Wikisource:Extraits/2012/26

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Milosz, Symphonie de Novembre (1915)


Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même chambre.
— Oui, mon enfant, la même. Au petit jour, l’oiseau des temps dans la feuillée
Pâle comme une morte : alors les servantes se lèvent
Et l’on entend le bruit glacé et creux des seaux
 
À la fontaine. Ô terrible, terrible jeunesse ! Cœur vide !
Ce sera tout à fait comme dans cette vie. Il y aura
Les voix pauvres, les voix d’hiver des vieux faubourgs,
Le vitrier avec sa chanson alternée,
 
La grand-mère cassée qui sous le bonnet sale
Crie des noms de poissons, l’homme au tablier bleu
Qui crache dans sa main usée par le brancard
Et hurle on ne sait quoi, comme l’Ange du jugement.
 
Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même table,
La Bible, Goethe, l’encre et son odeur de temps,
Le papier, femme blanche qui lit dans la pensée,
La plume, le portrait. Mon enfant, mon enfant !
 
Ce sera tout à fait comme dans cette vie ! — Le même jardin,