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était démocratique, comme le désirent les Alliés, et non soviétiste. Il était soutenu par les zemstvos et toutes les organisations politiques régionales. Le Japon n’a pas hésité néanmoins à porter un coup fatal à la démocratie russe. Celle-ci, tôt ou tard, aura sa revanche.

Mais que pensent les États-Unis de la fièvre expansionniste nipponne dans tout l’Extrême-Orient ?

L’impérialisme du Japon, qui est un danger mondial, doit inquiéter tout particulièrement Washington.

La politique brutale des « Prussiens de l’Orient… » — nos alliés dans la guerre du droit et de la justice — risque fort de compromettre, dans un avenir prochain, la paix du monde.

André Pierre.
(L’Humanité, 10 avril 1920.)
LE PROTECTORAT JAPONAIS

De combien de guerres partielles devra donc être faite la paix générale dont nous jouissons ?

Du Rhin au Pacifique, après une courte halte pour reprendre haleine, les armées se remettent en mouvement.

Après avoir hésité, reculé, protesté de leur désintéressement, les Japonais brusquement ouvrent une violente offensive contre les Russes de Sibérie. L’apaisement des révoltes paysannes et l’arrêt des bolcheviks à l’est du Baikal, leur ont rouvert l’appétit et rendu le courage.

Vladivostok est occupé. On se bat à Nikolsk et à Khabarovsk, c’est-à-dire très loin au nord sur la voie ferrée.

C’est bien une opération d’envergure pour mettre la main sur les points essentiels de la côte et du bassin de l’Oussouri.

Malgré leur puissance de dissimuler, nos amis nippons laissent percer leur véritable intention.

Le commandant japonais de Vladivostok vient de poser au gouvernement populaire de Sibérie orientale une série de conditions qui semblent fortement inspirées du fameux ultimatum envoyé par l’Autriche à la Serbie en 1914. Sans doute à Tokio possède-t-on plus d’astuce que d’imagination !

1o Le transport, l’approvisionnement et les communications des forces japonaises ne doivent pas être entravés ;

2o Les accords intervenus entre Russes et Japonais, soit au bénéfice des Alliés soit à celui de particuliers, doivent être respectés ;

3o Les partisans des opérations militaires japonaises ne doivent pas rencontrer d’obstacles ;

4o Les sociétés secrètes dangereuses pour la Corée et la Mandchourie sont interdites ;

5o Les articles anti-japonais doivent être interdits dans la presse ;

6o Il ne doit y avoir aucun conflit avec les forces japonaises protégeant la vie et la propriété des Coréens et des Japonais.

Ne nous semble-t-il pas que la deuxième demande marque un certain désir de profiter des circonstances pour s’approprier rapidement le bien d’autrui ?

En lisant le numéro quatre, nous éprouvons une profonde surprise. Dans un de ses articles, dont l’innocence le dispute à la sincérité, Le Temps ne nous avait-il pas récemment démontré que le peuple Coréen était un des plus paisibles et des plus satisfaits du monde. Qui croire, mon Dieu ? Le mot protectorat est-il trop fort pour qualifier le régime nouveau que les Japonais veulent établir à Vladivostok ? Et tout le monde sait ce que signifie un protectorat japonais !

Hélas, l’Europe, absorbée par ses querelles intestines, qui prolongent et renouvellent la guerre, ne peut poursuivre une aussi lointaine politique !

Les États-Unis, tout à leurs affaires et à la préparation de la campagne