Code civil des Français 1804/Livre III, Titre VIII

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Décrété le 16 Ventôse an XII.
Promulgué le 26 du même mois.

Titre VIII.
du contrat de louage.


Chapitre I.er
dispositions générales.

1708.

Il y a deux sortes de contrats de louage :

Celui des choses,

Et celui d’ouvrage.

1709.

Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.

1710.

Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles.

1711.

Ces deux genres de louage se subdivisent encore en plusieurs espèces particulières :

On appelle bail à loyer, le louage des maisons et celui des meubles ;

Bail à ferme, celui des héritages ruraux ;

Loyer, le louage du travail ou du service ;

Bail à cheptel, celui des animaux dont le profit se partage entre le propriétaire et celui à qui il les confie.

Les devis, marché ou prix fait, pour l’entreprise d’un ouvrage moyennant un prix déterminé, sont aussi un louage, lorsque la matière est fournie par celui pour qui l’ouvrage se fait.

Ces trois dernières espèces ont des règles particulières.

1712.
Les baux des biens nationaux, des biens des communes et des établissemens publics, sont soumis à des réglemens particuliers.

Chapitre II.
du louage des choses.

1713.

On peut louer toutes sortes de biens meubles ou immeubles.

Section I.re
Des Règles communes aux Baux des Maisons et des Biens ruraux.
1714.

On peut louer ou par écrit, ou verbalement.

1715.

Si le bail fait sans écrit n’a encore reçu aucune exécution, et que l’une des parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins, quelque modique qu’en soit le prix, et quoiqu’on allègue qu’il y a eu des arrhes données.

Le serment peut seulement être déféré à celui qui nie le bail.

1716.
Lorsqu’il y aura contestation sur le prix du bail verbal dont l’exécution a commencé, et qu’il n’existera point de quittance, le propriétaire en sera cru sur son serment ; si mieux n’aime le locataire demander l’estimation par experts ; auquel cas les frais de l’expertise restent à sa charge, si l’estimation excède le prix qu’il a déclaré.
1717.

Le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite.

Elle peut être interdite pour le tout ou partie.

Cette clause est toujours de rigueur.

1718.

Les articles du titre du Contrat de mariage et des Droits respectifs des époux, relatifs aux baux des biens des femmes mariées, sont applicables aux baux des biens des mineurs.

1719.

Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière,

1.o De délivrer au preneur la chose louée ;

2.o D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3.o D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

1720.

Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

1721.

Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.

1722.

Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

1723.

Le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée.

1724.

Si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu’à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu’elles lui causent, et quoiqu’il soit privé, pendant qu’elles se font, d’une partie de la chose louée.

Mais, si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé.

Si les réparations sont de telle nature qu’elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail.

1725.

Le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur, du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

1726.

Si, au contraire, le locataire ou le fermier ont été troublés dans leur jouissance par suite d’une action concernant la propriété du fonds, ils ont droit à une diminution proportionnée sur le prix du bail à loyer ou à ferme, pourvu que le trouble et l’empêchement aient été dénoncés au propriétaire.

1727.

Si ceux qui ont commis les voies de fait, prétendent avoir quelque droit sur la chose louée, ou si le preneur est lui-même cité en justice pour se voir condamner au délaissement de la totalité ou de partie de cette chose, ou à souffrir l’exercice de quelque servitude, il doit appeler le bailleur en garantie, et doit être mis hors d’instance, s’il l’exige, en nommant le bailleur pour lequel il possède.

1728.

Le preneur est tenu de deux obligations principales,

1.o D’user de la chose louée, en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

2.o De payer le prix du bail aux termes convenus.

1729.

Si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

1730.

S’il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu’il l’a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.

1731.

S’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels ; sauf la preuve contraire.

1732.

Il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

1733.

Il répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve

Que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction,

Ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

1734.

S’il y a plusieurs locataires, tous sont solidairement responsables de l’incendie ;

À moins qu’ils ne prouvent que l’incendie a commencé dans l’habitation de l’un d’eux, auquel cas celui-là seul en est tenu ;

Ou que quelques-uns ne prouvent que l’incendie n’a pu commencer chez eux, auquel cas ceux-là n’en sont pas tenus.

1735.

Le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison où de ses sous-locataires.

1736.

Si le bail a été fait sans écrit, l’une des parties ne pourra donner congé à l’autre qu’en observant les délais fixés par l’usage des lieux.

1737.

Le bail cesse de plein droit à l’expiration du terme fixé, lorsqu’il a été fait par écrit, sans qu’il soit nécessaire de donner congé.

1738.

Si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit.

1739.

Lorsqu’il y a un congé signifié, le preneur, quoiqu’il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction.

1740.

Dans le cas des deux articles précédens, la caution donnée pour le bail ne s’étend pas aux obligations résultant de la prolongation.

1741.

Le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur, de remplir leurs engagemens.

1742.

Le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur.

1743.

Si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine, à moins qu’il ne se soit réservé ce droit par le contrat de bail.

1744.

S’il a été convenu, lors du bail, qu’en cas de vente l’acquéreur pourrait expulser le fermier ou locataire, et qu’il n’ait été fait aucune stipulation sur les dommages et intérêts, le bailleur est tenu d’indemniser le fermier ou le locataire, de la manière suivante.

1745.

S’il s’agit d’une maison, appartement ou boutique, le bailleur paye, à titre de dommages et intérêts, au locataire évincé, une somme égale au prix du loyer, pendant le temps qui, suivant l’usage des lieux, est accordé entre le congé et la sortie.

1746.

S’il s’agit de biens ruraux, l’indemnité que le bailleur doit payer au fermier, est du tiers du prix du bail pour tout le temps qui reste à courir.

1747.

L’indemnité se réglera par experts, s’il s’agit de manufactures, usines, ou autres établissemens qui exigent de grandes avances.

1748.

L’acquéreur qui veut user de la faculté réservée par le bail, d’expulser le fermier ou locataire en cas de vente, est, en outre, tenu d’avertir le locataire au temps d’avance usité dans le lieu pour les congés.

Il doit aussi avertir le fermier de biens ruraux, au moins un an à l’avance.

1749.

Les fermiers ou les locataires ne peuvent être expulsés qu’ils ne soient payés par le bailleur, ou, à son défaut, par le nouvel acquéreur, des dommages et intérêts ci-dessus expliqués.

1750.

Si le bail n’est pas fait par acte authentique, ou n’a point de date certaine, l’acquéreur n’est tenu d’aucuns dommages et intérêts.

1751.
L’acquéreur à pacte de rachat ne peut user de la faculté d’expulser le preneur, jusqu’à ce que, par l’expiration du délai fixé pour le réméré, il devienne propriétaire incommutable.
Section II.
Des Règles particulières aux Baux à loyer.
1752.

Le locataire qui ne garnit pas la maison de meubles suffisans, peut être expulsé, à moins qu’il ne donne des sûretés capables de répondre du loyer.

1753.

Le sous-locataire n’est tenu envers le propriétaire que jusqu’à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de la saisie, et sans qu’il puisse opposer des paiemens faits par anticipation.

Les paiemens faits par le sous-locataire, soit en vertu d’une stipulation portée en son bail, soit en conséquence de l’usage des lieux, ne sont pas réputés faits par anticipation.

1754.

Les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s’il n’y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l’usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire,

Aux âtres, contre-cœurs, chambranles et tablettes des cheminées ;

Au recrépiment du bas des murailles des appartemens et autres lieux d’habitation, à la hauteur d’un mètre ;

Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y en a seulement quelques-uns de cassés ;

Aux vitres, à moins qu’elles ne soient cassées par la grêle, ou autres accidens extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures.

1755.

Aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

1756.

Le curement des puits et celui des fosses d’aisance sont à la charge du bailleur, s’il n’y a clause contraire.

1757.

Le bail des meubles fournis pour garnir une maison entière, un corps de logis entier, une boutique, ou tous autres appartemens, est censé fait pour la durée ordinaire des baux de maisons, corps de logis, boutiques ou autre appartemens, selon l’usage des lieux.

1758.

Le bail d’un appartement meublé est censé fait à l’année, quand il a été fait à tant par an ;

Au mois, quand il a été fait à tant par mois ;

Au jour, s’il a été fait à tant par jour.

Si rien ne constate que le bail soit fait à tant par an, par mois ou par jour, la location est censée faite suivant l’usage des lieux.

1759.

Si le locataire d’une maison ou d’un appartement continue sa jouissance après l’expiration du bail par écrit, sans opposition de la part du bailleur, il sera censé les occuper aux mêmes conditions, pour le terme fixé par l’usage des lieux, et ne pourra plus en sortir ni en être expulsé qu’après un congé donné suivant le délai fixé par l’usage des lieux.

1760.

En cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l’abus.

1761.

Le bailleur ne peut résoudre la location, encore qu’il déclare vouloir occuper par lui-même la maison louée, s’il n’y a eu convention contraire.

1762.

S’il a été convenu, dans le contrat de louage, que le bailleur pourrait venir occuper la maison, il est tenu de signifier d’avance un congé aux époques déterminées par l’usage des lieux.

Section III.
Des Règles particulières aux Baux à ferme.
1763.
Celui qui cultive sous la condition d’un partage de fruits avec le bailleur, ne peut ni sous-louer ni céder, si la faculté ne lui en a été expressément accordée par le bail.
1764.

En cas de contravention, le propriétaire a droit de rentrer en jouissance, et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l’inexécution du bail.

1765.

Si, dans un bail à ferme, on donne aux fonds une contenance moindre ou plus grande que celle qu’ils ont réellement, il n’y a lieu à augmentation ou diminution de prix pour le fermier, que dans les cas et suivant les règles exprimés au titre de la Vente.

1766.

Si le preneur d’un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s’il abandonne la culture, s’il ne cultive pas en bon père de famille, s’il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou, en général, s’il n’exécute pas les clauses du bail, et qu’il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

En cas de résiliation provenant du fait du preneur, celui-ci est tenu des dommages et intérêts, ainsi qu’il est dit en l’article 1764.

1767.

Tout preneur de bien rural est tenu d’engranger dans les lieux à ce destinés d’après le bail.

1768.

Le preneur d’un bien rural est tenu, sous peine de tous dépens, dommages et intérêts, d’avertir le propriétaire, des usurpations qui peuvent être commises sur les fonds.

Cet avertissement doit être donné dans le même délai que celui qui est réglé en cas d’assignation suivant la distance des lieux.

1769.

Si le bail est fait pour plusieurs années, et que, pendant la durée du bail, la totalité ou la moitié d’une récolte au moins soit enlevée par des cas fortuits, le fermier peut demander une remise du prix de sa location, à moins qu’il ne soit indemnisé par les récoltes précédentes.

S’il n’est pas indemnisé, l’estimation de la remise ne peut avoir lieu qu’à la fin du bail, auquel temps il se fait une compensation de toutes les années de jouissance ;

Et cependant le juge peut provisoirement dispenser le preneur de payer une partie du prix, en raison de la perte soufferte.

1770.

Si le bail n’est que d’une année, et que la perte soit de la totalité des fruits, ou au moins de la moitié, le preneur sera déchargé d’une partie proportionnelle du prix de la location.

Il ne pourra prétendre aucune remise, si la perte est moindre de moitié.

1771.

Le fermier ne peut obtenir de remise, lorsque la perte des fruits arrive après qu’ils sont séparés de la terre, à moins que le bail ne donne au propriétaire une quotité de la récolte en nature ; auquel cas le propriétaire doit supporter sa part de la perte, pourvu que le preneur ne fût pas en demeure de lui délivrer sa portion de récolte.

Le fermier ne peut également demander une remise, lorsque la cause du dommage était existante et connue à l’époque où le bail a été passé.

1772.

Le preneur peut être chargé des cas fortuits par une stipulation expresse.

1773.

Cette stipulation ne s’entend que des cas fortuits ordinaires, tels que grêle, feu du ciel, gelée ou coulure.

Elle ne s’entend point des cas fortuits extraordinaires, tels que les ravages de la guerre, ou une inondation, auxquels le pays n’est pas ordinairement sujet, à moins que le preneur n’ait été chargé de tous les cas fortuits prévus ou imprévus.

1774.

Le bail, sans écrit, d’un fonds rural, est censé fait pour le temps qui est nécessaire afin que le preneur recueille tous les fruits de l’héritage affermé.

Ainsi le bail à ferme d’un pré, d’une vigne, et de tout autre fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours de l’année, est censé fait pour un an.

Le bail des terres labourables, lorsqu’elles se divisent par soles ou saisons, est censé fait pour autant d’années qu’il y a de soles.

1775.

Le bail des héritages ruraux, quoique fait sans écrit, cesse de plein droit à l’expiration du temps pour lequel il est censé fait, selon l’article précédent.

1776.

Si, à l’expiration des baux ruraux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article 1774.

1777.

Le fermier sortant doit laisser à celui qui lui succède dans la culture, les logemens convenables et autres facilités pour les travaux de l’année suivante ; et réciproquement, le fermier entrant doit procurer à celui qui sort, les logemens convenables et autres facilités pour la consommation des fourrages, et pour les récoltes restant à faire.

Dans l’un et l’autre cas, on doit se conformer à l’usage des lieux.

1778.

Le fermier sortant doit aussi laisser les pailles et engrais de l’année, s’il les a reçus lors de son entrée en jouissance ; et quand même il ne les aurait pas reçus, le propriétaire pourra les retenir suivant l’estimation.

Chapitre III.
du louage d’ouvrage et d’industrie.

1779.

Il y a trois espèces principales de louage d’ouvrage et d’industrie :

1.o Le louage des gens de travail qui s’engagent au service de quelqu’un ;

2.o Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ;

3.o Celui des entrepreneurs d’ouvrages par suite de devis ou marchés.

Section I.re
Du Louage des Domestiques et Ouvriers.
1780.

On ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée.

1781.

Le maître est cru sur son affirmation,

Pour la quotité des gages ;

Pour le paiement du salaire de l’année échue ;

Et pour les à-comptes donnés pour l’année courante.

Section II.
Des Voituriers par terre et par eau.
1782.

Les voituriers par terre et par eau sont assujettis, pour la garde et la conservation des choses qui leur sont confiées, aux mêmes obligations que les aubergistes, dont il est parlé au titre du Dépôt et du Séquestre.

1783.
Ils répondent non-seulement de ce qu’ils ont déjà reçu dans leur bâtiment ou voiture, mais encore de ce qui leur a été remis sur le port ou dans l’entrepôt, pour être placé dans leur bâtiment ou voiture.
1784.

Ils sont responsables de la perte et des avaries des choses qui leur sont confiées, à moins qu’ils ne prouvent qu’elles ont été perdues et avariées par cas fortuit ou force majeure.

1785.

Les entrepreneurs de voitures publiques par terre et par eau, et ceux des roulages publics, doivent tenir registre de l’argent, des effets et des paquets dont ils se chargent.

1786.

Les entrepreneurs et directeurs de voitures et roulages publics, les maîtres de barques et navires, sont en outre assujettis à des réglemens particuliers, qui font la loi entre eux et les autres citoyens.

Section III.
Des Devis et des Marchés.
1787.

Lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage, on peut convenir qu’il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu’il fournira aussi la matière.

1788.
Si, dans le cas où l’ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d’être livrée, la perte en est pour l’ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose.
1789.

Dans le cas où l’ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l’ouvrier n’est tenu que de sa faute.

1790.

Si, dans le cas de l’article précédent, la chose vient à périr, quoique sans aucune faute de la part de l’ouvrier, avant que l’ouvrage ait été reçu, et sans que le maître fût en demeure de le vérifier, l’ouvrier n’a point de salaire à réclamer, à moins que la chose n’ait péri par le vice de la matière.

1791.

S’il s’agit d’un ouvrage à plusieurs pièces ou à la mesure, la vérification peut s’en faire par parties ; elle est censée faite pour toutes les parties payées, si le maître paye l’ouvrier en proportion de l’ouvrage fait.

1792.

Si l’édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architecte et entrepreneur en sont responsables pendant dix ans.

1793.

Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte d’augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changemens ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changemens ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

1794.

Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise.

1795.

Le contrat de louage d’ouvrage est dissous par la mort de l’ouvrier, de l’architecte ou entrepreneur.

1796.

Mais le propriétaire est tenu de payer en proportion du prix porté par la convention, à leur succession, la valeur des ouvrages faits et celle des matériaux préparés, lors seulement que ces travaux ou ces matériaux peuvent lui être utiles.

1797.

L’entrepreneur répond du fait des personnes qu’il emploie.

1798.
Les maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont été employés à la construction d’un bâtiment ou d’autres ouvrages faits à l’entreprise, n’ont d’action contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits, que jusqu’à concurrence de ce dont il se trouve débiteur envers l’entrepreneur, au moment où leur action est intentée.
1799.

Les maçons, charpentiers, serruriers, et autres ouvriers qui font directement des marchés à prix fait, sont astreints aux règles prescrites dans la présente section : ils sont entrepreneurs dans la partie qu’ils traitent.

Chapitre IV.
du bail à cheptel.


Section I.re
Dispositions générales.
1800.

Le bail à cheptel est un contrat par lequel l’une des parties donne à l’autre un fonds de bétail pour le garder, le nourrir et le soigner, sous les conditions convenues entre elles.

1801.

Il y a plusieurs sortes de cheptels :

Le cheptel simple ou ordinaire,

Le cheptel à moitié,

Le cheptel donné au fermier ou au colon partiaire.

Il y a encore une quatrième espèce de contrat improprement appelée cheptel.

1802.

On peut donner à cheptel toute espèce d’animaux susceptibles de croît ou de profit pour l’agriculture ou le commerce.

1803.
À défaut de conventions particulières, ces contrats se règlent par les principes qui suivent.
Section II.
Du Cheptel simple.
1804.

Le bail à cheptel simple est un contrat par lequel on donne à un autre des bestiaux à garder, nourrir et soigner, à condition que le preneur profitera de la moitié du croît, et qu’il supportera aussi la moitié de la perte.

1805.

L’estimation donnée au cheptel dans le bail n’en transporte pas la propriété au preneur ; elle n’a d’autre objet que de fixer la perte ou le profit qui pourra se trouver à l’expiration du bail.

1806.

Le preneur doit les soins d’un bon père de famille à la conservation du cheptel.

1807.

Il n’est tenu du cas fortuit que lorsqu’il a été précédé de quelque faute de sa part, sans laquelle la perte ne serait pas arrivée.

1808.

En cas de contestation, le preneur est tenu de prouver le cas fortuit, et le bailleur est tenu de prouver la faute qu’il impute au preneur.

1809.
Le preneur qui est déchargé par le cas fortuit, est toujours tenu de rendre compte des peaux des bêtes.
1810.

Si le cheptel périt en entier sans la faute du preneur, la perte en est pour le bailleur.

S’il n’en périt qu’une partie, la perte est supportée en commun, d’après le prix de l’estimation originaire, et celui de l’estimation à l’expiration du cheptel.

1811.

On ne peut stipuler,

Que le preneur supportera la perte totale du cheptel, quoique arrivée par cas fortuit et sans sa faute,

Ou qu’il supportera, dans la perte, une part plus grande que dans le profit,

Ou que le bailleur prélevera, à la fin du bail, quelque chose de plus que le cheptel qu’il a fourni,

Toute convention semblable est nulle.

Le preneur profite seul des laitages, du fumier et du travail des animaux donnés à cheptel.

La laine et le croît se partagent.

1812.

Le preneur ne peut disposer d’aucune bête du troupeau, soit du fonds, soit du croît, sans le consentement du bailleur, qui ne peut lui-même en disposer sans le consentement du preneur.

1813.
Lorsque le cheptel est donné au fermier d’autrui, il doit être notifié au propriétaire de qui ce fermier tient ; sans quoi il peut le saisir, et le faire vendre pour ce que son fermier lui doit.
1814.

Le preneur ne pourra tondre sans en prévenir le bailleur.

1815.

S’il n’y a pas de temps fixé par la convention pour la durée du cheptel, il est censé fait pour trois ans.

1816.

Le bailleur peut en demander plutôt la résolution, si le preneur ne remplit pas ses obligations.

1817.

À la fin du bail, ou lors de sa résolution, il se fait une nouvelle estimation du cheptel.

Le bailleur peut prélever des bêtes de chaque espèce, jusqu’à concurrence de la première estimation ; l’excédant se partage.

S’il n’existe pas assez de bêtes pour remplir la première estimation, le bailleur prend ce qui reste, et les parties se font raison de la perte.

Section III.
Du Cheptel à moitié.
1818.

Le cheptel à moitié est une société dans laquelle chacun des contractans fournit la moitié des bestiaux, qui demeurent communs pour le profit ou pour la perte.

1819.

Le preneur profite seul, comme dans le cheptel simple, des laitages, du fumier et des travaux des bêtes.

Le bailleur n’a droit qu’à la moitié des laines et du croît.

Toute convention contraire est nulle, à moins que le bailleur ne soit propriétaire de la métairie dont le preneur est fermier ou colon partiaire.

1820.

Toutes les autres règles du cheptel simple s’appliquent au cheptel à moitié.

Section IV.
Du Cheptel donné par le Propriétaire à son Fermier ou Colon partiaire.
§. I.er
Du cheptel donné au fermier.
1821.

Ce cheptel (aussi appelé cheptel de fer) est celui par lequel le propriétaire d’une métairie la donne à ferme, à la charge qu’à l’expiration du bail, le fermier laissera des bestiaux d’une valeur égale au prix de l’estimation de ceux qu’il aura reçus.

1822.

L’estimation du cheptel donné au fermier ne lui en transfère pas la propriété, mais néanmoins le met à ses risques.

1823.

Tous les profits appartiennent au fermier pendant la durée de son bail, s’il n’y a convention contraire.

1824.

Dans les cheptels donnés au fermier, le fumier n’est point dans les profits personnels des preneurs, mais appartient à la métairie, à l’exploitation de laquelle il doit être uniquement employé.

1825.

La perte, même totale et par cas fortuit, est en entier pour le fermier, s’il n’y a convention contraire.

1826.

À la fin du bail, le fermier ne peut retenir le cheptel en en payant l’estimation originaire ; il doit en laisser un de valeur pareille à celui qu’il a reçu.

S’il y a du déficit, il doit le payer ; et c’est seulement l’excédant qui lui appartient.

§. II.
Du cheptel donné au colon partiaire.
1827.

Si le cheptel périt en entier sans la faute du colon, la perte est pour le bailleur.

1828.

On peut stipuler que le colon délaissera au bailleur sa part de la toison à un prix inférieur à la valeur ordinaire ;

Que le bailleur aura une plus grande part du profit ;

Qu’il aura la moitié des laitages ;

Mais on ne peut pas stipuler que le colon sera tenu de toute la perte.

1829.

Ce cheptel finit avec le bail à métairie.

1830.

Il est d’ailleurs soumis à toutes les règles du cheptel simple.

Section V.
Du Contrat improprement appelé Cheptel.
1831.

Lorsqu’une ou plusieurs vaches sont données pour les loger et les nourrir, le bailleur en conserve la propriété ; il a seulement le profit des veaux qui en naissent.