Voyages (Ibn Battuta, Sanguinetti)/Préface des traducteurs

La bibliothèque libre.
Traduction par Defrémery et Sanguinetti.
Imprimerie nationale (Tome premierp. i-xxxiv).


PRÉFACE.


L’étude sérieuse des documents géographiques qui nous ont été laissés par les Arabes date à peine d’un demi-siècle, et déjà l’on peut entrevoir quelle riche moisson de faits et de renseignements curieux ils promettent à l’historien, au géographe et au philosophe. C’est dans les voyageurs arabes, bien plutôt que dans les historiens, d’ordinaire si secs, si décharnés, si exclusivement bornés à des récits de batailles, de révolutions de palais et à des notices nécrologiques sur de grands fonctionnaires et des littérateurs ; c’est dans les premiers, disons-nous, qu’il faut chercher la connaissance intime de la société musulmane, de ses usages et de ses superstitions. Sous ce rapport peu d’écrivains peuvent être comparés au voyageur infatigable dont nous entreprenons de publier, pour la première fois, la longue et curieuse relation.

L’ouvrage d’Abou Abd Allah Mohammed, plus connu sous le nom d’Ibn Batoutah, a pris, depuis plus de quarante ans, un rang honorable dans l’histoire de la géographie au moyen âge. On sait que les célèbres voyageurs Seetzen et Burckhardt ont, les premiers, signalé l’importance de l’ouvrage d’Ibn Batoutah, qu’ils ne connaissaient cependant que par de maigres abrégés. Ce qu’il en avaient dit avait suffi pour faire désirer aux savants d’Europe d’obtenir des manuscrits de la relation originale ; mais ce désir tarda longtemps à se réaliser. Enfin, la conquête de l’Algérie et la prise des bibliothèques de Constantine nous ont valu, presque en même temps, plusieurs exemplaires de ce précieux ouvrage. Cette heureuse circonstance a permis de consulter le récit original d’Ibn Batoutah, et les fragments assez considérables qui ont été traduits par plusieurs orientalistes, n’ont pu que confirmer l’opinion qu’on s’en était faite d’après les abrégés découverts par Seetzen et Burckhardt.

Peu de nations ont poussé aussi loin que la race arabe le goût des courses, des voyages lointains. C’était chez elle un penchant que bien des causes faisaient naître, ou dont elles favorisaient la satisfaction. L’Arabe, ou, pour parler d’une manière plus générale, le sectateur de l’islamisme, n’avait plus, comme ses ancêtres du temps du paganisme, un ou deux motifs seulement pour sortir de son pays et voyager chez les peuples lointains. Avant Mahomet, le manque d’eau et de pâturages dans des années de sécheresse, le besoin de se procurer les productions de la Syrie et de l’Irak, ou encore la curiosité de visiter les cours des Césars et des Cosroës, avaient pu faire franchir à quelques tribus, à des caravanes ou à des individus isolés, les limites de la péninsule arabique ; mais, après tout, c’était là une bien faible portion de la race arabe. Il était réservé à l’islamisme de développer chez ses sectateurs la passion des voyages, en même temps qu’il leur facilitait les moyens de la satisfaire. Le pèlerinage de la Mecque, devenu une obligation pour tout bon musulman, quelque éloigné qu’il fût du berceau de l’islamisme, donna naissance à des caravanes qui, chaque année, partaient de la Syrie, de la Perse, des extrémités de l’Afrique musulmane, pour visiter la patrie de Mahomet et le lieu de sa sépulture. Aux prescriptions de la loi venait se joindre l’aiguillon de l’intérêt, puisque, à l’époque du pèlerinage, la Mecque était transformée en un immense marché, où les pèlerins trouvaient à échanger avantageusement les productions de leurs pays respectifs. La sobriété si remarquable de la race arabe diminue considérablement les frais et les embarras de voyages aussi longs, exécutés souvent à travers des pays dépourvus de toute ressource. Le caractère hospitalier des Orientaux contribue aussi au même résultat. La charité des riches pèlerins, ou le produit de fondations pieuses faites par de grands personnages et des hommes opulents, vient en aide aux plus pauvres. Enfin, le dogme du fatalisme, si profondément enraciné dans l’esprit des musulmans, les empêche de se laisser effrayer d’avance par les risques et les privations qu’ils peuvent avoir à supporter. Ils partent donc pleins de confiance dans la Providence et dans la charité de leurs coreligionnaires.

Voilà pour la masse des musulmans, pour ceux qui n’agissent que dans un esprit de dévotion ou dans des vues d’intérêt. Quant à la classe éclairée, deux autres motifs pouvaient se joindre aux premiers, pour l’entraîner dans des voyages lointains. Les hommes voués à l’étude de la jurisprudence et de la théologie se flattaient de rencontrer loin de leur patrie des professeurs profondément versés dans ces sciences ; les Arabes d’Espagne et du Maghreb surtout étaient attirés vers les écoles de Tunis, de Kaïroan, du Caire, de Damas et de Baghdad. Les individus adonnés à la vie religieuse allaient chercher, souvent à de grandes distances, les exemples et les préceptes de quelque pieux directeur spirituel. Enfin, une louable curiosité, le désir de s’instruire des mœurs et des usages des peuples étrangers, attira plus d’une fois jusque dans l’Inde, la Chine et l’île de Madagascar, des Arabes de l’Irâk et du Kharezm, tels que Maçoûdy, Ibn Wahab et Byroûny. La grande diffusion de la langue arabe et du culte mahométan venait encore en aide aux explorateurs de cette dernière catégorie. Souvent aussi, chez le même individu, comme chez le célèbre voyageur Ibn Haoukal et l’infatigable compilateur Yâkoût, les voyages et les observations du commerçant fécondaient et enrichissaient la science du géographe. Une circonstance rapportée par Ibn Batoutah peut donner une idée de l'esprit d’entreprise et du goût pour les voyages qui entraînaient les Arabes aux extrémités opposées de l'ancien continent. A Sidjihmâcah, dans le Maroc, Ibn Batoutah reçut l’hospitalité chez un fakîh (jurisconsulte), dont il avait précédemment rencontré le frère à Kandjenfou, en Chine. Quelle distance immense, observe notre auteur, séparait ces deux frères[1] ! Ailleurs, Ibn Batoutah dit qu’un chérîf ou descendant de Mahomet, appelé Aly, fils de Mansoûr, et originaire de Kerbélâ, dans le voisinage de la rive occidentale de l’Euphrate, avait accompagné, pour affaire de commerce, de Seraï à Kharezm, et qu’il se joignit ensuite à plusieurs de ses concitoyens qui étaient arrivés dans cette dernière ville, afin de faire un voyage en Chine. Ibn Batoutah ajoute que cet homme étant parvenu à Almalik (non loin du fleuve Ili, dans la Dzoungarie), s’y arrêta et y mit fin à ses jours[2]. L’auteur du Mecâlic alabsâr, mort on 1349, et par conséquent contemporain d’Ibn Batoutah, cite parmi les marchands et les voyageurs qui lui avaient communiqué des renseignements, le chérif Abou’lhaçan Alv Kerbélaiy[3]. Ce personnage ne serait-il pas le même que celui dont notre auteur raconte les aventures et la fin tragique ?

Le voyageur dont nous publions la relation était parti de sa ville natale, Tanger, à l’âge de vingt-deux ans, dans le but de faire le pèlerinage de la Mecque ; mais, possédé à un haut degré de la passion des voyages, il ne se borna pas à visiter les pays situés sur sa route, ce qui n’aurait pas été cependant une petite entreprise, car il avait à traverser, avant d’arriver à Médine et à la Mecque, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Tripolitaine, l’Égypte et le golfe Arabique, ou bien l’Arabie Pétrée. Il fit plusieurs fois le pèlerinage de la Mecque, explora les diverses provinces de l’Arabie, la Syrie, la Perse, l’Irâk arabe, la Mésopotamie, le Zanguebar, l’Asie Mineure, le Kiptchak ou Russie méridionale, alors possédé par des princes issus du fils aîné de Djenguiz khan ; il fit une excursion à Constantinople, traversa la grande Boukharie, l’Afghanistan, et entra dans la vallée de l’Indus. Il se rendit ensuite à Dihli, qui était alors la capitale de l’empire musulman dans l’Inde, et où il exerça pendant deux ans les fonctions de kâdhi ; après quoi il fut chargé, par le sultan Mohammed ibn Toghlouk, d’une mission près de l’empereur de la Chine, et gagna la côte de Malabar et le port de Calicut, qui était le grand entrepôt du commerce de l’Inde avec les régions occidentales et orientales de l’Asie. Mais le navire chinois à bord duquel étaient embarqués ses bagages et ses esclaves mit à la voile sans lui, et le voyageur passa dans les îles Maldives, où il demeura un an et demi, et remplit de nouveau les fonctions de juge. Au bout de ce temps, il reprit ses courses, visita Ceylan, l’archipel indien et une partie de la Chine. Enfin, après vingt-quatre ans de voyages, de 1325 à 1349, il regagna sa patrie ; mais à peine y était-il rentré qu’il la quitta de nouveau pour visiter le royaume de Grenade, où régnait encore un prince musulman. Un dernier voyage d’Ibn Batoutah ne devait pas être le moins long ni le moins curieux : en l’année 1351 il partit de Fez pour explorer le Soudan ou pays des noirs. Il ne fut de retour dans cette ville qu’au mois de janvier 1354, après avoir vu les deux capitales du Soudan, Melli et Tombouctou. « Il est ainsi, observe un savant géographe, le premier des voyageurs qui ont pénétré dans le centre de l’Afrique, parmi ceux dont la relation est parvenue jusqu’à nous… Ibn Batoutah a traversé l’Afrique dans deux sens différents, du nord au sud et de l’est au nord-ouest. Les notions qu’il nous donne s’accordent, sur presque tous les points, avec les relations les plus récentes des voyageurs modernes[4]. »

On vient de voir quel cas faisait du dernier chapitre de notre voyageur un géographe éminent, qui pourtant ne le connaissait que par l’extrait de M. Kosegarten. Le célèbre géographe de Berlin M. Carl Ritter, n’est pas moins favorable à Ibn Batoutah. Voici, en effet, ce qu’on lit dans l’Erdkunde, dont nous traduisons textuellement les paroles : « Ibn Batoutah, le savant arabe de Tanger, en Mauritanie, le voyageur mahométan véridique et expérimenté, dès avant la moitié du xive siècle, est plus complet dans ses relations sur les contrées les plus éloignées de l’intérieur de l’Afrique, de l’Inde et de la Chine, que dans celles sur l’Asie antérieure. Cependant ici encore il n’est pas sans intérêt de jeter par son moyen un rapide regard sur les mêmes pays,… de les voir par les yeux d’un mahométan, sunnite sévère, etc.[5] »

Voici comment s’exprime sur notre auteur Seetzen, l’illustre explorateur de la Syrie : « Quel voyageur moderne de l’Europe peut se vanter d’avoir employé un temps aussi long, la moitié de la vie d’un homme, à la recherche de tant de pays lointains, et cela avec le courage le plus inébranlable et au prix de mille fatigues ? Quelle nation européenne aurait pu produire, il y a cinq siècles, un voyageur qui eût parcouru les contrées étrangères avec autant d’indépendance d’esprit et de talent d’observation, et qui aurait écrit ses remarques aussi bien que l’a fait ce célèbre cheïkh marocain, dont l’ouvrage complet renferme deux volumes ? Ses notices sur beaucoup de parties inconnues de l’Afrique, sur le Niger, le pays des Zendj (Zanguebar), etc., etc., ne le cèdent pas en intérêt à celles de Léon l’Africain. La géographie de l’Arabie, de la Bokharie, du Kaboul et du Kandahar doit beaucoup gagner par son ouvrage ; et même ses récits sur l’Inde, Ceylan, Sumatra, la Chine…, doivent être lus avec un intérêt particulier par les Anglais de l’Inde[6]. »

Un géographe anglais, qui a commenté avec de grands détails la relation du Soudan par Ibn Batoutah, dit que les voyages de cet auteur égalent au moins, en intérêt, ceux de Marco Polo[7].

Un savant professeur de l’université de Leyde, M. R. Dozy, dit aussi de la relation d’Ibn Batoutah : « Sous plusieurs rapports, c’est un ouvrage de premier ordre, et l’abrégé traduit par M. Lee ne donne qu’une très-faible idée de l’importance de l’ouvrage original[8]. »

Dans son intéressante introduction générale à la géographie des Orientaux, placée en tête de la traduction de la Géographie d’Abou’lféda[9], M. Reinaud a consacré plusieurs pages à la vie et à l’ouvrage d’Ibn Batoutah. Il l’appelle « un homme qui dépassa les Ibn Haukal et les Maçoudy, et qui, s’il n’eut pas leur science, promena ses regards sur un plus vaste théâtre. »

Un savant orientaliste qui a travaillé sur une partie de la relation d’Ibn Batoutah, M. le baron Mac Guckin de Slane, a jugé un peu sévèrement le récit des aventures du voyageur en Orient. Il y signale « un penchant pour le merveilleux et une disposition bien marquée à profiter du privilège de ceux qui viennent de loin[10]. » Sans doute Ibn Batoutah n’était pas très-supérieur à ses contemporains, soit orientaux, soit occidentaux, en ce qui regarde la croyance au merveilleux. Il est trop disposé à voir des miracles jusque dans les circonstances les plus simples, les plus naturelles[11]. Il est quelquefois d’une crédulité qui nous fait sourire ; mais, quant à sa sincérité, elle nous paraît au-dessus de tout soupçon, et nous partageons pleinement, à cet égard, l’opinion de M. R. Dozy, qui appelle Ibn Batoutah « cet honnête voyageur[12] ».

Pour apprécier justement le degré de confiance que mérite Ibn Batoutah, il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue les circonstances qui accompagnèrent la rédaction de ses voyages. Nous savons, par l’aveu d’Ibn Djozay, rédacteur de la relation d’Ibn Batoutah, que ce voyageur n’a pas mis lui-même par écrit l’ouvrage qui porte son nom ; mais qu’il se contenta de « dicter à un copiste la description des villes qu’il avait visitées, les anecdotes et les histoires qu’il pouvait se rappeler, etc. » D’après cela, nous devons nous attendre à rencontrer plus d’une inexactitude dans l’ouvrage du voyageur africain ; et c’est, en effet, ce qui a lieu, ainsi que {{MM.|Dulaurier[13] et Reinaud[14] ont déjà fait observer. De plus, à l’article de Bokhâra[15], Ibn Batoutah nous apprend qu’il fut dépouillé sur mer par les infidèles de l’Inde, et qu’il perdit, dans ce désastre, les notes qu’il avait recueillies à Bokhâra, et sans doute aussi celles qu’il avait mises par écrit dans ses précédents voyages. Cette circonstance nous explique pourquoi on ne rencontre pas plus d’indications itinéraires dans la relation d’Ibn Batoutah.

L’épreuve la plus concluante à laquelle on puisse soumettre la véracité d’un voyageur, c’est de rapprocher son témoignage de celui des individus qui ont visité les mêmes contrées, surtout si ceux-ci ont vécu à peu près à la même époque. Ce soin, nous l’avons toujours pris, autant qu’il nous a été possible, et nous ne craignons pas d’assurer que, dans la plupart des cas, nous avons trouvé les assertions d’Ibn Batoutah assez conformes à celles de ses contemporains et de ses successeurs, soit Européens soit Orientaux. Qu’il nous suffise de quelques exemples. A l’article du Caire (ci-dessous, p. 69), Ibn Batoutah rapporte qu’il y avait sur le Nil trente-six mille bateaux appartenant, soit au sultan, soit aux particuliers, et destinés à transporter toute espèce de denrées dans la haute Égypte, ou dans les villes qui avoisinent la mer, comme Alexandrie et Damiette. Sans doute, le chiffre de trente-six mille bateaux ne doit pas être pris à la rigueur, il faut en rabattre une portion ; mais nous voyons par le récit d’un voyageur italien, Frescobaldi, qui visita l’Égypte moins de soixante ans après notre auteur, combien la navigation du Nil était encore active en 1384, c’est-à-dire à une époque où la prospérité de l’Égypte était bien déchue de ce haut point qu’elle avait atteint sous le règne de l’illustre Mohammed Ibn Kalâoùn. « Il y avait au Caire, dit-il, une immense quantité de navires, au point que si l’on additionnait tous ceux que j’ai vus dans les ports de Gênes, de Venise et d’Ancône, en faisant abstraction des navires à deux ponts, ils n’arriveraient pas au tiers de ceux que j’ai vus ici, bien qu’ils fussent d’un chargement de quatre cents tonneaux et au-dessous[16]. »

Dans le passage cité plus haut, Ibn Batoutah rapporte aussi que l’on comptait au Caire douze mille porteurs d’eau pourvus de chameaux, et qu’il y avait en cette ville trente mille moacres (moucâris, loueurs de bêtes de somme). L’assertion de Frescobaldi est ici bien plus hyperbolique que les paroles de notre voyageur ; car il évalue[17] à cent trente mille le nombre des chameaux et autres bêtes qui servaient à transporter de l’eau dans la ville.

On trouvera, dans le second volume du présent ouvrage, un chapitre consacré au récit d’une excursion faite par Ibn Batoutah sur la côte orientale d’Afrique, depuis Zeïla’, en Abyssinie, jusqu’à Quiloa. Un de nous ayant communiqué la traduction de ce morceau à un savant officier de la marine impériale, M. le capitaine de vaisseau Guilain, qui a navigué durant plusieurs années dans ces parages et qui en prépare une relation détaillée, M. Guilain a bien voulu lui envoyer les observations suivantes, extraites de son livre :

« Quoique plusieurs des particularités racontées par Ibn Batoutah ne se représentent plus aujourd’hui au voyageur qui aborde à Maguedchou, nous n’en croyons pas moins que l’écrivain arabe a tracé un tableau fidèle de ce qui se passait à l’époque où il visita cette ville. Les changements qui, depuis cette époque, se sont successivement opérés dans l’état politique et les relations commerciales de Maguedchou, comme des autres villes de la côte, ont dû amener des modifications correspondantes dans les mœurs, les usages et la richesse de ses habitants… Nous allons faire connaître les traditions que nous avons recueillies sur les lieux mêmes, et qui confirmeront, nous le croyons, les récits d’Ibn Batoutah. » Le savant marin se livre ensuite à une intéressante discussion historique, qu’il termine ainsi : « Nous concluons donc de tout ce qui précède, qu’à l’époque du passage d’Ibn Batoutah, la ville était encore gouvernée par des sultans m’doffeur ; dès lors les détails fournis par ce voyageur sur les usages du pays, sur les cérémonies dont il a été témoin, enfin sur l’appareil somptueux dont le sultan était entouré, nous paraissent ne pouvoir être révoqués en doute. » Enfin, le capitaine Guilain ajoute : « Les principales assertions d’Ibn Batoutah, en ce qui concerne Kiloua, s’accordent parfaitement avec certains détails de cette chronique des sultans de Kiloua que nous avons reproduite au commencement de ce livre… Cette concordance entre deux documents de nature et de provenance toutes différentes, nous semble témoigner à la fois, et de l’exactitude de la relation, et de celle de la chronique. »

Sur un grand nombre de points de détail, Ibn Batoutah s’accorde complètement, tant avec les voyageurs chrétiens du siècle précédent, tels que Marco Polo et Rubruquis, qu’avec ses contemporains et coreligionnaires, les géographes et historiens arabes, Abou’lféda et Chihâb eddîn Abou’l'abbâs Ahmed. Il est curieux surtout de comparer, avec le récit des courses de notre auteur dans l’Asie Mineure, le chapitre que, dans sa vaste compilation (le Méçâlic alabsâr), Chihâb eddîn a consacré à la description de la même contrée. Cet écrivain, qui mourut à Damas en l’année 1349, fut attaché, tant dans cette ville que dans celle du Caire, à la chancellerie du sultan d’Égypte. Le chapitre du troisième volume de son ouvrage qui traite de l’Asie Mineure a tout l’intérêt d’un document original. En effet, l’auteur cite[18] comme une de ses autorités, le cheïkh Haïder Roumy Oriân « natif de Sir (Sevri) Hiçâr, ville du pays de Roûm, dans la partie qui est au pouvoir des rois de la famille de Djenguiz khân. » Il dit plus loin[19] que l’époque où cet auteur quitta le pays était environ l’année 733 de l’hégire (1332 de J. C). Il cite aussi des détails qui lui ont été communiqués par le Génois Belbân, « homme mieux instruit que le cheïkh[20]. » Il nous apprend, enfin, que ce Belbân était affranchi du grand émir Béhâdur Mo’izzy, et qu’il portait dans son pays natal le nom de Dominique Doria, fils de Thadée Doria[21]. Quelques-unes des difficultés que présente le texte de Chihâb eddîn, surtout en ce qui regarde la lecture des noms propres d’hommes et de lieux, peuvent être facilement résolues à l’aide du morceau correspondant de l’ouvrage d’Ibn Batoutah.

Il était réservé à un savant allemand, digne précurseur de Burckhardt, d’appeler le premier, avec quelque détail, l’attention de l’Europe sur les voyages d’Ibn Batoutah. Seetzen se procura en Orient, parmi d’autres manuscrits curieux destinés à la bibliothèque de Gotha, un volume composé de 94 pages grand in-8o, et contenant un abrégé de la relation d’Ibn Batoutah ; il en donna le précis dans un travail inséré aux Ephémérides géographiques du baron de Zach[22] et dont nous avons ci-dessus rapporté quelques lignes ; mais, comme l’a fait observer M. Kosegarten[23], il a indiqué souvent avec peu d’exactitude les lieux visités par le voyageur arabe. Dix ans après Seetzen, un laborieux orientaliste allemand, M. Kosegarten, publia, à l’occasion d’une solennité académique, une dissertation contenant le texte et la traduction de trois fragments du même abrégé d’Ibn Batoutah que Seetzen avait analysé[24]. Le résumé que les deux savants allemands ont fait connaître est extrêmement succinct. Pour la première partie du voyage d’Ibn Batoutah, il se borne à un très-petit nombre de pages, et n’acquiert quelques développements qu’en traitant de l’Inde, de la Chine et du Soudan. Il n’en faut pas moins savoir gré à M. Kosegarten d’avoir, le premier, donné des extraits du voyage d’Ibn Batoutah, et d’avoir mis les géographes à même de suivre ses courses dans le Soudan. Ce mérite excuse les erreurs que l’éditeur a commises, telles que celle d’avoir cru[25] que l’itinéraire d’Ibn Batoutah avait été abrégé par Mohammed alkelby, c’est à-dire Ibn Djozay.

M. Kosegarten avait annoncé l’intention de publier tout l’ouvrage dont nous lui devons trois extraits. Il n’a pas donné suite à ce projet. Mais, dès l’année 1819, un de ses élèves édita un quatrième fragment du même abrégé, sous le titre suivant : Descriptio terrœ Malabar, ex arabica Ebn Batatœ Itinerario edita, interpretatione et annotationibus instructa, per Henricum Apetz ; Ienæ, in-4o de 24 pages.

La même année 1819 vit paraître les Voyages en Nubie du célèbre Burckhardt, mort au Caire deux ans auparavant. Dans l’appendice de cet important voyage[26], on trouve une note relative à Ibn Batoutah, dont Burckhardt possédait un abrégé bien plus étendu que celui sur lequel avaient travaillé Seetzen, Kosegarten et Apetz. La notice de Burckhardt se rapporte principalement à la relation du Soudan, et elle n’est pas toujours exacte. C’est ainsi que, pour nous borner à la portion de l’ouvrage traduite dans ce premier volume, on y lit qu’Ibn Batoutah se rendit de la ville d’Edfou sur le Nil, au village d’Adjirna el fil, tandis que le texte porte que le voyageur et ses compagnons passèrent le Nil à Edfou, pour se rendre à Athouany (thoumma djoznâ’l-Nila). On voit que Burckhardt a pris un verbe arabe au prétérit, suivi du nom du Nil, pour le nom d’un village[27]. Plus loin, il parle des discordes qui avaient éclaté entre les Bodjas et le peuple de Bornou, lisant Bornou au lieu de Turc, mot que portent nos manuscrits, et qui désigne les Mamloûcs de l’Égypte, dont la plupart étaient des Turcs du Kiptchak.

Burckhardt rend pleine justice à notre auteur : « Ibn Batoutah, dit-il, est peut-être le plus grand voyageur par terre qui ait jamais écrit ses voyages. Lorsque, pour la première fois, je parcourus rapidement son livre, je ne le supposai pas préférable à Damberger, le pseudo-voyageur africain ; mais une lecture plus attentive m’a convaincu qu’il a réellement été sur les lieux, et a vu ce qu’il décrit. Ses voyages consistent en un grand volume in-4o, qui est si rare en Égypte que je ne l’y ai jamais vu ; mais je sais qu’il en existe au Caire un exemplaire, bien que je n’aie pu découvrir qui en était le possesseur[28]. »

Les trois manuscrits de l’abrégé découvert par Burckhardt, et qui a pour auteur un certain Mohammed ibn Fath Allah albeïloùny, passèrent, après sa mort, dans la bibliothèque de l’Université de Cambridge. Ce fut sur ces manuscrits et sous les auspices du comité pour la traduction d’ouvrages orientaux, que le livre fut traduit en anglais par un savant orientaliste, M. Samuel Lee[29]. Comme le fait observer M. Dozy, cet abrégé ne peut donner qu’une idée bien incomplète de la relation originale. Albeïloùny a supprimé sans pitié nombre de détails géographiques et historiques rapportés par son auteur ; il s’est attaché de préférence à reproduire les anecdotes merveilleuses et les récits relatifs aux religieux et aux dévots musulmans, qu’Ibn Batoutah rencontra dans le cours de ses voyages. D’ailleurs, les noms propres de lieux sont écrits dans son livre d’une manière souvent peu correcte. La version de M. Lee manque quelquefois d’exactitude, même dans des passages fort simples et très-faciles. Les vers y sont rendus très-librement, et le mètre que le traducteur leur attribue n’est pas toujours le véritable. Mais M. Lee a enrichi sa traduction d’un grand nombre de notes, dont plusieurs complètent ou expliquent utilement l’abrégé sur lequel il travaillait.

Un religieux portugais, feu le P. José de Santo-Antonio Moura, avait entrepris une version portugaise de la relation originale, dont l’académie de Lisbonne a publié, en 1840, le premier volume[30]. Cette traduction a été faite sur un manuscrit que le P. Moura avait acheté pendant son séjour à Fez, en 1797 et 1798. Le seul volume publié jusqu’à ce jour correspond à la première partie de l’original, et finit à l’arrivée d’Ibn Batoutah dans le Pendjab. Dans sa préface (p. i et vi), le P. Moura assure qu’il a traduit fidèlement son manuscrit, lequel, ajoute-t-il (p. v), est d’une belle écriture et d’une excellente conservation, à de rares exceptions près. Il le croit même copié sur un manuscrit d’Ibn Djozay, qu’il appelle Ibn Djazi. Il ne commence sa traduction qu’au départ d’Ibn Batoutah de Tanger, « parce que, dit-il, les deux premiers feuillets du tome I de sa copie ont souffert, et qu’il y manque plusieurs mots, cachés par le papier blanc qui rejoint les déchirures. » La version du P. Moura est loin d’être toujours exacte, ce religieux étant, selon toute apparence, plus familiarisé avec l’idiome parlé qu’avec la langue savante. Mais le plus grand défaut de sa traduction, c’est de présenter de très-nombreuses suppressions. A la vérité, l’interprète portugais en a quelquefois averti son lecteur, mais, le plus souvent, il a négligé de le faire. Il ne s’est pas contenté de passer sous silence, sans le moindre avertissement, tous les vers qu’offre l’original et dont plusieurs sont, il est vrai, des hors-d’œuvre, comme il l’a fait aussi pour toutes les citations d’Ibn Djobeïr, etc., etc. Mais il a souvent omis des chapitres entiers, tels que celui relatif aux savants d’Alexandrie (p. 33 à 44 ci-dessous), se bornant à dire dans une note (p. 12) : « L’écrivain arabe fait ici une énumération étendue et ennuyeuse des kâdhis, savants et docteurs existant alors à Alexandrie. Comme je l’estime sans profit pour l’histoire, je l’omets : » Il a également passé, sous le même prétexte, l’article des émirs du Caire, celui des kâdhis, des savants et des notables de cette métropole (p. 85 à 93 ci-dessous). Enfin, il y a çà et là des omissions, même dans la description de Médine et dans celle de la Mecque. Calcul fait, les suppressions opérées par Moura, dans les chapitres de l’Égypte et de la Syrie seulement, équivalent à plus d’un quart de la relation originale de ces deux contrées. Il résulte d’une note sur les pages 14 et 15 de Moura, que son manuscrit indiquait souvent la prononciation des noms propres et de ceux des localités. Malgré cela, la plupart des noms d’hommes et surtout de lieux sont fort incorrectement écrits dans la traduction portugaise, ainsi que MM. Reinaud et Dozy en ont déjà fait l’observation.

Plusieurs morceaux importants de la relation originale ont été traduits en français dans ces dix dernières années. Le premier, contenant le voyage dans le Soudan, est dû à M. le baron de Slane, qui y a joint des notes, et l’a fait suivre d’une lettre à M. Reinaud, sur le manuscrit autographe[31]. Cet extrait a été l’objet de plusieurs observations, de la part de M. Fulgence Fresnel[32].

M. Edouard Dulaurier a donné, dans le Journal asiatique[33], le texte et la traduction, accompagnés de notes savantes, du chapitre relatif aux îles de l’archipel indien. L’un de nous a traduit, à plusieurs reprises, des portions étendues de l’ouvrage original. Il a publié, en premier lieu, les Voyages d’Ibn Batoutah dans la Perse et dans l’Asie centrale[34], puis, le Récit du voyage en Crimée et dans le Kiptchak[35] ; puis encore, les Voyages dans l’Asie Mineure[36] ; et, enfin, le chapitre relatif au sultan mongol des deux Irâks et du Khorâçân, Abou Sa’îd[37]. Tous ces extraits sont accompagnés de notes ; ils seront reproduits dans le second volume de la présente publication, avec les changements que pourront nécessiter la suppression du commentaire et une nouvelle étude du texte arabe faite sur un plus grand nombre de manuscrits.

Enfin, au commencement de l’année dernière, M. Cherbonneau, professeur d’arabe à Constantine, a donné une traduction libre et un peu abrégée du commencement de l’ouvrage, jusqu’au départ d’Ibn Batoutah pour la Syrie, moins toutefois la préface[38]. M. Cherbonneau n’a eu à sa disposition qu’un seul manuscrit, très-moderne et assez peu correct. Aussi sa version laisse-t-elle quelquefois à désirer ; mais il y a joint des notes, dont plusieurs offrent de l’intérêt. Cette version a été revue en quelques endroits sur l’original arabe et augmentée d’un petit nombre de notes, par l’un des auteurs de la présente traduction.


II.

Dans les pages précédentes nous avons essayé d’apprécier l’importance de l’ouvrage que nous publions, et nous avons énuméré tous les travaux dont il a été jusqu’ici l’objet, tant sous sa forme originale que dans les deux rédactions abrégées qui l’ont d’abord fait connaître à l’Europe savante. Nous devons maintenant exposer quels secours nous avons eus à notre disposition pour établir notre texte.

La Bibliothèque impériale possède cinq manuscrits d’Ibn Batoutah, dont deux seulement renferment tout l’ouvrage ; deux autres peuvent, par leur réunion, former un troisième exemplaire, enfin, le cinquième présente plusieurs lacunes considérables.

Le premier de ces manuscrits porte le n° 907 du fonds supplémentaire arabe, mis en ordre par M. Reinaud. Il nous offre, comme l’a démontré M. le baron de Slane, l’autographe d’Ibn Djozay. On a vu plus haut que tel était le nom, ou plutôt la désignation patronymique du rédacteur des Voyages d’Ibn Batoutah. Cet écrivain, dont le vrai nom était Abou Abd Allah Mohammed, fils d’Abou’lkâcim Mohammed, avait vu le jour à Grenade, en l’année 721 de l’hégire (1321 de J. C.). Il appartenait à une branche de la tribu arabe de Kelb, qui s’était établie en cette ville, lors de la conquête de l’Espagne par les musulmans. Son père, Mohammed ibn Ahmed, mort en l’année 741 (1340-1341), s’était fait remarquer par son savoir et ses écrits[39]. Notre auteur entra au service d’Abou’lhaddjâdj Yoûcef, roi de Grenade, et fut employé dans les bureaux du gouvernement. Mais ayant été puni injustement par son maître et déchiré même à coups de fouet, il abandonna sa patrie et passa à la cour du sultan de Maroc, Abou Inân, qui le nomma son câtib (secrétaire). C’était un homme d’une grande érudition et un calligraphe du premier ordre. Il se distingua dans plusieurs branches de la littérature : poésie, histoire, philologie et théologie. Ces divers titres le désignèrent au choix d’Abou Inân, pour rédiger les voyages d’Ibn Batoutah, tâche qu’il acheva en moins de trois mois, à l’aide des notes dictées par notre voyageur. Il ne survécut que huit mois à ce travail, et mourut en 1356. Quant à Ibn Batoutah, il prolongea sa carrière jusqu’en l’année 779 (1377-1378)[40].

Ledit manuscrit 907 est de format in-4o, et revêtu d’une reliure européenne neuve. Il se compose de cent dix feuillets, et renferme la seconde et dernière partie de l’ouvrage. « Le papier, qui en a été rongé en plusieurs endroits, est très-épais et jauni par l’âge ; l’écriture même en a pâli, et, en quelques endroits, elle est presque effacée. Parmi les feuillets de ce manuscrit, il y en a quelques-uns qui ont dû y être insérés plus tard, pour en remplacer d’autres qui avaient disparu ; tels sont les feuillets 1 et 2, et probablement les feuillets 19 à 38 inclusivement ; le reste en est écrit de la même main et offre un beau modèle de l’écriture maghrébine espagnole ; on y remarque une facilité, une grâce et une hardiesse qui décèlent l’habile calligraphe, et qu’on ne rencontre que bien rarement dans les écritures purement africaines. Au dernier feuillet, le copiste nous apprend qu’il acheva son travail au mois de safer de l’an 757 de l’hégire[41]. »

Le n° 908 du supplément arabe est un volume in-folio de 199 feuillets, contenant seulement la première moitié de l’ouvrage. La copie en a été terminée au mois de safar de l’année 1134 (commencement de 1721). Il est écrit en caractères maghrébins très-gros et très-lisibles ; mais il n’est pas toujours correct et il offre çà et là quelques omissions, en général de peu d’étendue. Il se distingue des trois autres en ce qu’il néglige, le plus souvent, d’indiquer, lettre par lettre, la lecture d’un certain nombre de noms propres, se contentant d’ajouter parfois les points-voyelles.

Le manuscrit 909 est aussi de format in-folio. Les trois premiers feuillets en sont un peu endommagés, et çà et là illisibles, surtout le second. Le volume est écrit en caractères maghrébins et contient deux cent six feuillets. On lit à la fin cette note assez curieuse : (arabe) « Cet exemplaire a été copié sur un original extrêmement incorrect. »

Nous devons reconnaître, toutefois, que ce manuscrit, ainsi que le n° 908, nous a fourni un assez grand nombre de bonnes leçons, surtout pour le chapitre de la Syrie. Mais il présente quelquefois des omissions, principalement dans les passages où le même mot se trouvant répété à la fin de deux lignes différentes, le copiste a, par inadvertance, sauté tous les mots intermédiaires. La Bibliothèque impériale a acquis ce manuscrit d’un ancien consul au Maroc, M. Delporte, lequel, à ce que nous avons appris, en possède encore un autre.

Le n° 911 est un volume in-folio, de 167 feuillets (lisez 157) ; il est tracé en caractères maghrébins et paraît assez ancien ; mais il y manque le premier et le dernier feuillet. On y trouve aussi des lacunes de plusieurs feuillets, après le folio 7, le folio 74 et le folio 82. La première correspond, dans le présent volume, à la portion qui s’étend depuis la fin de l’article du Nil jusqu’à l’histoire de l’émir Karasonkoùr (p. 80 à 167). La seconde est encore plus considérable, car elle embrasse toute la fin de la description de l’Asie Mineure, à partir de la ville de Tîreh, et la relation du Kiptchak presque tout entière. En outre, ce manuscrit a beaucoup souffert de l’humidité, et, en plusieurs endroits, il est devenu presque illisible. Le texte du n° 911 est, en général, le même que celui du n° 909 ; mais il est beaucoup plus incorrect que celui-ci.

Le n° 910 se compose de 147 feuillets, de format in-folio et d’une écriture maghrébine très-fine et très-nette. La première page (folio i v°) est d’une main plus récente que le reste du volume et extrêmement incorrecte. A la fin de la première partie (folio 80 r°), on lit une note d’après laquelle la transcription de cette première section a été achevée le lundi 1er jour de moharram de l’année 1180 (9 juin 1766), par un nommé Mohammed, fils d’Ahmed… alboùny attémîmy. Le copiste ajoute qu’il était malade pendant qu’il transcrivait la majeure partie de cet exemplaire[42]. A la fin du volume, on lit que la transcription en a été terminée le 11 de safar de la même année.

De tous les manuscrits que nous avons eus à notre disposition, le n° 910 est, sans contredit, le plus complet et le plus correct, bien qu’on y trouve souvent des fautes de copiste et des omissions, en général de peu d’importance. C’est celui que nous avons pris, le plus souvent, comme base de notre édition, pour toute la première partie, nous réservant de lui substituer le n° 907, c’est-à-dire l’autographe, quand nous arriverons au second livre. Nous l’avons collationné soigneusement avec les trois autres ; mais nous n’avons introduit dans le texte les leçons de ces manuscrits, que quand elles nous ont paru plus correctes ou plus complètes. Nous aurions pu joindre à notre travail un plus grand nombre de variantes, et c’est même ce que nous avions commencé à faire sur notre copie. Mais le format et la disposition typographique adoptés pour cet ouvrage par le bureau de la Société asiatique, ne comportant pas de notes (au moins à l’endroit où elles peuvent être vraiment utiles, c’est-à-dire au bas de la page), nous avons supprimé presque toutes les variantes qui n’ajoutaient rien à la pensée de l’auteur, telle qu’elle se trouvait exprimée dans le manuscrit 910, ou qui ne pouvaient balancer les leçons de ce dernier. Les autres variantes, indiquées par des numéros, et le chiffre de la page, se trouveront insérées à la fin de chaque volume.

Un mot maintenant sur deux autres exemplaires du même ouvrage, sur lesquels nous pouvons donner quelques renseignements, mais que nous n’avons pas vus.

L’ancien cheïkh elislâm de Constantine, Si Hamoûda ibn Lefgoun, est possesseur d’un exemplaire complet d’Ibn Batoutah. Ce manuscrit de format in-4o, presque sans taches et d’une belle conservation, a été copié à Constantine par l’aïeul du propriétaire actuel, Bedr eddîn ibn Mohammed ibn Abd alkerym alfékoun (suivant la prononciation du pays, ellefgoun, et par abréviation, lefgoun). Sa transcription fut terminée le 22 de chawwàl de l’année 1160 de l’hégire (27 octobre 1747). Quoique Bedr eddîn passât pour savant aux yeux de ses compatriotes, il a commis dans sa copie plusieurs fautes qui accusent ou de la négligence ou une connaissance peu profonde de la grammaire. Son écriture est peu élégante ; elle est même difficile à lire dans certains passages.

M. Cherbonneau, à qui nous devons les détails qui précèdent, a bien voulu nous transcrire plusieurs passages de ce manuscrit, dont un, formant plus des deux tiers de l’introduction. Nous avons pu nous convaincre par là que cet exemplaire laisse beaucoup à désirer sous le rapport de l’exactitude.

Un orientaliste espagnol, M. Pascual de Gayangos, possède une copie de la relation originale d’Ibn Batoutah. Ce manuscrit a été communiqué par son propriétaire à M. R. Dozy, qui l’a fréquemment mis à contribution dans ses divers ouvrages, et surtout dans son Dictionnaire des noms des vêtements chez les Arabes. A en juger d’après les citations que lui a empruntées le savant professeur de Leyde, l’exemplaire de M. Gayangos est loin d’être toujours correct.


III.

Peu d’auteurs réclament, aussi impérieusement que le nôtre, le secours d’un commentaire. En effet, si le lecteur a besoin d’éclaircissements, c’est surtout quand il s’agit d’un ouvrage écrit dans un idiome pour l’intelligence duquel les dictionnaires ne fournissent que des renseignements fort insuffisants ; d’un ouvrage qui traite des matières les plus variées, histoire politique et littéraire, géographie, histoire naturelle, etc. Joignez à cela les circonstances qui ont accompagné la rédaction des Voyages d’Ibn Batoutah, le long espace de temps qui s’était écoulé entre l’époque où l’auteur visitait des régions lointaines et peu connues, et le moment où il dictait de mémoire ses souvenirs ; et vous vous ferez une idée des éclaircissements et quelquefois des rectifications, qu’exigerait une traduction d’un pareil livre.

Le plan adopté par la Société asiatique pour la collection dont cet ouvrage fait partie et qu’il est destiné à commencer, nous interdit un commentaire. Des index philologique et onomastique peuvent, en partie, suppléer au manque d’un semblable travail ; mais ils n’admettraient pas des observations de quelque étendue, destinées à expliquer et à rectifier tout ce qui, dans le récit du voyageur maghrébin, pourrait paraître obscur et erroné ; et cependant, un de nous a déjà prouvé, dans de précédentes publications, qu’Ibn Batoutah intervertit quelquefois l’ordre de ses itinéraires et qu’il brouille les époques. Nous avons donc cru nécessaire d’obvier aux inconvénients que pourrait offrir le plan qui nous est imposé, en intercalant, dans la table des variantes, les explications historiques et géographiques qui nous paraîtront indispensables. Des parenthèses ouvertes dans le cours de la traduction, servent à éclaircir le texte, toutes les fois qu’on peut le faire en peu de mots.

Il ne faudrait pas juger de l’intérêt du récit des Voyages d’Ibn Batoutah d’après les premières pages de sa relation. Soit que la mémoire du voyageur ne lui offrît que peu de détails sur son passage à travers les régences barbaresques, soit tout autre motif, cette partie de son livre doit nous paraître fort maigre et fort écourtée. Il faut, toutefois, tenir compte des souffrances et des dangers qu’lbn Batoutah eut à surmonter dans cette première portion de ses courses. Dès son arrivée à Bougie, il fut atteint de la fièvre, et à cette maladie vint se joindre la crainte des attaques des Arabes. De Bône à Tunis, le voyageur se vit tellement affaibli par la maladie, qu’il était obligé de s’attacher sur sa selle avec la toile d’un turban, de peur de tomber. Il ne lui fut cependant pas possible de s’arrêter, à cause des dangers que présentait le chemin. A l’article de Tunis, Ibn Batoutah donne quelques détails intéressants sur la manière dont se célébrait en cette ville la fête de la rupture du jeûne. En partant de Tunis, le voyageur est choisi pour kâdhi ou juge par les gens de la caravane dont il faisait partie, et qui se composait principalement de Berbères masmoùdites.

L’intérêt augmente avec l’arrivée d’Ibn Batoutah à Alexandrie. Le voyageur nous décrit avec détail le célèbre phare de cette ville, dont un des côtés seulement était en ruine lors de son premier voyage, tandis qu’à son retour, vingt-quatre ans après, il le trouva complètement détruit. Il nous fait connaître aussi la colonne des piliers, vulgairement appelée colonne de Pompée. Sa description de ces deux monuments mérite d’être rapprochée de celle que nous devons au judicieux médecin de Baghdad Abd allathif, auteur de la Relation de l’Égypte, si doctement traduite et commentée par Silvestre de Sacy. Ibn Batoutah raconte un soulèvement qui eut lieu à Alexandrie, en l’année 727 (1326-1327), et dont il reçut la nouvelle pendant son séjour à la Mecque. Ce soulèvement eut pour cause une dispute survenue entre les musulmans et les marchands chrétiens, et dans laquelle le gouverneur de la ville prit parti pour ces derniers. Le voyageur nous donne, sur la répression de cette émeute, les détails les plus intéressants. Les mêmes événements ont été racontés par Makrizy[43], d’après lequel la rixe entre les Francs et les musulmans dut son origine à une partie de débauche faite par les premiers hors des murs de la ville.

Dans le chapitre intitulé De quelques savants d’Alexandrie, et que le Père Moura a entièrement omis dans sa traduction, Ibn Batoutah fait mention incidemment d’Abou’lhaçan Aly achchâdhily, fondateur d’un ordre religieux très-repandu en Afrique[44] ; puis il raconte, à propos de la mort de ce saint personnage, une légende passablement merveilleuse, qu’il tenait d’un disciple de Châdhily, lequel avait été témoin de ses derniers moments. Nous devons faire observer, que le géographe turc Hadji Khalfah a rapporté, dans son Djihân-Numa ou cosmographie, touchant la mort de Châdhily, une légende qui offre quelque ressemblance avec la nôtre, mais qui est bien autrement merveilleuse[45]. Plus loin, Ibn Batoutah mentionne la sépulture de Châdhily, située dans l’Égypte supérieure, entre le Nil et la mer Rouge. Il est peut-être bon de rapprocher de ce passage de notre voyageur les paroles suivantes de Burckhardt : « Dans les montagnes à l’est de Daraou, dans l’Égypte supérieure, à trois journées de ce village, vers la mer Rouge, est une plaine avec des puits d’eau douce, qui est appelée Cheïkh-Châdely, à cause de la tombe d’un saint homme, que l’on dit être mort en cet endroit, sur la route de Kosseir à Souakin, laquelle passe tout près des puits. La tombe est tenue en grande vénération par les Égyptiens ; un des beys mamloucs a construit au-dessus d’elle une coupole ; et des individus font fréquemment le vœu de visiter le tombeau du cheïkh, et d’y sacrifier une brebis en son honneur[46]. »

A l’article de Fawwa (Fouéh), dans la basse Égypte, Ibn Batoutah dit qu’il rencontra l’émir Seïf eddin Yelmélec ; il ajoute : « Au lieu de Yelmélec, le peuple appelle cet émir Almélic ; en quoi il se trompe. » Nous devons faire observer que, malgré l’assertion de notre voyageur, l’émir Seïf eddîn est toujours appelé, par les historiens, Almélic et non Yelmélec. Ce personnage faisait partie d’une des familles qui avaient été prises, et emmenées en Égypte par le sultan Beïbars, à la suite de la victoire qu’il remporta sur les Mongols et les Turcs, en 1277, près d’Abouloustaïn (actuellement Elbostàn), en Asie Mineure. Almélic appartint d’abord à Kalâoûn, qui n’était encore qu’émir. En l’année 698 (1298-1299), Almélic avait le titre de djoukendar (officier chargé de porter la raquette avec laquelle le sultan poussait la balle, au jeu du mail à cheval), et il fut député à Carac par les autres émirs, pour en ramener le sultan Mélic Nàcir[47]. Par la suite, il devint émir alhâddj, c’est-à-dire conducteur de la caravane de la Mecque, et fut nommé par le sultan Almélic Assàlih ïsmaïl, vice-roi de l’Egypte (Nâib assalthanah). Il occupa cette dernière place pendant deux ans, en fut dépouillé par le sultan Almélic Cha’bân, dans l’année 746 (1345), et fut étranglé à Alexandrie, dans la même année, ou, selon une autre version, vers le milieu de la suivante. Il avait vécu plus de quatre-vingt-dix ans[48].

Tels sont les points de détail, en bien petit nombre, et pris seulement dans le chapitre de l’Égypte, sur lesquels il nous a paru bon d’insister particulièrement, soit pour corroborer, soit pour rectifier les allégations de notre auteur. Nous ne croyons pas devoir signaler ici tous les renseignements curieux que présente, dans ce volume, le récit d’Ibn Batoutah, soit en ce qui concerne la personne et le caractère des princes dont il visita la cour, soit relativement aux productions naturelles de chaque pays et au genre d’industrie particulier à ses habitants. Les détails historiques dans lesquels entre assez fréquemment le voyageur maghrébin, sont, au reste, d’autant plus précieux que l’époque à laquelle ils se rapportent nous est encore imparfaitement connue. On remarquera surtout quelques allusions curieuses à l’état d’hostilité, tantôt déclarée, tantôt sourde et mal déguisée, dans lequel se trouvaient les sultans mamloucs de l’Égypte à l’égard des souverains mongols de la Perse. La description des villes importantes, telles qu’Alexandrie, le Caire, Alep, Damas, Médine, la Mecque, Mechhed Aly, etc. abonde en notions intéressantes, en détails piquants et de la nature la plus variée.

Il nous reste à exposer, en peu de mots, la marche que nous avons suivie dans notre travail. Nous avons déjà eu l’occasion de nous expliquer sur ce qui regarde la rédaction du texte. Quant à la version, nous avons cru devoir nous efforcer de la rendre aussi exacte qu’il nous était possible de le faire, sans manquer aux lois prescrites par l’usage de la langue française, ou sans tomber dans l’obscurité. Au moment où l’on allait commencer l’impression de ce volume, nous avons reçu un ouvrage que nous attendions impatiemment, et dont la publication ne pouvait être agréable à personne plus qu’à nous. Nous voulons dire la relation du premier voyage que fit à la Mecque, dans l’Irâk arabe et en Syrie, sous le règne du fameux Saladin, un Arabe d’Espagne, Mohammed ibn Djobeïr. Le texte de cet ouvrage, dont il n’existe en Europe qu’un seul manuscrit complet, celui de la bibliothèque de l’université de Leyde, a été publié en cette ville, au mois de novembre 1852, par un jeune savant écossais, M. Wright[49], qui, dans ce travail, a fait preuve d’une grande exactitude et d’une connaissance étendue de la langue arabe. Le récit d’Ibn Djobeïr présentait pour nous un intérêt tout particulier, Ibn Djozay ayant souvent copié textuellement les paroles de l’écrivain espagnol, quelquefois en le citant, mais plus souvent sans en avertir. La comparaison de l’édition de M. Wright nous a été fort utile dans ces deux cas ; mais nous n’avons pas cru devoir reproduire les leçons admises pour ces passages par le savant écossais, quand nos manuscrits en fournissent d’autres qui nous ont semblé préférables. La publication de M. Wright nous a aussi servi à déterminer, avec plus de certitude, le sens de certains passages où le récit d’Ibn Djobeïr est plus circonstancié que celui d’Ibn Batoutah. Mais, en revanche, nous pensons que le texte d’Ibn Batoutah aidera à mieux comprendre celui d’Ibn Djobeïr, dont le style est souvent fort obscur, et joint la prolixité à une recherche fatigante. On sent trop que l’écrivain arabe-espagnol, profondément versé dans les finesses de sa langue maternelle, et possédant à fond toutes les ressources du style élevé, a voulu souvent lutter avec Hariry.

Le style d’Ibn Batoutah, ou plutôt d’Ibn Djozay, est, au contraire, généralement clair et assez facile, au moins en ce qui regarde le récit des voyages du pèlerin de Tanger et la plupart des anecdotes rapportées par lui. Toutefois, un assez grand nombre de passages sont écrits en prose rimée et présentent de grandes difficultés. Nous citerons comme tels la majeure partie de la préface, et les morceaux par lesquels commence la description des villes importantes et dont quelques-uns sont copiés d’Ibn Djobeïr. Une autre difficulté provient des vers assez nombreux insérés dans le cours du récit, et dont plusieurs offrent des difficultés d’autant plus sérieuses, que souvent il est impossible de deviner les idées qui les précèdent et qui les suivent, dans le reste de la pièce d’où ils sont extraits. Il faut ajouter à ces causes d’obscurité l’emploi de termes empruntés au langage technique des soufis, et surtout de mots qui ne sont usités que dans l’idiome de l’Afrique septentrionale, au moins avec l’acception que leur donne notre voyageur. Or on sait combien, sous ce rapport surtout, sont incomplets nos dictionnaires arabes, et même le plus récent de tous. Heureusement, plusieurs de ces mots ont été expliqués par M. Dozy, dans son Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes, dans ses Scriptorum Arabum loci de Abbadidis, etc., et par M. Cherbonneau, dans l’utile travail dont il a commencé la publication sous le titre de : Définition lexigraphique de plusieurs mots usités dans le langage de l’Afrique septentrionale[50]. Nous nous sommes plus d’une fois aidés, pour notre traduction, des travaux de ces deux savants. Le texte d’Ibn Batoutah permettra d’ajouter à nos dictionnaires un assez grand nombre de significations ou de mots inconnus jusqu’ici, ainsi que nous espérons le démontrer dans l'index philologique destiné à clore cette publication. Un autre index, consacré aux noms propres, présentera, sous une forme concise, et, le plus souvent, par la simple indication des auteurs à consulter, les éclaircissements que l’on pourrait désirer sur les localités et les personnages mentionnés par Ibn Batoutah.

Dans le courant de l’impression de ce premier volume, nous avons étudié de nouveau quelques passages du commencement de l’ouvrage, dont la traduction ou la lecture ne nous satisfaisaient pas, et nous croyons maintenant les avoir mieux lus et entendus. On trouvera ces corrections, d’ailleurs fort peu nombreuses, à la fin de ce volume, et nous comptons assez sur l’équité de nos lecteurs, pour espérer qu’ils en tiendront compte en jugeant notre travail.

Nous sommes loin de nous dissimuler tout ce que présente d’épineux l’honorable tâche qui nous a été imposée par la confiance de la Société asiatique, surtout eu égard à l’imperfection des manuscrits auxquels nous sommes réduits pour la première partie. Si l’on songe que nous travaillons sur un texte considérable, entièrement inédit, à quelques pages près ; et que, pour plus de la moitié de cet ouvrage, nous ne possédons que trois manuscrits complets, dont deux très-médiocres, on se sentira porté à excuser les imperfections qui pourront se rencontrer dans ce travail, malgré tous nos efforts pour les éviter. Dans les additions et corrections placées à la fin de l’ouvrage, nous mettrons à profit, avec reconnaissance, toutes les observations utiles que l’on voudra bien nous faire, soit sur le texte, soit sur la traduction.

  1. Journal asiatique, mars 1843, p. 187.
  2. Voyages d’Ibn Batoutah dans la Perse et dans l’Asie centrale, traduits par M. Defrémery, Paris, 1848, p. 100-102.
  3. Notices et extraits des manuscrits, t. XIII, p. 223.
  4. Walckenaer, Recherches géographiques sur l’intérieur de l’Afrique septentrionale, Paris, 1831, p. 39.
  5. Ritter’s Erdkunde, X° partie, III° livre, t. VII : Les pays de l’Euphrate, p. 277.
  6. Zach’s, Monatliche Correspondenz ; Band 17, s. 304.
  7. The Negroland of the Arabs examined und explained ; by W. Desborough Cooley ; London, 1841, in-8o, pag. 70, note.
  8. Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes ; Amsterdam, 1845, p. vii.
  9. Tom. I, p. CLVI-CLXI.
  10. Journal asiatique, mars 1843, p. 184.
  11. On en trouvera un exemple dans les Voyages d’Ibn Batoutah dans la Perse et dans l’Asie centrale, traduits par M. Defrémery ; Paris, 1848, p. 25.
  12. Journal asiatique, t. II de 1850, p. 545. Cf. S. de Sacy, Journal des Savants, 1829, p. 477-478.
  13. Journal}} asiatique, août-septembre 1846, p. 217, et mars 1847, p. 253.
  14. Op. supr. land. p. clx.
  15. Voyages dans la Perse, etc., p. 111. Cf. M. Lee, Travels of ibn Batuta, p. 194.
  16. Viaggio di Lionardo di Niccolo Frescobaldi, Fiorentino, in Egitto e in Terra Sania ; Rome, 1818, in-8o, p. 92. Cette relation n’est pas aussi connue qu’elle nous paraît mériter de l’être. Un savant géographe, M. Vivien de Saint-Martin, qui tout dernièrement a eu occasion de la citer, s’est contenté de dire qu’on l’a exhumée récemment de la poussière des bibliothèques, où l’on aurait pu la laisser ensevelie sans aucun tort pour la science. (Nouvelles annales des voyages, janvier 1853, p. 42) Ce jugement nous semble beaucoup trop sévère : nous croyons donc faire une chose utile en ajoutant, à la suite de cette préface, une courte analyse de la relation du voyageur florentin.
  17. Viagio, p. 94.
  18. Notices et extraits des manuscrits, t. XIII, p. 335.
  19. Ibid., p. 337.
  20. Page 338.
  21. Page 347.
  22. Zach’s Monatliche Correspondenz, Band XVII, s. 293-304.
  23. Page 9 de l’opuscule cité dans la note suivante.
  24. De Mohammede ebn Batuta Arabe Tingitano ejusque itineribus, commentario academica, auct. J. G. L. Kosegarten ; Ienae, 1818, in-4o, 51 p. S. de Sacy a rendu compte de cet opuscule dans le Journal des Savants de janvier 1820
  25. Page 8. Burckhardt est aussi tombé dans cette erreur, qu’expliquent du reste les termes du préambule des deux abrégés. (Travels in Nubia, p. 488, note.)
  26. Travels in Nubia, seconde édition ; Londres, 1822, in-4o, p. 487-492.
  27. Cette erreur, ainsi que la suivante, a été reproduite par M. Lee. (The travels of Ibn Batuta, p. 16, 18.) Cf. ci-dessous, p. 109, 110.
  28. « J’ai entendu parler, pendant mon séjour au Kaire, d’un manuscrit complet de l’ouvrage de Ben Batouta, déposé dans la bibliothèque de la mosquée Elazhar. » (M. Jomard, Remarques et recherches géographiques, à la suite du Voyage à Tombouctou et à Jenné, par René Caillié. Paris, 1830, t. III, p. 153, note 1.)
  29. The travels of Ibn Batuta, translated from the abridged arabic manuscript copies, etc. London, 1829, in-4o, de xviii et 243 p. M. Lee a eu tort de supposer (p. xi et p 2, note) que son abrégé était le même que celui de M. Kosegarten. La version du savant anglais a été l’objet de deux intéressants articles de Silv. de Sacy, dans le Journal des savants. n° des mois d’août et septembre 1829.
  30. Viagens extensas e dilatadas de celebre Arabe Abu Abd Allah mais conhecido pelo nome de Ben Baluta, Lisboa, petit in-4o de vii et 533 pages.
  31. Journal asiatique, numéro de mars 1843, p. 181-246.
  32. Ibid. janvier 1849, p. 61-63.
  33. Février, mars 1847. Il y en a eu des exemplaires tirés à part. Paris, Imprimerie royale, mai 1847, in-8o, de 86 pages.
  34. Nouvelles annales des voyages, janvier, avril, juillet 1848. Il en a été fait un tirage à part. Paris, E. Thunot, 1848, in-8o, de 162 pages.
  35. Journal asiatique, juillet et septembre 1850. (Reproduit dans l’ouvrage intitulé : Fragments de géographes et d’historiens arabes et persans, inédits, relatifs aux anciens peuples du Caucase et de la Russie méridionale, par M. Defrémery, p. 137-208.)
  36. Annales des voyages, décembre 1850, janvier, mars, avril 1851. Il y en a eu des exemplaires tirés à part. Paris, E. Thunot, 1851, in-8o de 96 pages.
  37. Journal asiatique, février-mars 1851. reproduit dans les Fragments de géographes, etc., p. 255-264.
  38. Nouvelles annales des voyages, février, mars, avril, mai 1852. Il y en a eu des exemplaires tirés à part. Paris, Arthus Bertrand, 1852, in-8o, de 88 pages.
  39. L’un de ces écrits se trouve dans la bibliothèque de l’université de Leyde, sous le n° 601 du Catalogue de M. R. Dozy, t. II, p. 79, note.
  40. Journal asiatique, mars 1843, p. 183 et 244-246.
  41. De Slane, Journal asiatique, ibid. p. 242. Le mois de safer 767 correspond au mois de février 1356 de notre ère.
  42. note en arabe
  43. Cité par S. de Sacy, Chrestomathie arabe, t. II, p. 48.
  44. Sur ce personnage, mort en l’année 658 (1260), voyez M. Alph. Rousseau, Journal asiatique, avril-mai 1849, p. 312, note 29, et cf. Veth et Weijers, Lobb allobâb, p. 147, note 6, et l’Histoire des Mamlouks de l’Égypte, t. I, p. 115.
  45. Voyez l’extrait du Djihân Numa, publié par Silv. de Sacy, d’après la traduction manuscrite d’Armain, dans sa Chrestomathie arabe, t. I, p. 481-482.
  46. Travels in Nubia, p. 418.
  47. Histoire des sultans mamlouks de l’Égypte, par Makrizi, traduite par M. Quatremère, t. II, II° partie, p. 123, 126. Ailleurs (sub anno 708), il est nommé, dans le même ouvrage (ibid., p. 284), Seïf eddin almulk.
  48. Makrizy, apud de Sacy, Chrest. arabe, t. II, p. 175 ; Orientalia, t. II, p. 379, 384.
  49. The Iravels of Ibn Jubair, edited from a ms., in the university library of Leyden, by W. Wright. Leyden. E. J. Brill, 1852, 1 vol. in-8o.
  50. Voy. le Journal asiatique, n°s de janvier et juin 1849.