Vieux manoirs, vieilles maisons/027

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Ls.-A. Proulx (p. 80-87).

LE MANOIR-PRESBYTÈRE DE BATISCAN



C ’EST le 3 mars 1639 que messire Jacques de la Ferté, aumônier ordinaire du Roi, abbé de Sainte-Madeleine-de-Châteaudun, chantre et chanoine de la Sainte-Chapelle du Palais Royal à Paris, un des associés de la Compagnie de la Nouvelle-France, concéda aux Pères Jésuites établis dans la Nouvelle-France, ce qui fut connu un peu plus tard sous le nom de seigneurie de Batiscan. Cette concession, ainsi qu’il est expliqué dans l’acte de donation reçu le même jour par les sieurs Hervé Bergeron et Jérôme Cousinet, notaires au Châtelet de Paris, était faite « pour l’amour de Dieu ».

Les Pères Jésuites prirent officiellement possession de leur concession le 10 octobre 1662. Ce jour-là, le Frère François Malherbe, procureur des missions des Trois-Rivières et du Cap-de-la-Madeleine, se transportait à Batiscan avec les témoins, Guillaume de Larue et Adrien Guillot, et prenait possession à la mode du temps, c’est-à-dire « en arrachant des herbes et en jetant des pierres ».

À l’est du village de Batiscan, entre la route nationale et le fleuve, on voit une grande maison de pierre qui a servi longtemps de manoir et de presbytère. Sa façade est du côté du fleuve car, jadis, le chemin du roi passait au sud de la maison. Tout près, s’élevait l’ancienne église de Batiscan dont il reste encore des traces dans le sol. En quelle année fut construite cette maison ? Les documents nous manquent pour l’établir mais elle date certainement du dix-septième siècle.

La spacieuse résidence est aujourd’hui la propriété de M. Albert Décary et est en parfait état de conservation. Les fenêtres avec leurs carreaux de verre de sept pouces et demi par huit pouces et demi, de même que les contrevents, sont intacts. La boiserie intérieure entièrement en pin est absolument telle qu’elle était il y a deux cents ans. L’huile et la peinture ne l’ont jamais touchée. On y trouve les pentures, les serrures, les loquets, les targettes en fer ou en cuivre qui furent posés au dix-septième siècle. Bref, l’ancien manoir et presbytère de Batiscan est peut-être la vieille maison la mieux conservée du Canada. Honneur à M. Décary et à ses anciens propriétaires[1].

Le manoir-presbytère de Batiscan
Ancienne façade, lorsque le chemin du roi passait entre la maison et le fleuve.
Le manoir-presbytère de Batiscan
Façade actuelle, sud de la route nationale
Le manoir-presbytère de Batiscan
Loquet d’une des portes intérieures.
Le manoir-presbytère de Batiscan
Détail d’une des pentures des portes intérieures.
Le manoir-presbytère de Batiscan
Une des portes intérieures de cette vieille maison.
Le manoir-presbytère de Batiscan
Détail des boiseries en bois naturel.
Le manoir-presbytère de Batiscan
Détail d’une des fenêtres avec ses vitres datant du dix-huitième siècle.
  1. Notes de M. E.-Z. Massicotte.