Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7533
Nostæi spes altéra scenæ[1],
Je suis très-fâché que vous enterriez votre génie dans une traduction de Suétone, auteur, à mon gré, assez aride, et anecdotier très-suspect. J’espère que vous ne direz pas dans vos remarques que vous renoncez à faire des vers, ainsi que l’a dit notre ami La Bletterie. Il est plaisant que La Bletterie s’imagine avoir fait des vers.
Voici un petit paquet pour votre Mercure[2]. S’il me tombe quelque rogaton sous la main, je vous en ferai part, mais j’aimerais bien mieux que le Mercure eût à parler d’une nouvelle tragédie de votre façon : nous avons besoin de beaux vers beaucoup plus que de Suétone.
J’ai eu douze accès de fièvre. J’ai été sur le point de mourir, et je disais : Le théâtre français est mort de son côté, si M. de La Harpe n’y met la main. Il a fallu passer par les cérémonies ordinaires. Vous savez que je ne les crains pas, quoique je ne les aime point du tout ; mais il faut remplir ses devoirs de citoyen : ceux de l’amitié me sont bien plus chers.