Wikisource:Extraits/2014/27

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Léon Palustre, L’Architecture de la Renaissance 1892


INTRODUCTION


Dans le monde, aucun changement ne se produit brusquement. Les moindres effets sont soumis à des causes souvent multiples, toujours lointaines. Sans le passé, le présent devient inexplicable, et pour se rendre compte d’une période quelconque de l’histoire, il faut étendre ses recherches jusqu’à plusieurs siècles en arrière. Les événements se superposent, s’enchevêtrent, se déduisent les uns des autres avec une inflexibilité dont les esprits superficiels auraient seuls lieu d’être surpris, car nous sommes bien plus menés, en réalité, que nous ne conduisons. Qu’à un moment donné la civilisation ait jeté un éclat exceptionnel, que l’humanité se soit ennoblie par la manière dont la politique, la littérature et les arts ont été alors pratiqués, il y a là, certes, matière à exciter l’admiration, et l’on comprend les regrets inspirés par la disparition de ces heures sereines où tous les vœux semblaient pour ainsi dire réalisés. Mais rien ne se montre deux fois sous la même forme et vainement chercherait-on à faire revivre ce qui est définitivement mort. Un état de choses différent appelle des manifestations d’une autre sorte, et beaucoup de personnalité doit être mise dans une imitation pour la rendre acceptable.

Bien que les principes dont il vient d’être question aient une portée générale, nous ne les examinerons qu’au point de vue de l’architecture. On a cru longtemps et on se plaît encore souvent à répéter qu’il n’existe qu’un seul type du beau, par conséquent, que le but à poursuivre est très clair et parfaitement tracé. Mais, dans ce cas, il faudrait admettre également une seule civilisation, car l’un ne va pas sans l’autre et malgré soi on se trouve alors entraîné à sacrifier tous les progrès accomplis au cours des siècles.

Le brillant épanouissement du temps de Périclès n’est pas un produit particulier, dû à une situation exceptionnelle ; il résume les efforts faits par différentes civilisations, aussi bien en Grèce que dans les contrées environnantes. Dans les arts, comme en littérature, les œuvres de génie sont pour ainsi dire inconscientes ; la nation entière y a collaboré, et c’est ce qui explique le frémissement avec lequel on les accueille, l’enthousiasme qu’elles provoquent, la facilité que l’on trouve à les comprendre. Le Parthénon, Sainte-Sophie, Notre-Dame de Paris, en un certain sens, tiennent plus du symbole que du monument.

Il ne serait pas difficile, si nous avions l’espace nécessaire, de montrer que la Renaissance, ou du moins la transformation désignée sous ce nom, n’a pas fait et ne pouvait pas faire exception à la règle. Dans les siècles précédents, on suit le lent travail de préparation qui devait arriver à produire un si remarquable résultat