Voyage sentimental/81

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Chez Jean-François Bastien (Tome cinquième. Tome sixièmep. 254).


LA RETRAITE.


On disoit, avec raison du duc de Marlborough, que de tout ce que doit savoir un général, la seule partie qui lui manquât étoit la science des retraites. L’amour se compare souvent à la guerre, et la comparaison en est très-juste. À l’instant, où armé de gants d’amour, je croyois avoir emporté Lacour par un coup de main, le commandant en chef fait une attaque et me force à la capitulation la plus déshonorante. « Combien je ressemble peu au duc de Marlborough ! me dis-je, — oserai-je jamais faire entrer une pareil aventure dans mon voyage sentimental ? — mais je n’ai pas encore abandonné la place. » Comme je me livrois à ces réflexions Lacour me tendit sa main dessous le lit, et j’eus la consolation de la baiser sans être vu.

Sir Thomas G… évacua enfin le poste, — et, pour ne plus parler avec métaphore, il me fut permis, vers les quatre heures du matin, de faire ma retraite avec décence et sans danger.