Voyages et aventures du docteur Festus/Préface
Si ce petit livre est lu de quelques personnes, ces personnes se demanderont peut-être comment et pourquoi il advient que l’on écrive des petits livres comme celui-ci. En ce qui nous concerne, le fait est simple et de brève explication. Dans un siècle aussi sérieux que l’est le nôtre, il y a des heures où l’esprit éprouve un irrésistible ennui ; il y en a même où tout ce sérieux lui semble folie, tant c’est peu récréatif, et où une folle gaité lui semble raison, tant il y entrevoit de charme et d’amusement. C’est dans une de ces heures-là que le nôtre s’étant mis en campagne, fit tout d’abord la rencontre du docteur Festus, du Maire, de la force armée, et qu’il se plut infiniment dans la société de ces personnages. Cela étonnera bien ceux qui ne s’y plairont pas du tout.
Au surplus cette histoire extraordinaire a été composée d’après des procédés extraordinaires aussi. Figurée d’abord graphiquement dans une série de croquis, elle a été traduite ensuite, de ces croquis, dans le texte que voici. Aujourd’hui nous publions à la fois et séparément le texte et les croquis[1]. C’est donc la même histoire sous une double forme, mais, comme l’observe finement l’Abbé de Saint-Réal, dans deux choses d’ailleurs semblables, ce qu’elles ont de différent change beaucoup ce qu’elles ont de semblable.
Nous ne sommes pas éloigné, de penser que c’est communément l’auteur d’un ouvrage qui en sait le plus long sur les défauts et les imperfections de cet ouvrage-là : seulement il se garde bien de rien laisser transpirer de ce qu’il sait à ce sujet. Sans nous départir tout-à-fait de cette honorable discrétion, nous dirons pourtant qu’on trouvera dans ce livre des fictions d’une surprenante absurdité, quelques incongruités que le bon goût réprouve, et des incorrections de langage tout-à-fait propres à faire frémir les puristes dont notre ville abonde.
Va donc, petit livre, et choisis ton monde ; car, aux choses folles, qui ne rit pas, bâille ; qui ne se livre pas, résiste ; qui veut raisonner, se méprend ; et qui veut rester grave, en est maître.
- ↑ À savoir ce volume-ci, et un volume oblong, de même sorte que les Histoires de MM. Jabot, Vieuxbois, Crépin, Pencil, qui forment, avec l’Histoire du docteur Festus, les seules autographies du même auteur. Les éditions originales de ces autographes ne se trouvent qu’à Paris, chez Cherbuliez et Ce, rue de Tournon, no 17 ; et à Genève, chez les principaux libraires.