Wikisource:Extraits/2016/20

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Dinah Maria Mulock, Une mésalliance 1861

Traduction Pauline de Witt 1886



UNE MÉSALLIANCE

HISTOIRE D’AMOUR




I


Ce matin, madame Rochdale est restée longtemps à la porte de l’école à causer, madame Rochdale, autrefois ma maîtresse, aujourd’hui mon amie. Ma cousine, la maîtresse d’école du village, se lamentait sur le sort de son fils George qui se bat en Crimée, et elle disait, la pauvre femme, que personne ne pouvait comprendre ce qu’elle éprouvait, personne, si ce n’est une mère avec un fils unique.

Madame Rochdale sourit comme savent sourire ceux qui ont acquis la paix par l’épreuve de leur patience ; je retrouve encore quelquefois les traces de ses douleurs sur son visage, et je suppose qu’elles ne disparaîtront jamais complètement. Nous changeâmes de conversation, et, au bout d’un instant, elle s’éloigna.

Une mère avec un fils unique ! Tout le pays savait l’histoire de madame Rochdale et de son fils ; mais depuis longtemps on avait cessé d’en parler, tout haut, du moins, bien qu’on la racontât encore en confidence à tous les nouveaux arrivants dans le village. Chaque été, je voyais encore les étrangers qui occupaient la maison de ma cousine contempler de tous leurs yeux la toiture du château quand elle passait, ou écarter les rideaux pour apercevoir madame Rochdale.

Ils avaient raison. Elle est bonne à voir et à connaître, c’est une femme entre mille.

Il ne peut y avoir aucun inconvénient, peut-être pourra-t-il y avoir quelque avantage à raconter ici son histoire.