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Louis-Gabriel Michaud, in Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843 : CICÉRON (Marcus Tullius) (1843)

Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 Tome 8 page 276 à 289



CICÉRON (Marcus Tullius)



CICÉRON (Marcus Tullius), naquit à Arpinum, patrie de Marius, la même année que le grand Pompée, le 5 janvier 647 de la fondation de Rome. Il sortait d’une famille anciennement agrégée à l’ordre équestre, mais qui s’était toujours tenue loin des affaires et des emplois. Sa mère s’appelait Helvia. Son père vivant à la campagne, sans autre occupation que l’étude des lettres, conservait d’honorables liaisons avec les premiers citoyens de la république. De ce nombre était le célèbre orateur Crassus, qui voulut bien présider à l’éducation du jeune Cicéron et de son frère Quintus, leur choisit des maîtres et dirigea leurs études. Cicéron, comme presque tous les grands hommes, annonça de bonne heure la supériorité de son génie, et prit dès l’enfance l’habitude des succès et de la gloire. Il fut admiré dans les écoles publiques, honoré par ses condisciples, visité par leurs parents. La lecture des écrivains grecs, la passion de la poésie, la rhétorique, la philosophie, occupèrent les premières années de sa jeunesse. Il écrivit beaucoup en grec, exercice qu’au rapport de Suétone, il continua jusqu’à l’époque de sa préture. Ses vers latins, trop méprisés par Juvénal, trop loués par Voltaire, sont loin de l’élégance de Virgile, et n’ont pas la force de Lucrèce. Ni la poésie ni l’éloquence n’étaient encore formées chez les Romains, et il suffisait à Cicéron d’être le plus grand orateur de Rome. On conçoit à peine les travaux immenses qu’il entreprit pour se préparer à cette gloire. Cependant il fit une campagne sous Sylla, dans la guerre des Marses. De retour à Rome, il suivit avec ardeur les leçons de Philon, philosophe académicien, et de Molon, rhéteur célèbre, et pendant quelques années il continua d’enrichir son esprit de cette variété de connaissances que depuis il exigea de l’orateur. Les cruautés de Marius et de Cinna, les proscriptions de Sylla passèrent ; et la république, affaiblie et sanglante, resta paisible sous le joug de son impitoyable dictateur. Cicéron, alors âgé de vingt-six ans, fort de ses études et de son génie, parut au barreau, qui venait de s’ouvrir après une longue interruption. Il débuta dans quelques causes civiles, et entreprit une cause criminelle, dont le succès promettait à l’orateur beaucoup d’éclat et de péril, la défense de Roscius Amérinus, accusé de parricide. Il fallait parler contre Chrysogonus, affranchi de Sylla. Cette protection terrible épouvantait les vieux orateurs. Cicéron se présente avec le courage de la jeunesse, confond les accusateurs, et force les juges d’absoudre Roscius. Son discours excita l’enthousiasme ; aujourd’hui même c’est une des harangues de l’orateur que nous lisons avec le plus d’intérêt. On y sent une chaleur d’imagination, une audace mêlée de prudence et même d’adresse, et souvent un excès d’énergie, une surabondance de richesse, qui plaît et entraîne. Cicéron, plus âgé, releva lui-même dans ce premier ouvrage quelques fautes de goût, et sans doute il s’est montré depuis plus pur et plus grand écrivain ; mais il avait déjà toute son éloquence. Après ce brillant succès il passa encore une année dans Rome, et se chargea même d’une autre cause qui devait aussi déplaire au dictateur ; mais sa santé affaiblie par des travaux excessifs, et peut-être la crainte d’avoir trop bravé Sylla, le déterminèrent à voyager. Il se rendit à Athènes qui semblait toujours la métropole des lettres ; et, logé chez un philosophe académicien, recherché des philosophes de toutes les sectes, assistant aux leçons des maîtres d’éloquence, il y passa six mois avec son cher Atticus, dans les plaisirs de l’étude et des savants entretiens. On rapporte à cette même époque son initiation aux mystères d’Éleusis. À la mort de Sylla, il quitta la Grèce et prit la route de l’Asie,