Madame Dandurand, Rancune 1896
RANCUNE
La scène représente un boudoir. Table au centre avec chaises de chaque côté. À l’angle droit une petite table à ouvrage, une chaise légère et un tabouret. À gauche un secrétaire chargé de quelques bibelots, photographies, etc. Grande porte au fond ouvrant sur une antichambre. À gauche, porte donnant accès au jardin.
Scène I.
… C’est-à-dire que tu refuses de tenir tes engagements, et tes bonnes raisons pour cela sont que : « voyager t’ennuie » — « tu serais un triste compagnon » — « tu n’es pas dans ton assiette ! » — tu patauges enfin et moi j’en suis pour mes projets à l’eau.
Mon cher ami, j’en suis désolé…
Oui, je sais que tu m’accordes tes sympathies ; c’est quelque chose assurément.
Franchement, Adolphe, je ne comprends pas pourquoi tu insistes. Ce voyage que nous projetions avec entrain, il y a deux mois, me répugne tellement aujourd’hui, que tu aurais l’air de me traîner au bagne si je consentais à t’accompagner.
Me diras-tu au moins la raison de ce caprice ?
Encore une fois, je n’en sais rien ; seulement tout ce que je puis te dire, c’est que je ne me suis jamais senti moins touriste qu’aujourd’hui.
Tiens, veux-tu que je t’apprenne, moi, quel diable te tourmente ? Mon pauvre Armand, tu es amoureux.
Peuh !
Voyons ! la petite cousine ! hein ?… Avoue donc !…
Je n’ai rien à avouer. Irène se soucie de moi comme des brins d’herbe qu’elle a la manie d’arracher au bord du chemin, chaque fois que nous nous promenons, qu’elle tourmente, un peu entre ses doigts et jette ensuite dans la poussière.
Mais toi ?
Bah ! moi, qu’importe ?
Tu n’es pas indifférent, à ce qu’il me paraît.