un lui demanda ce qu’il avoit fait pour être appelé Chien ; à quoi il répondit : C’est que je caresse ceux qui me donnent quelque chose, que j’aboie après d’autres qui ne me donnent rien, et que je mords les méchants. Un homme, préposé à garder des figues, lui en ayant vu cueillir une, lui dit : „Il n’y a pas longtemps qu’un homme se pendit à cet arbre”. Eh bien, répondit-il, je le purifierai. Un autre, qui avoit vaincu aux Jeux Olympiques, fixait ses regards sur une Courtisane : Voyez, dit Diogène, ce Bélier de Mars, qu’une jeune fille tire par le cou.Il disoit que les belles Courtisanes ressemblent à de l’eau miellée, mêlée de poison. Dînant un jour à la vue de tout le monde, ceux qui étoient autour de lui, l’appelèrent Chien : Vous l’êtes vous-mêmes, dit-il, puisque vous vous rassemblez autour de moi pour me voir manger. Deux personnes d’un caractère efféminé l’évitoient avec soin. Ne craignez pas, leur dit-il ; le Chien ne mange point de betteraves. On lui demandait d’où étoit un jeune homme qui s’étoit laissé débaucher. De Tégée[33], dit-il. Ayant vu un mauvais lutteur qui exerçait la profession de Médecin, il lui demanda par quel hasard il abattait à présent ceux qui savoient le vaincre autrefois.Le fils d’une Courtisane jetait une pierre parmi du monde assemblé ; Prends garde, dit-il, que tu n’atteignes ton père. Un jeune garçon lui montrant une épée qu’il avoit reçue d’une manière peu honnête, il lui dit : L’épée est belle, mais la poignée ne l’est pas. Il entendit louer quelqu’un de qui il avoit reçu un présent : Et moi, dit-il, ne me louez-vous pas de ce que j’ai été digne de le recevoir ? Quelqu’un lui redemandant son manteau, il lui fit cette réponse : Si vous me l’avez donné, il est à moi ; si vous me l’avez prêté pour m’en servir, j’en fais usage. Il répondit à un autre, qui avoit été aposté pour lui dire qu’il y avoit de l’or caché dans son habit, Je le sais bien ; c’est pour cela que je couche dessus quand je dors « Quel gain, lui demanda-t-on, vous rapporte la Philosophie ? » Quand il n’y en auroit pas d’autre, répondit-il, elle fait que je suis préparé à tout événement. Un autre lui demanda d’où il étoit. Je suis, dit-il, Citoyen du Monde. Voyant quelqu’un qui offroit des sacrifices pour avoir un fils, il le blâma de ce qu’il n’en offroit point par rapport au caractere dont seroit ce fils. On lui demandoit sa quote-part de la collecte qu’on faisoit pour les pauvres, il répondit par ce vers : Dépouillez les autres, mais abstenez-vous de toucher Hector[34]. Il appeloit les Courtisannes les Reines des Rois, parce qu’elles demandent tout ce qui leur plaît. Les Athéniens ayant décerné à Alexandre les honneurs de Bacchus, il leur dit : Je vous prie, faites aussi que je sois Sérapis. On le blâmait de ce qu’il entrait dans des endroits sales ; Et le Soleil, dit-il, entre bien dans les latrines, sans en être sali. Un jour qu’il prenait son repas dans un Temple, il y vit apporter des pains mal-propres ; il les prit & les jeta au loin, en disant, qu’il ne devait entrer rien d’impur dans les lieux saints. Quelqu’un l’interrogea pourquoi, tandis qu’il ne savoit rien il professait la Philosophie. Il répondit : Quand je ne ferais que contrefaire la sagesse, en cela même je serais Philosophe. Un autre lui présenta son enfant, dont il lui vantait le génie & la tempérance ; Si cela est, lui dit-il, en quoi a-t-il donc besoin de moi ? Il disoit que ceux, qui parlent des choses honnêtes & ne les pratiquent pas, ressemblent à un instrument de Musique[35], qui n’a ni ouïe, sentiment. Il entrait au Théâtre, en tournant le dos à ceux qui en sortoient ; & comme on lui en demandait la raison, il répondit ; que c’étoit ce qu’il avoit toujours tâché de faire toute sa vie. [36] Il reprit un homme qui affectait des airs efféminés. N’êtes-vous pas honteux, lui dit-il, de vous rendre pire que la Nature ne vous a fait ? Vous êtes homme, & vous vous efforcez de vous rendre femme. Une autre fois il vit un homme, déréglé dans ses mœurs, qui accordait une harpe[37]. N’avez-vous pas honte, lui reprocha-t-il, de savoir accorder les sons d’un morceau de bois, & de ne pouvoir accorder votre âme avec les devoirs de la vie ? Quelqu’un lui disoit,,, Je ne suis pas propre à la Philosophie''. Pourquoi donc, lui répliqua-t-il, vivez-vous, puisque vous ne vous embarrassez pas de vivre bien ? Il entendit un homme parler mal de son père, & lui dit : Ne rougissez-vous pas d’accuser de manque d’esprit celui par qui vous en avez ? Voyant un jeune homme d’un extérieur honnête, qui tenait des discours indécents : Quelle vergogne ! lui dit-il, de tirer une épée de plomb d’une gaine d’ivoire ? On le blâmait de ce qu’il buvait dans un cabaret ; J’étanche ici ma soif, répondit-il, tout comme je me fais faire la barbe chez un barbier. On le blâmait aussi de ce qu’il avoit reçu un petit manteau d’Antipater ; il employa ce vers pour réponse : Il ne faut pas rejeter les précieux dons des Dieux. [38] Quelqu’un le heurta d’une poutre, en lui disant, Prends garde : il lui donna un coup de son bâton, & lui répliqua, prends garde toi-même. Témoin qu’un homme suppliait une Courtisane, il lui dit : Malheureux ! pourquoi tâches-tu de parvenir à ce dont il vaut bien mieux être privé ? Il dit aussi à un homme, qui étoit parfumé : Prenez garde que la bonne odeur de votre tête ne rende votre vie de mauvaise odeur. Il disoit encore que comme les serviteurs sont soumis à leurs maîtres, les méchants le sont à leurs convoitises. Quelqu’un lui demandait pourquoi les esclaves étoient appelés d’un nom qui signifie Pieds d’hommes, il répondit : Parce qu’ils ont des pieds comme les hommes, & une âme formée comme la tienne, puisque tu fais cette question. Il demandait une mine à un luxurieux ; & interrogé pourquoi il souhaitait de celui-là une mine, tandis qu’il ne demandait qu’une obole à d’autres, il répondit : C’est que j’espère désormais recevoir des autres, au-lieu qu’il n’y a que les Dieux qui sachent si tu me donneras jamais quelque chose de plus. On lui reprochait qu’il demandait des dons, pendant que Platon s’abstenait de pareilles demandes. Il en fait aussi, dit-il, mais c’est en approchant sa tête de l’oreille, de peur que d’autres ne le sachent. Voyant un mauvais tireur d’arc, il fut s’asseoir à l’endroit où étoit le but, alléguant que c’étoit de peur que cet homme ne l’attrapât. Il disoit que les amoureux sont la dupe de l’idée qu’ils se forment de la volupté. On lui demandait si la mort étoit un mal : Comment serait-ce un mal, répondit-il puisqu’on ne la sent pas ? Alexandre s’étant subitement présenté devant lui, lui demandait si sa présence ne lui causait point de crainte, il répondit : En quelle qualité voulez-vous que je vous craigne ? Est-ce comme bon, ou comme mauvais ? ,, Comme bon dit Alexandre''. Eh ! reprit Diogène, comment peut-on craindre ce qui est bon ? Il appelait l’instruction la prudence des jeunes gens, la consolation des vieillards, la richesse des pauvres, & l’ornement des riches L’adultère Didymon étoit occupé à guérir les yeux d’une fille. Diogène lui dit : Prenez garde qu’en guérissant les yeux de cette fille, vous ne lui blessiez la prunelle[39]. Quelqu’un lui disant que ses amis lui tendoient des pièges : Que fera-t-on, répondit-il s’il faut vivre avec ses amis comme avec ses ennemis ? Interrogé sur ce qu’il y avoit de plus beau parmi les hommes, il répondit que c’étoit la franchise. Il entra un jour dans une école, où il vit plusieurs images des Muses & peu d’écoliers. Il dit au Maître : Vous avez bien des disciples, grâces aux Dieux.

Il faisait publiquement ses fonctions naturelles, celle de manger, aussi-bien que les autres ; & il avoit coutume de s’excuser par ces sortes de raisonnements : S’il n’est pas déplacé de prendre ses repas, il ne l’est pas non plus de les prendre en plein Marché : or il n’est pas malhonnête de manger ; il ne l’est donc pas aussi de manger publiquement. [40] Il lui arrivait aussi souvent de faire des gestes indécents, & disoit pour excuse qu’il n’hésiterait point d’en faire pour apaiser la faim, s’il le pouvait. On lui attribue d’autres discours qu’il serait trop long de rapporter. Il distinguait deux sortes d’exercices, celui de l’âme & celui du corps. Concevant que l’occupation que l’exercice donne continuellement à l’imagination, facilite la pratique de la vertu, disoit que l’un de ces sortes d’exercices est imparfait sans l’autre, la bonne disposition & la force se manifestant dans la pratique de nos devoirs, telle qu’elle a lieu par rapport au corps & à l’âme. Il alléguait, pour marque de facilité que l’exercice donne pour la vertu, l’adresse qu’acquièrent les Artisans & ceux qui font des ouvrages manuels, à force de s’y appliquer. Il faisait encore remarquer la différence qu’il y a entre les Musiciens & les Athlètes, selon que l’un s’applique au travail plus que l’autre ; & disoit que si ces gens-là avoient apporté le même soin à exercer leur âme, il n’auroient pas travaillé inutilement. En un mot, il étoit dans le principe que rien de tout ce qui concerne la vie ne se fait bien sans exercice, & que par ce moyen on peut venir à bout de tout. Il concluait de là que si, renonçant aux travaux inutiles, on s’applique à ceux qui sont selon la nature, on vivra heureusement ; & qu’au contraire le manque de jugement rend malheureux. Il disoit même que si on s’accoutume à mépriser les voluptés, on trouvera ce sentiment très agréable, & que comme ceux, qui ont prit l’habitude des voluptés, s’en passent difficilement ; de même si on s’exerce à mener un vie contraire, on prendra plaisir à les mépriser. C’étoient-là les principes qu’il enseignait, & qu’il pratiquait en même temps, remplissant ainsi l’esprit du mot Change la monnaie[41], parce que par cette manière de vivre il savoit moins la coutume que la nature. Il donnait pour caractère général de sa vie, qu’elle ressemblait à celle d’Hercule en ce qu’il préférait la liberté à tout. Il disoit que les Sages ont toutes chose communes, & se servait de ces raisonnements : Toutes choses appartiennent aux Dieux. Les Sages sont amis des Dieux. Les amis ont toutes choses communes : ainsi toutes choses sont pour les Sages. Il prouvait d’une manière semblable que la Société ne peut être gouvernée sans lois. Il ne sert de rien d’être civilisé, si l’on n’est dans une ville. La Société d’une ville consiste en cela même qu’on soit civilisé. Une ville n’est rien sans lois ; la civilité est donc une loi. Il se moquait de la noblesse, de la gloire, & d’autres choses semblables, qu’il appelait des Ornements du vice, disant que les lois de Société établies par la constitution du monde, sont les seules justes. Il croyait que les femmes devoient être communes, & n’estimait point le mariage, ne soumettant l’union des deux sexes qu’à la condition du consentement réciproque ; de là vient qu’il croyait aussi que les enfants devoient être communs. Il ne regardait pas comme mauvais de recevoir des choses saintes, & de manger des animaux ; il pensait même qu’il étoit permis de manger de la chair humaine, & alléguait là-dessus les mœurs des peuples étrangers. Il ajoutait aussi qu’à la lettre toutes choses sont les unes dans les autres, & les unes pour les autres ; qu’il y a de la chair dans le pain, & du pain dans les légumes ; que par rapport aux autres corps, ils ont tous des pores insensibles, dans lesquels s’insinuent des corpuscules détachés & attirés par la respiration. C’est ce qu’il explique dans la Tragédie de Thyeste, si tant est que les tragédies, qui courent sous son nom, soient de lui, & non de Philiscus d’Ægine, un de ses amis ; ou de Pasiphon, Lucanien,que Phavorin, dans son Histoire diverse, dit avoir écrites après la mort de Diogène.

Il négligeait la Musique, la Géométrie, l’Astrologie & autres Sciences de ce genre, comme n’étant ni utiles, ni nécessaires. Au reste il avoit la repartie fort prompte, comme il paraît par ce que nous avons dit.

Il souffrit courageusement d’être vendu. Se trouvant sur un vaisseau qui allait à Ægine, il fut pris par des corsaires, dont Scirpalus étoit le Chef, & fut conduit en Crête, où on le vendit. Comme le Crieur demandait ce qu’il savoit faire, il répondit ; Commander à des hommes. Montrant ensuite un Corinthien, qui avoit une belle bordure à sa veste (c’étoit Xéniade dont nous avons parlé) ; Vendez-moi, dit-il, à cet homme-là, il a besoin d’un Maître. Xéniade l’acheta, & payant mené à Corinthe, il lui donna ses enfants à élever, & lui confia toutes les affaires qu’il administra si bien, que Xéniade disoit par-tout qu’un bon Génie étoit entré chez lui.

Cléomène rapporte, dans son livre de l’Éducation des Enfants, que les amis de Diogène voulurent le racheter ; mais qu’il les traita de gens simples, & leur dit que les lions ne sont point esclaves de ceux qui les nourrissent ; qu’au contraire ils en sont plutôt les maîtres, puisque la crainte est ce qui distingue les esclaves, & que les bêtes sauvages se font craindre des hommes.

Il possédait au suprême degré le talent de la persuasion ; de sorte qu’il gagnait aisément par ses discours tous ceux qu’il voulait. On dit qu’Onésicrite d’Ægine, ayant envoyé à Athènes le plus jeune de ses deux fils, nommé Androsthène, celui-ci vint entendre Diogène, & resta auprès de lui. Le père envoya ensuite l’aîné, ce même Philiscus dont nous fait mention, & qui fut pareillement retenu. Enfin étant venu lui-même après eux, il se joignit à ses fils, & s’appliqua à la Philosophie, tant Diogène savoit la rendre aimable par ses discours. Il eut aussi pour disciples Phocion, surnommé le Bon, Stilpon de Mégare, & pluaieurs autres, qui furent revêtus d’emplois politiques.

On dit qu’il mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-ans, & on parle diversement de sa mort. Les uns croient qu’il mourut d’un épanchement de bile, causé par un pied de bœuf cru qu’il avoit mangé ; d’autres disent qu’il finit sa vie en retenant son haleine. De ce nombre est Cercidas de Mégalopolis, ou de Crête, dans ses Poésies Mimiambes[42], où il parle ainsi :

Cet ancien Citoyen de Sinope, portant un bâton, une robe double, & ayant le ciel pour couverture, est mort sans aucun sentiment de douleur en se serrant les lèvres avec les dents, & en retenant son haleine. Ce qui prouve que Diogène étoit vraiment un fils de Jupiter, & un Chien céleste.

D’autres disent que voulant manger un polype[43] à des chiens, il y en eut un qui le mordit tellement au nerf du pied, qu’il en mourut. Mais, comme dit Antisthène dans ses Successions, ses amis ont conjecturé qu’il étoit mort en retenant sa respiration. Il demeurait dans un Collège, situé vis-à-vis de Corinthe, & qui s’appelait Cranium. Ses amis, étant venus le voir selon leur coutume, le trouvèrent enveloppé dans son manteau ; mais se doutant qu’il ne dormait pas, par la raison qu’il ne donnait guère de temps au sommeil, il défirent son manteau, & comme ils le trouvèrent expiré, ils crurent qu’il étoit mort volontairement par un désir de sortir de la vie. Il y eut à cette occasion une dispute entre ses amis, pour savoir à qui l’ensevelirait. Ils furent même prêts d’en venir aux mains, jusqu’à ce que leurs père & leurs supérieurs étant survenus, la dispute fut accordée, & Diogène enterré près de la porte qui à l’Isthme. On lui érigea un tombeau, sur lequel on mit un chien de pierre de Paros. Ses concitoyens lui firent même l’honneur de lui élever des statues d’airain, avec cette inscription.

Le temps consume l’airain ; mais ta gloire, ô Diogène ! dureras dans tous les âges. Tu as seul fait connaître aux mortels le bonheur dont ils peuvent jouir par eux-mêmes, & leur as montré le moyen de passer doucement la vie.

Nous avons aussi fait à sa louange l’épigramme suivante :

Diogène, dis-moi, quel accident t’amène aux Enfers ? C’est la morsure d’un chien féroce.

Il y des Auteurs qui disent qu’en mourant, il ordonna qu’on jetât son corps sans lui donner de sépulture, afin qu’il servît de pâture aux bêtes sauvages ; ou qu’on le mît dans une fosse, couvert d’un peu de poussière. D’autres disent qu’il voulut être jeté dans l’Elisson[44] pour être utile à ses frères. Demetrius, dans son livre intitulé Équivoques, dit qu’Alexandre mourut à Babylone le même jour que Diogène à Corinthe[45]. Or il étoit déjà vieux dans la CXIIIe Olympaide.

On lui attribue les ouvrages suivants : Des Dialogues, intitulés Cephalio. Ichthyas. Le Geai. Le Léopard. Le peuple d’Athènes. La République. L’art de la Morale. Des Richesses. De l’Amour. Théodore. Hypsias. Aristarque. De la Mort. Des Lettres. Sept Tragédies, qui sont : Hélene, Thyeste, Hercule, Achille, Médée, Chrysippe, Œdipe. Mais Sosicrate, dans le premier livre de la Succession, & Satyrus, dans le quatrième livre des Vies, assurent, qu’il n’y a aucun de ces ouvrages qui soit de Diogène ; & le dernier des Auteurs, que je viens de citer, donne les Tragédies à Philiscus d’Ægine, ami de Diogène. Sotion, dans son septième livre, dit que nous n’avons de Diogène que les ouvrages qui portent pour titre : De la Vertu. Du Bien. De l’Amour. Le Mendiant. Le Courageux. Le Léopard. Cassandre. Céphalie, Philiscus, Aristarque. Sisyphe. Ganymede. Il y ajoute des Chries & des Lettres.

Il y a eu cinq Diogènes. Le premier étoit d’Apollonie, & fut Physicien. Il commence ainsi son ouvrage : Je crois que la première chose que doit faire un homme qui veut traiter quelque sujet, c’est de poser un principe incontestable. Le second étoit de Sicyone ; il a écrit sur le Péloponnèse. Le troisième est le Philosophe dont nous parlons. Le quatrième fut Stoïcien ; il naquit à Séleucie, & fut appellé Babylonien à cause du voisinage des villes. Le cinquième fut de Tarse ; il a écrit sur des Questions Poétique, qu’il tâche de résoudre. Il faut encore remarquer sur ce Philosophe, qu’Athénodore, dans le huitième livre de ses Promenades, rapporte qu’il avoit toujours l’air luisant, à cause de la coutume qu’il avoit de s’oindre le corps.



  1. L’oracle qu’il reçut étoit : Change la monnaie ; expression allégorique qui signifie, Ne suis point la coutume. Ménage.
  2. C’étoit une charge à Athènes. Voyez le trésor d’Étienne au mot de l’original.
  3. Cela regarde le courage des enfants, qui se faisoient battre à l’envi devant l’autel de Diane. Ménage.
  4. Cela porte sur les jeux de combats, où l’on se donnait des coups de pied, & où l’on faisait des fosses pour les vaincus. Ménage.
  5. Ce passage est obscur dans l’original ; & les Interprêtes ne disent pas grand-chose pour l’éclaircir.
  6. Ménage croit qu’il faut corriger Ménippe.
  7. Sorte de discours roulant sur une sentence on sur quelque trait d’histoire.
  8. C’est-à-dire qu’il étoit fou, comme cela est expliqué quelques lignes plus bas.
  9. On dit qu’on appelait ainsi plusieurs endroits d’Athènes, & entre autres un endroit où on enterrait ceux qui étoient morts à la guerre. Voyez le Trésor d’Etienne.
  10. Il y a dans le grec un chenix, mesure sur laquelle on n’est pas d’accord. Voyez le Thrésor d’Estienne.
  11. C’est un proverbe qui signifie ici : // me semble que les esclaves commandent à leurs maîtres. Voyez les Proverbes d’Érasme, p. 719
  12. On dit que parmi les rites d’adoration étoit celui de se mettre le visage contre terre, en étendant tout le corps. Casaubon.
  13. Nom d’un lien d’exercice à Corinthe.
  14. C’est une raillerie qui faisait allusion à ce que Platon, après avoir été vendu par Denys, étoit retourné en Sicile.
  15. Cela se faisait, afin que la laine fût plus douce. (Note de Ménage, qui cite Varron.)
  16. Jeu de mots sur Athlios, terme grec qui signifie misérable.
  17. Les Hiéromnémones. Etienne dit qu’un appelait spécialement ainsi les députés de chaque ville au Conseil des Amphictyons.
  18. La betterave passoit pour l’emblème de la fadeur. Ménage.
  19. Espèce de jeu dont les jeunes gens tiroient un augure sur les succès de leurs inclinations. Aldobrandin et Le Thrésor d’Etienne.
  20. Légume amer, un peu plus gros qu’un pois.
  21. Jeu de mots qui signifie : Vous êtes passé des Jeux Olympiques dans les Pâturages.
  22. Libérateurs d’Athènes.
  23. Vers d’Homère. Ménage.
  24. Vers d’Homère. Ménage.
  25. Parodie d’un vers d’Homère. Ménage.
  26. Il n’y a point de terme qui réponde à celui de l’original, que le terme barbare de tableté & de tasseté, qu’a employé Fougerolles.
  27. Vers d’Euripide, qui signifie ici que le pain commun doit faire place à celui qui est plus exquis. Ménage.
  28. Parodie d’un vers d’Homère, qui renferme un jeu de mois qu’on ne saurait rendre en français. Ménage.
  29. Chien de Malte, c’est-à-dire flatteur. Chien Molosse, c’est-à-dire mordant. Ménage
  30. Vers du cinquième livre de l’Iliade..
  31. On y sacrifiait à Hécate, & on y faisait des dons en action de grâces pour les périls dont on avoit été préservé. Ménage.
  32. Voyez sur ces appartements des femmes un passage de Corn. Népos dans sa préface.
  33. Le mot grec signifie la ville de Tégée, & un mauvais lieu. Ménage.
  34. Vers d’Homere. Ménage
  35. Le mot Grec est Cistre. Selon H. Étienne, c’étoit un instrument à vingt-quatre cordes.
  36. C’est-à-dire, le contraire des autres.
  37. Selon H. Étienne, c’étoit un instrument à vingt cordes.
  38. Vers d’Homère
  39. Il y a ici un jeu de mots en ce que le même terme signifie une fille & la prunelle
  40. C’est ici le grand reproche qu’on fait aux Cyniques. Il n’y a pas moyen d’excuser leur grossièreté, qui allait jusqu’au vice : elle fait voir que toute Philosophie, purement humaine, se ressent du désordre de l’esprit humain.
  41. C’est-à dire, Ne suis pas l’esprit de la multitude. Tome II.
  42. Certaine mesure, appelée Iambique.
  43. Sorte de poisson, qui avoit huit pieds ou nageoires. Voyez le Thrésor d’Étienne.
  44. C’est le nom d’un fleuve. Pausanias, Voyage de Corinthe, chap. 12.
  45. Diogène passait l’hiver à Athènes, & l’été à Corinthe, au rapport de Dion Chrysostôme, Ménage.