Wikisource:Extraits/2023/51

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Camille Saint-Saëns, La Libellule 1890


LA LIBELLULE


 
Près de l’étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au corps frêle
Qu’on voudrait en vain saisir.

Est-ce une chimère, un rêve
Que traverse un rayon d’or ?
Tout à coup elle fait trêve
À son lumineux essor.

Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la rose
Pour le lotus froid et clair.

À la fois puissante et libre,
Sœur du vent, fille du ciel,
Son aile frissonne et vibre
Comme le luth d’Ariel.

Fugitive, transparente,
Faite d’azur et de nuit,
Elle semble une âme errante
Sur l’eau qui dans l’ombre luit.