Voyages et aventures du docteur Festus/Livre quatrième

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Livre quatre
Livre quatre

Où le docteur Festus ayant été lancé par la tangente, on le perd de vue. — Comment toute la commune, après avoir passé sur le ventre du Maire, s’alla noyer dans le grand canal. — Milord rejoint Milady, et tous les deux sont écroués sous le n° 36, où ils retrouvent le Maire. — Gouvernement paternel du Royaume de Vireloup. — Comment le Maire, Milord et Milady, se trouvent être à la tête d’une vaste conjuration ramifiée. — Des interrogatoires et de la procédure. — Histoire sinistre d’une requête en grâce. — Retour imprévu de la force armée, mort de JeanBaune, le repris de justice, et délivrance presque miraculeuse du Maire, de Milord et de Milady.

I.

Le docteur Festus, lancé par la tangente, traversa un vol de corbeaux criards, dont soixante-huit, culbutés par le choc, vinrent tomber sur le champ de Jean Renaud, l’arpenteur assermenté, au moment où il triangulait son propre champ, par façon de récréation digestive, ce qu’il pratiquait tous les jours après son dîner. À la vue des volatiles Jean Renaud culbuta son niveau, et cassa sa planchette, tant il fut surpris, croyant que ce fût toute une plaie d’Égypte. Puis, s’étant remis, il alla quérir des témoins, comme quoi il avait été favorisé d’un grand phénomène, qu’il nomma une pluie de corbeaux.

Jean Renaud procéda ensuite à écrire un beau mémoire pour l’académie royale de Vireloup. Il détailla d’abord le fait, puis, passant aux recherches explicatives, il en trouva la cause dans la rencontre fortuite de particules organiques, agissant en vertu d’une force vitale propre à chacune d’elles séparément, mais qui se détruisait par leur agglomération sous forme de corbeaux ; ce qui était prouvé par l’inspection même des corbeaux, trouvés morts à l’instant de la chute. S’élevant ensuite aux lois générales, il tira de là sa grande théorie des formations aériennes, à laquelle il rattacha le phénomène des aérolithes, des pluies de sauterelles, des pluies de grenouilles, des grêles printanières, et aussi, en allongeant un peu le bras, des étoiles filantes ; d’où il fut nommé à l’unanimité membre correspondant de l’académie royale de Vireloup, et reçut son diplôme doré sur tranche et parafé au revers, de manière qu’il mourut, insolvable, ne voulant plus arpenter, crainte de s’avilir et dégrader son diplôme.

II.

Le docteur Festus traversa ensuite la région des nuages où il ne trouva personne, mais regretta souvent son parapluie ; et il aurait certainement contracté un rhumatisme goutteux, suivi de paralysie, sans les étincelles électriques qui le piquaient au flanc, au dos, à la tête et sur tous les membres, selon la méthode des plus fameux médecins. Par ce fait, furent préservés de la foudre, ce jour-là, trois communes et deux paroisses, portant sept cents meules de foin, dont vingt-cinq à Georges Luçon.

Mais aussitôt qu’il eut franchi la région des nuages, le docteur fut obligé de mettre ses lunettes vertes, inondé qu’il fut tout-à-coup des flots d’une clarté pure qui étincelait au ciel, à l’horizon, et sur la croupe blanche des nuées qui ondulaient à ses pieds. Vers le nord, quelques cimes bleuâtres, appartenant aux grandes chaînes centrales, formaient comme des îlots d’azur sur une mer d’argent, ajoutant par leur immobilité à la majesté imposante de ces resplendissantes solitudes. Bientôt l’effort du vent déchira ces nuées, et d’immenses paysages apparurent, dont l’éloignement l’empêchait de distinguer les détails ; mais il voyait comme un vaste tapis embelli de mille teintes d’une richesse et d’une pureté extraordinaires, tantôt sombres, tantôt riantes, et sillonnées par un filet de pur cristal. C’était la rivière d’Eaubelle, au-dessus de laquelle il se trouvait alors.

III.

Ce fut bien autre chose lorsque, vers le soir, ayant tourné la tête, il vit la lune grande comme l’hippodrome, qui s’avançait majestueusement dans l’espace avec le bruit lointain d’une bombe qui fend l’air, et présentant à ses regards d’immenses montagnes, de profondes vallées, des continens, des mers resplendissantes. Il reconnut que cet astre est composé d’une croûte métallique sans cesse renouvelée ; qu’au centre de cette coque extérieure bouillonnent sans cesse trente-six métaux en pleine fusion lesquels venant à se faire un passage par le sommet, des monts, découlent ensuite sur leur croupe en lames brillantes qui se refroidissent à leur tour ; qu’ainsi les profondes vallées de cet astre forment comme d’immenses miroirs concaves, à l’instar de ceux avec lesquels Archimède brûla la flotte des Romains, et que ce sont ces miroirs qui, réfléchissant la lumière du soleil, éclairent nos nuits d’une douce lumière. Enfin, il s’assura que cette planète n’est pas habitée, contrairement à l’opinion de ce savant Allemand qui prétend y avoir distingué, avec sa lunette, un marquis valsant avec une douairière. Du reste, le docteur Festus ne se débattait plus entre le rêve et la veille, bien convaincu que, dormant encore à l’hôtel du Lion d’Or, il était favorisé d’un rêve aussi unique qu’admirable.

IV.

Il est temps de retourner à Milord, que nous avons laissé en chemise vers les rives du grand canal, faisant une battue pour retrouver l’habit du Maire, dont le docteur Festus se trouvait vêtu à son préjudice.

En faisant sa battue, Milord, en chemise, était arrivé à l’endroit où restait gisant Pierre Lantara le vagabond, tué récemment par Jean Baune. Croyant que c’était un brave paysan qui sommeillait, il lui avait dit d’une voix forte : Do you speak english ? À quoi Pierre Lantara ne répondit rien. Milord s’étant alors approché, reconnut parfaitement un des deux brigands qui l’avaient dévalisé.

Sur quoi il entra en humour, et fit, en bon anglais, quatre-vingt-deux plaisanteries diverses sur cette idée très-simple que le drôle avait attrapé ce qu’il méritait, riant si prodigieusement entre chacune d’elles, qu’il se creva la peau du diaphragme ; d’où sa voix devint creuse, et son rire abdominal.

Du reste, pour ne pas rester en chemise, Milord se vêtit des habits de Pierre Lantara, et put reprendre sa route vers l’hôtellerie, où Milady devait l’attendre. Mais à sa grande stupeur, il ne trouva dans la commune, dans le village, dans l’hôtellerie, pas une âme vivante, si ce n’est l’âne de Julien le borgne, qui léchait la boîte à sel. Milord l’enfourcha, et repartit aussitôt, extrêmement inquiet du sort de son épouse.

V.

C’est qu’en effet, depuis le départ du Maire et de la force armée, il s’était passé des choses affligeantes dans cette déplorable commune.

Les réglemens avaient été enfreints, les bans levés, les bois communaux brûlés, et l’Hôtel-de-Ville mis en cabaret, où se buvait le vin communal. D’autre part, Louis Frelay avait chassé par les seigles sans permis, disant avoir le droit de tirer sur les moineaux ; d’où Claude Roset lui avait entamé le mollet de sa faucille, disant avoir le droit de couper son seigle ; sur quoi, Louis Frelay lui avait tiré son coup de petit plomb dans l’épaule, disant avoir le droit de décharger son fusil ; sur quoi, le garde-champêtre survenant leur avait pris à chacun leur bonnet, disant qu’il avait le droit de les mettre à l’amende ; sur quoi, les Roset et les Frelay étant accourus, avaient foulé le garde-champêtre, disant qu’ils avaient le droit de défendre leurs parens ; ce dont les autres de la commune s’étaient fâchés, disant qu’ils avaient le droit d’avoir un garde-champêtre qui ne fût pas foulé ; tant et tant que ceux du hameau de Bellecombe ayant pris parti, les uns pour les Roset, les autres pour les Frelay, il s’en suivit une roulée universelle dans ledit champ de seigle, au grand détriment de la récolte, qui promettait deux mille coupes, sans compter la paille.

VI.

Ils en étaient là, lorsque du haut des airs, où cheminait le docteur Festus, vint à cheoir, droit au milieu du champ, le chapeau du Maire, et son plumet ; d’où ils entrèrent en grande épouvante, et ayant incontinent levé les yeux, ils virent la force armée et l’habit cheminant par en haut d’orient en occident. Toute la commune cria aussitôt : C’est le Maire ! et, rentrant en elle-même, se mit à le suivre, sans le perdre des yeux, ce qui était cause que faute de voir leur chemin ils trébuchaient par centaines.

C’est ainsi qu’ils coururent durant deux jours à travers champs, roulant, sautillant, boitant, culbutant, et faisant de grandes dévastations. Devant eux, fuyaient effrayées toutes les basses-cours des lieux circonvoisins, notamment trois cent trente dindons alarmés, une multitude de poulets, de cochons, de coqs d’Inde, plus une foule de moutons, cavales, génisses, plus soixante chiens de garde, dix-sept gardes-champêtres, quinze municipaux, vingt-neuf marguilliers, douze maires et leurs adjoints qui, ayant voulu les arrêter, se trouvèrent au contraire entraînés par le tourbillon ; d’où, faute de pouvoir se faire entendre, plusieurs périrent de catastrophes bilieuses, provenant d’apostrophes rentrées.

Heureusement, le Maire, le véritable Maire, que nous avons laissé en chemise dans ces parages, les aperçut de loin, et reconnut sa commune. Sur quoi, il dit aux paysans désolés qui l’entouraient : Ne bougez pas, et laissez-moi faire. Puis s’étant placé sur un tertre en face de la colonne qui arrivait, il commença à la haranguer en disant : Administrés !… Il ne put achever. La commune, toujours les yeux en l’air, lui passa sur le ventre et alla outre jusqu’au grand canal, où faute de voir leur chemin, et s’arrêter à temps, ils tombèrent tous, au nombre de trois mille sept cent vingt-deux âmes, non compris les dindons, les municipaux, et animaux domestiques ci-dessus mentionnés. Et c’est depuis ce temps que l’autorité a fait mettre, dans cet endroit du grand canal, une forte barrière qui s’y voit encore dans les basses eaux.

VII.

Le Maire s’étant relevé s’assit au soleil pour faire d’amères réflexions sur le sort des grands ici-bas, sur l’ingratitude des peuples, et sur la mauvaise tendance des masses, dans un siècle corrompu. Il se plaisait à reconnaître qu’en tout temps son administration avait été juste, paternelle, habile, exemplaire, irréprochable ; il se plaisait encore à reconnaître qu’il n’avait jamais voulu que le bien et le bonheur de ses administrés ; et songeant que toutefois sa commune lui avait passé sur le ventre, sans seulement lui dire gare, il était près de douter de la vertu.

Il se leva bientôt, afin de poursuivre sa commune, se promettant au surplus d’acheter au premier endroit du papier timbré, pour rédiger un procès-verbal de deux-cent-quatre-vingt-quatorze articles, qu’il ébaucha pendant la route.

VIII.

Toujours en chemise, le Maire arriva ainsi à la frontière du royaume de Vireloup, où les douaniers royaux lui demandèrent s’il n’avait rien à déclarer. Le Maire leur ayant répondu que non, à sa connaissance du moins, ils le fouillèrent néanmoins sévèrement, examinant sa chemise, dessus dessous, dehors et dedans. Ils n’y trouvèrent rien de prohibé ; en sorte qu’ils lui dirent qu’il pouvait passer outre, moyennant deux croquelus de droit (argent de Vireloup), pour sa chemise qui leur paraissait neuve.

Le Maire trouva la demande juste et conforme aux lois ; seulement il argua de son manque provisoire de numéraire. Mais, sur ces entrefaites, le chef du poste lui ayant demandé d’exhiber ses papiers, le Maire pâlit de la tête aux pieds, car il se sentait pour la première fois de sa vie en état de contravention. Aussi, avant même qu’il eut eu le temps de dépâlir, il fut livré à un gendarme qui, lui ayant mis les poucettes royales, le conduisit dans la prison royale de Balabran, où il fut écroué sous le n°36, et reçut une cruche d’eau et une livre de pain qui lui firent grand bien.

IX.

D’autre part Milady, que nous avons laissée sortant de la ferme de George Luçon, avait repris le chemin de l’hôtellerie, dans l’idée que durant ses dernières aventures elle pouvait s’être croisée avec son époux. C’est ce qui fut cause qu’effectivement, après deux jours de marche, elle vit de loin sur la route un homme sur un âne, et que peu à peu s’approchant, elle reconnut, sous l’habit de Pierre Lantara le vagabond, son propre époux et maître, Milord Dobleyou, qui lui criait de toute sa force sans la reconnaître encore : Do you speak english ? puis, l’ayant reconnue, il lui dit tranquillement : Good by, Clara.

Mais Milady qui avait les passions vives (comme nous l’avons dit), tomba en faiblesse, et s’évanouit comme enivrée de joie. Milord la regarda faire avec une grande force d’âme ; seulement, ayant tiré sa montre, et prévoyant que l’évanouissement les mènerait bien tard, d’autant plus que son âne avait le pas lent, il tira du sac de Milady son carnet, sur lequel il écrivit en anglais qu’il prenait les devans, sans se presser, et qu’elle le rattraperait en allant d’un bon pas ; puis, lui ayant inséré le carnet dans la main, il s’éloigna, rempli de satisfaction.

Il avait cheminé deux heures, lorsqu’il se trouva cerné tout-à-coup par un détachement de huit gendarmes qui le mirent en joue à bout portant ; sur quoi Milord leur dit : Do you speak english ? Mais eux, certains, d’après le signalement, que c’était Pierre Lantara le vagabond, qui contrefaisait l’anglais pour les déjouer, lui répondirent en lui mettant les poucettes royales, et le conduisirent à la prison royale de Balabran, où il fut écroué sous le n°36. C’est là qu’il trouva le Maire, et rentra incontinent en humour, lorsqu’il eut reconnu ce même drôle qui l’avait fait charger à la baïonnette dans la forêt. Il lui asséna vingt-huit plaisanteries en bon anglais, riant si copieusement qu’il s’en crevait toujours plus la peau du diaphragme, et ne rendait plus que le son d’un tambourin percé. D’autre part, le Maire était si bilieusement affecté, que son foie lui remontait au gosier, d’où il contracta une jaunisse dont il ne guérit jamais bien.

X.

Milady restée sur la route, évanouie, et le carnet à la main, fut rencontrée par Jaques Liodet qui ramenait son char du marché d’Ambresailles. Liodet, qui était bon homme, en prit pitié, et la chargea sur son chariot, bien fourni de paille fraîche ; puis, sans songer à mal, il arriva à cette même douane du Royaume de Vireloup, si fatale au Maire, disant n’avoir rien à déclarer.

Les douaniers piquèrent au travers de la paille, et la pointe atteignant Milady un peu au-dessous des dernières vertèbres lombaires, elle poussa un grand cri ; sur quoi, on arrêta provisoirement Jaques Liodet, comme suspect, et on confisqua l’attelage, comme servant à des transports suspects : puis l’on se mit à chercher ce qui était dedans. Alors Milady fut arrêtée comme ayant voulu s’introduire dans le royaume de Vireloup, sans passeport et cachée dans de la paille ; cas prévu par l’article 8 du règlement de police. On saisit son sac, son carnet, et elle fut livrée entre les mains d’un gendarme, qui, lui ayant mis les poucettes royales, la conduisit à la prison royale de Balabran, où elle fut écrouée sous le n° 36.

XI.

À la vue de son épouse, qui venait le rejoindre dans sa prison, Milord, qui avait déjà repris son sérieux, entra de nouveau en humour, et fit neuf plaisanteries en bon anglais ; pendant que Milady, reconnaissant ce même Maire qui l’avait dépouillée dans la forêt, lui sautait au visage, tant elle avait les passions vives (comme nous l’avons dit). Milord, voyant la mine matagrabolisée du Maire, en redoubla d’humour à tel point, que, son rire l’épuisant, il tomba sur la cruche, la cassa, et s’assit dans l’eau ; d’où il contracta un rhume aigu, dont il ne guérit bien que sept années après, en chassant le tigre au Bengale, pour se faire transpirer.

Toutefois, la position de ces trois personnages, déjà fort triste, prenait au dehors un caractère bien plus triste encore.

XII.

Le royaume de Vireloup jouit d’un gouvernement paternel. Le roi y est le père de ses sujets, qu’il traite en enfants ; veillant avec sollicitude sur leurs lectures, sur leurs conversations, sur leur manger, sur leurs vêtemens, et voulant qu’ils tiennent tout de lui. C’est pour cela qu’il prohibe les livres, les idées, les marchandises, les denrées du dehors, et qu’il fait surveiller ceux qui causent ; les mettant en punition dans ses cachots royaux, s’ils causent mal, ou s’ils ne causent pas bien, ou s’ils s’obstinent à ne pas causer du tout. Comme le roi de Vireloup aime à chasser au renard, et d’ailleurs n’aurait pas le temps de suivre tous ses enfants pendant toute la journée, il se fait aider par des ministres, qui se font aider par de la force armée, des douaniers et des prêtres : en sorte que je le comparerais volontiers à un tendre père qui s’entourerait de domestiques fidèles et d’instituteurs estimables.

Et cependant, ce qu’on aurait peine à croire, le roi de Vireloup avait tels de ses enfans qui le chagrinaient, et bien souvent, à ce qu’on m’a rapporté, étaient cause qu’à la chasse même, où il prenait tant de plaisir, il y avait des momens où il s’asseyait sous un arbre, pour éprouver de la douleur de leur conduite, quand il était fatigué. C’étaient, pour la plupart, des enfants babillards, ergoteurs, ingrats, ricaneurs, indociles, qui, au lieu de se croire heureux sous un tel père, s’obstinaient à penser qu’ils étaient malheureux. Le roi, toujours bon et indulgent, les faisait emprisonner dans ses cachots royaux de correction ; mais s’ils babillaient là-dessus, ou en écrivaient à leurs amis, il était sans pitié, et avait des moyens de les faire disparaître sans qu’on sût bien comment. En sorte que je le comparerais à un père, tendre à la vérité, mais prudent, qui sent que la sévérité est quelquefois un devoir.

Or il était arrivé que ceux de Balabran, qui est une province frontière touchant au pays de Ginvernais, s’étaient beaucoup gâtés par le contact avec le voisin, faisant contrebande de culottes, de sucre, de café, et surtout d’idées prohibées dans tout le Vireloup ; car il faut savoir que, dans le Ginvernais, où autrefois le gouvernement était paternel aussi, ils se sont émancipés de telle façon, que là c’est le roi qui est l’enfant de ses sujets, lesquels entendent qu’il tienne tout d’eux, son argent et son pouvoir, et ne fasse pas un mouvement de jambe, de bras ou de corps, que ceux qui sont prévus par la grande Pancarte, qui est leur pacte social. C’est ce qui rendait les Ginverniens mauvaise compagnie pour les gens de Balabran, en sorte que ceux-ci se gâtaient à vue d’œil, au grand déplaisir du roi leur père, qui avait résolu d’y mettre ordre. D’où je le comparerais à un père, tendre à la vérité, mais qui fustige une portion de ses enfants, pour le plus grand bien des autres.

C’est par suite des mesures prises à ce sujet, que nos trois personnages avaient été écroués sous le n° 36, et que l’on instruisait leur procédure dans le plus grand secret, selon la méthode usitée en Vireloup, où ils disent que c’est en symbole du secret des procédures, que la déesse Thémis est représentée les yeux bandés.

XIII.

Leur affaire devenait très-mauvaise, car si, d’une part, la figure jaune du Maire avait paru éminemment conspiratrice ; de l’autre, Pierre Lantara, dont. Milord avait imprudemment revêtu l’habit, se trouvait être un homme de Balabran exilé pour avoir dit en plein cabaret, en parlant du gouvernement, que tout ça sentait le mic-mac. De plus, les espions qui observaient la prison avaient rapporté que les prisonniers se connaissaient tous les trois ; en sorte qu’il n’y avait plus de doute qu’il n’y eut concert entr’eux, au sujet d’une vaste conspiration avec ramifications, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, tendant au renversement de la dynastie actuelle, et à l’établissement d’un gouvernement semblable à celui du Ginvernais. À ces nouvelles, le roi de Vireloup, consterné d’épouvante, s’était mis au lit pour prendre des calmans, après avoir ordonné à ses ministres de veiller à ce que la chose publique ne souffrit aucun détriment dans sa personne. Les ministres avaient aussitôt dépêché des courriers pour assurer le roi du Givernais des intentions pacifiques de leur cour ; et en même temps ils avaient fait marcher sur cette frontière cinquante mille hommes de bonnes troupes, qui devaient se tenir prêles à envahir le Ginvernais au premier ordre, et, en attendant, tirer sur quiconque voudrait s’introduire dans le pays. D’autre part, ils avaient créé des tribunaux tout neufs, fonctionnant plus vite et mieux que les anciens, afin de juger et pendre incontinent toutes les ramifications de la conspiration. Ils avaient en outre nommé des commissions toutes composées d’hommes respectables par leur position sociale et par leur fortune, lesquelles étaient chargées de préparer la liste de ceux qui seraient de la ramification.

XIV.

Ces choses faites, les quatre ministres vinrent faire leur rapport au roi, qui commença à se remettre et à dire, tout en buvant sa potion et en regardant son fusil de chasse, qu’il était satisfait. Sur quoi, le premier ministre remarquant cette étonnante force de tête (car le roi faisait réellement là trois choses à la fois), ne put s’empêcher de le complimenter, en le comparant à César qui dictait quatre lettres à la fois. Le roi lui répondit : C’est bon ; allez-vous-en, je veux changer de chemise. Les quatre ministres sourirent décemment à cette brusque saillie, et s’en allèrent à reculons, en saluant jusqu’à terre. C’est ce qui fit qu’ils marchèrent tout le long sur les pieds des courtisans qui assistaient au petit lever, et qui avaient tous des durillons, pour avoir trop fait antichambre. Le roi en rit beaucoup, et les courtisans se mirent tous à rire beaucoup ; les valets qui étaient dans l’antichambre, entendant rire, rirent aussi, et ainsi de suite jusqu’au factionnaire de garde à la porte ; en sorte que la gazette annonça que le petit lever avait été embelli par l’allégresse que répandait le rétablissement de sa majesté.

XV.

Malheureusement une circonstance inattendue vint porter un jour tout nouveau sur la conspiration, et jeter nos trois personnages dans la position la plus désespérée.

En effet, la commission chargée d’examiner les pièces saisies sur les conjurés, n’ayant trouvé que le carnet de Milady, s’était d’abord trouvée dans un grand embarras, car, d’une part, les tribunaux tout neufs étaient impatiens de juger et de pendre ; mais, d’autre part, elle manquait pour son propre compte des preuves et documens qui lui étaient nécessaires pour confectionner la procédure. Or, en Vireloup, si les tribunaux ne pendent jamais sans procédure, les commissions de leur côté répugnent à conclure sans preuves.

Mais, sur un examen plus attentif du carnet, la commission n’avait pas tardé à reconnaître qu’elle tenait le fil de toute l’affaire, et les noms des principaux conjurés : c’étaient l’hôte du Lion-d’Or, Roset, Frelay, Julien le borgne, Joseph Pralin, et tous ceux avec qui Milady avait eu des comptes.

Elle passa ensuite à l’état des sommes reçues, montant à vingt-cinq mille croquelus (argent de Vireloup). Elle fit traduire la note qu’avait écrite Milord sur la route, note qui fixait un rendez-vous prochain ; par où elle calcula la date du jour où devait éclater la conspiration. Enfin, arrivant à dix pages consécutives remplies de chiffres (c’étaient les notes de la blanchisseuse), il ne lui restait plus qu’à trouver la clé de cette correspondance secrète. Ce travail fait, elle arriva à des révélations immenses, décisives, effroyables et propres à glacer de terreur tous les bons citoyens.

XVI.

D’après cette correspondance, les conjurés avaient enrôlé vingt-huit joueurs d’orgue de barbarie, lesquels jouant pendant huit jours et sept nuits consécutives devant la caserne du palais, devaient endormir la force armée. La force armée une fois ronflant, ils tombaient sur les autorités civiles, qu’ils mettaient toutes ficelées dans des balles de coton, lesquelles seraient dirigées aussitôt sur la douane. Là, des douaniers achetés, qui auraient l’air de s’assurer du contenu, les larderaient indignement, sous prétexte de remplir leurs fonctions. Les conjurés devaient ensuite attirer toute la police d’un côté, au moyen de pétards lancés dans les poches des citoyens paisibles qui se promenaient au jardin public, et, une fois attirée, ils fermaient les grilles. Alors vingt-quatre sonnaient le tocsin, douze mettaient le feu aux poudres, trente-deux affichaient des proclamations, cent dix ouvraient le pays aux Ginverniens, deux-cent-vingt proclamaient un gouvernement provisoire, trois mille se déguisaient en bons citoyens pour entrer dans la capitale, s’introduire au palais, jeter les ministres par la fenêtre, s’emparer de la personne du roi, et lui offrir la constitution ou la mort. Voilà ce qu’on découvrit dans le carnet. Aussi, plusieurs membres de la commission eurent besoin d’éther et de boissons chaudes, pour pouvoir achever cette lecture.

XVII.

Il y aurait eu pourtant encore quelques chances pour que la vie au moins fût laissée à nos trois personnages, sans les résultats funestes des interrogatoires, que nous nous faisons un devoir de rapporter mot pour mot. Le Maire comparut le premier.

Le Président. — Qui êtes-vous ?

— Salomon Textuel, ci-devant maire de la commune de Brinvigiers.

— Pourquoi êtes-vous en chemise ?

— Parce que je suis sans culottes. (Mouvement de surprise et d’effroi. Trois membres tirent leurs flacons, huit pâlissent.)

— Quels étaient vos projets ?

— De retrouver la force armée, afin de me

mettre à sa tête, après quoi le reste me devenait facile.

— Qu’appelez-vous le reste ?

— C’était de reconstituer la commune, de déposer les autorités actuelles, et de punir les cou

Un membre de la Commission. — Je prie M. le Président de demander à l’accusé s’il ne frémit pas d’horreur en pensant aux conséquences.

Le Président. — Accusé, ne frémissez-vous pas d’horreur ?

— Oui.

— Cela suffit. Qu’on amène l’autre.

XVIII.

Milord fut amené devant la Commission.

Le Président. — Accusé, qui êtes-vous ?

Do you speak english ?

— Songez que vos tergiversations peuvent vous perdre.

I do not speak your durty giberish.

Un membre. — La commission verrait avec plaisir que M. le Président passât à une autre question.

Le Président. — La Commission ne doit pas oublier que les pouvoirs du président l’autorisent à diriger la procédure comme il l’entend, et qu’il pourrait voir avec déplaisir l’intention d’imposer la moindre entrave à l’indépendance de ses fonctions. (Chuchotemens dans la Commission. Tous protestent intérieurement contre le despotisme du président, tandis qu’extérieurement ils prennent une prise de tabac). À l’accusé : Quels étaient vos projets ?

You are a stupid man.

— Que signifie le rendez-vous dont il est question à la pièce saisie sous le no 6 ?

You are a donkey, a stupid fellow, a dancing master.

Le Président. — Accusé ! puisque vous persévérez dans ce système de ruse, nous allons passer à un autre.

Milord à la Cour (après avoir donné huit coups de pied dans le derrière de l’huissier qui veut le reconduire) :

Tell me, what have I done ? say, fools ! Why am I your prisoner ? Finish quickly this farce, or I shall inform my government of your detestable proceedings against an English man. Tell me, what have I done, or my wife Clara ? Tell me, I say, Tools, asses, donkeys, dancing masters, absurd men !

Milord s’échauffait, et, en disant ces derniers mots, il se campait comme un accusé qui boxerait volontiers ses juges ; en sorte que le Président fit un signe, et huit gendarmes l’emmenèrent sans accident.

XIX.

Milady comparut ensuite :

Le Président — Qui êtes-vous ?

— Ce n’été pas voter affaire.

— Pourquoi avez vous conspiré ?

— Je n’avé pas transpiré. Vos été iune malproper.

— Racontez les détails de votre arrestation.

— Je voulé iune chaise.

Le Président. — Je vais consulter la Cour.

(Après deux heures de délibération) : La Cour a décidé que vous resteriez debout.

— La cour été iune stupide, je voulé iune chaise.

— Accusée ! vous manquez à la Cour. Je vous invite à rentrer en vous-même. Reconnaissez-vous ce carnet comme vous appartenant ?

— Uï ; c’été ma caarnet que vos avé volé.

— Je vais consulter la Cour pour savoir si l’interrogatoire peut être continué sur ce ton. (Après deux heures de délibération), le Président : La Cour décide que la raison d’état exige que l’interrogatoire soit continué, et que les expressions injurieuses seront considérées comme non avenues. Quels étaient vos projets ?

— Ma project, il été de soortir de cette détestabel pays, où vos été tute des impeertinentes. Voter douane avé piqué moi dans la dos, et j’avé saigné beaucoup. Oh ! had I the power ! I would prove to you that an English woman is not to be insulted by such a mob as you are ail, and you among the first !

— En supposant que vos joueurs d’orgue fussent parvenus à endormir la force armée, auriez-vous assassiné la magistrature ?

— Uï. Voter magistrature, il été iune beast.

— Avez-vous des pétards sous votre robe ?

— Taisez-vos, insolente ! (Ici Milady fait les cornes au président. Sur quoi l’huissier voulant l’en empêcher, elle lui donne un soufflet qui le renverse contre un membre de la commission, qui tombe sur l’autre, et de rang en rang en couche quinze sur leur banc.) Le Président pâlit et dit :

— Accusée, vous avez épuisé l’indulgence de la Cour. Qu’on la reconduise en prison ; et si elle se livrait à de nouvelles violences, qu’il lui soit mis le corset de force. (Deux gendarmes s’approchent.) Milady, croyant qu’on en veut à son corset, saisit successivement un encrier, trois chapeaux de juges, une escabelle, un verre d’eau sucrée, deux liasses de pièces saisies, une perruque de greffier et cinq paires de lunettes, qu’elle lance à la figure des deux gendarmes. Le Président pâlit de plus en plus, et finit par se couvrir. L’huissier va appeler le poste voisin : soixante-et-dix hommes cernent la maison, montent au pas de charge, forment le blocus de Milady, s’en emparent, et la reconduisent en prison.

XX.

La commission, tremblante de peur, fouilla d’abord dans ses poches pour être sûre qu’il n’y avait point de pétards ; puis, quoique le président, à raison de cette pénible scène, fût atteint de violentes coliques, elle décida que l’on jugerait sans désemparer.

La délibération fut courte, mais les conclusions furent terribles. La Cour condamnait les trois accusés à être transférés nuitamment dans la capitale, pour y être pendus sur la grande place, au carnaval suivant, par façon de réjouissance populaire ; après quoi leurs corps seraient de nouveau transférés à Balabran, et exposés pour l’exemple à la tête du pont qui fait face au Ginvernais.

XXI.

Cependant les formes respectueuses et légales qu’avait observées le Maire dans son interrogatoire, ayant intéressé la commission en sa faveur, elle avait décidé d’adresser pour lui au roi une requête en commutation de peine. La requête rédigée, elle fut portée à la capitale par un courrier extraordinaire, à qui les bons citoyens devaient fournir gratuitement sur sa route nourriture, rafraîchissemens et chevaux (il en tuait deux à 1 heure) ; ce que je cite, pour montrer avec quel soin le gouvernement paternel de Vireloup évite de surcharger le trésor, ce qui conduit toujours à augmenter les impôts. C’est d’après ce même principe qu’il loge ses troupes chez le particulier, et perce ses routes par corvées, comme l’établit dans son grand ouvrage, De itineribus et canalibus, absque œrarii detrimento, construendis, le sieur Desperraux, architecte pensionné et économiste assermenté, membre de l’académie de Vireloup, directeur des routes et canaux, et premier fabricant de chocolat de Son Altesse Madame la duchesse de Pinguin, nièce du roi de Vireloup.

Au bout de six jours, le courrier descendit à l’hôtel du ministre de l’Intérieur, à qui la requête fut remise. Celui-ci se rendit aussitôt chez le roi, qui, dans ce moment, prenait du punch. Après sept salutations solennelles, il lui remit le papier ; sur quoi le roi lui dit, en posant la feuille sur un guéridon : C’est bon. Allez-vous-en.

En effet, le roi était occupé dans ce moment à observer les jeux de son fils aîné, jeune enfant d’une haute espérance. À peine âgé de quinze ans, il montrait les plus heureuses dispositions, et passait au palais pour devoir être l’honneur d’une dynastie toute de héros. L’on venait, en particulier, au moment où était entré le ministre, de lui découvrir une haute aptitude pour l’art nautique, sur ce que, de lui-même et sans aucun secours des personnes de l’art, il venait de faire un petit bateau de papier, et que, l’ayant posé sur le bol de punch, il avait eu l’idée de le faire cheminer en soufflant dessus. À ce trait d’une rare précocité, les courtisans avaient manifesté la plus vive admiration, au point que plusieurs s’embrassaient en forme de félicitation, étant glorieux d’avoir à servir sous un tel prince. Aussi le petit bonhomme voulant renchérir encore sur ce qu’il avait fait, prit la requête sur le guéridon, la divisa en quatre parts, dont il fit quatre nouveaux navires, et les posant sur le bol, il fit manœuvrer cette flotte en criant : tribord ! bâbord ! pendant que les courtisans en étaient à se pâmer, faute de s’être réservé des expressions assez fortes pour peindre leur délicieuse surprise. Le roi enchanté, nomma aussitôt son fils grand-amiral et commandant en chef de toutes les flottes du royaume.

XXII.

De cette manière la requête voguait sur le bol de punch, fortement compromise. Néanmoins le roi s’étant levé pour prendre l’air dans ses jardins, ordonna que l’on mît ces papiers de côté. La requête fut donc séchée au feu, et portée dans son cabinet. Le roi l’y vit en rentrant ; mais comme le punch lui avait légèrement dérangé l’estomac, il alla se mettre au lit, d’où il fut dans le cas de se lever par trois fois, tant il avait de malaise. Le lendemain, la requête était encore dans la chambre, mais plus sur le bureau. Vers le milieu du jour, elle n’était plus ni dans le bureau, ni dans la chambre ; et Paul Farcy, dans le temps fermier des boues, m’a raconté qu’un jour, faisant travailler aux canaux du palais qui manquaient de pente, un ouvrier trouva trois morceaux de papier, qui, juxta-posés, formaient une feuille que je crois être la dite requête, me fondant principalement sur ceci, que le roi n’avait pas été bien cette nuit-là.

XXIII.

Le terme de recours en grâce étant écoulé, les trois prisonniers furent acheminés nuitamment sur la capitale, sous la garde de quatre soldats que commandait un caporal de confiance.

Mais un admirable concours de circonstances devait amener leur délivrance à point nommé. À peine avaient-ils marché deux heures à la lueur des étoiles, que le caporal de confiance tomba percé de deux coups de baïonnettes, dont l’un, transperçant les entrailles, lui fit pousser un horrible cri ; tandis que l’autre, traversant l’oreillette gauche, éteignait et le cri et la vie. Cet homme était Jean Baune, le repris de justice, l’assassin de Lantara, caporal de confiance en Vireloup, brigand en Ginvernais, où il allait en congé dévaliser les passans.

Les auteurs de ce beau coup, étaient Blême et Rouget, cette force armée que nous avons laissée au sommet des airs, à la poursuite du docteur Festus, et gardant sous l’influence de l’habit une exacte discipline. Après avoir pirouetté pendant dix jours, sans rencontrer personne qu’un mouton (j’entends un mouton enlevé par un aigle), ils avaient commencé à paraboler vers la terre, en pivotant la tête en bas, à cause du poids des armes ; puis, avec une impétuosité qui tenait plus de la gravitation que de la vaillance, ils s’étaient venu ficher dans l’impie poitrine d’un lâche scélérat. Après quoi ils se défichèrent, et reprirent leur route à travers champs sans aucune discipline. L’habit était trop loin.

Au cri de mort qu’avait exhalé Jean Baune, les quatre soldats, certains d’être tombés dans une affreuse embuscade, s’étaient enfuis à toutes jambes, en déchargeant leurs armes au hasard ; d’où ils tuèrent huit poules dans la basse-cour du sieur Coquard, lequel, dès le lendemain, acheta, pour trois écus patagons, une trappe à prendre les renards.

C’est ainsi que furent merveilleusement délivrés Milord, son épouse et le Maire. Ils purent gagner avant le jour la frontière du royaume de Vireloup, d’où ils s’échappèrent comme des brochets d’une nasse, se promettant bien que jamais ils ne s’y laisseraient reprendre. Leurs infortunes les avaient réconciliés ; en sorte qu’au bout du pont ils se serrèrent la main avant de se séparer, et Milord engagea beaucoup le Maire, lorsqu’il aurait retrouvé ses habits et réglé les affaires de sa commune, à venir le voir en Angleterre, dans son grand château d’Ingleness, où ils chasseraient ensemble au renard.


FIN DU QUATRIÈME LIVRE.

Le caporal de confiance tomba percé de deux coups de baïonnettes, dont l’un, transperçant les entrailles, lui fit pousser un horrible cri ; tandis que l’autre, traversant l’oreillette gauche, éteignait et le cri et la vie.
Le caporal de confiance tomba percé de deux coups de baïonnettes, dont l’un, transperçant les entrailles, lui fit pousser un horrible cri ; tandis que l’autre, traversant l’oreillette gauche, éteignait et le cri et la vie.