Œuvres de Vadé/Les Racoleurs

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Garnier (p. 275-324).

LES
RACOLEURS

OPÉRA COMIQUE
EN UN ACTE
REPRÉSENTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS SUR LE THÉÂTRE DE
L’OPÉRA-COMIQUE
À LA FOIRE SAINT-GERMAIN, LE 11 MARS 1756.

ACTEURS

MADAME SAUMON, marchande de poisson.

JAVOTTE, sa fille.

TONTON, petite sœur de Javotte.

MARIE-JEANNE, Nièce de madame Saumon.

M. DE LA BRÈCHE, sergent, amant de Javotte.

TOUPET, Gascon, et garçon Frater, rival de M. de la Brèche.

LA RAMÉE, JOLIBOIS, soldats des autres corps.

SANSREGRET, soldat ivre.

La scène est dans une place publique.

Scène PREMIÈRE

Toupet, seul.

L’opulence n’est pas toujours le côté par où brillent les bourgeois dé mon village.

Air : M. le Prévôt des Marchands.

 
Mais l’industérie est un fond
Qui du revenu me répond :
De mon adresse je profite,
Et j’en profite utilement,
Pour épouser une petite,
Qui m’aime médiocrement.

Je l’aime fort peu aussi, elle est mal élevée ; je méprise même assez la mère, quoique fameuse marchande dé poissons ; cé sont de pétites gens ; mais il y a de l’argent dans la maison, peu m’importe lé reste. Vive les enfants de mon climat pour damer le pion à ces pauvres petits Parisiens. Allons, puisque j’ai le vent en poupe.

 
Vogue la galère
Lanière, lanière…

Ah ! voici la friponne en question.


Scène II

TOUPET, JAVOTTE.
Toupet.

Venez, mon aimable.

Javotte.

J’nai pas de temps à perdre, monsieux.

Toupet.

La rencontre est trop favorable pour moi ; un petit mot.

Javotte.

J’vous conseille de m’laisser aller ; on m’attend cheux nous, monsieux Toupet.

Toupet.

Je vous accompagnerai, et chemin fésant je veux m’exprimer par les açens les plus doux.

Javotte.

Allez, belle figure propre à faire du saindoux ; si vous n’battez pas l’briquet mieux qu’ça, l’amadoue n’prendra pas, j’vous en avartis.

Toupet.
Air : Lui m’aimer ! je n’donn’pas là d’dans.

 
Au point où nous en somm’s tous deux…

Javotte.

 
À queu point donc est ç’que j’en sommes ?

Toupet.

 
L’hymen mé rendra par ses nœuds
Bientôt lé plus heureux des hommes :
Car votre maman, qué jé croi…

Javotte.

 
Qu’je croi ! Dites plutôt que j’doute.

Toupet.

 
Je voi que j’aurai votre foi.

Javotte.

 
Et moi, j’voi,
Que Monsieux n’y voit goutte.

Toupet.

Mais écoutez donc, mon petit cœur.

Javotte.

Quoi qu’c’est qu’vot’p’tit cœur ? Mais voyez donc ç’magot échappé de d’ssus la tabatière du gros Thomas ! Son p’tit cœur !

Toupet.
Air : Nous sommes Précepteurs d’amour.

 
Quel mal vous fais-je, à votre avis ?

Javotte.

 
N’me touchez pas ; t’nez, j’suis peureuse.

Toupet.

 
Mais vous avez tort, car jé suis
Porteur d’une figure heureuse.

Javotte.

Ah ! oui, fort heureuse, et si heureuse que ma mère f’rait ben de vous pendre à sa boutique en magnère d’enseigne : un merlan comm’vous s’verrait d’loin ; ça l’y port’rait bonheur, ça y attirerait des pratiques.

Toupet.

Né badinez pas ; sans vanité jé pense être d’une structure…

Javotte.

Oui, il est ben campé, avec ses deux jambes de flûte à l’ognon. Adieu, bijou d’la foire Saint-Ovide. Oh ! j’t’épouse, tu n’as qu’à v’nir, va ; pain mollet d’là dernière fournée.

(Elle sort, et parle bas à la Ramée qu’elle rencontre au fond du théâtre.)

Scène III

Toupet.

Mons de la Brèche, sergent des petits corps, lui tient sans doute en cervelle ; mais jé présume valoir mieux avec rien, que lui avec quelqué chose ; j’en ai fait accroire là-dessus à la mère : un air de possession en impose.


Scène IV

LA RAMÉE, TOUPET.
La Ramée.
Air : C’est dans la rue d’la Mortellerie.

 
Serviteur à Monsieux Toupet.

Toupet.

 
Ah ! mon ami votré valet.

La Ramée.

 
Eh ! ben, vot’mariage est donc fait ?

Toupet.

 
Eh ! benTout dé bon ?

La Ramée.

 
Eh ! ben Tout dé bon ? J’vous l’annonce,
Car mon Sergent y r’nonce.

Toupet.

Capedebious, il fait prudemment ; il n’est pas fait pour entrer avec moi en rivalité ; et d’ailleurs ma profession est convénable…

La Ramée.

C’est ç’que j’y ai dit ; mais parlez-moi de r’bignoler des cheveux comme vous faites : c’est ça qu’est du prope, quant à ç’qu’est d’la vacation ; car vous êtes des bons pour la colure, M. Toupet, hem ?

Toupet.
Air : Savez-vous bien, jeune tendron ?

 
Sans contredit, oui ; mais mon cher,
Mon genre est plutôt la lancette.

La Ramée.

 
C’est donc comm’qui dirait Frater :
Pour l’Régiment queu bonne emplette !
En cas…

Toupet.

 
En cas… Point, point.

La Ramée.

 
En cas… Point, point. Vous avez tort ;
Savez-vous ben, qu’vous seriez d’abord
Garçon Major,
Presque Major,
Et p’têtre ben, Chirurgien Major.

Il est vrai qu’il faudrait commencer par apprendre un p’tit brin l’exercice : mais ça n’vous coût’rait guères ; car vous êtes fait… (À part.) Ah ! fait à plaindre.

Toupet.

Non, j’aime mieux me fiquecer à Paris.

La Ramée.

Au bout d’tout ça, vous avez raison ; et pis, chacun a son goût ; pour moi j’vous trouve du mien : bien des gens seraient ben aises d’vous avoir, au moins.

Toupet.

(À part.) J’aime ce garçon. (Haut.) Hé ! donc, vous voyez que la petite Javotte serait dans son tort de balancer ; elle est sans doute moins rétive aux ordres de sa mère.

La Ramée.

Bon ! c’est la douceur même ; ça n’a non plus d’volonté ni d’entêtement… (À part.) qu’une mule.

Toupet.
Air : Je reviendrai demain au soir.

 
Si je n’ai pas beaucoup d’argent,
Au moins j’ai du talent.
Et jé pense leur faire honneur.

La Ramée.
(À part.)

 
Oh ! Comm’ t’es dans l’erreur !

V’là un p’tit chien d’carabin qu’est ben glorieux toujours ;

six ans d’service seraient pour lui une bonne école.

Toupet.

Qué dites-vous ?

La Ramée.

Oh ! j’dis qu’all’s’rait avec vous en bonne école.

Toupet.

Il a du jugément.

La Ramée.

Et t’nez, rien qu’à vous voir, on vous prendrait pour un esprit, à cause de votre air revenant, en vér’té : j’ai fait avertir Madame Saumon, vot’bell’mère future, de venir pour l’y dire qu’vote rival baise les mains à sa fille.

Toupet.

Comment ! Lui baise les mains !

La Ramée.

Oui, y décampe, ça s’entend.

Toupet, riant

Ah ! ah ! j’y suis maintenant.

La Ramée.

Ah ! vous êtes malin, monsieux Toupet.

Toupet.

Quelquefois. Sansadieu, l’ami : vous êtes un bon enfant ; jé vous veux du bien. Je m’en vais en ville ordonner dé la pétite centaurée.

La Ramée.

Un homme affairé comm’vous est toujours en l’air comm’un volant, (À part.) Prends garde de tomber sur ma raquette, toujours ; car je t’enverrais un peu loin.

Toupet, revenant.
Air : Adieu, mon cher la Tulipe.

 
Lé, Sergent, jé l’imagine,
M’en voudra.

La Ramée, à part.

 
M’en voudra. Le bon miché !

Toupet, sort.

 
Mais enfin, j’en suis fâché.

La Ramée.

 
Ah ! faut pas qu’ça vous chagrine :
T’as ben l’air d’avoir la mine
D’être queuqu’jour
En pension dans un four.

Oh ! comm’j’vas parler pour toi ! Va, monsieux Bistouri, n’t’embarrasse.


Scène V

MADAME SAUMON, LA RAMÉE.
Madame Saumon.

On m’a dit comm’ça qu’un monsieux m’demande : où ç’qu’il est donc, ç’monsieux ? J’n’en vois non plus que d’sus ma main, parlez donc, la Ramée, est-ce-ty vous qui pernez ç’te prétesse-là ?

La Ramée.

Oui, la maman : c’est moi, la paix, espliquons-nous bellement. T’nez, la mère Saumon, vous avez tort de n’pas donner Manezelle Javotte, vote fille, à monsieux la Brèche, note Sargent ; c’est un brave homme, quand j’vous l’dis.

Madame Saumon.

Quand j’vous dis et quand j’vous douze, moi, qu’vot Sargent n’y touchera pas, entendez-vous ? Pargué, j’vous trouve encore bien cocasse de m’déranger d’ma marchandise pour si peu.

Air : de Manon Giroux.

 
Je réservons note fille
Pour Monsieux Toupet.
Ça fait un garçon d’famille,
Qu’est ben mieux son fait.
Y s’distingu’dans la perruque,
En charge il sera :

La Ramée.

 
J’aimerions mieux l’voir sans nuque,
Que de souffrir ça.

Madame Saumon.

Non, monsieux l’beau conseilleux d’bal, je n’voulons pas de ç’te charge-là : j’voulons une charge de rapport, comm’ qui dirait Pérutier, et en boutique encor.

La Ramée.
Air : C’pendant pourtant ç’a m’fait souffrir.

 
Quand mêm’ça s’rait, est-c’que s’t’état
Vaut seulement sty-là d’soldat ?
L’un, tranquille dans son ouvrage,
Rase, sans craindre les péris ;
Et nous, au mitan du tapage,
J’faisons la barbe aux ennemis.

Y a d’l’honneur dans notre métier.

Madame Saumon.

Et où ç’qu’est l’profit : en un mot comme en cent, je n’voulons pas d’officier d’épée : ça coupe trop ; vote sargent est un vivant qui a l’fil, ça mange trop ; je n’voulons pas d’ça.


Scène VI

MADAME SAUMON, TONTON, LA RAMÉE.
Tonton.

Ma mère.

Madame Saumon.

Dites-li ben ça ; entendez-vous, la Ramée ?

Tonton, criant.

Ma mère, hé ! ma mère.

Madame Saumon, du même ton

Hé ben ! après, piaillarde.

Tonton.

T’nez, v’là encore Monsieux d’la Brèche qu’est cheux nous, qui endort ma grand’sœur Javotte.

Madame Saumon.

Ah ! le ch’napan ! c’est donc pour me t’nir le bec dans l’eau, qu’il m’envoie comm’ça des émisphéres.

La Ramée, riant.
Air : sur M. de Catinat.

 
Quoi donc ! vous avez l’air d’un queuq’zun qu’est piqué.

Madame Saumon.

 
J’ai l’air de c’que j’ai l’air, diab’d’invalid’manqué :
J’m’en vas les sabouler ; tu n’es qu’un affronteux,
Et ton Monsieux la Bréch’me l’payera pour vous deux.

La Ramée, la retenant.

La maman de guieu, eh ! mais écoutez-donc.

Madame Saumon.

N’me retiens pas, crois-moi, car je commencerais par t’accoinmoder la figure comme du Jacques sanguin.

(Elle sort.)

Scène VII

LA RAMÉE, TONTON.
La Ramée.

Queu tempête donc que ste femme-là !

Tonton.

C’est ben fait aussi.

La Ramée.

Pargué, Tonton, vous êtes une p’tite jaseuse ben mal apprise ; faut convenir d’ça.

Tonton.

Eh ! mais vrament, fallaity pas l’laisser fair’donc ?

Air : Au s’cours, au s’cours, au s’cours.

 
À l’endroit de ma sœur,
Comme il y va le drôle !
À l’endroit de ma sœur.
Il se coule en douceur.
Sans m’dire, vous v’là,
C’beau Monsieux vous l’enjôle,
Devant moi la cajole,
Et d’ces politess’là,
Y n’m’en offre pas ça.

La Ramée.

Mais, man’zelle, sont pas là des politesses pour un enfant.

Tonton.

Eh ! mais, monsieux Jean-l’Blanc, tiens… allez, quand on s’habille et qu’on s’déshabille toute seule l’on n’est plus enfant : à douze ans l’honnêteté des grandes personnes fait plaisir, entendez-vous ?

La Ramée.

Hé ben ! ma petite Tonton, vous êtes bien gentille, là. Dites-moi un peu des nouvelles de ma maîtresse à moi, de vote cousine.

Tonton.

Marie-Jeanne ?

La Ramée.

Oui : l’avons vue aujourd’hui ?

Tonton.

Pauvre petit, dites-lui donc ça !

Air : Il était un petit homme.

 
Ma cousine est une folle :

La Ramée.

 
M’aime-t-elle tout de bon ?

Tonton.

 
Oh ! j’perds l’à-d’ssus la parole.

La Ramée.

 
Dites-moi ça, ma petite Tonton.

Tonton, se moquant de lui.

 
Éléphant, vole, vole, vole.
Limaçon,
Vole, vole donc.

J’nai pas d’compte à vous rendre là-d’ssus, mouche miel d’étape, est-ce qui m’prend pour sa confidenteuse donc ?


Scène VIII

DE LA BRÈCHE, LA RAMÉE, TONTON.
De la Brèche, d’un air échauffé.
Air : Ton humeur est Catherine.

 
Ah ! mon pauvre la Ramée,
Mes amours sont confondus.

La Ramée.

 
De vous Javotte est charmée.

De la Brèche.

 
Elle et moi sommes perdus ;
Son cœur me la donnait belle,
Quand sa mère que je voi,
S’avance à grands coups sus elle,
Et m’en sangle autant à moi.

Tonton.

Porte ça à ta chapelle.

De la Brèche.

C’est un diable que cette femme-là, une harengère.

Tonton, les poings sur ses hanches.

Parle-donc, moule à chandelle des vingt-quatre à la livre ; quoi qu’cest qu’une harengère ? Avec son plumet d’un blanc jaune, tirant sur l’sagouin ; on voit ben qu’vous soufflez l’feux avec vote castor, car la chicorée qu’est d’ssus est fumée comme un jambon, Monsieux, d’Mayence ; mais c’est vrai, t’nez, ç’minois d’tambour de basque, dire qu’ma mère est une harengère, une femme qu’élève ses enfants comme des Duchesses.

La Ramée.

Queu manufacture de dégoisement donc que ç’te p’tite chienne de langue-là.

De la Brèche.

Laissons cette morveuse ; écoute, La Ramée. Il faut, de concert avec Sansregret et Jolibois, qu’tu tâches d’engager Toupet.

Tonton.

Quoi qu’vous parlez-là d’Monsieux Toupet ?

De la Brèche, emmène La Ramée.

Viens prendre ailleurs nos mesures.

(Ils sortent.)
Tonton.

Adieu donc, Monsieux la politesse.


Scène IX

Tonton, seule.
Air : Tout à la bonne franquette.

 
Voyez seul’ment s’il me r’garde ;
J’en vaux ben la pein’pourtant ;
Même il sembe qu’il se garde
De moi, comm’d’un p’tit serpent ;
Y suffit qu’on soye une fille,
Pour qu’on doiv’s’en soucier :

Ç’n’est qu’un Sargent, ça n’en sait pas plus long, mais…

Suite de l’air.

 
Pour plaire à toute un’famille,
Parlez-moi d’un Officier.

S’tenpandant j’aime encore mieux qu’y soit mon beau-frère que ç’p’tit vilain Monsieux Toupet, je n’mangerais pas chez lui la soupe de bon cœur : la properté est la moitié d’la vie ; quoi qu’c’est que ces autres-là, à ç’t’heure ?


Scène X

JOLIBOIS, TONTON, SANSREGRET, ivre.
Sansregret, s’appuyant sur Jolibois.
Air : Je crois que toute la terre.

 
C’est Bacchus, le Dieu de la treille,
Qui fait la pluie et le beau temps.

Jolibois.

Allons, allons, tâche toujours de t’soutenir : est-ç’qu’tu m’prends pour une brouette, à la fin ?

Sansregret.

C’est juste.

Air : On m’a dit qu’certain faraut l’aime.

 
On ne craint pas le Commissaire,
Quand on n’fait pas d’mal sans sujet,

Qu’est-ce que c’est que ç’te p’tite fille-là ?

Tonton.

Il n’est pas collé sti-là, voyez donc !

Jolibois.

C’est la p’tite sœur d’la maîtresse d’note Sargent.

Sansregret.

Ah ! faut faire politesse à la parenté : la femme, donnez-nous à boire ; Monsieux l’garçon.

(On répond en dedans.)

Allons, allons.

Tonton.

Oui, apportez vitement, car il est à jeun.

Sansregret.
Air : Quoi donc, Cadet ! est-ce tu veux qu’y m’enjole ?

 
Quand un amant aime ben sa maîtresse,
C’est la raison qu’il soit son favori.

Jolibois.

Maâme Piquette, dépêchez-vous, chopine à huit, et du bon.

(On les sert.)

Si on vous emporte votre nappe, y aura ben du malheur.

Sansregret, chante.

 
La femme est un embarras.

Tonton.

Il a avalé une mouche, car il a l’cœur ben gai.

Sansregret, prenant du tabac.

 
J’aurais chargé l’Amour
De vous dire que j’t’aime.

Tonton.

Il y aurait donné là une belle commission, à l’Amour.

Jolibois.

Allons, passe.

(Sansregret éternue ; Jolibois ôte son chapeau.)
Sansregret.

N’te dérange pas, c’est l’tabac.

Tonton.

Il est sans gêne.

Jolibois.

Hé ! sarpejeux, Sansregret, t’as donc déjà ben riboté drès l’matin.

Sansregret.

J’m’en vante ; j’avons remouché trois garçons tailleurs et puis un abbé : ç’t’abbé a fait des façons ; mais par la circonférence… de l’occasion… j’avons si ben paraphrasé la signature de ç’que la plume… était disposée dans la prévention d’la chose, que ç’t’abbé, qu’était… pour ainsi dire, dans les… encoluments… des intérêts, a troqué son rabat noir contre une cocarde blanche.

Jolibois.

Allons, assis-toi, et buvons.

Sansregret, s’asseyant, chante.

 
Chacun son écot le vin n’est pas cher.
Chacun son écot : échos, dites-lui que je l’aime.

À ta santé.

Jolibois.

À toi. Man’zelle, voulez-vous vous rafraîchir d’un doigt d’vin avec nous. (Il boit.)

Tonton.

Au ch’ni, au ch’ni, je n’bois pas avec des Racoleurs.

Jolibois.

J’en aurons plus d’reste.

Sansregret.

Qu’est-ce qu’on dit d’nouveau, car moi je suis t’un militaire dont auquel… on peut ben dire… que, sans m’vanter j’peux ben…

Jolibois.

Et allons, te v’là déjà assez imprimé dans la boisson : tiens, n’parle pas davantage, ça t’grisera encore.

Sansregret.

C’est juste, tu parles en ami ; te souviens-tu d’la dernière campagne ?

Jolibois.

Hé ! oui, achève seulement ton vin. Hé ! bien, Man’zelle, si vous n’voulez pas boire, quoi qu’vous faites donc là ?

Tonton.

J’veux y rester, moi, j’suis sus l’pavé du Roi, p’têtre ; ça m’divartit d’vous voir.

Sansregret.

 
Un soir que je chantions,
Venant des Porcherons.

Ç’te campagne-là faisait une belle campagne ; je m’souviendrai toujours d’une bombe pesant environ… beaucoup, parce qu’une bombe… ce n’est pas une chose comme qui pourrait dire une comparaison, à cause de la défaillance qu’on emprunte dans un besoin ; mais qui a terme ne doit rien.

Tonton., riant.

Il n’est pas mal bête, comme ça.

Jolibois.

Oh ! tien, v’là qu’tu bats la campagne, en voulant nous en parler : gn’a plus d’plaisir, drès qu’tu n’sais plus ce que tu dis.

Sansregret, revenant comme d’un assoupissement.
Air : Tarare pompon.

 
J’avons pourtant été dedans d’la compagnie.

Jolibois.

 
On n’dit pas : j’avons.

Sansregret.

 
On n’dit pas : j’avons. Bon !
On n’dit pas : j’avons !

Jolibois.

 
On n’dit pas : j’avons ! Non.

Sansregret.

 
C’te chopin’, j’te parie.

Jolibois.

 
Va, chopine.

Sansregret.

 
Va, chopine. Hé ben donc !
Comment ? dis-moi, je t’prie,
Va, chopine. Dit-on ?

Tonton.

Ah ! voyons donc ç’t’autre astorlogue.

Jolibois.

On dit : j’ons été là et là.

Sansregret.

J’ons été ?

Jolibois.

Oui.

Sansregret.

T’as menti ; tiens, v’là la Ramée qui vient : c’est un r’tors dans la parole, veux-tu t’en rapporter à sa justiciaire ?

Jolibois.

Va, je l’veux ben.

Tonton.

Je n’veux pas que ç’grand vaurien-là m’voye.


Scène XI

LA RAMÉE, JOLIBOIS, SANSREGRET.
La Ramée.
Air : Quand je partis de la Rochelle.

 
Quoi qu’vous faites donc là, vous autres ?

Sansregret.

Tiens, la Ramée, écoute ; il dit qu’il faut dire : j’ons été dans un endroit.

Jolibois.

Apparemment.

La Ramée.

J’ons ! fi donc ; ça n’vaut rien.

Sansregret, enchanté.

Sarpegué, c’est bon fait ; quand j’t’l'avais dit ; n’est-y pas vrai qu’il faut dire : j’avons été dans du monde ?

La Ramée.

J’avons ! Tu gn’es pas non plus, toi, avec ton j’avons. On dit : nous ont été queuqu’part.

Jolibois.

C’est juste.

Sansregret.

En ç’cas-là, distingo marjolaine ; j’pairons chacun d’mistier.

La Ramée, prenant la chopine et buvant à même.

Que j’vous rattrape,

Jolibois.

N’te gêne pas.

La Ramée.
Air : Ah ! qu’on a bien fait d’inventer l’Enfer !

 
Çà, c’n’est pas ça. Tiens, toi, Sansr’gret,
T’es déjà dans les brindezingues.

Sansregret.

 
Y n’s’en manqu’que cinq ou six lett’
Qu’il n’sach’par cœur son alphabet.

Jolibois.

Pargué, t’as l’vin diablement mugicien ; laisse-nous donc parler un moment.

Sansregret.

Hé ben ! voyons.

La Ramée.

Y s’agit de r’bouiser dans l’enrôlement Monsieux Toupet, rival d’note Sargent.

Sansregret.

Volontiers.

Air : Reçois dans ton galetas.

 
Milzieux, je veux l’dégnaiser ;
Laiss’faire ma fantaisie.

La Ramée.

 
Jolibois, faut t’déguiser
En marchand de billets d’Lot’rie.

Jolibois.

 
J’t’entends, je n’suis pas manchot,
J’saurai l’y fair’gagner un lot. (bis)

Sansregret.

C’est ben dit.

La Ramée.

Tiens, v’là trois livres que Monsieux d’la Brèche m’a données pour ça.

Air : C’pardon-là m’annonce, morgué.

 
Prends deux billets sans t’arrêter,
Et puis gard’-nous l’reste pour pinter.

Jolibois.

 
Ah ! çà,
Vous s’rez-là.

La Ramée.

 
Et oui,
Dans c’coin-ci.
Prends gard’d’être r’connu.
Not’temps s’rait perdu.

Jolibois, s’en allant.

 
Oh ! c’est entendu.


Scène XII

LA RAMÉE, SANSREGRET.
La Ramée, aidant Sansregret à marcher.

Allons, viens, te v’là joli garçon !

Sansregret, en marchant.

 
Le guet le prit tout en courroux :
Lui, d’une audace sans seconde ;
S’il s’agit d’être gai pour arrêter le monde,
Par ma foi, leur dit-il, j’vais vous arrêter tous.
Car, par ma foi, je suis plus gai que vous :
Je suis plus gai que vous.
Je suis plus gai que vous.

La Ramée.

Le diable te chante, va ; allons, assis-foi, et reste un moment tranquille.

Sansregret.

C’est à sa place

La Ramée.

La mère, donnez-nous du même ; mais qu’il soit meyeur.

Sansregret.

 
Dans la cuisine
Un bon petit moinillon.

La Ramée.

Si tu chantes davantage, tu n’boiras plus, j’t’en avartis.

Sansregret.

Allons, verse, et je m’tais.

La Ramée.

Dors un peu, ça t’fr’a du bien ; paix, v’là queuq’zun.


Scène XIII

MADAME SAUMON, JAVOTTE, MARIE-JEANNE, TOUPET, LA RAMÉE et SANSREGRET.
Toupet.

Non, Madame Saumon, jé né vous en impose pas, quand jé vous dis qu’à quelques lieues de Pézénas je possède un petit château qui me rapportera, après liquidation, trente-cinq écus de rente.

Madame Saumon.

Entends-tu ?

Marie-Jeanne.

Eh mais ! il a font l’air d’un homme à maison d’campagne ; oui, à une demi-lieue des Gob’lins.

Madame Saumon.

On n’parle pas à toi, langue de satyre : Va, Javotte, rapporte-toi-zen à Monsieux.

Javotte.
Air : Ô reguingué, ô lonlanla.

 
Pargué qu’est c’qui n’croiroit pas ça !
Drès qu’Monsieux l’dit faut s’en t’nir là,
Ô reguingué ; ô lon lan là,
Rien qu’à l’voir, je gag’rais qu’sa terre
Est dans l’cul d’sac de la misère.

Toupet.

(À part.) Elle n’est pas dupe. (Haut.) Laissons cet article, et venons à l’agrément de mon métier ; quand les pratiques sont satisfaites, on peut accommoder sa femme.

Madame Saumon.
Sans doute.
Air : En mistico.

 
C’est ben gracieux d’être r’tapée
En mistico, en dardillon, en dar dar dar,
Rien n’sied mieux quand on zest nipée,
Qu’d’avoir un biau chignon
Mistificoté,
R’levé.

Javotte.

Ah ! si Monsieux Toupet m’touche à mes cheveux, je l’sentirai ben p’t’être.

Madame Saumon.

Te v’là donc encore avec ton r’fus, fille dénaturée ?

Air : Ton humeur est, Catherine.

 
Va, tu m’fais mettre en colère,
J’te conseille de finir.

Javotte.

 
Ah ! si j’conclusions l’affaire,
Wonsieux n’a qu’a ben s’tenir :
J’l’épouserai n’pouvant mieux faire ;
Mais j’l’avertis d’vant témoin,
Qu’les enfans dont il sera l’père
L’y s’ront parens d’un peu loin.

Toupet.

Est-ce ainsi que vous répondez à mon ardeur ?

Javotte.

D’l’ardeur ! Allez, Monsieux l’ardent, prenez garde de fondre : tiens, il a l’air d’un dégelé : pargué ça fera un bel homme après la débâcle.

Madame Saumon.

Par la jarni trente millions d’cocrodilles, j’te vas érinter.

Toupet.

Doucement, Madame Saumon.

Javotte.

Vous v’là toujours, vous, avec vos coups ; ah ; les belles magnères !

Madame Saumon.

Mais, guenon qu’t’es, quand l’inducation n’y fait rien, y faut ben qu’les coups y fassent.

Marie-Jeanne.

Hé ! mais, j’vous dis, Madame Boniface, ça vous est bien aisé à dire.

Madame Saumon.

Quoiqu’tu t’mêles, toi, buveuse de ratafiat de chiendent.

Marie-Jeanne.

Tant mieux, tant mieux, ma belle et bonne tante ; est-ce à cause qu’je n’nous rafraîchissons pas l’gozier comme vous tous les matins avec trois chopines d’eau-d’vie ?

Javotte.

Et roquille.

Madame Saumon.

Parmettez, Monsieux Toupet, que j’l’y torde un p’tit brin l’cou.

Javotte.

Ah ! vous n’tordrez rien, toujours.

Madame Saumon.
Air : Il n’a pas pu.

 
Otez-vous d’là.

Toupet.

 
Laissez cela.

Madame Saumon.

 
Vengez-moi donc d’l’outrage.

Toupet.

 
Oh ! je ne descends point si bas.

Marie-Jeanne.

 
Monsieux à nous’se frott’ra pas ;
Je n’le crois pas :
Y n’en a pas l’courage.

Toupet.

Jé ne veux point m’abilir à disputer avec une jé ne sais qu’est-ce.

Javotte.

Ma mère, entendez-vous ? Ma cousine, une je ne sais qu’est-ce. T’es un je sais ben qui, moi : va, je n’veux pas l’dire, parce qu’une honnête fille n’sait pas jurer.

Madame Saumon.

Monsieux, quoiqu’ma gnièce soit un p’tit brin dérangée, ça n’empêche pas qu’all’n’soit queuqu’fois…

Marie-Jeanne.
Air : Dame Charlotte.

 
Dérangée !
Dérangée !
C’est vot’çarvelle qui l’est.

Madame Saumon.

 
Mais t’es donc une enragée !

Marie-Jeanne.

 
Dérangée !

Madame Saumon.

Apparemment ; est-ce qu’une fille comme y faut s’promet en mariage à un soldat des p’tits corps comme la Ramée ?

Marie-Jeanne.

D’où vient pas ?

Air : Ça n’vous va brin.

 
C’est un brave garçon dans l’âme,
Et v’là pourquoi c’est mon amant.
Qui sert ben l’Roi sert ben sa femme.

Madame Saumon.

 
Moi j’dis que c’n’est qu’un garniment.

La Ramée.

 
La mèr’Saumon, c’est une offense
D’noircir l’zabsens en leu présence,
Et j’men vas vous fair’voir enfin
Que ça n’vous va brin.
Que ça n’vous va brin.

(Il se lève de table.)

Scène XIV

LA RAMÉE, MADAME SAUMON, et les précédens, SANSREGRET, endormi.
Marie-Jeanne, claquant dans sa main.

C’est ben fait, j’suis ben aise qu’il vous aye entendu.

Madame Saumon.

Ah ! et moi itou ; vois donc comm’j’m’en épouvante ?

La Ramée, arrivant en colère.

Quoi qu’vous voulez dire, Maâme Saumon avec vot’garniment ?

Madame Saumon.

Ç’que j’veux dire ?

La Ramée.

Oui.

Madame Saumon.

J’veux dire ç’que j’veux dire, huissier priseur d’la rue Huchette.

Toupet.

Allons, mon ami Mons dé la Ramée, point dé bruit dé votre part.

Javotte.

Hé ! mais vraiment, Monsieux coq’mar, n’vous mêlez pas d’ça, vous ; pernez tant seulement garde à la friture.

Madame Saumon, à la Ramée.

Hé ben ! voyons donc, mauvais.

La Ramée.

Vous êtes ben heureuse d’n’ête qu’une femme.

Air : Sti-là qu’a pincé Berg-op-zoom.
Madame Saumon.

 
Qu’une femme !

La Ramée.

 
Qu’une femme ! Oui, qu’une femme !

Madame Saumon.

 
Qu’une femme ! Oui, qu’une femme ! Tais-toi,
Et ne m’échauffe pas, crois-moi.
C’est qu’un’femme tell’que je sommes,
Quand all’s’y met, vaut ben quatre hommes.

Javotte.

Ah ! mon guieu, la belle trouvaille ! vous avez d’l’esprit comme un tableau mouvant.

Toupet.

Allons, Mademoiselle Javotte, vous dévez céder à Madame votre mère par plusieurs raisons, et d’ailleurs vous mé manquez.

Javotte.

J’vous manque ! ah ! laissez-moi en repos ; car je n’vous manquerais pas, en vous appliquant une savonette sur la mine qui vous f’rait mousser l’grouin sans l’tremper dans l’iau.

Toupet.

Diou mé damne, si la main ne me démange.

Javotte.

La main te démange ! tu veux donc t’faire gratter, biscuit d’amande amère ?

La Ramée.

Monsieux Toupet, on n’menace jamais une demoiselle qu’est fille du sesque ferminin.

Madame Saumon.

Acoutez donc, Monsieux, c’est une impertinence ; mais c’est mon enfant ; et si queuq’zun s’donnait les airs d’la battre…


Scène XV

TONTON, et les précédents.
Tonton.

Allez, v’là un beau sabbat qu’on fait à votre place.

Madame Saumon.

Comment un sabbat !

Tonton.

Eh ! oui, un sabbat ! C’te dame dont à qui vous avez vendu ç’te grosse carpe œuvée pour une laitée, fait un tapage de chien, et veut renvarser tout vote baquet au poisson ; all’m’aurait battue sans Monsieux d’la Brèche, qui s’tient là crainte de malheur.

Madame Saumon.
Air : S’il est mordu par c’t’animal.

 
J’m’en va voir çà… Monsieux Toupet.

(Elle lui parle à l’oreille.)

V’nez, accoutez.

La Ramée, aux autres pendant ce temps.

 
V’nez, accoutez. Faut que j’vous mette au fait.

Tonton

Monsieux d’la Brèche m’a donné queuqu’chose, et puis y m’a embrassée. Oh ! j’l’aime ben à ç’t’heure.

(Elle retourne auprès de sa mère.)
La Ramée, achevant l’air.

 
Pour ahider à not’finesse.
À Toupet faites politesse.

Pour un moment comme par semblant d’l’aimer, et n’vous embarrassez pas du reste.

Javotte.

Oh ! drès que ç’n’est qu’par semblant, vous allez voir comm’j’vas vous le r’magner.

Marie-Jeanne.

C’est bon, c’est bon.

Madame Saumon, à Toupet.

Alle est bonne quoiqu’çà ; par ainsi tâchez d’vous ben faire v’nir d’elle, j’veux pas qu’ma fille soye malheureuse.

Toupet.

Laissez-moi faire, je lui plairai qué dé reste, ou elle serait bien difficile.

(Madame Saumon s’en va.)

Scène XVI

JAVOTTE, MARIE-JEANNE, TONTON, TOUPET, LA RAMÉE, SANSREGRET.
La Ramée.
Air : Amour qui fait brûler.

 
C’que vous avez dit d’moi,
Ma charmante maîtresse,
Prouve votre tendresse.

Marie-Jeanne.

 
Pour sti-là qu’y a not’foi,
Faut parler, quand ça presse,
Tout d’même que pour soi.

Toupet.

Voyez, mademoiselle Javotte, quel plaisir de s’aimer : si vous vouliez profiter de l’ézemple.

Tonton.

Dé l’ézemple ! Y prononç’ra mieux, quand y s’ra plus grand.

La Ramée, à Javotte.

Allons, la petite cousine future, d’là zardiesse. T’nez, c’est qu’all’n’oze pas. Allons, ouvrez vot’p’tit cœur, n’cachez rien à monsieux.

Javotte.

Dame, c’est qu’ça coûte à une jeunesse.

Marie-Jeanne.
Air : Il faut, mon frère.

 
Va, va, Javotte,
Laisse-toi zenflammer ;
Tu fais la sotte ;
Y faut zaimer.

Javotte.

 
Oh ! mais j’ai d’la pudeur.

Toupet.

 
Madémoiselle Javotte,
L’Amour…

Javotte.

 
L’Amour… Fi, ça fait peur.
Quand on zest fille d’honneur.

Tonton.

Ah ! comm’ma grand’sœur fait la p’tite bouche.

Toupet.

Tâchez, tâchez dé m’aimer ; régardez-moi pour vous faciliter lé réciproque.

Javotte.

Qu’vous êtes genti !

Tonton.

On n’eu f’rait qu’une bouchée.

La Ramée.

Efforcez-vous tous les deux. J’allons nous réjouir, là, tertous en magnère des accords : Hé ! Sansr’gret, réveille-toi ; allons d’la joie.

(Pendant ce qui suit, la Ramée et Marie-Jeanne font
apporter et apportent eux-mêmes ce qui leur est
nécessaire.)
Javotte.

(Bas.) Faut ben s’prêter un peu.

Toupet, lui prenant la main.

Allons, cadédis, animons-nous.

Tonton.

Voyons donc comm’ça s’fait !

Toupet.
Air : Nous nous marierons Dimanche.

 
J’aime un obéjet,
Parc’qu’il me plaît,

Javotte.

 
Eh ! ben, tenez, moi de d’même.

Toupet.

 
Je suis sa loi.

Javotte.

 
Tenez, et moi
De d’même.

Toupet.

 
Oui, c’est mon goût.

Javotte.

 
Hé ! ben, moi tout
De d’mème.

Toupet.

 
Cet obéjet c’est vous.

(Il lui baise la main.)
Javotte.

 
Ah ! Monsieux, qu’c’est doux !

Mais doux, comme la rue des Lombards, en vérité.

 
Mon cher Poulet des Ind’que j’t’aime !

Toupet.

Que jé t’aime ! et voilà lé mot ; jé savais bien qu’elle né serait pas longtemps tenace.

Javotte.

(À part.) Si lu savais !

La Ramée.
.

(On s’attable.) Assissons-nous tertous. Hé ! Sans-r’gret, est-ce que tu dors encore ?

Sansregret.

Oh ! que non, j’nai pas l’temps d’ça, moi ?

Javotte.

Est-ce qu’il est gris donc, lui ?

Sansregret.

Gris ? C’est bon pour un ivrogne.

La Ramée.

Allons, passe donc.

Toupet.

(À part.) Je mé compromets en cé jour par nécessité.

Sansregret.

J’suis ben là moi. N’vous gênez pas, vous autres.

La Ramée, versant.

Allons, tendez, man’zelle Javotte ; à vous, man’zelle Marie-Jeanne ; (À Tonton.) et vous, bonne pièce ; (Ôtant son chapeau.) Monsieux Toupet, voulez-vous ben m’parmettre. (À Sans-regret.) Hé ! ben, est-ce que tu n’veux pas boire à la santé d’Monsieux Toupet, toi ?

Sansregret.

D’monsieux Toupet ! Si fait, j’boirais jusqu’à son dernier cheveu, moi.

La Ramée.

Note bourgeois, n’prenez pas garde à lui ; c’est l’vin qui parle.

Toupet.

Jé lé vois. Mademoiselle Marie-Jeanne, sans rancune de tantôt.

Marie-Jeanne.

Fi donc, monsieux du Château, à la vôtre.

Toupet.

Mademoiselle Javotte je bois à vos plaisirs.

Javotte.

Monsieux, c’est l’plaisir d’là copagnie.

Sansregret.

Ç’que c’est qu’la politesse !

La Ramée, pendant que Toupet boit.

(À part.) Allongeons le temps pour attendr’Jolibois. (Haut.) Ah ! ça, monsieux Toupet, pour amuser la copagnie, dites-nous donc quequ’chose d’vote pays.

Marie-Jeanne.

Quoi ! d’son pays ?

Javotte.

Non, non ; parlons plutôt d’Versailles.

Tonton.

Ah ! oui, all’y a été avec ma mère, dà.

Marie-Jeanne.

T’es ben heureuse.

La Ramée.

Hé ! ben, contez-nous ça.

Toupet.

J’en sérai fort aise.

Sansregret.

Écoutons… parce que pour peu que quelqu’un qui cause, quand on parle…

La Ramée.

Allons, laisse-la donc dire.

Javotte.
Air : Drès l’matin.

 
Vantez qu’j’avons vu la Reine,
L’Dauphin et Mesm’zell’ses sœurs,
All’zont tout comm’la Dauphaine,
Un air d’esprit et d’douceur ;
Quand on l’za regardé, y sembe
Qu’gn’a plus rien dans l’monde à voir ;
Ils étiont dans un’longu’chambe
Qu’est comme un’rue en miroir :
Et puis l’Roi, note bon maître,
Les couvait si bien d’ses yeux,
Que j’nous mourions d’envi’d’être
Ses enfans aussi ben qu’eux.

La Ramée.

Je l’sommes tertous, Man’zelle ; s’il nous fait pas aussi riches que ceux qui l’y sont un p’tit brin d’plus prés qu’nous ses enfants, ç’nest pas manque d’bonne volonté ; un père qui a tout un grand royaume pour famille fait ç’qui peut.

Air : Reçois dans ton galetas.

 
C’est un des meilleurs humains
Et des plus honnêt’homm’d’la terre.
Eh ! puis, t’nez, tous ses cousins
Sont d’humeur de son caractère ;
L’Français les aim’drès en naissant ;
Jugez c’que c’est en grandissant.

Vous savez ben l’pain d’amonition que j’mangeons en campagne, et ben, t’nez, ça nous semb’comm’des perdrix ; pourquoi ? parce qu’ça vient du roi ; c’prince-là, c’est l’bien aimé du cœur.

Sansregret.

Tu m’as volé celui-là.

Javotte.

Eh ! mais vous l’avez volé à tout l’monde, vous.

Toupet.

Ce garçon-ci a des entrailles.

La Ramée.

Hé ! ben, monsieux Toupet, ça n’vous donne-ti pas un p’tit brin l’envie d’voir d’queu magnère un boulet d’canon en agit avec ceux qui n’veulent pas s’ranger, quand y passe ?

Toupet.

Eh ! mon ami, chacun doit sé ténir dans son état.

La Ramée.

J’badine au moins. On n’force personne : eh ! puis, c’est pas avec vous qu’il faudrait jouer à ç’jeu-là, d’la finesse dont vous êtes.

Toupet.

Cadédis, jé lé crois.

La Ramée.

Escusez…

Toupet.

Il n’y a pas d’mal ; j’entends raillerie, mon cher, j’entends raillerie.


Scène XVII

les précédents, JOLIBOIS, déguisé en marchand de billets de loterie.
Jolibois.

On la tire aujourd’hui, c’est pour aujourd’hui.

Toupet.

Ah ! un bonheur né va pas sans un autre ; mettons à la loterie, ma petite Javotte.

Javotte.

Pourquoi faire ?

Marie-Jeanne.

Hé ! pargué, pourquoi pas ?

Jolibois.

J’n’en ai pus qu’deux : qu’est-ce qui les veut ?

La Ramée.

Monsieux Toupet a raison, faisons une société.

Toupet.

Eh ! qué risqués bous ? qui ne hasarde rien n’a rien.

La Ramée.

Va-t’y, Man’zelle ?

Javotte.

Allons, va.

Marie-Jeanne.

C’est pas une si grosse dépense.

Jolibois.

V’là l’gr’lot, d’quinze mille livres en passant, v’là l’gr’lot.

Toupet.

Coléporteur, bénés çà.

La Ramée.

L’homme ; hai ! l’homme ?

Jolibois, s’avançant.

V’là mes deux derniers, mon officier.

Toupet.

Il n’y a qu’à les prendre tous deux.

Jolibois.

Oh ! j’ai la main heureuse, déjà.

Toupet.

Voyons, ils sont des enfans trouvés.

Javotte.

Marchand d’ognons s’connait en ciboule ; hé ! ben, r’gardez donc s’ils n’sont pas un p’tit brin faux.

(Toupet les retourne et les examine.)
Sansregret.
Air : Talalerita, talalire.

 
Quand je n’vous vois pas je soupire,
Et j’soupire aussi, quand j’vous vois,

La Ramée.

Paix.

M. Toupet.

Jé lés crois bons : avés vous dé l’encre, l’ami ?

Jolibois.

Toujoux, note Bourgeois, à cause du négoce, et du papier itout (il en donne), pour écrire les lots que j’vends.

(Pendant que Jolibois dévisse le cornet et aveint une plume.)
Sansregret, achève l’air ci-dessus.

 
Et l’amour que l’Amour m’inspire.
Est un amour plus fort que moi :
C’est comme j’ai l’honneur de vous l’dire…

La Ramée.

Mais tais-toi donc. Man’zelle Javotte, vous savez écrire ?

Javotte.

Non, j’n’ai jamais pu apprende ça, parç’que j’suis gauchère.

La Ramée, ayant le pouce enveloppé d’un linge.

Si j’n’avais pas mal à mon pouce.

Toupet.

Prêtés, prêtés-moi la plume.

La Ramée.

Encore mieux : car j’vous dirai avec ça qu’je n’peux pas ben mette l’ostographe dans les chiffres ; vous garderez les billets, gn’a qu’à seul’ment faire faire eune r’connaissance pour nous quatre, et faire Man’zelle Javotte la porteuse.

Toupet.

À merveille. (Il écrit.)

Tonton.

Ah ! ma sœur, vous mettrez six yards pour moi, pas vrai ?

Javotte.

Nous varrons ça.

Sansregret.

Je ne sais pas pourquoi j’suis altéré comme ça : la Ramée, passe-moi un peu la bouteille.

La Ramée.

Oh ! un moment.

(Ils se font tous des signes de joie, pendant que Toupet écrit.)
Sansregret.

 
Sur ce coteau,
Je badinais au fond de l’eau,
Et je m’endormais,
En m’écriant qui va là,
Là.

Jolibois.

Note Bourgeois, t’nez, pernez garde à c’pli : n’mettez pas vote nom d’dans, car l’papier burait, et faudrait r’commencer.

Toupet, écrivant.

Hé ! bien ; je n’ai qu’à lé mettre plus bas : ténés, Madémoiselle, nous né pouvons pas manquer dé gagner, car vous y êtes.

Javotte.

Ah ! Monsieux, vous y êtes encore pus qu’moi ; comment donc ! vous écrivez comme un déluge.

Toupet.

Vous mé flattés, mon aimable poule.

La Ramée.

Gn’a pas d’flatterie ; j’vous répons d’un lot, moi, Monsieux Toupet.

Toupet, essuie la plume et revisse le cornet.

Je l’espère.

La Ramée, à Marie-Jeanne.

Dites-ly qu’all’nous coule ça par sous la table.

Marie-Jeanne.
(À la Ramée.)

La Ramée, il s’ra ben joyeux, quand il verra la liste. (À Javotte) Donne.

Javotte, lui donnant la reconnaissance.

Je m’doutais ben d’ça.

Toupet, à Jolibois.

Ténés, pétit, voilà vos ustensiles.

La Ramée.

Allons, vivant, avec la permission d’Monsieux, mettez-vous là ; j’vous pairons dans l’moment.

Jolibois, se plaçant.

Ç’a n’presse pas.

La Ramée.

Faut convenir qu’y a de beaux hommes dans les troupes, Monsieur Toupet.

Toupet.

Jé lé sais.

Marie-Jeanne.

Quand ils ne r’sembleraient qu’à Monsieux.

Javotte.

Eh ! mais, on se r’semble de plus loin.

Tonton.

Et sans êtr’parents encore.

Sansregret.
Air : Il est Gentilhomme.

 
Monsieux est sans dout’Guernadier
Selon ce que j’espère ?

Toupet.

 
Non ce n’est pas là mon métier.

Sansregret.

 
Ah ! c’est une autre affaire.

Toupet.

 
Qué veut-il dire par là ?

La Ramée.

 
Oh ! rien du tout.

Sansregret, montrant Toupet.

 
Oh ! rien du tout. C’est qu’il a
L’air d’un Mi, Mi, Mi,
L’air d’un li, li, li,
L’air d’un Militaire,
À vot’santé, frère.

Toupet.

Frère ; que veut dire ceci ? Il se familiarise ; je né mé crois pas fait pour cette fraternité.

Javotte.

Est-ce qu’vous l’accoutez ? voyez-vous pas ben qu’il a bû : eh ! puis, avec qui croyez-vous donc êtr’, Monsieux ? Comment donc des filles qui sont l’innocence même.

Toupet.

Vous avés raison, ma chère enfant ; daignez vous apercevoir aussi que je plaisante.

Jolibois.

Hé ! ben, t’nez, puisqu’vous êtes en train d’badiner, j’ai là une chanson qu’est bâclée gn’a pas longtemps, et qui a déjà sarvi.

La Ramée.

Ça n’fait rien, donnés toujours, père ; allons, chantons queuqu’p’tite chose à cause d’la rencontre ; t’nés, Man’zelle, vous qu’avez une belle poitrine, défrichez-nous ça.

Javotte.

Donnez ; quand on n’a pas une belle voix, on n’se fait pas prier.

Toupet.

Allons, ma petite amie, vous mé ferez votre cour par-là, chantez pour l’amour dé votre petit mari, nous férons chorus.

Javotte.

 
D’un faraut de note quartier
Accontez l’aventure :

Le chœur.

 
D’un faraut, etc.

Javotte.

 
Y s’mis en tête d’épouser
Une fill’qui n’pouvait pas l’aimer.

Le chœur.

 
Y s’mis, etc.

Toupet.

Il né savait pas bien s’y prendre.

Javotte.

 
S’te fille avait un autre amant.
De plus bonne figure,

En chœur.

 
S’te fille, etc.

Javotte.

 
Qui malgré sa mère vrament,
Ly baillit son consentement.

Le chœur.

 
Qui, etc.

Toupet.

Rien dé mieux.

Javotte.

 
Pour s’débarrasser du rival,
Qui s’croit une mignature.

Le chœur.

 
Pour, etc.

Javotte.

 
On vous a fait à c’t’animal,
Un tour qui n’réussit pas mal.

Le chœur.

 
On vous a fait, etc.

Toupet.
.

C’est bien employé.

Javotte.

 
Pour société de deux billets,
Donnant sa signature,

Le chœur.

 
Pour, etc.

Javotte.

 
On l’a fait signer bas esprès.
Pour afin d’l’engager après.

(toupet, se lève avec vivacité.)
Le chœur.

 
On l’a fait, etc.

Quand Javotte a fini, toute la bande claque des main.
Toupet.

Serais-je pris pour dupe ?

La Ramée.

Hé ! ben, camarade, conv’nez qu’vous êtes d’dans, d’beau jeu, là.

Toupet, à Javotte.

Rendez-moi, s’il vous plait, ma réconnaissance.

Javotte.

Allez, all’est en bonne main ; c’est la Ramée qui l’a, y vous travaillera ça, comm’ça s’pratique.

Air : Gare le pot au noir.

 
Ah ! ça, mon p’tit futur,
Je v’nons d’fair’les fiançailles ?

La Ramée, le raillant.

 
D’elle vous v’là ben sûr.

Javotte.

 
À tantôt l’zépoasailles :

Toupet.

 
Mé tromper dé la sorte !

Javotte.

 
M’aimez-vous à ç’t’heur’-ci ?

Toupet, furieux.

 
Que lé diable t’emporte.

Sansregret.

 
D’la douceur, notre ami.

Faut d’la civilité dans les troupes ; Mad’moiselle est fort ragoûtante ; allons, pas de refus, épousez-la un peu jusqu’à nouvel ordre.

Toupet, avec emportement.

Je n’ai que faire dé votre berviage vachique ; jé suis vrave. Ce qui mé pique, c’est dé mé voir dupé où je croyais faire uné dupé dé vous. Petite égrillarde…


Scène XVIII

MADAME SAUMON, MARIE-JEANNE, JAVOTTE, TONTON,
LA BRÈCHE, LA RAMÉE,
JOLIBOIS. SANSREGRET, TOUPET.
Toupet, continuant.

Je né bous régrette pas ; car vous, votre race, à commencer par votré mere, vous né valez pas les frais dé la police.

Madame Saumon.

Ah ! grand merci, v’là donc comme tu nous équipes, girouette du pilori.

LES QUATRE FEMMES ENSEMBLE.
Madame Saumon.

Tu n’sortiras pas d’ici sans avoir la margoulette en compote : c’nez s’diable de malpeigné, traiter comm’ça d’honnêtes gens ; tu peux ben dire : bon soir, la compagnie, car j’te vas mettre hors d’état de travailler d’main.

Marie-Jeanne.

C’est donc à nous qu’tu t’adresses timballier des archers d’l’écuelle, nous n’valons pas les frais de la police, oh ! j’te vas faire voir à qui tu parles, va, médaille de papier volant vis-à-vis l’Hôtel des Ursins, tiens toi ben.

Javotte.

Laissez-moi faire, ma mère, faut qu’il porte un bras en écharpe de ma façon : tu vas voir à qui qu’tu t’joues, va, cocher des cabriolets d’Marseille ; mais voyez c’cousin germain d’Lucifer à la mode de Bretagne, ah ! c’est fait d’toi.

Tonton.

Tu n’m’échapperas pas, c’te main là va mettre ta face en couleur, et l’autre va la frotter, ah ! comme tu vas m’ payer l’honneur d’avoir trinqué avec moi, rendez-vous à croquignolle, faut que j’técharpe.

La Ramée et Jolibois, s’opposant à leur violence.

Douç’ment’donc, douç’ment.

La Ramée.

J’nous intéressons à sa santé.

Toupet.

Tâchons dé leur souhaiter tous bas lé bonsoir.

Madame Saumon.

Est-ç’qu’il s’rait engagé ?

La Ramée.

Et proprement même.

(Toupet s’échappe.)
Jolibois, courant après lui.

Dites donc, dites donc ?

Sansregret, courant aussi.

Oh ! y n’ira pas loin.

Sansregret, s’en allant doucement et en serpentant.
Air : L’Amour, pour me rendre heureux.

 
J’m’en vas bien-tôt vous l’attrapper.

La Ramée.

 
Il ne peut pas nous échapper ;
Le manigance est prête,
Et j’m’en’vas dans l’moment

(Il tire une cocarde de sa poche.)

L’y poser sur la tête
L’cachet du Régiment.

(Il sort.)
Madame Saumon.

Qu’j’en suis ben aise !


Scène XIX

MADAME SAUMON, JAVOTTE, MARIE-JEANNE, TONTON, DE LA BRÈCHE.
Madame Saumon.

Ah ! ça, Monsieux, j’suis r’connaissante ; tiens, ma fille, sans ly j’étais agonie par ste femme, deux d’ses commères et la populace au sujet de ste carpe de tantôt : Monsieux d’la Brèche m’voit dans les douleurs, tire l’épée à la main nue, et cric, crac, zin, zon, piff, paff : il s’escripe si bien d’coq et d’caille, qu’y m’tire d’embarras en un crain d’œil.

Air : Mais d’mandez-moi pourquoi qu’je r’viens.

 
Javotte, approche, mon enfant ;
Va j’permets que Monsieux t’embrasse.

De La Brèche.

 
Madame.

Madame Saumon.

 
Madame. Ah ! pas tant de compliment,
J’sais c’que j’dis et c’qui faut qu’j’fasse.
Toupet vient d’découvrir la mêche,
Et j’rsens ç’que vous avez fait ;
Va tu seras Madame d’la Brèche.

Marie-Jeanne.

 
Ç’nom-là vaut ben Madame Toupet.

Tonton.

V’là deux drôles de noms, toujoux.

Javotte, donnant la main à M. de la Brèche.

T’nez, ça vaut la parole, comme la parole vaut l’jeu.


Scène XX

TOUPET, LA RAMÉE, JOLIBOIS, SANSRECRET,
MADAME SAUMON, JAVOTTE,
MARIE-JEANNE, TONTON, M. DE LA BRÈCHE.
Jolibois.

Allons, camarade, n’vous faites pas prier ; car ça d’viendrait gênant entre amis.

Toupet.

Eh ! Messieurs, doucément ; une personne délicate comme moi sé casse comme un verre ; jé né cherchais point à m’enfuir.

Sansregret.

Oh ! non, Monsieux s’promenait ; il est bon d’prendr’l’air.

Madame Saumon.
Air : Qui veut savoir l’histoire entière.

 
Ah ! tu viens donc chercher ton reste !

Toupet.

 
En parlant, on peut se passer du geste.

Madame Saumon.

 
On m’venge assez, n’craignez pus rien.

Javotte.

 
Pargué, la cocarde vous va ben.

Marie-Jeanne.

Faut l’ap’ler Monsieux la Terreur à c’t’heure-ci.

Tonton.

Il a l’air dégagé comme l’coche d’Auxerre.

La Ramée, tirant la signature de Toupet.
Air : Sti-là qu’à pincé Berg-op-zoom.
(Au Sergent.)

 
Avons-nous ben su l’accrocher ?
T’nez, v’là d’quoi le faire marcher.

De La Brèche.

 
En faveur du bien qui m’arrive,
Du fruit de vos soins je me prive.

Je lui rends ce papier, pourvu qu’il vous fasse une légère excuse.

Toupet.

Essécuses, moi ! des essécuses ! qu’on me donne sur le champ l’habit d’ordonnance : jé lis dans ses yeux qu’elle sé répent dé mé perdre, et avant que son goût pour moi né la réprenne vivement,

Air : De tous les Capucins du monde.

 
Mon Sergent, car je suis des vôtres,
Je veux partir avec eux autres ;
Délivrez-moi dé ses transports.
Oui, j’aimé mieux être, ma mie,
Enrôlé dans les petits corps,
Que dans la grande confrérie.

Javotte.

Ah ! ça n’aurait pas manqué avec toi, va ; y n’est pas Gascon !

Madame Saumon.

Allons, partons ; j’allons bâcler ton mariage et sti-là d’Marie-Jeanne.

Toupet.

Jé vous souhaite une postérité aussi nombreuse qué cé bras-ci étrillera d’ennemis.

La Ramée.

J’aurons sans doute queuqu’jour la guerre, et d’himeur dont j’vous connais, papa, si, comme dit c’t’autre, on rase queuqu’ville, vous n’manqu’rez pas d’ouvrage.

Madame Saumon.

Hé ! ben, v’nez-nous tertous.

Javotte.

Tout à l’heure, ma pauvre p’tite chère mère.

(S’adressant au public.)
Air : Me promenant dans la plaine.

 
Le zèle ardent nous engage
À prévenir vos désirs ;
Nous varions le langage.
Pour varier vos plaisirs.
Un censeur triste et sauvage
N’y trouvera point d’appas.
Croit-il lui seul former l’orage ?
Non, non, non ; le goût ne suit point ses pas.
Ah ! quand on a votre suffrage,
Non, non, non, non, l’homm’ne réplique pas.