Voyage pittoresque dans le Brésil/Fascicule VII

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VOYAGE PITTORESQUE

DANS LE BRÉSIL.

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PORTRAITS ET COSTUMES.


Les diverses races d’hommes que l’on remarque dans les États du Nouveau-Monde, et l’immense variété qui les caractérise, offrent à l’observateur, à l’homme d’État, au citoyen, l’aspect le plus intéressant que les sociétés humaines puissent présenter.

On dirait que la civilisation a voulu égaler ou même surpasser les richesses dont la nature a fait briller le règne animal et le règne végétal. Sous ce rapport le Brésil l’emporte sur toutes les autres contrées de l’Amérique, et notamment sur les colonies espagnoles. L’importation des noirs d’Afrique y est bien plus considérable, et les races indigènes y sont bien plus nombreuses : d’ailleurs les colonies portugaises de l’Asie y apportent un mélange de sang malais, chinois, et de celui des peuples de l’Indostan. Voici à peu près dans quelle proportion les diverses races du Brésil sont réparties les unes envers les autres :

La population est de 4,000,000 d’individus.
Blancs 843,000 ;
Hommes de couleur 628,000[1] ;
Noirs 1,987,500 ;
Indiens 300,000.

Dans cette livraison et dans quelques-unes des suivantes on tâchera de faire connaître les différentes parties de la population, tant sous le rapport de leurs formes extérieures, que pour ce qui concerne leurs mœurs, leurs usages, leurs occupations. Il est juste d’accorder la première place de ce tableau à l’habitant primitif, quoiqu’il ait été repoussé sur les degrés inférieurs de la société. Qu’il nous soit permis d’abord de nous livrer à quelques observations générales sur l’origine, les migrations et l’histoire des indigènes, sur l’état antérieur et sur l’état actuel de leur civilisation, enfin, sur leurs relations avec les Européens. Il nous est entièrement interdit d’approfondir ce sujet : nous ne donnerons donc que de courtes indications sur les principaux points de la question. Les matériaux nous manquent pour résoudre les doutes ; et peut-être le temps n’est plus, où la solution de ces problèmes eût été possible. Il ne reste pour connaître la plupart des peuples d’Amérique que les débris de ces peuples eux-mêmes ; ce qui prouve en même temps que la perte de leur généalogie n’est pas grande, et que, pour retrouver leurs origines, l’histoire naturelle a plus à faire que l’histoire. Il n’y a de guides ici que les langues et les traditions, et l’on sent, au premier abord, combien ces sources sont insuffisantes. Parmi les premiers colons il y en eut peu qui s’inquiétassent de savoir quelque chose sur les habitans primitifs, et nul, sans doute, n’aurait eu pour entreprendre un pareil travail les connaissances nécessaires et l’esprit méthodique qu’exige un plan suivi. Depuis, et dans les derniers temps, le Brésil a été visité, il est vrai, par des voyageurs instruits et avides de science ; mais l’objet de leurs recherches s’était presque entièrement évanoui, les tribus indigènes étaient ou détruites ou dispersées : on ne pouvait plus que raisonner d’après des analogies de mœurs, d’usages et de langues. Enfin, ces langues, qui peut-être présenteraient le plus de ressources, sont précisément ce que nous connaissons le moins : il est même impossible d’asseoir sur les notions que nous en avons, des idées générales qui approchent d’aucune espèce de certitude. Ce sont des choses qu’il faut abandonner à des découvertes futures : elles détermineront, peut-être, quelle est la nature des langues de l’Amérique et quels sont les rapports qui existent entre elles.

Sans exprimer nos doutes et nos objections, nous répéterons l’assertion qui donne à l’Amérique cinq cents langues, toutes différentes les unes des autres ; chose d’autant plus bizarre, qu’elle ne s’accorde nullement avec ce que nous savons des variétés de l’espèce humaine dans l’Amérique méridionale. On n’y trouve en effet que trois races qui soient distinguées par des caractères extérieurs : ce sont, au nord, les Caraïbes ; puis, au sud, quelques tribus du Chili (par exemple, les Araucanes) ; et, enfin, les nombreuses tribus qui ont des rapports de ressemblance avec la race mongole de l’ancien continent. La plus grande partie de la population primitive de l’Amérique méridionale, et notamment celle du Brésil, appartient à cette dernière espèce ; et cependant des cinq cents langues, dont il est question, la moitié au moins revient à l’Amérique méridionale, et peut-être en est-il jusqu’à cinquante que l’on parle au Brésil. Il existe dans l’ancien monde une disproportion d’un genre opposé entre les langues et les races de peuples, par exemple, en ce qui concerne les langues de famille indo-germanique, qui appartiennent aux peuplades germaniques et aux Hindous, quoique ces deux nations fassent partie de races d’hommes différentes.

Il y a dans les rapports entre les familles de langues et les familles de peuples des choses qui font croire à une action réciproque et continuelle, née de l’union des diverses races, de la fusion de ces langues et des progrès de la civilisation ; et, pour en citer un exemple, nous dirons qu’il serait peut-être difficile de décider si la civilisation plus avancée des Guaranis et des Tupis a été la cause de l’usage plus général de la lingoa geral, ou si elle n’en a été que la conséquence. Si, de l’état où nous voyons les sauvages du Brésil et leurs langues, nous faisons quelques pas rétrogrades, il nous sera facile d’en revenir, au moyen de cette supposition, à l’époque où les sons qu’on essayait pour désigner les objets extérieurs, étaient encore plus informes et plus rares. Dispersés par le besoin de se nourrir, les enfans de plusieurs couples, ou même d’un seul couple, ont pu oublier les premiers germes d’une langue que cependant ils avaient apprise en commun. Éloignés les uns des autres, ils ont dû modifier cette langue ou même en créer de nouvelles ; enfin, après plusieurs générations, des races issues de la même souche, et en ligne directe, venant à se rencontrer de nouveau, durent avoir des langues toutes différentes. Une autre fusion s’opéra quand la civilisation eut élevé ces petites agrégations à de grandes sociétés. C’est là, sans doute, ce qui sera arrivé pour les Guaranis, pour les Tupis, et encore bien plus pour les habitans du Pérou et de la haute plaine de l’Amérique méridionale. Mais revenons à notre sujet.

Les anciens auteurs divisent les habitans du Brésil en Tupis et en Tapuyas ; et cette division est fondée en partie sur la langue, en partie sur l’organisation physique, en partie enfin sur des traditions et sur des faits historiques. Les langues des Tupis ont une certaine analogie entre elles et de plus avec celle des Guaranis, voisins du Paraguay : elles sont issues de celle que les Portugais appellent lingoa geral, parce qu’elle est commune à beaucoup de peuplades répandues dans le sud de l’Amérique. Au contraire, les langues des Tapuyas n’ont, les unes avec les autres, que fort peu d’analogie, et n’en ont point du tout avec la lingoa geral. Les différences d’organisation physique sont moins sensibles. Les Tupis et les Tapuyas ont des caractères communs très-prononcés : ils ont la couleur de la race mongole d’Asie, et leur crâne est conformé de même. Ce qui les distingue surtout, c’est que les Tapuyas ont des membres plus robustes, une taille plus élevée, et en quelque sorte une tournure plus humaine. Néanmoins ces caractères ne sont pas si tranchans qu’on en puisse conclure qu’il y a une différence de souche, et encore bien moins une différence de race : peut-être même l’histoire de ces peuples les expliquerait-elle suffisamment. Ce serait, à ce qu’il paraît, une erreur, si, cédant à la propension de tout généraliser, on voulait comparer les rapports des Tapuyas et des Tupis à ceux que l’on observe entre les Caraïbes, les Galibis et d’autres peuplades du Pérou, ou bien à ceux qui existent entre les peuplades d’Araucanes du Chili et les Guaranis. Ce serait une erreur encore si l’on voulait en conclure une affinité des uns aux autres. Il y a lieu de croire, au contraire, que les Araucanes et les Caraïbes sont deux peuples de souche entièrement différente : ils ne paraissent avoir ni entre eux ni avec les autres habitans primitifs de l’Amérique d’autre analogie, du moins en ce qui concerne la forme extérieure, si ce n’est la conformation commune à toutes les parties de l’espèce humaine. Au contraire, il paraît que tous les autres peuples d’Amérique, les Guaranis, les Tupis, les Péruviens, les Tapuyas et les habitans de la Plata qui ne font pas partie des Guaranis, enfin que les habitans de l’Orénoque et des Amazones qui ne sont point Caraïbes, ont des caractères communs dans leur structure extérieure, et que, s’ils n’ont pas une origine commune, il y a du moins des raisons d’admettre entre eux une parenté plus rapprochée.

Quant à l’histoire des Tupis et des Tapuyas, les premiers voyageurs et les premiers colons regardent ces derniers comme étant les anciens habitans de la côte orientale du Brésil ; mais, au temps de la conquête, les efforts réunis des Tupis les avaient refoulés plus vers l’intérieur. C’est pourquoi les premiers naturels rencontrés par les Portugais étaient des Tupis. Les plus nombreux d’entre eux sont les Tupinambas, dans le pays de Bahia, et les Tapinaës, sur la côte de Rio-Janeiro. Les accroissemens des colonies européennes, les hostilités qui s’ensuivirent, et les guerres des naturels entre eux, eurent pour effet de détruire entièrement plusieurs races de Tupis et d’affaiblir beaucoup les autres. Alors on vit arriver de l’intérieur de nouvelles peuplades. Sur la côte d’orient les Aymores détruisirent tous les vestiges de la civilisation : ils n’épargnèrent pas plus les blancs que les Tupis. Ce ne fut qu’après une guerre d’extermination que les Portugais réussirent à contenir cette nation dans des limites déterminées, sans cependant la soumettre, sans même en obtenir une paix durable. Il est assez démontré que les Botocudos sont des descendans de ces Aymores. Il est moins bien établi que ces Aymores et ces Botocudos aient fait partie des Tapuyas, les continuels ennemis des Tupis. Toutefois on pourrait alléguer en faveur de cette opinion leur arrivée de l’intérieur des terres, leur inimitié envers les Tupis, leur langue et les différences extérieures de leur conformation. Pendant qu’une nation puissante s’emparait ainsi d’une partie de la côte orientale, les Tupinambas, qui tiennent le premier rang parmi les Tupis, abandonnaient entièrement cette partie du Brésil, sans qu’on puisse dire avec certitude où ils allaient, ni ce qu’ils sont devenus. Néanmoins, il y a lieu de conjecturer qu’il en existe encore des restes dans les forêts primitives des Amazones : quelques auteurs assurent qu’une partie de ces Tupinambas s’est montrée au Pérou.

Si l’on en excepte cet événement, et la part glorieuse que prirent les Indiens à la guerre des Portugais contre les Hollandais, dans la province de Pernambuco, il n’y a dans l’histoire des peuples indigènes aucun fait, aucune époque marquante. Ces peuples sont toujours en guerre, soit entre eux, soit avec les Portugais. Mais les vicissitudes de ces guerres sont absolument sans intérêt : l’histoire des progrès de la puissance portugaise n’en aurait pas davantage ; il suffit d’indiquer les rapports généraux des peuples primitifs avec les Portugais et avec la civilisation.

Les relations des plus anciens voyageurs, par exemple de Lery, de Staden, etc., démontrent qu’à l’époque de la conquête, les habitans primitifs du Brésil étaient parvenus à un degré de civilisation plus élevé que celui où nous les voyons aujourd’hui. La raison principale de ce changement défavorable est, sans doute, dans leurs communications avec les Portugais. Beaucoup de voyageurs ont regardé les peuples actuels du Brésil comme étant encore dans l’état de nature, ou bien ils les ont considérés comme arrivés seulement au premier degré de la civilisation. D’autres, au contraire, parlent des funestes effets produits par la civilisation européenne sur ces sauvages, et soutiennent qu’ils sont incapables de la recevoir. Ces vues cependant sont fausses : les Indiens ne sont pas des hommes de la nature ; ils sont moins des sauvages que des hommes qui ont rétrogradé vers cet état : on les a repoussés violemment du point auquel ils étaient parvenus. Des guerres sanglantes et des vengeances cruelles ont, pendant des siècles, retenu ces peuples dans un état d’abrutissement qui ne saurait être celui de la nature, lequel suppose l’existence d’une liberté de développemens intellectuels et physiques. Quant à la civilisation européenne, il faudrait, pour en juger, que les Portugais en eussent réellement fait l’essai ; mais on ne tenta que rarement, et depuis peu de temps, de la communiquer aux habitans du Brésil. Les Portugais n’ont fait absolument que détruire la civilisation qu’ils ont trouvée établie, comme ils détruisaient les peuples eux-mêmes. L’état actuel des Indiens ne peut donc conduire à aucun résultat sur leur aptitude à la civilisation. Pour bien apprécier ce sujet, il faudrait peut-être s’écarter des idées européennes, il faudrait tourner ses regards vers le Pérou et Cundinamarca. Ce n’est point ici le lieu d’établir des comparaisons entre la civilisation du Pérou et celle de l’Europe : peut-être ces comparaisons exigeraient-elles un juge étranger aux deux contrées ; car, d’un côté, de brillantes apparences pourraient nous égarer et nous faire estimer trop haut la première, et, de l’autre, nos préventions et nos préjugés européens nous ôteraient aussi tout moyen de lui appliquer une juste mesure.

On trouve un exemple de ce que peut la civilisation européenne sur ces peuples primitifs, dans ce qu’ont fait les missionnaires du Paraguay et dans le singulier empire du docteur Francia. Les créations des jésuites ont, peut-être, été beaucoup trop vantées ; mais à coup sûr on les a plus souvent présentées sous un faux jour, et sans leur rendre aucune justice. Nous accorderons que ce genre de civilisation n’est pas favorable aux développemens libres des facultés individuelles, et qu’il apporte de grands obstacles à tous les progrès qu’on voudrait faire au-delà d’un point donné. On ne peut nier cependant qu’ici les jésuites n’aient fait faire à la civilisation un pas immense ; et dès-lors il fut aisé de prévoir qu’un jour les liens qui, peut-être dans leur pensée, devaient enchaîner sa marche, seraient infailliblement rompus. Les missions des jésuites offrent beaucoup d’analogie avec la civilisation des Péruviens sous les incas ; elles paraissent avoir été adaptées au caractère des habitans primitifs, et surtout à celui des Guaranis et des Tupis. En adoptant ce système, les jésuites donnèrent une preuve d’habileté et de sagesse, tandis que, comparée à la leur, la conduite d’autres Européens et celle de leurs gouvernemens présentaient un contraste fâcheux.

Cette digression, quoiqu’elle paraisse nous éloigner de notre sujet, n’était point inutile : elle doit convaincre que tout essai pour civiliser les Indiens échouera nécessairement, s’il n’est pas entrepris dans les mêmes principes, et suivi avec la constance et la sagesse qu’ont déployées les jésuites des missions. Il serait déraisonnable de vouloir autre chose que d’amener les Indiens au point où en sont chez les Européens les classes inférieures, et c’est là précisément ce qu’ont opéré les jésuites. Si, au lieu de faire des Indiens des esclaves, on avait suivi l’exemple de ces jésuites, si l’on avait créé une population indigène et agricole, le Brésil se trouverait dans une situation bien autrement favorable : c’est ce qui ne peut échapper à aucun observateur sensé. Les peuplades de Tupis, trouvées sur la côte par les premiers navigateurs européens, paraissent en avoir été alors à ce point où la vie errante de familles et de hordes de chasseurs fait place à l’existence agricole et à la civilisation des sociétés plus étendues. Ces Tupis habitaient des villages ou des groupes de huttes plus ou moins considérables : néanmoins il ne paraît pas qu’ils eussent tous abandonné la vie errante ; car ces villages ne demeuraient stationnaires qu’un certain temps, c’est-à-dire tant que la contrée fournissait aux habitans assez d’eau, de gibier, de fruits et de racines. Quant à ces dernières, les Indiens, pour mieux assurer leur subsistance, les cultivaient autour de leurs huttes ; toutefois les moissons semblent avoir été recueillies en commun, et les jésuites ont conservé cet usage. Souvent ces sortes de villages étaient protégés contre les incursions de l’ennemi par des palissades et par des fossés. L’arc, la flèche et la massue étaient les armes dont on se servait : les riverains faisaient aussi la guerre sur des canots et des radeaux. L’organisation civile était dans son enfance ; mais déjà on distinguait chez ces peuples un pouvoir spirituel et un pouvoir temporel ; le premier était au-dessus de l’autre et par l’influence morale et par une prééminence intellectuelle : ces différences étaient plus prononcées, plus distinctes que cela n’eût été possible chez un peuple uniquement composé de chasseurs, plus même quelles ne le sont aujourd’hui. L’influence des prêtres chez les Tupis recèle peut-être en elle-même le germe de la théocratie des incas du Pérou et de celle des jésuites du Paraguay.

Les traits principaux que nous rassemblons ici, sont confirmés par tous les témoins oculaires : ils prouvent un commencement de civilisation, dont l’existence ne peut être réfutée ni par les idées brutes des Indiens en fait de religion, ni par leur cruauté, ni par leur qualité d’anthropophages. Il est évident que, si l’on voulait obtenir des résultats importans pour les colonies européennes, il fallait leur laisser suivre la route dans laquelle ils étaient entrés, ou même les y guider. Toutefois cette route est hérissée de difficultés, et il serait injuste d’accuser les Portugais seuls du mauvais succès de l’entreprise, ou bien de leur reprocher de l’avoir trop rarement tentée. Il serait aussi impossible que superflu de rechercher quelle fut la cause des premières hostilités : il suffit de savoir que des deux parts, et sur tous les points, on vit s’allumer promptement une guerre d’extermination, dont l’issue fut l’extinction de la plus grande partie des habitans, et souvent même la disparition de leur nom. Ce qui survécut au carnage, fut ou réduit en esclavage ou contraint de se sauver dans les bois ; et là on revint à peu près à l’état d’où l’on était sorti peu avant l’arrivée des Européens.

La faiblesse des habitans primitifs et les forces toujours croissantes des Européens d’une part, et de l’autre les progrès de la civilisation parmi les colons mêmes, l’adoucissement de leurs mœurs, enfin quelques mesures sages et bienveillantes dues au gouvernement, ont fait cesser cet état violent, et peu à peu ces causes ont amené les Indiens à leur position actuelle. Comme nous reviendrons sur ce sujet, nous nous contenterons ici de l’indiquer en peu de mots. Les anciens esclaves des colons et leurs descendans sont libres, et forment une partie de la classe inférieure de la société : ils sont journaliers, bateliers, pêcheurs. Leur sang déjà s’est mêlé de beaucoup d’élémens européens et africains. On a cherché à créer des établissemens de ce qui reste des races indépendantes ; on a voulu les ramener à l’agriculture et à une vie commune ; mais sans obtenir de succès notable : il faudra bien du temps pour anéantir le souvenir des cruautés exercées sur ces peuples et pour y substituer une confiance réciproque. La plupart des indigènes, et surtout des Tapuyas, habitent encore les forêts primitives, qu’ils parcourent par petites bandes de chasseurs. Toutefois les sauvages du Brésil sont avec les Européens dans des rapports paisibles, et il est rare de voir des actes de violence interrompre la bonne intelligence. Cependant il ne faut pas croire que ces habitans primitifs soient subjugués : il serait inutile et fort difficile de les soumettre. Il y a entre eux des guerres continuelles, soit à raison de la chasse, soit pour des inimitiés héréditaires, qui peut-être remontent aux divisions des Tupis et des Tapuyas. Les noms de ces peuplades ne rappellent en rien les noms de celles qui étaient dans ces lieux au temps de la conquête, soit que leurs restes dispersés les aient oubliés pour en prendre d’autres, soit qu’en effet d’autres peuplades, comme les Tapuyas, soient venues de l’intérieur. Au surplus, il en est qui ont plusieurs noms, sans compter celui qu’elles se donnent à elles-mêmes. Les Portugais les appellent selon le mot de leur langue qui répond à tel ou tel caractère extérieur et distinctif, tandis que, de leur côté, d’autres peuples se servent aussi de leurs propres mots pour leur donner un nom qui réponde soit à ce caractère, soit à tout autre dont ils sont plus particulièrement frappés. C’est ainsi que les noms de ces peuples se sont multipliés au point de produire une grande confusion dans les recherches. On peut distinguer maintenant sur la côte orientale du Brésil les nations indiennes en Botocudos, Puris, Coroados, Coropos, Machacalis, Macuonis, Penhanis, Capoxos, Cataxos, Camacans, etc. Parmi ces nations il serait difficile de dire lesquelles appartiennent aux Tupis, lesquelles aux Tapuyas. Dans l’usage ordinaire du discours ce dernier nom comprend tous les Indiens sauvages indépendans, par opposition à ceux qui sont soumis et civilisés ; mais l’abus qu’on fait du mot est facile à expliquer.


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FAMILLE INDIENNE.
Botocudos.


BOTOCUDOS.


MACHACARI.


CAMACAN.


PURI.


COROATOS.


COROPOS.

  1. On n’a point eu égard ici à la division en hommes libres et en esclaves, et sous la dénomination d’hommes de couleur sont compris tous ceux qui ne sont ni noirs, ni blancs, ni Indiens.