Zofloya, ou Le Maure/Chapitre 14

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Traduction par Mme  de Viterne.
Imprimerie de Hocquet et Cie (Tome IIp. 79-105).


CHAPITRE XIV.


Il s’était passé trois mois, depuis que la funeste destinée de Leonardo l’avait fait connaître à la syrène Mathilde. Il n’avait pas encore dix-neuf ans : Mathilde en avait environ douze de plus que lui ; cependant ses attraits puissans, l’élégance de ses manières et sa beauté non encore ternie, obtinrent un ascendant invincible sur lui, et rien ne lui eût paru plus terrible que de s’en séparer. Tel est l’effet d’une première passion, toujours forte, toujours exaltée. Mathilde s’était emparée de toutes les issues de son cœur, en donnant une nouvelle existence à son âme. L’image d’Amamia n’y était plus, ou pour mieux dire, ce premier sentiment, trop tranquille pour un être né avec des dispositions ardentes, s’éteignit à la lueur d’un foyer volcanique ; il ne vit plus rien que Mathilde qui devint pour lui l’univers.

Combien l’adroite Florentine se félicita de son triomphe ! elle possédait le premier amour d’un enfant ! elle jouit des transports et des feux nés sous sa brûlante influence, et en partagea les fruits avec délices.

Mais la vanité innée à son sexe, ne la laissa pas long-tems se contenter de son bonheur. Assurée de l’amour Léonardo, et le voyant sans cesse en adoration devant elle, un autre désir vint tourmenter sa coquetterie insatiable. Elle pensa à le conduire à Venise, et à le présenter aux femmes de sa connaissance, pour exciter leur envie et leur admiration ; car elle ne craignait rien de leurs attraits, et nulle rivalité ne l’effrayait, s’estimant beaucoup plus méritante que toutes. Cependant, comment cacher ce jeune sigisbée au comte de Bérenza… ? Elle pensa à lui faire un mystère de son retour, en sortant peu. Ce point déterminé, elle exprima à son amant le désir qu’elle avait de retourner à Venise.

À cette mention de Venise, Leonardo parut excessivement agité : il pâlit et rougit successivement ; ce qu’il avait tant désiré auparavant, lui répugnait tout-à-fait alors ; mais pouvait-il rien refuser à sa séduisante maîtresse ? c’était impossible, pour elle il eût tout fait. Son secret terrible… ce secret qu’il avait gardé avec tant de soin, jusqu’à ce jour, et que l’orgueil lui défendait de découvrir… Eh bien ! il ne fut plus à lui… il le confia à Mathilde Strozzi.

Se jettant dans ses bras, l’imprudent s’avoua pour ce qu’il était, et témoigna en tremblant, la répugnance qu’il avait de retourner à Venise et de s’y laisser voir.

— Quoi ! vous seriez le fils du marquis de Lorédani ?

— Je le suis, belle Strozzi, mais je vous demande une grâce, dit-il en tombant à genoux, et joignant les mains : gardez, ah ! gardez ce secret que vos charmes m’ont arraché, respectez mon honneur et ma vie ; que jamais, soit par hazard ou volontairement, il ne sorte de votre bouche. Ne dites pas que je suis l’héritier humilié et errant d’une maison illustre, et tombée dans le mépris : que je suis… Lorédani !

— Non, jamais, répondit la Florentine.

— Jurez-le ! aimable femme, jurez-le, tandis que je suis à vos pieds… ah ! je vous en conjure.

— Je le jure solemnellement, répéta Mathilde, en posant sa main sur l’épaule du jeune homme, et tenant l’autre élevée au ciel. Je te promets au nom de l’Éternel, de ne jamais divulguer ton secret, mon ami, de ne le dire à qui que ce soit !

— Mathilde, je te remercie, et Léonardo se relevant, embrassa sa belle maîtresse. Les larmes lui roulaient dans les yeux. Je te remercie de tout mon cœur, car je ne vrais pas à la découverte de mon secret !

— Mais tu viendras à Venise avec moi, cher Léonardo ?

— Oh Mathilde ! mon père n’y demeure-t-il pas ? comment hazarder de m’y montrer, il m’y saurait bientôt.

— Vous ignorez donc, cher ami, que le marquis est mort il y a trois ans ? cet événement et ses suites ont cependant fait assez de bruit. Aucun de vos parens n’habite Venise maintenant.

Léonardo n’avait entendu que ces mots : le marquis est mort. Une douleur profonde le saisit : il médita… puis dit ensuite, mon dieu, je vous remercie ! Une larme mouilla sa joue. Il regarda Mathilde avec un calme affecté. Dites-moi, s’il vous plaît, comment cet événement est arrivé… Je sens que je puis vous entendre.

La Florentine parut extrêmement touchée de l’air sombre du jeune homme. Elle en frissonna, et lui détailla avec tristesse ce qui avait eu lieu, donnant à son récit, quoique exact, la plus grande brièveté possible.

— Ô malheureuse mère ! s’écria-t-il ; la mesure de tes crimes a donc été comblée ? adieu, adieu pour jamais maintenant, la considération, le bonheur de tes enfans : tu les as totalement perdus ! Il n’osait plus parler à Mathilde ; il se croyait trop humilié à ses yeux, pour lui demander de prendre part à sa douleur. La tête baissée, les joues humides et rouges de honte, il restait dans une immobilité parfaite.

— Et, mon aimable ami, tu ne veux pas me suivre à Venise, dit-elle, en lui serrant la main et le regardant avec tendresse.

— J’irai, belle Strozzi, répondit-il en hésitant, et en se frottant le front, comme pour éloigner quelque pensée terrible. Oui, j’irai… qu’ai-je à craindre aujourd’hui ? Souvenez-vous que je ne suis que Léonardo. Enchantée d’avoir obtenu ce qu’elle demandait, la Florentine promit d’obéir à ses moindre désirs. Elle fit les arrangemens qui parurent lui convenir le mieux pour cacher son séjour dans Venise. Léonardo ayant consenti à tout, la quitta pour aller s’occuper du passé ; car son âme n’était pas revenue du choc qu’elle venait d’éprouver ; elle sentit le besoin de la solitude, pour se remettre de son cruel froissement.

Mais Mathilde, ne voulant pas laisser à son amant le tems de se dédire, alla bientôt le trouver pour l’entretenir de son projet favori, et fixer le départ d’Ayna-Dola, au lendemain. C’était une retraite qu’elle regardait comme des plus agréables, puisqu’elle lui avait procuré un plaisir supérieur à tout ce qu’elle avait connu jusque-là.

Le lendemain, vers le soir, ce couple d’amans s’embarqua pour Venise, et il commençait à faire nuit lorsqu’ils y arrivèrent. Mathilde alla de suite à son hôtel qui était très-beau, et meublé dans la dernière élégance ; mais rien ne put dissiper la tristesse de Leonardo, qui se voyant dans le lieu de sa naissance, la sentit accroître davantage. Sa belle compagne fit tous ses efforts pour le distraire, et le ramener à des idées moins tristes ; elle employa envers son jeune hôte, tout ce que l’hospitalité a de plus aimable. Un repas splendide fut préparé, et enfin les agrémens de la table rappelèrent petit-à-petit les sens abattus de Leonardo. Strozzi lui versa fréquemment des petits verres du vin le plus exquis. L’inutilité des regrets devint alors évidente au jeune homme, et ils laissèrent place à un ton plus animé. De plus la délicatesse des mets, la variété des liqueurs imposèrent silence à la raison. Les caresses flatteuses de Mathilde, portées à leur suprême degré, achevèrent de tourner la tête de Léonardo. Des idées nouvelles, des sensations plus fortes s’emparèrent de lui, et son cœur l’entraîna bientôt dans une mer de voluptés.

Mathilde ayant ainsi exalté l’imagination de son amant, elle lui parut une divinité bienfaisante, belle et parfaite tout à-la-fois. Il s’y attacha tellement qu’il ne connaissait d’existence que par elle, et tenait entièrement à sa pensée. Pour empêcher que le jeune homme formât aucun désir qui n’eût cette femme adroite pour objet, elle lui chercha tous les amusemens faits pour lui rendre sa retraite de plus en plus agréable, ce qui n’était pas difficile, puisque la crainte momentanée de Leonardo était d’être vu et reconnu dans Venise.

Mathilde invita chez elle plusieurs femmes de ses amies, et quelques hommes de sa connaissance qui, en lui faisant la cour, n’étaient pourtant pas des amans. Elle leur présenta à tous son bel objet, comme un jeune homme de Florence qui lui était parent ; car toute sans principes qu’était cette femme, elle conservait cependant encore assez d’apparence de décence pour n’oser avouer un nouvel amant.

Il n’était pas à supposer qu’il se trouverait parmi les gens qui venaient chez la belle Slrozzi, aucun de ceux reçus chez le marquis de Lorédani ; et quand même cela fût arrivé, trois années d’absence jointes à une vie passée dans les montagnes de la Toscane, avaient tellement changé les premiers traits du jeune homme, qu’il était impossible de reconnaître le délicat Léonardo dans le robuste Florentin, devenu d’une stature superbe. Mais tout inconnu qu’il restait, ce fut en vain que Mathilde se flatta de faire croire au conte qu’elle avait établi à son sujet.

Enchantée, comme elle le paraissait, de la beauté supérieure de sa personne, et se montrant toujours inquiète quand il s’absentait un instant, il était facile d’y voir clair, et il ne fallait pas une grande pénétration pour discerner que des liens plus tendres que ceux de la parenté, l’attachaient à lui. Il se trouva que parmi les femmes auxquelles la vanité de Mathilde avait fait présenter son amant, il s’en trouva une nommée Thérèse, qui était d’une beauté exquise, mais plongée dans le torrent du vice et de la dissipation. Il est vrai de dire que ce fut à la première que celle-ci dut la perte de son innocence. La malheureuse, quoique recherchant en apparence sa société et son amitié, avait eu des remords au fond de son cœur porté naturellement au bien, et elle maudissait souvent en silence l’ennemie de ses mœurs et de sa tranquillité.

Thérèse observant avec l’œil de clairvoyance, le cousin et la cousine prétendus, découvrit bientôt l’expression amoureuse de leurs regards ; et en femme qui a du ressentiment, elle se promit bien de se venger de l’état de dégradation dans lequel Mathilde l’avait fait tomber. Conduite aussi par un sentiment particulier pour Léonardo, elle forma le projet de le détacher de la femme qu’elle haïssait au fond du cœur. Alors toutes les batteries furent mises en œuvre. Elle invita souvent Mathilde à l’aller voir, et en dépit des soins et de la surveillance de celle-ci, elle parvint à s’attirer l’attention du jeune homme, et à avoir des entretiens avec lui. Thérèse s’y prit de la même manière que la Florentine avait fait, en en appelant de son imagination à ses sens. Elle avait de plus, l’avantage de la jeunesse, et par conséquent plus de fraîcheur, ce qui lui rendait sa conquête peu difficile. Mais tandis que Thérèse agissait, ainsi qu’elle le pensait, sans être soupçonnée, le démon de la jalousie s’empara du cœur de sa rivale, qui, s’appercevant de tout, en conçut le dépit le plus furieux. Pour s’assurer mieux de la trahison de celle qu’elle croyait son amie, il était prudent de paraître ne s’apercevoir de rien ; aussi poussa-t-elle la politique au point de laisser une sorte de liberté à son amant, afin qu’il tombât de lui-même dans le piège, et fût dupe de son artifice.

Enfin Thérèse ayant réussi à séduire le jeune homme, dont le regard et le langage devenaient une preuve certaine de sa passion, elle chercha le moyen de l’attirer chez elle. Léonardo, quoique très-susceptible sous bien des rapports, n’était pas si pointilleux, lorsqu’il s’agissait d’une infidélité en amour. Habitué dès l’enfance à voir tout plier sous ses désirs, et son amour-propre se trouvant flatté, en ce moment, d’inspirer de la tendresse à une jeune et aimable femme, il ne crut pas devoir se gêner dans son nouveau goût, et accepta l’invitation ; quoique sentant bien qu’il se rendait fautif envers sa belle amie. Au surplus, que devait-il à Mathilde, sinon de l’avoir égaré en entraînant son âme dans le vice ? continuer le cours de galanterie qu’elle lui avait enseigné, était une conséquence assez naturelle.

Le soir donc, le rendez-vous fut donné. L’adroite Strozzi, pour mieux tendre son piège, feignit une indisposition subite, et dit qu’elle voulait être seule. Ainsi Leonardo eut sa liberté pour le reste de la soirée. Alors il s’échappa furtivement et alla où sa belle l’attendait. Il n’y avait pas cinq minutes qu’il était chez Thérèse, lorsque Mathilde y tomba comme une bombe. Entrant de suite dans le salon, elle les examina de l’air d’une furie qui médite le moyen le plus horrible de vengeance.

En ce moment Léonardo assis auprès de Thérèse, lui rendait les baisers qu’il en recevait, et telle était encore leur attitude. Alors marchant d’un pas ferme et décidé, Mathilde s’avança vers Léonardo et le saisit par le bras. Il eut tellement peur à la vue d’une femme qui avait acquis sur son être le pouvoir le plus illimité, qu’il ne put résister à une action aussi décisive. Il parut même honteux de sa faute, et humilié sous la force de ses regards. Il se trouvait coupable en ce moment, c’est pourquoi ne faisant aucune défense, et la Florentine lui tenant toujours fermement le bras, il céda à ses volontés. Strozzi sortit de l’appartement en lançant à Thérèse des regards qui lui dépeignaient bien ce qu’elle avait dans l’âme, et emmena son captif.

En retournant chez elle, Mathilde observa le plus grand silence. Léonardo voulut deux ou trois fois parler, mais sa langue glacée resta immobile, et ses lèvres tremblèrent. Il songea aux moyens d’appaiser sa maîtresse offensée. Celle-ci gardant toujours le silence le plus sombre, se jetta sur un sopha, et se couvrant le visage de ses mains, elle resta absorbée dans ses pensées.

Léonardo ne put soutenir plus long-tems cette scène terrible ; il parut profondément affecté. Le souvenir du bonheur dont il avait joui avec Mathilde, revenait à sa pensée avec une brûlante ardeur : il se repentait de sa conduite envers celle qu’il adorait toujours. Thérèse ne lui était plus rien ; au contraire, il la maudissait pour l’avoir brouillé avec celle à qui il croyait tout devoir. N’étant pas plus long-tems maître de lui, il courut se précipiter à ses pieds en les embrassant, et versant une abondance de larmes. C’était où l’artificieuse Florentine l’attendait ; car, quoique Léonardo fût extrême en tout, elle le savait sensible et espérait le voir revenir de lui-même sur une faute qu’il avait commise. Elle se défendit donc d’irriter par le reproche celui qu’un appel à son cœur ramenait naturellement.

« — Ô Mathilde ! maîtresse autant adorée qu’aimable, pardonne, pardonne-moi, je t’en conjure. Je sens, oui je sens que c’est toi seule que j’aime. Ah ! pardonne à l’esclave de tes charmes… Mathilde, par pitié, regarde-moi ! »

La Florentine ne répondit pas un mot.

— Quoi, pas une parole ?… eh bien ! vous vous taisez… Vous voulez donc ma mort… (Il tira son stilet.) J’ai vécu trop long-tems, je le sais… l’existence m’est affreuse… J’aurais du y renoncer plutôt… (Il fit un mouvement comme pour se percer.) Vous le voulez… » Mathilde sauta sur lui, et arrachant le poignard, le jetta à quatre pas. Le jeune homme était toujours à ses pieds. Mathilde regarda sa figure enchanteresse avec un nouveau plaisir, et l’amour revenant l’assaillir avec force elle dit : « Levez-vous, jeune homme. » Cette voix le ranima, et se levant, il la serra impétueusement dans ses bras.

La Strozzi lui rendit son embrassement, puis lui dit soudain : « Apportez-moi ce stilet. » Cette demande surprit Léonardo, mais il obéit à l’ordre impérieux de sa belle.

Elle prit l’arme de ses mains, puis ajouta d’une voix sévère : — Est-il bien vrai, Léonardo, que vous m’aimez ?

— S’il est vrai, belle Mathilde !

— Eh bien, vous allez m’en donner une preuve. Il faut plonger ce stilet dans le cœur de Thérèse.

Le jeune homme frémit, et fit deux pas en arrière. La nature répugne toujours à l’idée d’un assassinat.

— Comment, vous hésitez, traître ? c’est donc Thérèse que vous aimez ? allez, fuyez pour jamais ma présence.

— Eh ! quoi, Mathilde, rien ne peut-il vous appaiser ?

— C’en est assez… Il l’aime, je le vois, dit d’une voix sombre la Strozzi.

— Oh ! non, non, par le ciel, je ne l’aime pas, je vous jure.

— Prouvez-le moi donc, en plongeant ce poignard dans son indigne cœur, car rien autre chose ne m’appaisera, ni ne me persuadera de votre amour.

— Ô Mathilde, ma première, ma seule passion ! vous ne voudriez pas, j’en suis sûr, en exiger une preuve aussi terrible ?… Il avait l’air de l’implorer, en regardant avec douleur.

Mathilde ne changeait pas le sien : il y lisait, fais ce que je te dis, ou laisse-moi.

Le malheureux insensé craignit de perdre celle qu’il aimait plus que jamais. Sa beauté lui semblait en ce moment plus éclatante, plus fière qu’il ne l’avait encore vue ; et tout en la regardant, sa répugnance s’évanouissait. Il se sentit prêt à tout faire, plutôt que de renoncer à son amour… il s’empara de sa main brûlante et dit :

— Donnez-moi ce poignard.

— Vous consentez donc à verser le sang de la séductrice Thérèse ?

— Je… Je… j’y consens !…

— Et à me rapporter ensuite ce poignard fumant encore ?

Tout… tout… je ferai tout ce que vous voudrez, dit en gémissant l’infortuné Leonardo. Je vous aime, cruelle Mathilde… Oh ! n’est-ce pas trop vous aimer que de se rendre assassin pour vous plaire ? Oui… Thérèse va périr… et c’est à cause de vous.

La Florentine jetta le sillet avec violence au bout de l’appartement, et ouvrit ses beaux bras à Leonardo aveuglé : il tomba à moitié sur son sein.

— Je te pardonne, s’écria-t-elle : oui, je te pardonne maintenant, Léonardo. J’avais besoin, après ta cruelle infidélité, de m’assurer si tu m’aimais encore… Je le conçois à présent et je suis toujours ton amie.

— Oh ! jamais je ne cesserai de t’adorer, Mathilde, répondit l’insensé, pendant que les larmes baignaient son visage.

— Je l’espère, mon ami… La belle Strozzi regardait sa victime avec orgueil. « J’espère que tu ne commettras plus une pareille faute. » Et elle lui sourit d’un air fin et gracieux.

Tel était pourtant l’empire fatal qu’une misérable créature avait obtenu sur un cœur novice, et susceptible de meilleures qualités. En s’attachant à une femme aussi intrigante, Leonardo avait perdu toute son énergie avec cette fierté d’âme qui auparavant l’avait distingué. Il fuyait alors jusqu’au moindre souvenir du passé, et lorsque la raison voulait se faire entendre, il l’éloignait pour se laisser aller progressivement aux plus épouvantables crimes. Hélas ! Léonardo autrement dirigé, eût peut-être été l’honneur de sa race, et la gloire de son sexe.

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