Théodore Hersart de La Villemarqué, Le Seigneur Nann et la Fée dans Barzaz Breiz — Chants populaires de la Bretagne 1883
LE SEIGNEUR NANN ET LA FÉE
DIALECTE DE LEON —
ARGUMENT
Le seigneur Nann et son épouse ont été fiancés bien jeunes, bien jeunes désunis.
Madame a mis au monde hier deux jumeaux aussi blancs que neige ; l’un est un garçon, l’autre une fille.
— Que désire votre cœur, pour m’avoir donné un fils ? Dites, que je vous l’accorde à l’instant :
Chair de bécasse de l’étang du vallon, ou chair de chevreuil de la forêt verte ?
— La chair du chevreuil est celle que j’aimerais, mais vous allez avoir la peine d’aller au bois. —
Le seigneur Nann en l’entendant saisit sa lance de chêne,
Et sauta sur son cheval noir, et gagna la verte forêt.
En arrivant au bord du bois, il vit une biche blanche ;
Et lui de la poursuivre si vivement que la terre tremblait sous eux ;
Et lui de la poursuivre aussitôt si vivement, que l’eau ruisselait de son front,
Et des deux flancs de son cheval. Et le soir vint.
Et il trouva un petit ruisseau près de la grotte d’une Korrigan,
Et tout autour un gazon fin ; et il descendit pour boire.
La Korrigan était assise au bord de sa fontaine, et elle peignait ses longs cheveux blonds,
Et elle les peignait avec un peigne d’or (ces dames-là ne sont point pauvres).
— Comment êtes-vous si téméraire que de venir troubler mon eau !