Chants populaires de la Basse-Bretagne/Les Deux Sœurs

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LES DEUX SŒURS
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I

  — Dame Marie de Pitié,
J’ai quatre enfants :
J’ai quatre enfants,
Et je n’ai rien à leur donner !

  La pauvre femme disait,
En arrivant chez sa sœur la riche :
— Au nom de Dieu, un peu de nourriture,
Voilà trois jours que je n’ai rien mangé !

  — S’il y a du bien dans ma maison,
C’est par le travail qu’il m’est venu ;
C’est par le travail qu’il m’est venu,
Retourne chez toi, paresseuse.

  La pauvre femme pleurait dru,
Et s’arrachait les cheveux de la tête :
— J’ai quatre enfants,
Et je n’ai rien à leur donner !

  Comme elle allait par la route,
Elle rencontra le Diable :
— Que t’est-il arrivé ?
Tu es terriblement contristée !

  — Dame Marie de Pitié,
J’ai quatre enfants :
J’ai quatre enfants,
Et je n’ai rien à leur donner !

  — Si tu as quatre enfants,
Vas à la maison et tue un d’eux,
Et fais-le bouillir dans le pot,
Pour donner aux trois autres à manger !

II

  La pauvre femme disait,
En arrivant auprès de ses enfants :
— Mes enfants, ne pleurez pas,
Car vous ne mourrez pas tous ;


Car vous ne mourrez pas tous,
Un de vous sera tué,
Et mis dans le pot à bouillir,
Pour donner à manger aux autres !

La pauvre femme disait,
En saisissant un de ses enfants :
— Vierge Marie, aidez-moi,
Je vais commettre un grand péché !

Elle n’avait pas fini de parler
Que la Vierge entra dans la maison :
— Arrête, arrête, misérable,
Tu ne songes pas à ce que tu fais !

Laisse ton enfant vivre,
Tu auras de la nourriture pour lui donner !
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III

Et trois mois n’étaient pas écoulés
Que la femme riche était à chercher son pain ;
Que la femme riche était à chercher son pain,
Et la femme pauvre était devenue riche ![1]


Chanté par Marguerite Philippe.







  1. Voir La Veuve pauvre, — 1er vol, page 81.