P.-J Stahl, Les Patins d’argent, (adapté du roman Hans Brinker or The Silver Skates, de Mary Mapes Dodge) : Au Lecteur 1863
PATINS D’ARGENT
C’est par une traduction mot à mot, littérale, des Patins d’argent, demandée par nous à un de nos collaborateurs, M. Anceaux, que nous avons connu tout d’abord le livre de Mme Mapes Dodge, et que nous avons pu juger que cette charmante œuvre avait en effet le double mérite que son auteur avait voulu lui donner, « de combiner la part d’instruction qui peut se rencontrer dans un livre de voyage avec l’intérêt d’une histoire intime, attachante. »
Mais, si cette traduction suffisait pour nous donner une idée photographique des Patins d’argent, il restait pour nous à faire à cette œuvre, écrite en vue d’autres lecteurs que les nôtres, cette toilette d’adaptation et d’acclimatation à laquelle il est bien rare que nos livres français échappent quand on veut leur faire un sort à l’étranger. Cette méthode, de laquelle j’ai pu avoir soit à souffrir, soit à profiter pour mon compte, il m’a paru plus d’une fois qu’elle pouvait avoir, comme on dit, « du bon », et qu’on pouvait tout au moins plaider pour elle les circonstances atténuantes.
Est-il si fâcheux, est-il si injuste qu’un étranger, qu’il soit un être idéal comme un livre, ou un personnage de la vie réelle, fasse au pays dans lequel il désire trouver bon accueil les sacrifices nécessaires aux habitudes d’esprit et au génie particulier de ce pays ? Vaudrait-il mieux pour lui n’y pénétrer qu’à l’état d’œuvre morte, ou même n’y point entrer du tout ?
La question peut se poser, mais elle peut se résoudre dans les deux cas, sans qu’au bout des deux solutions il y ait mort d’homme, ou mort d’écrivain à coup sûr.
Toujours est-il qu’avec l’agrément de l’auteur, nous avons entrepris d’adapter les Patins d’argent à l’usage des lecteurs spéciaux de notre Bibliothèque d’éducation et de récréation, dans l’espoir que ce livre touchant en deviendrait une des perles les plus précieuses. Abandonnant donc pour lui nos œuvres personnelles, nous n’avons pas reculé devant cette tâche toujours ingrate de reprendre, de récrire ligne à ligne l’œuvre d’un autre.
Nous avions dans quelques travaux précédents, notamment dans « l’Odyssée de Pataud », publiée dans le Magasin d’éducation, témoigné de l’intérêt de plus en plus vif qu’après plusieurs voyages nous avait inspiré la Hollande. De son côté Mme Mapes Dodge avait été charmée, comme nous, de ce curieux pays. Cette communauté d’appréciation établissait un premier lien entre l’auteur et nous. Les Patins d’argent nous plaisaient par leur cadre même. Seulement Mme Mapes Dodge s’était proposé la double tâche devant laquelle aurait reculé un écrivain français, d’enfermer dans