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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7809

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 5-6).
7809. — À M. TABAREAU,
à lyon.
3 mars.

M. Tabareau et M. Vasselier savent sans doute ce qui se passe à Genève : on y assassiné dans les rues des vieillards de quatre-vingts ans et des femmes grosses ; la sainte cité est devenue un enfer. Grâce au ciel, on ne voit point de pareilles horreurs à Lyon.

Je réciterai pour vous la prière des voyageurs ; je ne cesserai de demander au ciel qu’il vous rende l’argent que vous avez perdu au billard[1]. J’espère tout obtenir par l’intercession de mon confrère saint Cucufin.

Je vois que vous n’étiez pas instruit de ma fortune. Non-seulement je suis père temporel des capucins de Gex, mais j’ai l’honneur d’être capucin moi-même. J’ai droit de porter le cordon et l’habit ; j’ai reçu ma patente de notre révérend père général Amatus d’Alamballa[2], à qui sans doute vous vous êtes confessé quand vous étiez à Rome.

[3]J’avais écrit, il y a quelques semaines, à M. de La Borde, qui avait eu lui-même la bonté de placer en rescriptions toute la fortune dont je pouvais disposer ; je crois qu’il a été si embarrassé pour lui-même qu’il ne m’a point encore fait de réponse ; il attend apparemment qu’il y ait quelque chose de décidé. On m’avait écrit, il y a quelques mois, que M. de La Borde était exilé ; mais je crois qu’il n’y a de banni que l’argent de la caisse d’escompte.

Permettez a votre bibliothécaire de demander justice contre toutes les lettres simples qu’on me fait payer doubles. Je suis d’ailleurs assassiné de lettres d’inconnus que je suis obligé de renvoyer. Pardonnez à un pauvre capucin, à qui M. l’abbé Terray ravit deux cent mille francs dans sa besace, de ménager quatre sous. Vous me dites que le ministère veut protéger l’agriculture : il ne devait donc pas dépouiller un laboureur de deux cent mille francs qui sont tout son patrimoine. Il faut mettre ces petites aventures, comme bien d’autres, au pied de son crucifix. Voici des Oremus de frère François, capucin indigne.

  1. C’est-à-dire avec le caissier des postes nommé Billard.
  2. Voyez la lettre 7775.
  3. Ce qui suit est postérieur au 3 mars.