Wikisource:Extraits/2015/13

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Raymond Roussel, La Doublure 1897


AVIS

Ce livre étant un roman, il doit se commencer à la première page et se finir à la dernière.

L’Auteur.



La Doublure

I



Le décor renaissance est une grande salle
Au château du vieux comte. Une portière sale
Sert d’entrée. Un vieillard, en beaux habits de deuil
Et l’air grave, est assis sur le bord d’un fauteuil
À dossier haut. Il met sa main sur une table
Auprès de lui, disant :

« C’est là le véritable
Moyen ; quoi qu’il en soit, je ferai jusqu’au bout
Mon devoir ; vous pouvez vous retirer. »

Debout,
À trois pas de la rampe, en écuyer, l’épée
Nue en main, de profil, la poitrine drapée
Dans un grand manteau brun, une jambe en dehors,
Gaspard est immobile. Il réplique :

« Pour lors,
Monseigneur, si tels sont vos vœux, il ne me reste
Qu’à remettre l’épée au fourreau. »

D’un grand geste
Exagéré, levant sa main gantée en l’air,
Il abaisse la lame en lançant un éclair,
Puis cherche à la rentrer ; mais il remue et tremble,
Ses mains ne peuvent pas faire toucher ensemble,
La pointe, avec le haut du fourreau noir en cuir,
Qui tournent tous les deux en paraissant se fuir.
Gaspard, très rouge avec sa fraise qui l’engonce,
Rage et devient nerveux.