Wikisource:Extraits/2024/7

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Hélène Picard, Sabbat dans Picard - Sabbat, 1923, p. 113-115 1923

INVOCATION

Apparais-moi, le ventre ouvert et digérant — ô Gigantesque ! — la luxure de tout un royaume détruit. Aie, dans les yeux, cette bestialité implacable et désespérée qui fait de toi la suprême Brute, Satan. Pousse, devant toi, dans le cri des Égyptes pénitentes et le silence des Sodomes embrasées, les tribus de Jéhovah qui désespèrent Moïse, mais montre à ce triste fondé de pouvoir que la baguette d’airain c’est toi qui l’animes et que les tables de la Loi tu les portes sur ta poitrine formidable, Satan.

Que l’enfer sorte des trous de la cagoule, Moine qui fais de l’ombre sur les cilices et les croix, et puisque tu es le bouc, ô Satan, fornique, devant moi, avec, à la fois, quatre sorcières coiffées de feux follets et du rire des morts maudits.

J’attends dix mille chats pleurant du soufre, autant de hiboux aux ailes doublées de phosphore, et qu’au milieu de ces milices lugubres, s’avancent les inquisiteurs haletants, car la croix dont ils assommaient leurs victimes est, maintenant, en travers de leur gosier.

Je veux voir les sept péchés sous la forme de charognes transpercées d’épingles dansantes, ou de papillons qui auront pour ailes l’âme de Sardanapale et de Balthazar, ou de folles aux yeux de pierreries.

Montre-moi le serpent de la faute accouplé à la colombe du salut, et, autour de ce symbole sacrilège, la ronde de tes suppôts qui gonflent, chacun, de leur rire hideux, un soufflet aux pustules de crapaud.

J’appelle ces réprouvés dont l’élégance sacerdotale et ointe, précieusement, est si chère à mon catholicisme exaspéré, et, parmi eux, je saluerai celui que j’aime : le rouge Prince de l’Église à la lèpre masquée de noir.

J’appelle ces maudites dont je suis. L’une a l’escarpin de feu scellé à son talon de danseuse trop chaste ; l’autre, le collier de rubis planté comme un couteau à son cou de séductrice qui dit toujours non, et, parmi elles, je retrouverai la Dame de qualité dont l’amant mourut en la possédant et qui cache d’un gant de velours, stigmatisée d’une morsure, sa main coupable.

Répands, autour de moi, les nuits glacées de la pénitence sifflante et à jamais tentée, le bleu sinistre des concupiscences impies, le rouge effroyable des crimes commis dans le ventre des mères, le jaune blêmissant des cieux de catastrophe, alors qu’au chant métallique des guerres, la haine, le viol et les loups se jettent sur les mêmes proies. Je veux voir, à la fois, le violet des chasubles et celui des stupres mentaux, le blanc des pires souillures et celui des colombes que nourrit l’éternité des poètes. Fais-moi connaître le vert de toutes les putréfactions : celle du chien noyé, celle du cadavre qui éprouve, peut-être, de la volupté aux caresses des larves, celle de Jéhovah qui finit, tant il en invente, par être dévoré par les sauterelles… Satan.