Romain Rolland, Hændel — 5. La musique d’orchestre
1910
La musique d’orchestre de Hændel comprend les 12 Concerti grossi (1740), les 6 Concertos de hautbois (1734), les Sinfonie de ses opéras et oratorios, et sa musique de plein air : Water Music (1715 ou 1717), Firework Music (1749), et Concerti a due cori.
Quoique Hændel soit, en art, un visuel, et que sa musique ait un pouvoir descriptif et évocateur, il ne fait qu’un usage restreint du coloris instrumental[1]. Cependant, il montre, à l’occasion, une curiosité raffinée dans l’emploi des timbres. Les deux oratorios écrits à Rome, quand il se trouvait dans la société du cardinal Ottoboni et de ses grands virtuoses, le Trionfo del Tempo et la Resurrezione de 1708 sont d’une couleur fine et variée[2]. À Londres, il fut un des premiers à introduire les cors dans l’orchestre de l’Opéra[3] Le premier, comme le dit M. Volbach, il dégage la personnalité expressive du violoncelle[4]. De l’alto, il sait tirer de curieux effets de demi-teintes indécises et troubles[5]. Il donne aux bassons un caractère lugubre et fantastique[6]. Il essaie d’instruments nouveaux : soit plus petits[7], soit plus grands[8]. Il emploie le tambour solo, d’une façon dramatique, pour le serment de Jupiter dans Semele. En certains cas, il demande aux timbres instrumentaux des effets, non seulement d’expression dramatique, mais d’exotisme et de couleur locale. Ainsi, dans les deux scènes des deux Cléopâtres, de Giulio Cesare (1724) et de Alexander Balus (1748)[9].
Mais quelque grand peintre que soit Hændel, ce n’est pas tant par l’éclat, la variété et la nouveauté du coloris, que par la beauté du dessin et les effets d’ombres et de lumières. Avec une palette volontairement restreinte, et en se satisfaisant de la grisaille des cordes, il arrive à produire des effets saisissants et nuancés. M. Volbach a montré[10]qu’il a moins recours à des instruments divers qu’à la division d’une même famille d’instruments en plusieurs groupes. Dans le morceau d’introduction de la seconde Esther (1732), les violons sont divisés en cinq groupes[11]; dans la Resurrezione (1708), en quatre[12]. Les altos sont parfois divisés en deux, le deuxième étant renforcé par le troisième violon ou les violoncelles[13]. Et en revanche, Hændel, quand il le juge préférable, réduit ses forces instrumentales, supprime l’alto et le second violon, que remplace le clavecin. Tout son art de l’orchestre est dans le juste instinct d’équilibre et d’économie qui