Visions gaspésiennes/09

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Imprimerie du Devoir (p. 35-36).


LA CHANSON DES ÉPIS


Homme des champs, mon frère, écoute dans la plaine,
Écoute la chanson suave des épis,
Voix sublime et sans fin dont la campagne est pleine.


Quand tous les bruits humains, le soir, sont assoupis,
Quand la tige s’endort au fond de la ravine
Et que les gais oiseaux au bois se sont tapis,


Écoute cette voix, c’est une voix divine,
La voix des épis d’or qui parlent d’avenir.
Et qui versent le ciel à flots sur la colline…



Écoute, quand la nuit commence à rembrunir
Les ombres des forêts, où les troupeaux vont boire,
Écoute les épis chanter pour te bénir !…


Ils disent que tu dois aimer, prier et croire,
Lutter contre le vice et contre le malheur
Comme l’épi des champs lutte dans l’ombre noire.


Que tu dois te grandir par la sainte douleur,
Laisser ton cœur ouvert aux pitiés fraternelles,
Et mourir sans orgueil, comme une simple fleur,
Pour devenir l’épi des moissons éternelles !