Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières de Paris/Lachaise/7

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CHAPITRE VII

M. Lenoir Dufresne, M. Renouard, M. et madame de Lonchamp.


Les trois monumens dont je viens de parler sont les premiers qui se présentent, au commencement de l’avenue. Après les avoir examinés, je montai vers la muraille[1] qui soutient la terrasse, au pied de laquelle, et près de la grille, s’élève avec majesté un sépulcre qui, par sa matière et par sa forme, figureroit dignement dans un des plus beaux temples de la capitale. Il est construit d’un marbre gris blanc ; et sur ses quatre côtés, de marbre noir, on a gravé quatre inscriptions en lettres d’or. Son enceinte est fermée par une grille de fer à hauteur d’appui, et elle est couverte d’un gazon épais et verdoyant qui forme un frappant contraste avec la stérilité du terrain qui l’environne. Sur le côté du couchant, on lit cette courte et sublime inscription :
Plus de cinq mille ouvriers
qu’alimenta son génie, qu’encouragea son exemple,
sont venus pleurer, sur cette tombe,
un père et un ami.

Sur le côté du levant :

Puissent ses mânes jouir paisiblement
et du bien qu’il a fait, et des regrets honorables
que l’industrie et le commerce français
donnent à sa mémoire !

L’inscription du midi apprend que, dans ce tombeau, sont renfermés les restes de J. D. G. Joseph Lenoir Dufresne, décédé en 1806, âgé de trente huit ans.




Sur la même ligne, en descendant, est une tombe modeste et simple, entourée et ombragée de cyprès. C’est celle où repose Jacques-Auguste Renouard, fabricant d’étoffes de soie, décédé en 1806, à l’âge de soixante-dix ans.
Il sut par son génie
élever au plus haut point de prospérité
un genre de fabrication
avant lui presque nul.
Il rendit l’étranger tributaire
de son industrie,
et par sa bienfaisance
mérita le nom de père de set ouvriers.
Il fut enlevé trop tôt à ses parens désolés,
et à son inconsolable épouse.


Il avoit soixante-dix ans, et sa mort fut prématurée ! Quel éloge et quelles vertus cet éloge suppose ! La vieillesse de l’homme vertueux et utile est donc comparable, préférable même au plus beau temps de la jeunesse ! C’est ainsi que l’arbre qui porte des fruits inspire souvent, quelque vieux qu’il soit, plus de regrets, quand la tempête vient à le briser, que l’arbuste jeune et vigoureux dont les fleurs ne font naître que des espérances pour l’avenir.

Enfans d’un père si respectable, puissiez-vous mériter un jour l’hommage solennel que votre tendresse, guidé par la justice, a rendu à sa mémoire.

A quelques pas de la sépulture de M. Renouard, est une belle tombe d’une vaste dimension. L’inscription gravée sur un marbre noir, du côté de l’est, apprend que ce monument a été élevé à M. Dubut de Longchamp, ancien administrateur-général des postes, et à son épouse, madame Marguerite Carrelet de Loisy, par leur neveu, A. B. Carrelet de Loisy, et leur nièce, M. L. Adélaïde Verchère d’Arcelot.


  1. Cette muraille vient d’être démolie, pour faire place aux tombeaux.