Wikisource:Extraits/2024/11

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Margaret Wolfe Hungerford, Phyllis 1877

Traduction Alice Pujo 1922


I

En face de ce papier, la plume à la main, me voici bien contrainte de commencer mon histoire.

Ce matin, ma chère maman se força à prendre un air sévère, elle entra dans ma chambre et je cachai vivement ma dernière poupée au fond de son tiroir ; puis, maman, prenant un siège, me dit avec solennité :

— Phyllis, tu viens d’avoir dix-sept ans, te voici une jeune fille. Jusqu’à ce jour, j’ai le regret de constater que tu ne nous as donné aucune satisfaction. Alors que ton frère aîné réussit dans ses études, compensant ainsi les lourds sacrifices que nous nous imposons pour son éducation, que ta sœur Dora fait l’admiration de toute la famille autant par son naturel aimable que par sa beauté, toi, ma plus jeune fille, tu es une source continuelle de trouble dans la maison…

— Oh ! maman…

— Regarde-toi dans la glace. Où as-tu pu aller pour être faite ainsi, à huit heures du matin ? Tes cheveux décoiffés, ta robe en désordre, un accroc à ta jupe… Vraiment, Phyllis…

— Maman, c’est que, ce matin, j’ai joué dans la cour avec Billy, nous avons lutté, et Black m’a tirée par ma jupe.

— Voilà bien ce que je disais ! Phyllis, ces façons ne sont pas acceptables pour une fille de ton âge. Nous en avons discuté avec ton père, et voici ce qu’il t’ordonne : Chaque jour, pendant une heure, tu écriras un cahier concernant tes faits et gestes de la journée. Ce sera un excellent exercice pour ton esprit ; tu y gagneras, je l’espère, en écriture, en orthographe et en style, et quand cela ne te servirait qu’à te tenir une heure tranquille, sans courir comme une folle, grimper aux arbres ou taquiner ton frère…

— Nous ne nous disputons pas, mère, nous nous aimons trop pour cela ! m’écriai-je dans un élan sincère.

— Oui, je sais que vous vous entendez tous deux comme larrons en foire pour jouer des tours pendables. Mais ces jeux de garçons seront finis pour toi, ma fille. Voici un cahier neuf, en te relisant chaque jour, tu réfléchiras sur ta conduite et j’espère qu’avec de la bonne volonté, tu arriveras à réformer ta nature rebelle à toute direction.

Me laissant sur ces mots, maman traversa la chambre avec une grande dignité. Cependant, arrivée à la porte, elle se retourna et