Wikisource:Extraits/2018/34

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Théodore de Banville, Ballade de l’Amour bon ouvrier dans Trente-six Ballades joyeuses 1890

XXVII

Ballade
de l’Amour bon ouvrier

Le monde est plein de compagnons habiles,
De ciseleurs, de rudes artisans
Forgeant le fer ou les métaux fragiles,
Faiseurs d’outils et de joyaux plaisants,
Tenant la lime ou les marteaux pesants.
D’autres, chanteurs, histrions, folle race,
Ayant des tours nombreux en leur besace,
Vont mariant la flûte et le tambour ;
Mais entre tous, quelque ouvrage qu’il fasse,
Le plus subtil ouvrier, c’est Amour.

Il fait errer les zéphyrs indociles
Dans les cheveux des filles de seize ans,
Il enrubanne Églé dans les idylles,
Fauche la gerbe avec les paysans
Ou fait piaffer les chevaux alezans,
Baisse les yeux ou danse la cordace.
Il fait des ducs avec la populace
Et des bergers avec des gens de cour ;
Glaçant la flamme, il échauffe la glace :
Le plus subtil ouvrier, c’est Amour.

Nous le voyons avec ses doigts agiles
Cousant l’habit vermeil des courtisans
Ou, fier sculpteur, pétrissant les argiles ;
Gueux qui mendie ou donneur de présents,
Sinistre, ou gai comme des