Croquis honnêtes/51

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Gangloff (p. 164-166).

Le Curé de Fourmies.

Il y a une magnifique parole de Jeanne. d’Arc et qui s’applique trop bien aux tristes événements dont Fourmies a été le théâtre : « Je ne puis voir couler le sang de France, sans que tous mes cheveux ne se dressent sur ma tête. »

Quel que soit le drapeau sous lequel on se range, on ne peut aujourd’hui que répéter en pleurant le mot de la grande Française du xve siècle. Ô sang, ô beau sang de France !

Puis, c’est tout. Pas de politique, n’est-ce pas ; pas d’accusations téméraires ; pas de récriminations passionnées. Mais l’oubli, mais la réconciliation, mais la paix. Et puisse surtout ne plus couler le noble, le très noble sang de France !

Il n’y a vraiment qu’une grande chose en ce monde, et c’est la Charité. On l’a bien vu à Fourmies.

Un seul homme a grandi là-bas c’est le Curé, et, s’il agrandi, c’est qu’il a aimé.

Une acclamation universelle s’est élevée à l’honneur de ce prêtre qui a fait son devoir de prêtre, qui a empêche le sang de France d’être plus abondamment versé, et qui aurait volontiers offert sa vie pour sauver celle de ses enfants, de ses frères.

Oui, l’acclamation a été, on peut le dire, œcuménique, et l’on a pu se cou vaincre par là du pouvoir de la Charité. Des impies, des ennemis intimes de Dieu et de son Église, des forcenés et qui, disait-on on, auraient « mangé du prêtre », tous ces farouches ont applaudi au curé de Fourmies. Les modérés même ont été émus, et, tout le monde sait qu’il n’y a rien de plus malaisé à émouvoir qu’un modéré.

Louer le curé de Fourmies, c’est bien ; l’imiter, ce serait mieux ;

Et nous pouvons tous l’imiter, en faisant autour de nous l’union dans la Paix et dans la Charité, et en nous souvenant sans cesse de la belle maxime de saint Augustin : « Déclarer une guerre mortelle à l’erreur, mais aimer les hommes, et aimer ceux-là mêmes, ceux-là surtout qui se trompent : Interficere errores, diligere homines. »