Voyage en Asie (Duret 1871)/Avant-propos

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Michel Lévy (p. i-iii).
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AVANT-PROPOS


J’ai cherché à écrire un Voyage qui eût une physionomie neuve. J’ai donc systématiquement évité de parler d’une foule de choses qu’ont décrites les voyageurs venus avant moi. J’ai de même passé, sans m’appesantir, sur ces points de la côte qui sont aujourd’hui d’un accès tellement facile que chaque jour nous en apporte des nouvelles. Ayant pénétré dans des parties intérieures du pays d’un accès pénible et par conséquent peu ou point visitées, c’est sur elles que j’ai étendu mon récit. Si l’on découvre des ruptures dans le fil de mon itinéraire, on voudra donc bien penser qu’elles sont intentionnelles.


Je préviens aussi le lecteur qui s’attendrait à trouver ici des aventures romanesques et des récits merveilleux, qu’il sera détrompé. Le merveilleux est, comme la poésie, une création que les conteurs et les poëtes tirent de leur propre fonds et dont ils colorent la trame des choses réelles. Je crois qu’aucun de ceux qui ont voyagé ne me contredira ; le merveilleux et les choses extraordinaires que, sur la loi des voyageurs à imagination, on s’attend à trouver sur la route, à mesure qu’on touche les lieux, s’évanouit. Je n’ai donc point introduit l’imagination dans mes récits, je les ai écrits dans la donnée purement réaliste ; ce que j’ai décrit, j’ose dire que, si on passe après moi, on le trouvera.


Je m’aperçois cependant qu’à continuer sur ce ton j’en arriverais à vanter moi-même mon livre, et, sans plus de préface, je laisse le lecteur débarquer en Asie.