Dictionnaire de théologie catholique/ANGE. II. d'après les Pères.

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 614-629).

II. ANGÉLOLOGIE d’après les Pères. — I. Création des anges. II. Nature des anges. III. Nombre des anges. IV. Hiérarchie angélique. V. Séjour des anges. VI. Ministère des anges. VII. L’ange gardien. VIII. Culte des anges.

Pendant les six premiers siècles de l’Église, deux ouvrages ont spécialement traité la question des anges : l’un, de la fin du IIe siècle, Περὶ ἀγγέλων de Clément d’Alexandrie, annoncé dans les Strom., VI, 3, P. G., t. IX, col. 249, peut-être resté à l’état de projet, mais que nous n’avons pas, si Clément a tenu sa promesse ; l’autre, de la fin du Ve siècle ou du commencement du VIe, le Περὶ τῆς οὐρανίας ἱεραρχίας du Pseudo-Denys. Le premier aurait pu nous donner la clef de certaines difficultés qui enveloppent la pensée d’Origène ; le second nous permet de mesurer le chemin parcouru, les progrès réalisés, les solutions acquises, et aussi de constater ce qui manque encore à l’angélologie et le départ qui restera à faire entre des opinions destinées à disparaître et les vues qu’il faudra mettre en pleine lumière. Donc jusqu’au Pseudo-Denys, on peut dire que l’angélologie n’a été ni directement, ni surtout pleinement, abordée par les Pères.

Les Pères, cependant, ont tous parlé des anges, mais en passant, d’une façon incidente. Les renseignements fragmentaires qu’ils nous fournissent permettent d’entrevoir la manière dont ils concevaient le monde angélique plutôt que de s’en faire une idée exacte et précise. Car bien des points ont été laissés dans l’ombre ; et, parmi les questions incomplètement abordées, plusieurs ont été résolues en sens divers. On se trouve en face d’hésitations, d’hypothèses, parfois même d’opinions erronées, dont il devra être fait justice ; peu d’idées arrêtées, point d’enseignement fixe. A cela rien d’étonnant : l’Écriture et la tradition sont, en effet, presque muettes sur la plupart des points qui sollicitent l’attention et la curiosité ; les définitions font défaut ; le terrain solide manque. Et, dés lors, chacun en est réduit à ses propres ressources, interprète l’Écriture comme il peut et comme il sait, spécule librement sur des données insuffisantes ou suspectes ; et il est facile d’y reconnaître l’influence de certains apocryphes ainsi que de la philosophie néo-platonicienne. Bref, défaut d’unité dans les vues, d’accord dans les conclusions. Cependant plusieurs points resteront acquis, dont le Pseudo-Denys et saint Grégoire le Grand seront les premiers à profiter ; et, sur ces données assez riches quoique incomplètes, les futurs théologiens du moyen âge pourront essayer d’organiser scientifiquement l’angélologie.

Au lieu de suivre pas à pas chacun des Pères, pour savoir ce qu’ils pensent du monde angélique, mieux vaut, semble-t-il, grouper les renseignements sur chacun des points à examiner : c’est le moyen d’éviter des redites et d’avoir une réponse immédiate sur telle ou telle question. Nous traiterons donc : 1° de la création des anges ; 2° de leur nature : spiritualité, intelligence et liberté ; 3° de leur nombre ; 4° de leur organisation ; 5° de leur séjour ; 6° de leurs ministères ; 7° de l’ange gardien ; 8° du culte des anges.

I. Création des anges.

Qu’il y ait des anges et que ces anges aient été créés par Dieu, ce sont là deux vérités que les Pères regardent comme appartenant au domaine de la foi. Car, à leurs yeux, il n’y a qu’un seul être incréé et éternel, Dieu ; par là ils écartaient les théories gnostiques ou manichéennes.

Mais à quel moment ont été créés les anges ? La Genèse ne le dit pas ; elle se contente de raconter la création du monde visible ; et si elle parle des jours et des êtres qui se succèdent, c’est, avait dit Philon, par un simple artifice littéraire ; car, à vrai dire, tout a été créé simultanément. Cette pensée de Philon, dont Clément d’Alexandrie s’est fait l’écho, Stroni., VI, 16, P. G., t. ix, col. 369, n’a pas été acceptée par tous les Pères. Il était entendu que la Genèse n’a fait que rapporter fidèlement l’histoire de la création. Et dès lors, on en conclut que les anges existaient avant l’homme, avant même les astres, puisque, à l’apparition des astres, ils se mettent à louer Dieu. Job, xxxviii, 7. Reste à préciser le moment.

C’est Origène qui, le premier, a posé la question. Il avoue n’en pas trouver la solution « dans l’enseignement ecclésiastique ». Quandoisti (AngoW) creati sunt, vel quelles, aut quomodo sint, non satis designatur. De princ, .l, proœm., 10, P. G., t. xi, col. 120. Il donne en conséquence son opinion personnelle : Dieu n’a pu rester un instant sans faire acte de bonté et de puissance ; de plus le monde actuel n’est que la suite de la déchéance d’un monde antérieur, ibid., l. III, c. v, 3, P. G., t. xi, col. 327 ; par suite les anges, faisant partie du monde antérieur, ont du être créés avant le monde actuel.

A sa suite, la grande majorité des Pères grecs ou latins a accepté cette solution de la création antérieure des anges, tout en réprouvant la théorie origénienne de la déchéance (voir plus haut, col. 996). Saint Basile la donne comme vraisemblable. In Hexæm., homil. I, 5, P. G., t. xxix, col. 14. Saint Grégoire de Nazianze affirme que Dieu a d’abord créé les anges. Orat., xxxviii, 9, 10, P. G., t. xxvi, col. 320, 321. Saint Chrysostome le laisse clairement entendre, In Gènes., homil. ii, 2, P. G., t. un, col. 29 ; homil. viii, 2, col. 71 ; Ad Stag., I, 2, P. G., t. xlvii, col. 427. Saint Ambroise pense comme saint Basile, Hexæm., i, 5, P. L., t. xiv, col. 131 ; saint Hilairc, In Psal. cxxxv, 8, P. L., t. ix, col. 772 ; Cont. Auxent., vi, P. L., t. x, col. 612 ; saint Jérôme, In Tit. i, P. L., t. xxvi, col. 560. L’auteur des Questions à Anliochus, q. iii, P. G., t. xxviii, col. 601, rap pelle les deux opinions : les uns disent que les anges ont été créés le premier jour, les autres avant. Ils ont été créés, voilà tout. Car Moïse, connaissant le penchant des juifs à l’idolâtrie, s’est bien gardé de parler des anges dans la Genèse pour ne pas exposer les juifs à quelque acte idolâtrique. Avec moins de réserve, Cassien, qui a connu et entendu Jérôme et Chrysostome, affirme comme une opinion générale que ante conditioneni hujus visibilis maleriæ spiritales cœlestesque virtutes Deum fecisse… nemo fidelium dubilat. Col. vii, 7, P. L., t. xux, col. 731.

Cassien exagérait. Car déjà existait une opinion contraire, celle de saint Épiphane. Celui-ci, qui était loin d’être un partisan d’Origène, regardait comme un principe absolument certain qu’avant le ciel et la terre il n’y avait pas de créatures. Il accordait volontiers, à cause du texte de Job, que les anges avaient été créés avant les astres, mais non avant le ciel et la terre.

Un autre adversaire d’Origène, Théodore de Mopsueste († 428), repoussait l’antériorité de la création angélique. Son ouvrage sur la création est perdu ; mais nous pouvons en croire Philoponus, fin du ve siècle et commencement du VIe, qui le réfuta sur ce point en particulier pour embrasser le sentiment de saint Basile. P. G., t. ciii, col. 1216. Basile de Séleucie († 458), se rappelant lui aussi le passage de Job, se contente d’affirmer que les anges existaient au moment du Fiat lux. Orat., I, 2, P. G., t. lxxxv, col. 31. Quant à Théodoret de Cyr († 458), il juge superflue la question de savoir si les anges ont été créés avant ou avec le ciel et la terre. Toutefois, voici son opinion, conforme à celle de son maitre, Théodore de Mopsueste, et son étrange raisonnement : tout ce qui a un commencement a une substance circonscrite, même l’ange, malgré sa nature incorporelle ; par suite une telle substance ne peut être que dans un lieu. Or, avant la création du ciel et de la terre, il n’y avait pas de lieu : donc il ne pouvait y avoir des anges. In Gcnesim, q. iii, P. G., t. lxxx, col. 82.

Cette opposition de quelques Pères grecs n’empêcha pas l’Orient de rester fidèle, sur ce point, au sentiment d’Origène. En Occident, seul, saint Augustin aurait pu contre-balancer l’opinion des Pères latins. Il la connaissait, mais n’osa pas la condamner comme contraire à la régula fidei. Ce qu’il demandait à sauvegarder avant tout, et avec raison, c’était le dogme de la création des anges. Il estimait que, dans l’ordre des êtres créés, les anges sont les premiers ; et de bonne heure, il s’était demandé : Utrum in tempore facti sunt, an ante omne tempus, aninexordio teynporis" ? Sans y répondre pleinement, embarrassé qu’il était par la question métaphysique de la nature du temps, il avouait que c’était là un mystère impénétrable. De Gen.l.imp., vii, 8, P. L., t. xxxiv, col. 222. Il y revient plus tard, constate que l’Écriture est muette, à moins de voir les anges dans le mot « ciel » du premier verset de la Genèse, bien qu’il préférât le voir dans le mot « lumière ». De civ. Dei, xi, 9, P. L., t. XLI, col. 325. Mais, sachant que les anges ont loué Dieu au moment de la création des astres, il penche finalement pour la création simultanée de Vin principio creavit Deus cselum et terram, quïbus nominibus universalis est significata creatura, spiritualis et corporalis, quod est credibilius. De civ. Dei, xi, 33, P. L., t. xli, col. 347.

Après lui, Gennade, moins hésitant, précisa que les anges ont été créés après le ciel, la terre et l’eau, pendant que les ténèbres enveloppaient les eaux et que les eaux enveloppaient la terre. De ceci, dog., x, P. L., t. xlii, col. 1215. La raison ? C’était pour ne point laisser oisive et sans emploi la bonté de Dieu ; raison qui rappelle celle d’Origène, mais conclusion différente.

Le Pseudo-Denys met Dieu au-dessus des êtres qui sont dans l’sevum ou dans le temps, c’est-à-dire au-dessus des anges et des hommes. De div. nom., v, 10, P. G., t. iii, col. 825. Dieu a ainsi pour mesure l’éternité ; l’ange, l’a’wv ; l’homme, le temps. Pachymère, Par., V,’10, P. G., t. III, col. 853. D’où il suit que la création des anges est antérieure à celle du temps et des êtres mesurés par le temps. De div. nom., x, 3, P. G., t. iii, col. 940. Quant à saint Grégoire le Grand, il se prononce en faveur de la simultanéité. Mor., xxxii, 16, P.L., . lxxvi, col. 615.

Reste à savoir si tous les anges ont été créés à la fois ou successivement : ceci est une autre question. Quelques Pères ont cru à la propagation des anges les uns par les autres, entre autres Grégoire de Nysse qui affirme que, si l’homme n’avait pas péché, il se serait propagé sans rapports sexuels, à la manière des anges, mais qui avoue ignorer le mode de propagation de ces derniers. De hom. op., xvii, P. G., t. xiiv, col. 189. C’était aussi la pensée de l’auteur des Dialogues, attribués à saint Césaire. Dial., ui, P. G., l.xxxiii, col. 997. Mais on ne peut voir là que des opinions isolées. L’opinion générale était que tous les anges ont été créés simultanément. Voir en particulier Chrysostome, Jn£p/ «., homil. vii, P. G., t. LXii ; ïliéodoret, Hær. fab., v, 7, P. G., t. lxxxiii, col. 469.

II. Nature des anges.

I. spiritualité.

Les angélophanies, deux passages de l’Écriture, Gen., vi, et Ps. ciii, 5, ce double principe que la spiritualité absolue n’appartient qu’à Dieu et que tout ce qui existe est corps aliquo modo, ont entraîné les Pères dans des affirmations plus ou moins erronées.

Les anges sont-ils des esprits ? — Oui. —
Sont-ils de purs esprits ?" — Non ; Dieu seul est un pur esprit. Les anges sont donc impliqués dans la matière. —
Dans ce cas, peut-on les dire corporels, matériels ? — Oui, répondent un grand nombre,
mais avec cette restriction que leur corps n’est pas comme le nôtre ; car la matière, dont il est composé, est bien supérieure à celle de l’homme. — Non, répondent presque tous les Pères grecs, ils sont à<j(ô[jiaToi, auXot, mais pas complètement spirituels. D’autres distinguent : oui, si on les compare à Dieu ; non, si on les compare à l’homme ; car leur corps, au lieu d’être grossier, est éthéré, lumineux, céleste, spirituel. En un mot, l’absolue spiritualité de l’ange n’a pas été nettement affirmée par les Pères.

Jusqu’au IVe siècle.

D’après la Genèse, VI, 2, les benê-èlohim ont contracté union avec les filles des hommes et ont donné naissance à la race des géants. Qui sont les benë-clohîm ? Les Septante, Aquila, Symmaque et Théodotion traduisent par « fils de Dieu ». Mais, d’une part, certaines copies des Septante portaient « anges de Dieu », et c’était la traduction familière aux juifs, comme en témoignent Philon et Josèphe ; d’autre part, le Pseudo-Énoch avait composé tout un roman sur la chute des anges. Or, pendant un certain temps, il fut regardé comme Écriture : d’où son influence sur la littérature chrétienne. Tertullien, De cuit. feni., i, 3, P. L., t. i, col. 1307 ; Origène, In Joan., vi, 25, P. G., t. xiv, col. 273, le citent, bien qu’ils sachent qu’il est tenu en suspicion par quelques-uns. Saint Hilaire y fait une allusion dédaigneuse. In Psal., cxxxii, 6, P. L., t. ix, col. 748. Et lorsque saint Jérôme le rejelte parmi les apocryphes, In TH., I, 12, P. L., t. xxvi, col. 574, le mal était fait.

Car la fâcheuse influence du Pseudo-Énoch est visible dans Justin, qui croit au commerce charnel des anges, Apol., il, 5, P. G., t. vi, col. 432 ; dans Athénagore, qui dit que le chef de la matière a manqué de diligence et de probité dans l’accomplissement de ses fonctions, et que ses compagnons sont tombés dans le péché charnel, Leg., 2’(-, P. L., t. vi, col. 918 ; dans Irénée, qui proclame sans doute les anges sine carne, mais leur suppose un corps qui les a rendus, après leur chute, capables de s’unir à des femmes, Cont. hmr., ïll, xx, 4, P. G., t. vii, col. 9 il ; dans Tertullien, qui affirme que ces deser tores Dei, amatores feminaram, De idol., îx, P. L., t. i, col. 671, ad fi lias hominum de cælo ruerunt, De cuit, fem., i, 2, P. L., t. i, col. 1305, quos legimus a Deo et cœlo excidisseob concupiscenliamfeminarum, De virg. vcl., vii, P. L., t. il, col. 899 ; dans Clément d’Alexandrie, qui nous apprend que « les anges ont péché en abandonnant la beauté de Dieu pour la beauté qui passe », Psed., iii, 2, P. G., t. viii, col. 576, par un acte d’incontinence, Strom., iii, 7, P. G., t. viii, col. 1161, et nous les représente adonnés à la volupté et révélant aux femmes les secrets de l’avenir, Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 24 ; dans Cyprien, qui les accuse d’avoir enseigné aux femmes l’art menteur du maquillage, De hab. virg., 14, P. L., t. iv, col. 453 ; dans l’auteur du De singularilate clericorum, P. L., t. iv, col. 857 ; dans Lactance, qui déclare les anges contaminés, Div. inst., ii, 15, P. L., t. vi, col. 333 ; et dans Ambroise, qui attribue leur chute à l’orgueil et aussi à la concupiscence charnelle. De virg., i, 8, - P. L., t. xvi, col. 203.

Logiquement, tous ces Pères étaient forcés d’admettre la corporéité des anges. Ils l’admettent, en effet, mais ils n’entendent pas une corporéité grossière comme la nôtre ; car celle-ci les choque. Voici comment s’en explique Tertullien. Pour lui, tout ce qui est, est corps sui generis ; nihil est incorporale niai quod non est. De car. Chris., xi, P. L., t. il, col. 774. Les anges ont donc un corps. Lequel ? Il le donne clairement à entendre. Sans doute les anges non vénérant mori, ideo nec nasci, De car. Chris., vi, P. L., t. il, col. 761, et constat angelos carnem non propriam gestasse, utpole naturas substantiee spiritualis et, si corporis alicujus, sui tamen generis. De car. Christ., vi, P. L., t. il, col. 765. Ce sont des substances spirituelles, des esprits. Apolog., 22, P. L., t. I, col. 405. Mais l’homme est adflalus Dei generosior spiritu corporali, quo angeli consliterunt. Adv. Marc, il, 8, P. L., t. ii, col. 29L Invisibilia Ma, queecumque sunt, habent apud Dcum et suum corpus et suam formam, per quee soli Deo visibilia sunt. Ado. Prax., 1, P. L., t. il, col. 162. Donc ni corporéité grossière, ni spiritualité absolue, telle est la pensée de Tertullien.

Mais que pensait Origène de la spiritualité des anges ? Si quelqu’un devait l’admettre, il semble que c’est bien lui, grâce à sa théorie sur la création. Il considérait d’ailleurs le passage de la Genèse, vi, 2, comme allégorique, il l’entendait des âmes désireuses de s’unir à des corps. Cont. Cels., v, 55, P. G., t. xi, col. 1267. Cependant la question qu’il se pose n’est pas de savoir si les anges sont des esprits, mais s’ils ont des corps : question, dit-il, nullement tranchée par l’autorité de l’Église, délicate et difficile, embarrassante, et pour la solution de laquelle il se contente de proposer ce qu’il juge de plus raisonnable. Voir Ame, col. 995. L’absolue spiritualité n’appartenant qu’à Dieu, Deprinc, 1. 1, c. vi, 4, P. G., t. XI, col. 170, et le principe d’individuation et de localisation étant le corps pour l’âme, Cont. Cels., vi, 71, P. G., t. xi, col. 1405, il croit que les créatures invisibles, bien qu’incorporelles, se servent d’un corps, De princ, l. IV, c. xxvii, P. G., t. xi, col. 401, car aucunecréaturenepeutvivre sans une substance matérielle. De princ, l. II, c. il, P. G., t. xi, col. 186 sq. Par suite, l’ange a un corps, ht joan., c. xx, 22, P. G., t. xiv, col. 637, mais un corps bien supérieur à celui de l’homme, se nourrissant d’aliments intellectuels, In Joan., c. XIII, 33, 34, P. G., t. xiv, col. 457 ; le repas des anges à Mambré n’étant qu’une figure, De oral., 27, P. G., t. xi, col. 513 ; un corps d’une telle subtilité qu’il peut être proclamé spirituel, tel que sera celui des ressuscites ; un corps éthéré, semblable à une lumière brillante. In Matth., c. xvii, 30, P. G-, t. xiii, col. 1570. De telle sorte qu’Origène semble distinguer dans l’ange deux choses comme dans l’homme, l’esprit et la matière, et que la formule de sa pensée serait la suivante : l’ange n’est pas un corps, mais un esprit uni à un corps liés subtil.


Depuis le {{rom-maj|IV)e siècle.

Pour ce qui regarde le texte de la Genèse, la traduction « fils de Dieu » au lieu de « anges de Dieu » s’imposa à la longue ; et, grâce à J. Africain, Chron., H, P. G., t. x, col. 66, dans ces fils de Dieu on vit des hommes. Telle fut, en particulier, l’opinion de l’auteur des Dialogues, attribués à saint Césaire, Dial., i, q. xlviii, P. G., t. xxxviii, col. 918 ; de Basile de Séleucie, Or., vi, 2, P. G., t. lxxxv, col. 90 ; de Philastre, Hser., 108, P. L., t. xii, col. 1226 ; de Chrysostome, In Gènes., homil. xxii, 2, 3, P. G., , t. lui, col. 187 ; de Cyrille d’Alexandrie, In Gènes., il, 2, P. G., t. lxix, col. 51-53 ; Adv. Jul., ix, P. G., t. lxxvi, col. 951 ; Cont. anthr., 17, P. G., t. lxxvi, col. 1107 ; de Théodoret, In Gènes., q. xlvii, P. G., t. lxxx, col. 147.

Parmi les Pères latins, saint Hilaire, qui dit les anges spirituels de leur nature, In Psal., cxxxvii, 5, P. L., t. ix, col. 786, conclut néanmoins à une certaine substance corporelle, à cause du principe de localisation. Nam et animarum species, sive obtinenlium corpora, sive corporibus exulantium, corpoream tamen naturee suse substantiam sortiuntur, quia omne quod creatum est, in aliquo sit necesse est. In Matlh., v, 8, 58, P. L., t. ix, col. 946. Saint Ambroise pose ce principe général : Nos autem nihil matcrialis compositions immune alque alienum putamus, præter illam solam venerandse Trinitalis substantiam. De Abrah., Il, 8, P. L., t. xiv, col. 482. Saint Jérôme écarte l’idée d’un corps grossier et charnel, mais il admet une enveloppe éthérée, aérienne ; car nos corps, après la résurrection, doivent briller comme ceux des anges. Epist., lxxv, 2, P. L., t. xxii, col. 687.

Saint Augustin connaît l’interprétation donnée au passage de la Genèse. Une première fois, il pose la question sans la résoudre : Utrum possint angeli, cum spiritus sint, corporaliter coire cum feminis ? De civ. Dei, xv, 5, P. L., t. xli, col. 468. Il la reprend, ibid., xv, 23, pour dire que les anges sont des esprits, car il est écrit, Ps. ciii, 4 : Qui facit angelos suos spiritus. Mais il n’ignore pas le sens donné au psaume ciii, 5, par Tertullien, Adv. Marc, ii, 8, P. L., t. ii, col. 294Origène, De princ, 1. II, c. viii, 3, P. G., t. xi, col. 222, et Jérôme, In Dan., vii, P.L., t. xxv, col. 532. Faut-il voir dans les ministros suos ignem urentem un corps, ou simplement le feu de la charité ? Il répond : Ambiguum est. Ce qui l’embarrasse, ce sont les apparitions des anges racontées par l’Écriture. Aussi n’ose-t-il rien affirmer : Non hinc aliquid audeo definire. En tout cas, il ne croit pas au commerce charnel des anges. Il avoue que les anges, dans leurs apparitions, avaient un vrai corps. Scrm., xii, 9, P. L., X. xxxviii, col. 104. Il avoue également qu’ils se nourrissent du Verbe. De lib. arb., iii, 30, P. L., t. xxx, col. 1286. Les anges sont des esprits : ont-ils un corps ? Il ne sait, il laisse la question sans solution. Epist., xcv, 8, P. L., t. xxxiii, col. 355. On sent qu’il est sous l’influence des Pères qui l’ont précédé ainsi que de la philosophie néo-platonicienne. A la suite d’Origène, il en vient à regarder les anges comme composés d’esprit et de matière. Dans le De Trinitate, il, 7, P. L., t. xlii, col. 853, il dit que les anges peuvent corpus suum, eux non subduntur sed subditum regunt, in species quas velint accommodatas alque aplas actionibus suis, mutare alque vertere, et il se demande, ibid., iii, 4, col. 870-871, si, pour paraître, ils ont emprunté une forme corporelle à la créature ou s’ils ont simplement transformé leur corps pour l’accommoder à leur mission ; mais il ne veut pas trancher la question de savoir s’ils agissent manente spirituali sut corporis qualitate, ou si ipsa propria corpora transforment in quod voluerint, accommodate ad id quod agunt. Ibid. Malgré tant d’hésitations, saint Augustin prête un corps aux anges : Cum essent corpus, non caro, Serm., ccclxii, 17, P. L., t. xxxix, col. 1622, mais pas un corps semblable à celui de l’homme, car celui-ci, en comparaison, est un corps mort, même quand il est uni à l’âme. In Psal., lxxxv, 17, P. L., t. xxxvii, col. 1094. Et c’est à ce corps des anges que doit ressembler le corps de l’homme ressuscité ; il sera alors aérien, éthéré, £p(s£., ix, 3, P. L., t. xxxiii, col. 72, céleste, spirituel, angélique. In Psal., cxlv, 3, P. L., t. xxxvii, col. 1185, et Relract., I, 26, P. L., t. xxxii, col. 626.

La pensée de saint Augustin sur cette spiritualité relative des anges ne saurait faire doute, car on la retrouve dans l’un de ses meilleurs disciples, Fulgence de Ruspe (468-533). Celui-ci affirme bien que les anges ne sont pas associés à des corps terrestres, De fui. ad Petr., 30, 31, P. L., t. XL, col. 762, 763 ; mais il croit à leur composition. Plane ex duplici eos (les anges) esse substantia asserunt ynagni et docli viri, id est ex spiritu incorporeo, quo a Dei conlemplatione nunquam recedunt, et ex corpore, per quod ex tempore hominibus apparent. Ce corps est éthéré, de feu pour les anges, d’air pour les démons. De Trinit., ix, P. L., t. lxv, col. 505.

Un contemporain d’Augustin, bien que connaissant la doctrine de Chrysostome et repoussant la fornication des anges, Cassien, dit : Licet pronuntiemus nonnullas esse spirituales naturas, ut sunt angeli, archangeli, cmterœque virtutes, ipsa quoque anima nostra, vel cerle aer iste subtilis, tamen incorporese nullatenus xstimandse sunt. Habent enim secundum se corpus, quo subsistunt, licet multo tenuius quamnos ; nam sunt corpora secundum Aposloli sententiam ila dicentis : et corpora cælestia et corpora terrestria. Coll., vii, 13, P. L., t. xlix, col. 684.

Au {{rom-maj|V)e siècle, Fauste de Riez, en Gaule, écrit : Et quia non solum anima, sed eliam angelorum invisibilis cselestisque substantia, sicut localibus sputïis continetur, ita auctore suo corporca esse… approbatm-, Epist., iv, P. L., t. lviii, col. 8’*7 ; et Pierre Chrysologue, en Italie, dit du démon qu’il n’a ni membres ni sens, cum tennis et aerea natura carnem nesciat… velut aura spirans. Serm., lii, P. L., t. lii, col. 345. Enfin Gennade, De eccles. dog., xi et xii, rappelle ces deux principes qui dominent toute la question, chez les latins : Nihil incorporeum et invisibile natura credendum, nisi solum Deum, et Creatura omnis corporea est. Angeli et omnes cselestes virtutes corporeæ, licet non carne subsistant. P. L., t. xlii, col. 1215, 1216.

Tout différent est le langage des Pères grecs à partir du iv « siècle. Ici, les anges sont proclamés incorporels, immatériels, spirituels, à<îû>f/.aToi, auXoj, irvejjxaTa. Homélie sur la Théophanie, P. G., t. x, col. 1180 ; Tite de Bostra, Cont. Man., i, 21, P. G., t. xviii, col. 1090 ; Didyme, De Spir.Sanc, i, 5, 6, P. G., t. xxxix, col. 1037. Eusèbe de Césarée les appelle XoyiOTjv x-rïffiv, à^cojxàTO’j ; voepâç, auXa xoù wxvtri xaOapà TuveûjxaTa. Dem. evang., iv, 1, P. G., t. xxii, col. 252. Il observe que le feu, par lequel ils sont désignés dans le psaume, n’est pas un feu matériel et terrestre, ni même une substance comme l’air, mais une métaphore, car ils sont des natures spirituelles et raisonnables, voepa xa Xoyixa’i oOaiai. Prsep. evang., vii, 15, P. G., t. xxi, col. 552. Basile, Hou. quod Deus non sit auctor mali, 9, a soin de distinguer la nature intelligible de la corporelle et de ranger les anges dans la première, P. G., t. xxxi, col. 349 ; il la qualifie de simple et d’immuable. In Psal., xliv, 1, P. G., t. xxix, col. 387. Grégoire de Nysse pense comme lui. Pour Chrysostome, l’ange est àTci^aTO ?, même le démon. De laud. Paul., homil. vii, P. G., t. L, col. 509. Il traite d’absurde et de blasphématoire le commerce charnel des anges, à raison de leur incorporéité, In Gènes., homil. xxii, 2, P. G., t. lui, col. 187-188 ; et il explique les angélophanies par l’apparence de formes humaines. De consubst., vii, 6, P. G., t. xlviii, col. 765. Théodoret, comme Chrysostome et pour les mêmes raisons, repousse le commerce charnel des anges. InGenes., q. xlvii, P. G., t. lxxx, col. 148. La manne n’est pas appelée pain des anges parce que les anges s’en nourrissent, car une nature incorporelle n’a pas besoin d’aliments. In Exod., q. xxix, P. G., t. lxxx, col. 257. D’après lui, les anges sont sans la moindre composition. In Gènes., q. xx. P. G., t. lxxx, col. 104.

Ainsi donc à entendre ces Pères grecs, à prendre leurs expressions au sens strict, on pourrait croire qu’ils enseignent la spiritualité absolue des anges ; il n’en est rien. Car l’auteur des Dialogues, attribués à saint Césaire, se posant la question de savoir comment les anges, étant incorporels, ont pu s’unir à des femmes et apparaître si souvent, tout en traitant d’absurde ce prétendu commerce, leur prête un corps très subtil, conforme à leur nature. Dial., i, q., xlviii, P. G., t. xxxviii, col. 918. Basile lui-même estime que leur substance est un esprit aérien ou un feu immatériel, àspiov 7rve13|j.a, irûp auXov, qui leur permet d’être localisés et d’apparaître. De Spir.S., xwi, 38, P. G., t. xxxii, col. 137. Nous parlons, dit-il, de l’unité de l’homme, ce qui ne l’empêche pas d’être le composé de l’àme et du corps ; de même nous parlons de l’unité de l’ange, mais nous n’entendons pas l’unité de sa nature, ni sa simplicité. Epist., i, 8, P. G., t. xxxii, col. 249.

Saint Grégoire de Nazianze appelle bien les anges des esprits intelligents et intelligibles, vdeç voepo :’, voyjtoé, il les dit simples, ôitvoî, Oral., xxxi, 15, P. G., t. xxxvi, col. 149, et incline par suite vers leur spiritualité absolue, mais il hésite sur leur nature. Il nous apprend, en effet, qu’ils sont des esprits intelligents, uniquement saisissables par l’esprit, vospà irve-j^ara vài (j.ôva)).ï]itTâ, ou un feu sans matière et sans corps, nûp auXov xoù à<7a>|j.aTov, ou telle autre nature qui doit se rapprocher de celles-là. Orat., xxxviii, P. G., t. xxxvi, col. 320. Mais ce qui le fait hésiter, lui aussi, comme tant d’autres, c’est le psaume ciii, 3, qui facit…ministros suos ignem urentem ; dans ce feu, il ne voit que les fonctions purificatrices qu’ils remplissent à notre égard. Orat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72. La pensée de Cyrille de Jérusalem n’est pas douteuse. Car de ce principe : tout ce qui n’a pas un corps dense, épais, est esprit, il conclut que le démon est un esprit. Catech., xvi, 16, P. G., t. xxxiii, col. 939.

Comme on le voit, la spiritualité absolue des anges aurait plutôt été entrevue que nettement et résolument affirmée par les Pères grecs. D’autre part, les Pères latins ne se prononcent que pour une corporéité très relative. La divergence n’est pas aussi grande qu’on pourrait le croire. La vraie formule pour le plus grand nombre serait celle-ci : comparé à l’homme, l’ange est spirituel ; comparé à Dieu, il est corporel. On serait tenté de la reconnaître dans ces mots de Théodote : « Les auges ont des corps, mais comparés aux corps terrestres, ils sont sans corps et sans figure. » Frag., H, 14, dans Clément d’Alexandrie, P. G., t. ix, col. 6C3. Elle se retrouve, en tout cas, sous la plume de saint Grégoire le Grand : Ipsi (les anges) comparalione quidem noslrorum corpurum, spiritus sunt ; scd comparalione summi et incircumscripti Spiritus, corpus. Mor., il, 3, P. L., t. lxxv, col. 557.

La spiritualité’absolue des anges est cependant, sinon formellement exprimée, du moins supposée dans l’œuvre du Pseudo-Denys. Pour l’auteur de la Hiérarchie céleste, l’ange est de tous les êtres celui qui, par sa nature, se rapproche le plus de Dieu : il est intelligent, intelligible, .simple et sans figure aucune. Quant aux formes sensibles sous lesquelles on le représente, ce ne sont que des symboles appropriés à notre intelligence pour nous faire comprendre sa nature et son rôle ; car on ne peut sans errer lui attribuer la moindre propriété main iclle, si belle qu’on la suppose. De cxl. hier., xv, P. G., t. iii, col. 328-340. L’immatérialité des anges est clairement soutenue par Licinianus, évêque de Cartha(jène (582-602), Epist., Il, P. L., t. lxxii, col. 691-699.

Et saint Grégoire le Grand, malgré la formule citée plus haut, se prononce pour la spiritualité absolue : Quis sanus sapiens esse spiritus corporeos dixerit ? Dial., iv, 29, P. L., t. lxxvii, col. 368. A ses yeux, la nature spirituelle de l’ange n’est pas un composé : Spiritualis autem natura non ita est quæ ex mente et corpore composita dupliciter non est. Mor., il, 7, 8, P. L., t. lxxv, col. 559. Angélus namque solummodo spiritus ; homo vero et spiritus et caro. Mor., iv, 3, 8, col. 642.

II. connaissance des anges.

Les anges étant des créatures intelligentes supérieures à la raison humaine, doivent connaître et mieux connaître que l’homme. Mais comment connaissent-ils et que connaissent-ils ?

Mode.

Le mode de connaissance correspond à la nature de l’être connaissant. Par conséquent, les partisans de la corporéité relative des anges seraient amenés logiquement à revendiquer pour eux un mode de connaissance sensible ; et les partisans de leur spiritualité auraient dû expliquer comment ils entendaient la connaissance intellectuelle des anges. Mais ce sont là des problèmes qu’ils ont négligés. Cependant l’auteur des Questions aux orthodoxes, q. lxxvii, P. G., t. VI, col. 1317, attribue à toutes les substances créées et raisonnables deux modes de connaissance, l’un sensible par lequel ils se connaissent eux-mêmes ainsi que les autres êtres créés, l’autre intellectuel par lequel ils connaissent ce qui est au-dessus d’eux. A la question précédente, il avait dit que l’ange connaît l’ange, non par la vision, mais par une perception sensible, y.atæ ae<T0v]<Tiv.

Mais pour trouver le problème posé et résolu, il faut arriver à Augustin qui l’aborde, grâce à la philosophie platonicienne, dont il était imbu. Voici sa solution : dès l’instant de sa création, l’ange, lumière créée, adhère au Verbe, lumière créatrice, le voit et s’y voit ; il se voit aussi en lui-même. De Gen. ad lit., iv, 32, 50, P. L. r t. xxxiv, col. 317. Quant aux autres créatures, l’ange en possède deux connaissances, l’une infuse par laquelle il voit le créé dans l’incréé, dans le Verbe, raison immuable et cause de tout ce qui est, l’autre acquise par la vision directe du créé, non plus dans le Verbe, mais dans le créé seul. Ibid., col. 313. La première, plus noble et aussi plus parfaite, il l’appelle matinale ; la seconde, vespérale. Dans le Verbe, sagesse de Dieu, type idéal, la créature lui est connue plus clairement qu’en elle-même, comme il s’y connaît lui-même mieux qu’en soimême ; parce que dans le Verbe résident, éternellement immuables, les causes et les raisons essentielles des êtres, et qu’il est mieux de connaître un objet dans la raison de son être. De eiv. Dei, xi, 29, P. L., t. xli, col. 31-3. Mais la vision angélique du créé, du sensible, ressemble-t-elle à la nôtre ? Il n’ose se prononcer : Ncque, sicut pecora, solo sensu corporis vident angeli hsec sensibilia ; sed, si quo sensu tali utuntur, agnoscunt ea potius quæ melius noverunt in ipso Dei Verbo. De Gen. ad lit., il, 8, 17, P. L., t. xxxiv, col. 249. Saint Augustin est le seul Père qui ait traité cette question du mode de connaissance.

Objet.

L’objet de la connaissance angélique est le même que celui de la connaissance humaine ; c’est Dieu et le monde créé. L’ange connaît Dieu, mais ne saurait le comprendre, au sens théologique de ce mot : tous les Pères sont d’accord sur ce point. Mais connaît-il les mystères de l’ordre surnaturel, l’avenir, la pensée intime de l’homme ? Ici, les divergences éclatent et les réponses diffèrent.

Les Pères sont d’avis, en général, que la connaissance de l’avenir et du cœur humain appartient exclusivement à Dieu. Ter tullien y voit la caractéristique de la divinité. Que le Dieu de Mareion, dit-il, prouve sa divinité ut et futura pronuntiet et occulta cordis revelet. Adv. Marc, v, 15, P. L., t. il, col. 510. Novatien, De l’rinil., 13, P. L., t. iii, col. 908, et saint Eulgence de Ruspe, Ad Tras., Il, 16, P. L., t. lxv, col. 264, prouvent la divinité de Jésus-Christ, parce qu’il connaissait le secret des cœurs. Saint Hilaire dit que la connaissance de la pensée humaine n’appartient qu’à Celui dont il est écrit qu’ « Il sonde les reins et les cœurs ». In Psal., cxxxix, 3, P. L., t. ix, col. 817. C’est l’avis de Cassien, Coll., vii, 13, P. L., t. xlix, col.683, et de Cyrille d’Alexandrie, In Joan., ii, i, 49, P. G., t. lxxiii, col. 224. Il en est de même pour la connaissance de l’avenir ; ce qui fait dire à Tertullien : Idoneum testimonium divinitatis veritas divinationis. Apol., 20, P. L., t. i, col. 391. Les anges ignorent l’avenir, écrit l’auteur des Dialogues attribués à saint Césaire, Dial., i, q. xliv, 44, P. G., t. xxxviii, col. 913 ; de même, Isidore de Péluse (ve siècle), Epist., i, P. G., t. lxxviii, col. 308.

Quant à la connaissance des vérités surnaturelles, des mystères, c’est aussi l’avis général des Pères que les anges ne la possèdent que par révélation. Mais quelques-uns ont prétendu qu’ils ne la doivent qu’à l’enseignement de l’Église, conformément au texte de ÏÉpitre aux EphésienSjiu, 10, Origène, In Luc, homil. xxiii, P. G., t. xiii, col. 1862 ; Grégoire de Nysse, In Cant. cant., homil. vin, P. G., t. xliv, col. 947 ; Jérôme, In Ephes., iii, 10, P. L., t. xxvi, col. 483. Saint Chrysostome est formel sur ce point : il y revient plusieurs (ois, In Joan., homil. i, 2, P. G, t.Lix, col. 26 ; homil. xv, 1-2, col. 48 ; 7n Ephes., homil. vii, 1, P. G., t. lxii, col. 50 ; In Tim., i, homil. xi, 1, P. G., t. lxii, col. 554. D’après lui, les anges n’ont connu l’incarnation qu’après sa réalisation, après nous et par nous. « Il y a, dit-il, une foule de desseins de la providence que les Vertus ignorent et qu’elles ont appris avec nous. » « Car, dit l’apôtre, la grâce m’a été donnée pour que les principautés et les puissances connaissent maintenant pour l’Église la sagesse si féconde en ressources de Dieu. » « M’entendez-vous ? C’est maintenant et non autrefois que ces intelligences ont connu ce mystère. C’est avec nous et par nous que les puissances d’en haut ont connu les secrets de notre roi. » Cont. anom., homil. iv, 2, P. G., t. xlviii, col. 729. Même interprétation dans ïhéodoret, In Ephes., iii, 10, P. G., t. lxxxii, col. 529.

Deux autres passages de l’Écriture, le dialogue Attollite portas… Quis est iste rex glorisef Ps. xxiii, et la question Quis est iste qui venit de Edom ! Is., lxiii, 1, ont été appliqués par les Pères à l’Ascension. A la vue de Jésus-Christ montant au ciel, les anges s’étonnent et demandent quel était ce personnage ; ils ne le connaissaient donc pas encore. Justin, Dial., 36, P. G., t. i, col. 533 ; Grégoire de Nysse, Orat. in Ascens., P. G., t. xlvi, col. 694 ; Ambroise, De fid., iv, P. L., t. xvi, col. 619 ; Jérôme, In Isai., 17, P. L., t. xxiv, col. 610 ; Cyrille de Jérusalem, Cat., xiv, 24, P. G., t. xxxiii, col. 858 ; Théodoret, In Psalm., xxiii, P. G., t. lxxx, col. 1033. Selon Chrysostome, les anges se sont réjouis de la réconciliation des hommes avec Dieu. Ils descendent, impatients de voir cet étrange spectacle, un homme entrant au ciel. Hom. in Ascens., 4, P. G., t. L, col. 449. Saint Cyrille de Jérusalem dit que les anges voient Dieu, non tel qu’il est en lui-même, mais autant que cela dépend de leur intelligence, et chacun proportionnellement à sa capacité, capacité qui augmente à mesure que l’ordre, auquel ils appartiennent, est élevé dans la hiérarchie. Ils ne connaissent pas la génération éternelle du Verbe. « Qu’on interroge, dit-il, les anges du premier ciel ; ils répondront : interrogez ceux qui sont au-dessus de nous ; et l’on pourrait ainsi interroger, si c’était possible, les trônes, les dominations, les principautés et les puissances, personne ne répondra. » Cat., vi, 6, P. G., t. xxxiii, col. 546 ; Cal., vii, 11, col. 618. Petau observe justement que ce langage des Pères doit s’entendre, non des mystères en eux-mêmes, mais des circonstances de temps et de lieu qui ont entouré leur manifestation dans l’histoire de l’Église.

Encore ici, Augustin est le seul à avoir tranché ces questions relativesà l’objet de la connaissance angélique ; et il l’a fait conformément à la théorie platonicienne. D’abord il convient, dans un endroit, que Dieu seul voit la pensée intime de l’homme, Serm., ccxliii, 5, P. L., t. xxxviii, col. 1145 ; mais, ailleurs, il affirme que les anges connaissent, malgré nous, nos pensées secrètes. De Gen. ad lit., xii, 22, 48, P. L., t. xxxiv, col. 473. Ensuite il estime que le démon, grâce à l’expérience de certains signes cachés à nos regards, peut lire plus loin que nous dans l’avenir, sauf à se tromper souvent, tandis que les anges ne se trompent jamais. Car ceux-ci lisent dans les lois éternelles et immuables de Dieu les révolutions des temps et connaissent par la participation de l’Esprit divin cette infaillible volonté, où la certitude est aussi absolue que la puissance. De civ. Dei, ix, 22, P. L., t. xli, col. 274. Enfin, par le seul fait qu’il accorde à l’ange, dès sa création, la vue de la lumière créatrice et la connaissance, dans cette lumière, de tout ce qui est, il semble admettre dans l’ange la connaissance des vérités de l’ordre surnaturel. « Ce n’est pas une parole sonore qui enseigne Dieu aux saints anges, mais la présence même de l’immuable vérité, le Verbe. Le Verbe lui-même, et le Père, et leur Saint-Esprit, et l’unité inséparable de la Trinité, et la singularité des personnes dans l’unité de substance, un seul Dieu et non trois dieux : toutes ces vérités leur sont mieux connues que nous-même à nous-même. » De civ. Dei, xi, 29, P. L., t. xli, col. 343. Nec illud eos laluit mysterium regni cselorum, quod opportuno tempore revelalum est pro salute noslra, quod ex hac peregrinalione liberati eorum cœtui conjtmgamur. De Gen. ad lit., v, 19, P. L., t. xxxiv, col. 334. Donc, d’après Augustin, et contrairement à Chrysostome, les anges n’ont pas appris avec nous et par nous certains mystères, tels que celui de l’incarnation, mais ils les connaissaient d’avance, tout comme celui de la trinité et de la rédemption.

Le Pseudo-Denys pense, sur ces questions, à peu près comme Augustin, et, vraisemblablement, sous la même influence platonicienne. Pour lui, l’intelligence des esprits célestes est en raison directe de leur élévation dans la hiérarchie, de leur rapprochement avec Dieu, source de lumière, de leur participation à la vie de Dieu. Elle connaît les choses sensibles, mais d’une manière purement spirituelle. Et comme c’est par les anges que Dieu a communiqué aux hommes sa loi, ses ordres, la révélation de l’avenir et des mystères, De cœl. hier., iv, 2, P. G., t. iii, col. 180, en particulier de celui de l’incarnation, ibid., iv, 4, col. 181, les anges ont donc connu toutes ces vérités avant l’homme.

Saint Grégoire le Grand, moins habitué aux questions d’ordre métaphysique, n’aborde pas toutes les faces de ce problème de la connaissance angélique. Néanmoins, il tient pour certain que les anges, quoique envoyés en mission, ne perdent pas le privilège de la vision béatifique, In Evang., homil. xxxiv, 13, P. L., t. lxxvi, col. 1225, et quand il écrit : Quid est quod ibi nesciant, ubi scientem omnia sciunt, Dial., iv, 33, P. L., t. Lxxvir, col. 375, on est en droit de conclure qu’il leur accorde une connaissance anticipée des mystères de l’incarnation et de la rédemption.

III. volonté et liberté des anges.

Créatures intelligentes, les anges ont eu nécessairement en partage le libre arbitre ; mais leur liberté a été soumise à une épreuve : les uns y ont succombé, les autres en ont triomphé. Mais l’épreuve subie, les anges fidèles ont gardé leur liberté, apanage de leur nature. Et alors, la question qui se pose est celle-ci : sortis victorieux de l’épreuve, les anges sont-ils désormais fixés dans le bien, confirmés en grâce, récompensés par la gloire, c’est-à-dire incapables de déchoir ? Ou bien peuvent-ils encore mésuser de leur liberté ?

Les Pères admettent que les anges ont été créés saints et justes, élevés à l’état surnaturel, puis éprouvés ; mais ils ne s’accordent pas sur la nature de leur état après l’épreuve. Tous proclament ce principe que Dieu seul est incapable de pécher, àva^âpTirO ; . Or, dans l’Apocalypse, il est question d’anges blâmés pour leur négligence. Ils pensent de plus que la rédemption s’applique sans distinction à toutes les créatures et que le jugement, pour être vraiment général, doit s’appliquer même aux anges. Avec de tels éléments de solution, on comprend que la faillibilité des anges ait été une opinion courante pendant les quatre premiers siècles.

D’après Ignace d’Antioche († 107), les anges doivent croire au sang de Jésus-Christ sous peine d’être jugés.’Eàv |xr) TuaTSiiuaxjiv eî ; tô aî|xa Xpiafo-J, xaxecvoiç xpîfnç Ë(tt ;’v. Smyr., i, 1, édit. Funk, Patr. apostol., TuLingue, 1887, t. i, p. 233. C’est donc qu’après la rédemption leur sort n’est pas encore fixé.

Clément d’Alexandrie croit qu’ils ont été créés avec une nature excellente et élevés à l’ordre surnaturel, mais qu’ils ont dû, pour s’y maintenir, demander la persévérance à Dieu, Strom., vii, 7, P. G., t. ix, col. 45C ; que les négligents sont tombés, ibid., col. 465, que ces derniers ont révélé aux femmes les secrets de l’avenir qu’on devait tenir cachés jusqu’à l’avènement du Christ. Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 2k

Tertullien, sous l’influence du Pseudo-Énoch, prend à la lettre I Cor., xi, 8, 10, et veut que les vierges soient voilées propter angelos. De virg. vel., 7, P. L., t. il, col. 899. Il suppose donc les anges capables encore de succomber.

Origène, bien qu’il connaisse le texte de l’apôtre et qu’il tienne en suspicion l’autorité du Pseudo-Énoch, hésite devant le témoignage de l’Apocalypse. In Luc, xxiii, P. G., t. xiii, col. 1863. Mais il ne croit pas que l’état actuel des anges soit définitif ; car il regarde les âmes des bienheureux comme capables de déchéance et celles des damnés comme capables de salut. Et, appliquant cette théorie suspecte aux anges, il admet une série indéfinie d’épreuves, l’instabilité, la possibilité d’une chute : Platon a trop déteint sur lui. Il est vrai qu’il sent toute la difficulté d’une telle question, qu’il ne l’aborde qu’avec précaution et qu’il ne veut rien définir, ni rien faire passer pour un dogme. De princ., . I, c. VI. 1, P. G., t. XI, col. 165. Il se contente donc de discuter et de dire ce qu’il pense. Ibid., col. 168. Or, sa pensée est que les anges sont actuellement faillibles. Pour ne pas pécher, ils ont besoin du Christ, In Luc, xxxi, P. G., t. xiii, col. 1881, mais ils peuvent pécher, In Matth., xv, 27, P. G., t. xiii, col. 1333 ; ce n’est pas là un dogme de foi. In Matth., xvii, 30, P. G., t. xiii, col. 1571. En effet, l’ange gardien, car c’est de lui surtout qu’il parle, peut offenser l’un des petits qui lui sont confiés ou manquer de diligence dans l’accomplissement de sa fonction. Par suite, selon que les âmes, dont il a la garde, restent fidèles ou déchoient, il est digne d’éloge ou de blâme, In Luc, xiii, P. G., t. xiii, col. 1832 ; selon qu’elles atteignent ou manquent leur salut, il jouit de la vision de Dieu ou est puni. In Luc, xxxv, P. G., t. xiii, col. 1890. Responsable, il a une récompense proportionnelle aux mérites de ces âmes : Secundum meritum enim eorum, quorum angeli sunt, aut semper, aut nunquam, velparum vel plus, faciem Dei cotitemplabuntur. Il doit assister au jugement de l’homme pour qu’il conste si c’est par sa négligence que l’homme a péché. In Luc, homil. xi, 4 ; homil. xx, 3, 14, P. G., t. xii, col. 647, 733, 795. Et que Dieu ait ainsi engagé la responsabilité de l’ange dans le salut de l’homme, c’est ce qu’il ne peut assez admirer. In Num., xx, 3, P. G., t. xii, col. 73. Enfin, il croit si bien à la faillibilité actuelle de l’ange qu’il ne craint pas d’avouer que l’ange peut devenir démon. De prine, 1. 1, c. v, vi ; l. II, c. iii, P. G., t. xi.

Il va sans dire qu’une telle théorie fut un objet de réprobation : Méthodius, Épiphane, Théophile d’Alexandrie, et d’autres l’attaquèrent vigoureusement : mais elle n’en laissa pas moins des traces. C’est sous son influence que Didyme enseigna que la rédemption s’est étendue jusqu’au monde des anges. In Petr., iii, 22, P. G., t. xxxix, col. 1770. C’était un des disciples restés fidèles. Mais les Cappadociens avaient plus de liberté. Malgré cela, Basile, qui regarde les anges comme sanctifiés en même temps que créés, se contente de les dire difficilement portés au mal, 8-ja[xeraGï]T01 Ttpb ; xaxi’av. In Psal., xxxii, 4, P. G., t. xxix, col. 333, 334. Car s’ils restent unis à Dieu, persévèrent et ne tombent pas, c’est uniquement au Saint-Esprit qu’ils le doivent. De Spir. Sancto, xix, 49, P. G., t. xxxii, col. 158. Grégoire de Nazianze, après les avoir traités de àxivvyrovç ^ Su<rxivf|TO’jç, Orat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72, les déclare jat) àxivYJTovK, à).Xà S-jiwv^tou ; . Orat., xxxviii, 9, col. 321. Ailleurs, il semble leur accorder comme à Dieu le privilège de l’impeccabilité. Orat., XL, 7, P. G., t. xxxvi, col. 336. L’auteur des Dialogues, attribués à Césaire, pense différemment. Dial., i, q. xliv, P. G., t. xxxviii, col. 912.

Cyrille de Jérusalem n’hésite pas. Sans aller aussi loin qu’Origène, il admet que les anges commettent des fautes que Dieu doit leur pardonner, Cat., il, 10, P. G., t. xxxiii, col. 416, mais des faufes légères qui ne sauraient leur faire perdre la vision béatifique et ne les rendent pas justiciables du jugement, attendu qu’ils doivent y paraître, non en coupables, mais en témoins. Ibid. L’auteur des dialogues De Trinitate, i, 24, parmi les œuvres de saint Athanase, P. G., t. xxviii, col. 1153, à la question : les anges peuvent-ils pécher ? répond affirmativement.

Parmi les Pères latins, saint Ambroise, écho de saint Basile, prétend qu’ils ont besoin de la grâce pour ne pas errer et ne pas tomber dans le vice. In Psal., cxviii, serm. viii, 29, P. L., t. xv, col. 1306. Il les suppose donc faillibles. Saint Hilaire les dit, au contraire, perpétuant mandatorum cuslodiam pro naturæ suæ firmilate rctinentes. In Psal., cxviii, 10, P. L., t. ix, col. 522. Saint Jérôme repousse le sentiment d’Origène sur la possibilité pour un ange de devenir actuellement un démon, mais il admet la possibilité d’une infidélité ; il assure, en conséquence, qu’au jugement les anges auront à rendre compte de leur mission et qu’ils seront punis, s’ils ne l’ont pas remplie exactement. In Mich., VI, 1, P. L., t. xxv, col. 1206.

Avec saint Augustin, la question change de face. Dieu, dit-il, a créé les anges simul eis condens naturam et largiens gratiam. De civ. Dei, xii, 9, P. L., t. xli, col. 357. Ils jouissent donc, dès l’instant de leur création, de la contemplation du Verbe. De Gen. ad lit., il, 17, P. L., t. xxxiv, col. 270. Sur ce point il est d’accord avec la plupart des Pères. Mais, à leur différence, il se prononce pour l’immutabilité des anges dans le bien. C’est dans la’Trinité que la sublimité des anges a son origine, sa beauté, sa béatitude ; elle vit dans l’éternité de Dieu ; elle brille dans la vérité de Dieu ; elle jouit dans la bonté de Dieu. De civ. Dei, xi, 24, P. L., t. xli, col. 338. Or, jouir sans aucun trouble du bien immuable, de Dieu même, loin du doute qui hésite, loin de l’erreur qui abuse, être assuré d’une éternelle jouissance, c’est la félicité éternelle, dont nous croyons d’une loi pieuse que jouissent les anges de lumière. De civ. Dei, xi, 13, P. L., t. xli, col. 329. Un tel bonheur n’est que la récompense de leur fidélité, De civ. Dei, XXII, 1, P. L., t. xli, col. 752 ; félicité immuable qui doit être le parlage des saints. Ibid. Car, lorsqu’on est dans cette cité, on n’en peut plus déchoir, comme on n’en est plus déchu depuis la chute des anges rebelles. Kncliir., 57, P. L., t. xi, , col. 259. Les anges, en effet, ont toujours été assurés de leur éternelle félicité, depuis la chute des démons. Enchiç., 29, P. L., t. xi., col. 246. Oue l’on discute si l’on veut, mais à la condition que, dans les limites de la règle de foi, angelos sanctos de sua sempiterna et vera felicilate securos et certos esse nemo ambigat. De civ. Dei, XI, 32, P. L., t. xli, col. 316.

Fulgence de Ruspe pense et parle comme son maître do prédilection, Augustin : Angeles in sux dilectionis œlernitate firmavit, De fid. ad Petr., iii, 31, P. L., t. lxv, col. 687 ; car, adhérant à Dieu pour toujours, ils ne veulent ni ne peuvent plus pécher ; quoique mutabiles per naturam, immutabiles facti sunt per gratiam ; stabiles etiani et certi de sua beatiludine nullatenus amittenda, fruuniur Deo. De Trin., viii, P. L., t. LXV, col. 505. Gennade répète qu’après la chute les anges restés fidèles ont été confirmés en grâce de façon à ne pouvoir plus pécher, De eccl. dogm., 62, P. L., t. lviii, col. 996 ; et l’auteur du De vita contemplativa écrit : Divino justoque judicio actum est ut, quæ fuit cum Deo suo manendi voluntas, fieret permanendi voluntaria felixque nécessitas. P. L., t. lix, col. 421.

Entre ces deux solutions, on essaya de réserver l’immutabilité aux anges les plus rapprochés de Dieu, tout en laissant croire que ceux qui sont plus spécialement occupés des affaires humaines ne sont pas encore fixés sur leur état. Mais ce ne fut là qu’une tentative isolée de la part de Némésius, ve siècle. De nat., homil. xli, P. G., t. XL, col. 777. L’opinion de saint Augustin devait finalement prévaloir.

On ne connaît point celle du Pseudo-Denys ; mais son commentateur, saint Maxime (580-662), se borne à émettre un doute au sujet des anges du dernier degré : « ils peuvent peut-être pécher ; » et il laisse à d’autres le soin d’en dire davantage et d’en parler mieux. Schol. in ceeles. hier., xi, P. G., t. iv, col. 93. Pachymère reproduit simplement ce doute de Maxime. P. G., t. iii, col. 292. Grégoire le Grand, tout en admettant la possibilité d’un changement, proclame l’immutabilité actuelle des anges, Mor., v, 38, P. L., t. lxxv, col. 718 ; In Il Reg., I, 12, P. L., t. lxxix, col. 82, et déclare qu’ils jouissent de la vision béatifique. Mor., xviii, 91, P. L., t. lxxvi, col. 91.

III. Nombre des anges.

Les anges sont très nombreux ; mais combien sont-ils ? C’est ce qu’aucun des Pères n’a dit. Quelques-uns, cependant, pour en donner une idée approximative, ont pris pour base de leur supputation la parabole des brebis. Les 99 brebis restées fidèles représenteraient les anges, tandis que la brebis égarée représenterait les hommes, de telle sorte que le rapport numérique des anges aux hommes serait de 99 à 1. Hilaire, In Matth., xviii, 6, P. L., t. ix, col. 1020 ; Ambroise, In Luc., vii, 15, P. L., X. xv, col. 1756 ; Cyrille de Jérusalem, Cat., x, 24, P. G., t. xxxiii, col. 904. Mais ce dernier a soin de faire remarquer que ce n’est là qu’une comparaison. Car le texte : Mille millia ministrabant ei et decies millies denamillia assistebant ei, Dan., vii, 10, indique un nombre indéterminé. Quant à lui, il pose en principe que le nombre des habitants doit être proportionné au lieu habité. Or la terre, séjour de l’homme, n’est qu’un point au centre d’un ciel, et il y a les cieux des cieux, séjour des esprits célestes. Par suite le nombre des anges dépasse de beaucoup celui des hommes ; il ne peut se compter, il est àvap18|A7)To ; . Ibid. A plus forte raison si l’on y ajoute celui des archanges et des autres ordres qui sont au-dessus des anges. Cat., xvi, 23, P. G., t. xxxiii, col. 949. C’est la pensée de Cyrille d’Alexandrie, Urat. pasch., XII, 2, P. G., t. lxxvii, col. 673 ; de Chrysostome, Cont. anom., il, 3, P. G., t. xlviii, col. 714 ; et de Jérôme qui dit que le genre humain n’est rien à côté de l’armée angélique. In Isai., xl, 17, P. L., t. xxiv, col. 4-07.

Mais quelques Pères, entre autres Hilaire, In Matth., xviii, 6, P. L., t. ix, col. 1020, et Augustin, Enchir., 29, P. L., t. xl, col. 246 ; De civ. Dei’, xxii, 1, P. L., t. xli, col. 751, ont pensé que les élus devaient prendre la place laissée vide dans le ciel par les anges rebelles.

S’il ne s’agit que d’une stricte compensation numérique, il s’ensuivrait que le nombre des anges serait inférieur à celui des hommes, parce que, d’un côté, il n’y a, d’après l’Apocalypse, qu’un tiers des anges qui ait prévariqué, et que, d’un autre côté, le nombre des élus est loin d’égaler le tiers du genre humain. Apparemment cette conséquence n’est pas dans l’esprit de saint Augustin ; car, lui aussi, quand il compare le nombre des anges à celui des hommes, propose la proportion de 99 à 1. Coll. cum Maxim., 9, P. L., t. xlii, col. 727.

Cette question, du reste, dans l’état actuel de la révélation, ne pouvait pas être résolue d’une manière précise et satisfaisante. Aussi le Pseudo-Denys se contente-t-il d’affirmer que le nombre des anges n’est connu que de Dieu, De csel. hier., vi, 1, P. G., t. iii, col. 200, et qu’il dépasse tout ce que nous pouvons concevoir. De csel. hier., xiv, P. G., t. iii, col. 321. Mais l’auteur des Questions à Antiochus, P. G., t. xxviii, col. 602, rapporte en plus l’opinion de ceux qui disent les anges égaux en nombre aux hommes, d’après ce passage du Deuléronorne, xxxii, 8 : Constiluit lerminos populorum juxta numerum angelorum Dei, opinion que l’on trouve dans Hilaire. In Psal., ii, 31 ; lxi, 2, P. L., t. ix, col. 280, 396. Il est à remarquer que Grégoire le Grand conclut de ce même texte que le nombre des élus sera égal à celai des anges restés fidèles, ce qui ne cadre pas, comme on le voit, avec l’opinion d’Augustin. In Evang., homil. xxxiv, P. L., t. lxxvi, col. 1252.

IV. Hiérarchie Angélique.

1° Distinction des vocables. Sur quoi repose-t-elle ? —

Ces esprits célestes si nombreux se trouvent désignés par diverses dénominations. On les appelle anges, archanges, principautés, puissances, vertus, dominations, trônes. Or, à part le mot anges que l’on applique d’une manière générale comme un terme générique, on ne douta pas que la différence de ces vocables ne désignât des êtres distincts. Mais, ici, se posent plusieurs questions. Pourquoi ces termes différents ? Quel sens renferment-ils ? Indiquent-ils des fonctions ? lesquelles ? Des ordres ? en quoi se distinguent-ils ? A vrai dire, on ne le savait guère, ni l’Écriture ni la tradition ne s’en étant clairement expliquées ; on n’essaya même pas de le conjecturer ; on se tint longtemps sur la réserve. En revanche, les gnostiques bâtirent de bonne heure tout un système, où les éons, partant de Dieu, allaient de décroissance en décroissance jusqu’au démiurge, et jouaient un rôle fantastique, bien propre à éblouir les simples. Saint Irénée dit aux partisans de la gnose : « qu’ils nous expliquent et le nombre des anges et l’ordre des archanges ; qu’ils nous révèlent les mystères des trônes ; qu’ils nous enseignent la différence qui existe entre les dominations, les principautés, les puissances et les vertus. Mais non, ils ne peuvent le faire. » Cont. heer., il, 30, P. G., t. vii, col. 818. Longtemps après lui, saint Augustin écrit à Orose : * Qu’il y ait dans le ciel des sièges, des dominations, des principautés, des puissances, je le crois fermement ; qu’ils diffèrent entre eux, je n’en saurais avoir le moindre doute ; mais quant à dire ce qu’ils sont et en quoi ils diffèrent, dussiez-vous me mépriser, moi que vous traitez de grand docteur, j’avoue l’ignorer. » Cont. Prise, xiv, P. L., t. xlii, col. 678. Même aveu d’ignorance sur la différence des termes employés par saint Paul pour désigner la société céleste : « Que ceuxlà le disent qui le peuvent, si toutefois ils peuvent apporter des preuves à l’appui. » Enchir., 58, P. L., t. xl, col. 259.

Cyrille de Jérusalem a toujours été stupéfait de la téméraire curiosité des ariens qui, sans pouvoir parvenir à comprendre ce que sont les trônes, les dominations, les principautés et les puissances, œuvres du Christ, osent scruter le créateur lui-même. « Dites-moi donc en quoi diffère un trône d’une domination, et alors vous pourrez rechercher ce qui regarde le Christ. Dites-moi ce que c’est qu’une principauté, une puissance, une vertu, un ange, et alors vous pourrez porter votre curiosité sur le créateur. Mais vous ne le voulez pas, ou plutôt vous ne le pouvez pas. » Cat., xv, 12, P. G., t. xxxiii, col. 705.

Il y a donc distinction de vocables ; mais sur quoi repose-t-elle ? Est-ce sur une différence de nature ou de (onction ? Faut-il ne voir dans le monde angélique, comme dans le genre humain, qu’une seule espèce, ou des substances spécifiquement différentes, comme dans le monde des créatures visibles ? Deux réponses ont été faites.

La première est due aux Alexandrins. Clément, en effet, croit que tous les esprits célestes n’ont qu’une seule et même nature, Stroni., vii, 2, P. G., t. ix, col. 409, et que la différence des noms provient de la différence des fonctions. Slrom., vi, 16, col. 369. Après lui, Origène, sous prétexte de sauvegarder la justice divine qui ne fait pas acception de personnes, déclare tous les anges égaux à l’origine ; et si, actuellement, ils se trouvent à des degrés divers et remplissent des fonctions différentes, ce n’est pas à la volonté créatrice de Dieu qu’ils le doivent, mais à l’inégalité de leurs mérites. De princ, 1. 1, c. viii, 4, P. G., t. xi, col. 159. Il fut suivi, cela va sans dire, par Didyme l’Aveugle (310-395), De Spir. Sancto, P. G., t. xxxix, col. 1046, et aussi par les Cappadociens : Basile, Gont. Hun., ni, 1, P. G., t. xxix, col. 655 ; Grégoire de Nysse, De opif. hom., 17, P. G., t. xliv, col. 189, et Grégoire de Nazianze. Mais celui-ci n’ose décider si l’illumination des anges est proportionnelle à leur classe, à leur ordre, ou si c’est à raison de cette illumination qu’ils occupent telle classe, tel ordre. Orat., xl, 5, P. G., t. xxxvi, col. 364. « D’où tirons-nous, demande Chrysostome, l’idée de leur perfection ? — De leur nom. De même que l’ange est ainsi nommé parce qu’il porte les messages de Dieu, et l’archange parce qu’il commande aux anges ; de même les autres vertus, qui peuplent les cieux, ont reçu des noms qui nous révèlent la sublimité de leur sagesse et l’éclat de leur pureté… Ces noms expriment les qualités qui dominent dans chaque hiérarchie. » Cont. anom., m, 5, P. G., t. xlviii, col. 724.

Saint Jérôme, de son passage en Egypte, a retenu la leçon de Didyme. Dans son commentaire sur ÏÉpître aux Ephésiens, i, 21, P. L., t. xxvi, col. 461, il soutient qu’il n’y a parmi les anges qu’une hiérarchie de fonction et non de nature. Plus tard, quand Rufin, adversaire d’Origène, lui reprocha ce commentaire, Jérôme répondit : « Oui, il y a dans le monde angélique des progrés, des honneurs, des ascensions, des chutes. Mais entre affirmer, comme le fait Origène, que les démons et les hommes sont des métamorphoses d’anges et dire que les anges sont hiérarchiquement répartis selon les fonctions qu’ils ont à remplir, croyance qui ne répugne pas à l’Église, il y a un abîme. De même qu’entre les hommes il y a une échelle de dignités, basée sur la différence de leurs travaux, comme dans la hiérarchie ecclésiastique, de même, entre les anges, il y a divers degrés, et pourtant tous demeurent dans leur dignité d’anges. » Cont. Huf., i, 23, P. L., t. xxiii, col. 416, 417.

Cette théorie de l’unité spécifique des anges trouva un adversaire dans Méthodius († 311). Celui-ci, par réaction contre Origène et pour couper court à cette idée que les anges peuvent passer d’un ordre à l’autre, allégua une impossibilité métaphysique, interdisant aux créatures de changer d’espèce, et déclara que les anges constituaient des ordres d’espèce distincte. Dans Epiphane, Hær., lxiv, 33, P. G., t. xli, col. 1121. C’est quelque chose d’analogue qu’exprime Atbanase, quand il dit que les anges ne sont pas des trônes, que les trônes ne sont pas des puissances, créés qu’ils ont été chacun dans leur nature propre, tïj Efiîaoùffcx, Cont. arian., il, 19, P. G., t. xxvi, col. 188 ; et aussi Épiphane,

quand il prétend que le chérubin ne peut devenir un ange et que chaque esprit céleste reste ce que Dieu l’a fait. Hær., lxiv, 33, P. G., t. XLI, col. 1121. Il est donc à croire que, malgré Didyme, l’Église d’Alexandrie resta fidèle à l’opinion de Méthodius, après avoir réprouvé celle d’Origène.

Il serait intéressant de connaître le sentiment des Pères latins ; mais, en Occident, une telle question n’a guère été agitée. Le seul, qui la pose, la laisse sans solution. Augustin, en effet, ne sait qu’en dire. Il la regarde sans doute comme insoluble ; et s’il est vrai, ce qui n’est pas prouvé, car il n’en parle pas, qu’il ait connu la double solution d’Origène et de Méthodius, il n’a pas voulu se prononcer. Cassien, lui, n’hésite pas. Il avoue que les vocables angéliques ont leur raison d’être et que personne ne doute qu’ils soient l’expression de l’office, du mérite ou de la dignité. Il ignorait l’opinion contraire. Coll., viii, 15, P. L., t. xlix, col. 746, 747.

Nombre des ordres angéliques.

Ainsi donc, dans la différence des vocables, les uns ne voyaient qu’une différence de fonctions, tandis que les autres croyaient y découvrir une différence de nature. Restait la question du nombre des ordres angéliques, de leur place respective dans la hiérarchie : elle ne fut pas plus heureusement résolue, pendant les quatre premiers siècles.

Cependant saint Paul apportait un élément de solution. En prenant sa double énurnération de Eph.. I, 21, et de Col., i, 16, et en y ajoutant les anges et les archanges, on arrivait à un nombre de 7 ordres. Le Nouveau Testament n’en signale pas d’autres ; et ce fut la liste de saint Irénée, Cont. hær., II, xxx, 6. P. G., t. vii, col. 818. Mais bientôt, grâce au Pseudo-Enoch, elle se compléta par l’adjonction des séraphins, les êtres ailés de la vision d’Isaïe, et des chérubins, les porteurs du trône du Très-Haut, de la vision d’Ézéchiel. Néanmoins chérubins et séraphins avaient été exclus par Origène, Deprinc., ]. I, c. v, P. G., t. xi, col. 157 ; Novatien, De Trin., I, P. L., t. iii, col. 888 ; Hilaire, In Psal, cxviii, 10, P. L., t. ix, col. 522 ; Ambroise, Hexæm, i, 5, P. L., t. xiv, col. 131. Cependant celui-ci les nomme dans la liste des neuf chœurs. Apologia prophetx David, v, 20, dans Corpus, de Vienne, 1897, t. xxxii, p. 311.

La plupart des Pères crurent que la liste de saint Paul était incomplète. Origène l’avait remarqué. De prin., l. I, c. v, P. G., t. xi, col. 157. Saint Basile le laisse entrevoir, De Spir. Sancto, xvi, P. G., t. xxxii, col. 136, et saint Jean Chrysostome l’affirme, Cont. anom., iv, 2, P. G., t. xlvhi, col. 729 ; Théodoret le répète, In Psal., ciii, P. G., t. lxxx, col. 1692. Déjà saint Hilaire avait écrit : sed de numéro apostolus nihil docuit ; et nescio an tacuerit, an ignoraverit. In Psal., cxxxv, 10, P. L., t. ix, col. 774. Saint Jérôme dit : « Il y a dans les cieux des principautés, des puissances, des dominations, des vertus, dont Paul a dû emprunter la nomenclature aux traditions juives ; mais il est encore d’autres noms de différents ministères, que nous ne connaissons pas et que Paul lui-même n’a pu énumérer. » In Ephes., , 21, P. L., t. xxvi, col. 461. De là des listes de sept, de huit, de neuf, de dix et même de onze ordres angéliques.

Saint Atbanase demande : « Les anges seraient-ils des archanges ? ou bien n’y aurait-il que des anges, et pas de séraphins, de chérubins, d’archanges, de dominations, de trônes, de principautés ? » Epist. ad Serap., I, 13, P. G., t. xxvi, col. 561. L’auteur des Dialogues, attribués à saint Césa ire, s’en tient à la liste de 1 apôtre, qu’il retrouvait sur les lèvres des prêtres, quand ils chantaient : Telaudibus célébrant angeli, archangeli, etc. Dial., i,’q. xliv, P. G., t. xxxviii, col. 912, 913. Grégoire de Nysse compte huit ordres, In Gant., xv, P. (’., t. xliv, col. 1100 ; Basile de Séleucie, également huit, car il retranche les archanges, Orat., xxxix, 2, P. G., t. lxxxv, col. 429 ; Théodoret garde les archanges et supprime les vertus. Graic. affect. cur., ni, P. G., t. lxxxiii, col. 889. En revanche, Grégoire de Nazianze y avait ajouté les splendeurs, les élévations, ce qui donnait un total de onze. Orat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72.

Saint Jérôme parle des principautés et des vertus dans son commentaire sur la lettre aux Ephésiens, mais les supprime dans sa liste. Cont. Jov., il, 28, P. L., t. xxiii, col. 325. Saint Augustin, qui semble croire que saint Paul a épuisé la liste de tous Jes ordres célestes, dans son Epitre aux Colossiens, Enchir., 58, P. L., t. xl, col. 259, en publie une de huit, où ne manquent que les trônes. Coll. cum Max., 9, P. L., t. xlii, col. 727.

La différence du nombre provenait non seulement de l’incertitude dans laquelle se trouvaient les Pères pour trancher une question de précision si délicate, mais encore de ce que l’on crut voir un double emploi dans quelques-uns de ces termes, de sorte que les mêmes esprits célestes pouvaient avoir été désignés sous des noms différents. C’est ainsi que saint Grégoire de Nysse s’attache à défendre l’énumération fournie par saint Paul, bien qu’elle ne contienne le nom ni des chérubins, ni des séraphins ; car ce nom est implicitement remplace par un synonyme. Qui dit trône dit chérubin ; qui dit vertu dit séraphin : Paul, s’adressant à des grecs, a laissé les vocables hébraïques. Cont. Eunom., I, P. G., t. xlv, col. 318. Augustin a de même identifié les chérubins et les trônes, In Psal., xcviii, 3, P. L., t. xxxvii, col. 1259 ; et Théodoret, les séraphins et les vertus. Grsec. affect. cur., iii, P. G., t. lxxxiii, col. 889. Saint Hilaire, In Psal., cxxxv, 8, P. L., t. ix, col. 773, et saint Chrysostome, Cont. anom., ii, 31, P. G., t. xlviii, col. 713, prirent le mot vertus pour un terme générique. Augustin croyait encore à l’identification probable des archanges et des vertus. Enchir., 58, P. L., t. XL, col. 259.

Rang assigné à chaque ordre.

Incertitude quant au nombre, incertitude également quant à la place à assigner à chaque ordre. Paul cite, d’une part, les trônes, les dominations, les principautés, les puissances, Col. i, 16, et, d’autre part, les principautés, les puissances, les vertus, les dominations. Eph., i, 21. Quel ordre adopter ? quel rang fixer ? On l’ignore. Saint Basile donne deux classifications qui diffèrent par le nombre et par la place des ordres. De Spir. Sancto, xvi, P. G., t. xxxii, col. 136, et Homil., xv, 1, P. G., t. xxxi, col. 465. Saint Chrysostome prouve contre les anoméens que la nature de Dieu est incompréhensible à toute intelligence créée, même à celle des chérubins et des séraphins, Cont. anom., i, 6, P. G., t. xlviii, col. 707 ; plus bas il ajoute les anges, les archanges, les trônes, les dominations, les principautés, les puissances et autres légions de vertus immatérielles. Cont. anom., ii, 4, col. 714. Eusèbe de Césarée, laissant de côté les chérubins et les séraphins, avait cependant compté neuf ordres angéliques, en introduisant dans la liste les esprits et les armées. Prsep. evang., xii, d, P. G., t.xxi, col.557. Chrysostome compte lui aussi, neuf ordres et les range de la manière suivante : anges, archanges, vertus, trônes, dominations, principautés, puissances, chérubins et séraphins. In Gènes., homil. xv, 5, P. G., t. lui, col. 44. Cyrille de Jérusalem enseigne que les esprits célestes voient Dieu proportionnellement à la place qu’ils occupent. Cat., vi, 6 ; xvi, 23, P. G., t. xxxiii, col. 548, 919. Finalement, il s’arrête à la liste suivante, telle qu’il la trouve dans la liturgie de son Église : anges, archanges, vertus, dominations, principautés, puissances, trônes, chérubins et séraphins. Cat., xxiii, 6, P. G., t. xxxiii, col. 1113. La liste s’allège ainsi des esprits, des éons, des armées, des élévations, etc. Arrêtée au nombre neuf par Chrysostome et Cyrille de Jérusalem, c’est celle qui va triompher avec le Pseudo-Denys et Grégoire le Grand, sauf à subir quelques modifications dans la place assignée à chacun des ordres angéliques.

Le Pseudo-Denys.

C’est, en effet, au PseudoDenys que nous devons une théorie complète sur la hiérarchie céleste. Venu après les Pères, dont nous avons rappelé les opinions, il a imaginé une organisation du monde angélique, harmonieusement coordonnée selon une échelle descendante, qui va des séraphins aux anges. La voici : tous les esprits célestes sont de même nature et ne diffèrent que par la place qu’ils occupent. Or cette place leur a été assignée à raison de l’ordre sacré dont ils sont revêtus, de la science qu’ils possèdent, de l’action qu’ils exercent. De csel. hier., iii, 1, P. G., t. iii, col. 164. Cela ressemble, observe Pachymère, à la hiérarchie ecclésiastique. Ibid., col. 173. Saint Maxime (580-662) affirme, dans son Commentaire, que le sentiment de l’Eglise était (de son temps) que tous les anges n’appartiennent qu’à une seule essence. De csel. hier., v, P. G., t. iv, col. 60.

Le but de la hiérarchie étant la ressemblance et l’union avec Dieu aussi étroites que possible, chaque ordre doit, selon sa capacité, réaliser l’imitation de Dieu, se faire le coopérateur de Dieu et prouver en soi-même l’efficacité de l’action divine. Quant à la pureté, à l’illumination et à la perfection reçue de Dieu, chaque ordre en profite d’abord personnellement, puis les communique à l’ordre inférieur, celui-ci au suivant, et ainsi de suite jusqu’au dernier. De csel. hier., iii, 2, P. G., t. iii, col. 165.

Sans expliquer la raison d’être de chacun des neuf ordres, le Pseudo-Denys, d’après l’enseignement qu’il prétend tenir de saint Paul, se contente d’une description. Il les divise en neuf chœurs, et ces neuf chœurs en trois hiérarchies superposées : la première plus rapprochée de Dieu, mieux inhérente et plus immédiatement unie à l’Être divin, se compose des séraphins, esprits brûlant de feu et d’amour, dont ils enllamment les autres ; des chérubins, remplis de la science divine, qu’ils reflètent et dont ils illuminent les autres ; et des trônes, dont le nom indique un état suréminent. De csel. hier., vu, 1, P. G., t. iii, col. 265. — La seconde, intermédiaire entre la précédente et la dernière, comprend les dominations, esprits libres de toute oppression qui, sans la moindre crainte servile, s’empressent auprès de Dieu, se tiennent incessamment à son service et dominent les autres esprits ; les vertus qui, douées d’une forte et invincible virilité qu’elles manifestent dans tous leurs actes déiformes, empêchent toute diminution de la lumière divinement infuse et prêtent aux inférieurs la force qui leur est nécessaire ; les puissances qui, incapables d’abuser tyranniquement de leur pouvoir et toujours invinciblement dirigées vers les choses de Dieu, prêtent aux autres leur bienveillant concours. — La troisième, plus éloignée de Dieu et plus rapprochée de l’homme, compte les principautés, les archanges et les anges, ceux-ci en relation immédiate avec les hommes.

Ces trois hiérarchies sont liées les unes aux autres par un point de contact entre le dernier ordre de l’une et le premier ordre de la suivante ; et, dans chacune, l’ordre du milieu sert d’intermédiaire au premier et au dernier, à la manière d’un anneau dans une chaîne. De csel. hier., IX, P. G., t. iii, col. 257. Ces ordres, par situation hiérarchique, outre leurs perfections propres, possèdent éminemment celles des ordres inférieurs ; et ceux-ci, sans pouvoir atteindre à la perfection des ordres supérieurs, s’appliquent cependant à l’imiter du mieux qu’ils le peuvent. Le premier ordre de la première hiérarchie est dans le voisinage immédiat de Dieu, et le dernier ordre de la dernière hiérarchie dans le voisinage immédiat de l’homme.

Saint Grégoire le Grand.

Saint Grégoire le Grand, pendant qu’il était apocrisiaire à Constantinople, a entendu parler de l’œuvre du Pseudo-Denys ; mais il ne l’a lue ni dans le texte, car il ne savait pas le grec, ni dans une version, car il n’en parle que par ouï-dire. In Evang., homil. xxxvi, 12, P. L., t. lxxvi, col. 1254. Il sait qu’il y a neuf chœurs d’anges, mais il les range dans un autre ordre. Esprit éminemment pratique beaucoup plus que métaphysicien, il ne les classe pas en trois hiérarchies, et, au lieu de scruter les propriétés ou les perfections intrinsèques de chacun des neuf chœurs, il s’attache de préférence à indiquer le ministère extérieur qu’ils remplissent de la part de Dieu, soit dans le monde angélique lui-même, soit auprès du genre humain. Les neuf drachmes de la parabole lui représentent les anges, divisés en neuf chœurs : anges, archanges, vertus, puissances, principautés, dominations, trônes, chérubins et séraphins ; les anges et les archanges, parce qu’il en est question à chaque page dans l’Écriture ; les chérubins et les séraphins, parce qu’ils sont nommés par les prophètes ; et les cinq autres, parce qu’ils se trouvent dans lesÉpitres de saint Paul aux Éphésiens et aux Colossiens. lu Etang., homil. xxxiv, 6, 7, P. L., t. lxxvi, col. 1249, 1250.

La différence des vocables provient, non de la nature des anges, mais de la différence de leurs fonctions. Voici ces fonctions : les anges annoncent les minima ; les archanges, les vere sumnia ; les vertus accomplissent les miracles ; les puissances tiennent en respect les esprits pervers et les empêchent de tenter l’homme au gré de leurs désirs ; les principautés président aux bons anges, disposent ce qu’ils ont à faire, dirigent les ministères divins qu’ils ont à remplir ; les dominations dominent d’une manière transcendante la puissance des principautés ; les trônes assistent aux jugements divins, servent de siège à Dieu, et sont les exécuteurs de ses décrets ; les chérubins contemplent de plus près la clarté de Dieu, possèdent la plénitude de la science ; et les séraphins, plus rapprochés encore de leur créateur, sont un foyer incomparablement ardent et incandescent d’amour. In Evang., homil. xxxiv, 9, 10, P. L., t. lxxvi col. 1251-1252. Toutes ces fonctions des anges, de la plus infime à la plus haute, sont pour l’homme un exemple qu’il doit s’appliquer à reproduire dans sa vie ; c’est la conclusion pratique que tire saint Grégoire le Grand de l’exposé qu’il vient de faire.

V. Séjour des anges.

Où sont les anges ? Quel est leur séjour ? Saint Ignace, dès le commencement du IIe siècle, fait allusion au lieu qu’habitent les anges, ta ; T07106îaia ; àyyzl’xàz. Trait., v, Pair, apost., édit. Funk, Tubingue, 1883, t. i, p. 206. L’auteur des Clémentines précise que, parmi les habitants des cieux, les anges occupent la partie inférieure. Ilom. Clem., viii, 12, P. G., t. ii, col. 232. C’est dire que le ciel est le séjour des esprits angéliques et qu’une place spéciale, la dernière, y est réservée aux anges du dernier ordre.

Or saint Hilaire parle de plusieurs cieux et dit que les anges sont dans le ciel premier et supérieur, désigné par le mot firmament, parce qu’il sert à soutenir les eaux supérieures. In Psal., cxxxv, 8, 9, P. L., t. IX, col. 773. Que ces eaux, supérieures au firmament, désignent les anges eux-mêmes, comme l’ont expliqué Origène, Grégoire de Nysse, Augustin, Confess., xiii, 15, 18, P. L., t. xxxii, col. 852, et Grégoire le Grand, In Ezeeh., homil. v, 4 ; x, 30, P. L., t. lxxvi, col. 883, 987 ; ou simplement les eaux, d’après saint Basile, saint Épiphane et saint Jérôme, peu importe. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’on croit à l’existence de plusieurs cieux. Combien ? Il serait téméraire d’en préciser le nombre, puisque l’Apôtre n’est monté qu’au troisième ; mais il est à croire, observe saint Hilaire, que chaque ordre angélique habite un ciel particulier. In l’sal., cxxxv, 10, P. L., t. IX, col. 774. Saint Ambroise affirme qu’il y en a au moins trois, Hexæm., H, 2, 5, 6, P. L., t. xiv, col. 146, 147 ; il pense qu’il y en a même sept. In Psal., XXXVIII, 17, P. /, ., t. xiv, col. 1048.

On imaginait, en effet, le firmament comme l’enveloppe du monde terrestre, le séparant du monde supérieur où l’on plaçait le séjour des anges. Ou croyait même qu’il y avait plusieurs cieux superposés : d’où l’idée que chacun pouvait bien servir de demeure à chacun des ordres angéliques, ce qui rendait le nombre des cieux proportionnel au nombre des ordres angéliques. Mais comme celui-ci était incertain, l’autre l’était également. Saint Jérôme parle de plusieurs cieux, In Isai., xi, 40, jP. L., t. xxiv, col. 409, et Philastre permet de croire sans crainte d’errer à l’existence de deux, de trois, de sept. Hser., xciv, P. L., t. xii, col. 1207. Saint Augustin, à propos du troisième ciel de l’Apôtre, dit que cela peut en laisser supposer un quatrième, ou même, selon d’autres, davantage, sept, huit, neuf ou dix, De Gen. ad lit., xii, 57, P. L., t. xxxiv, col. 478 ; mais il avoue qu’il est bien difficile d’en connaître la nature, le nombre, la différence des habitants et la manière dont s’y chante incessamment un seul et même hymne en l’honneur de Dieu. In Psal., xxxii, 6, P. L., t. xxxvi, col. 288. Saint Cyrille de Jérusalem dit : « Ce ciel que nous voyons est inférieur au second, celui-ci au troisième ; car c’est jusque-là que l’Écriture nous permet d’aller. Mais il en est d’autres. » Cal., vi, 3, P. G., t. xxxiii, col. 541. Aussi assigne-t-il un ciel particulier à chaque ordre angélique ; car il place les anges dans le premier ciel, les esprits plus élevés dans le second et le troisième ; puis il ajoute : « Montez, si vous le pouvez, jusqu’aux trônes, aux dominations, aux principautés, aux puissances, » donnant à entendre par là que chacun de ces quatre ordres occupait un ciel spécial, comme les précédents. Cat., xi, 11 ; xvi, 23, P. G., t. xxxiii, col. 704, 919.

Origène avait déjà remarqué qu’aucun passage de l’Écriture ne fait mention de sept cieux pas plus que d’un nombre déterminé. Cont. Cels., vi, 21, 23, P. G., t. XI, col. 1321-1328. Saint Chrysostome se demanda comment on pouvait affirmer la pluralité des cieux, car on ne l’avait pas apprise dans l’Écriture et ce ne pouvait être qu’une induction d’origine purement humaine ; quant à lui, il se prononça pour un ciel unique. In Gènes., homil. iv, P. G., t. lui, col. 42.

Mais d’une part, le dialogue, au jour de l’Ascension, , entre les anges du ciel et ceux qui accompagnaient Jésus-Christ, Grégoire de Nysse, In Ascens., P. G., t. xlvi, col. 693 ; Chrysostome, In Hebr., homil. VI, P. G., t. lxiii, col. 59 ; In Ascens., P. G., t. L, col. 443 ; et, d’autre part, le rôle assigné à certains anges dans le monde, sur la terre et auprès des hommes, obligèrent les Pères à admettre que le ciel ou les cieux n’étaient pas le séjour exclusif des anges.

VI. Ministère des anges.

Il était universellement admis que les esprits célestes forment la cour du Très-Haut, contemplent la beauté de Dieu, jouissent de la vision béatilique, chantent des cantiques, répètent le trisagion et sont au service de Dieu, toujours prêts à exécuter ses ordres. Mais quelle est la nature de ce ministère ? en quoi consiste-t-il ? jusqu’où s’étend-il ?

I. LES ANGES ONT-ILS PRIS PART A LA CRÉATION DU MONDE ET A LA RÉDEMPTION DU GENRE HUMAIN ?

La question avait son importance parce que, depuis Simon le Magicien, et à sa suite, sinon avec les mêmes arguments, du moins avec des arguments tout aussi spécieux, les gnostiques avaient complètement défiguré les dogmes chrétiens de la création, de l’incarnation et de la rédemption. La matière étant, à leurs yeux, chose essentiellement mauvaise, Dieu, essentiellement bon, n’a pu s’en occuper en personne, ni pour la créer, ni pour l’organiser ; c’a été l’œuvre des éons, du démiurge ; de même pour racheter l’élément divin (’garé dans la matière, Dieu ne pouvait. pas intervenir ; l’incarnation, au sens chrétien, répugne à la gnose, parce qu’elle implique le contact impossible de l’infini et du fini, du bien et du mal, de l’esprit et de la matière ; en conséquence, le Jésus de l’Évangile n’a été qu’un instrument et un masque, dont le vrai Sauveur, l’éon Christ, s’est servi en l’habitant passagèrement jusqu’au moment de la passion où il l’a quitté pour le laisser clouer à la croix.

Les premiers Pères eurent à réfuter ces extravagances ; parmi tant d’autres points sur lesquels ils durent faire porter l’effort de leurs réfutations, ils insistèrent sur la création, œuvre exclusivement divine, sur l’incarnation et la rédemption, que le Fils de Dieu, Dieu lui-même, est venu accomplir en prenant la réalité de la nature humaine et en versant son sang sur la croix. Ce fut l’objet des principaux travaux de saint Justin, Dial. avec Tryphon ; de saint Irénée, Cont. hær. ; de Clément d’Alexandrie, de Tertullien, Apolog. adv. Marc, etc. ; de saint llippolyte, etc. Saint Augustin refuse expressément aux anges aucun pouvoir de créer. De Gen. ad lit., IX, 15, 26, P. L., t. xxxix, col. 403 ; De civit. Dei, xii, 24, 25, P. L., t. xli, col. 373, 374.

II. ONT-ILS REMPLI D’AUTRES MINISTÈRES DANS LE monde sensible ?

Mais si les anges n’ont eu aucune part à ces grandes œuvres exclusivement divines, on admettait volontiers que c’est par eux que Dieu avait donné la loi et la révélation mosaïques au peuple juif. Act., vii, 53 ; Gal., iii, 19 ; Hebr., ii, 2. D’autre part, comment concilier ces deux textes : Millia millium ministrabant Ei et decies millies centena millia assistebant Ei, Dan. vii, 10, et Nonne omnes sunt administratorii spiritus, in ministerium missi propter eos qui hæreditatem capient salutis, Hebr., i, 14 ? Tous les anges sont-ils envoyés en mission par Dieu ou n’y en a-t-il que quelques-uns ? L’opinion généralement admise fut que tous les anges sont ou peuvent être envoyés en mission par Dieu ; car c’est là le propre de leur nature. Auteur des Questions aux orthodoxes, q. xxx, P. G., t. vi, col. 1277 ; Eusèbe de Césarée, Prsep. evang., vii, 16, P. G., t. xxi, col. 553 ; Dem. evang., iii, P. G., t. xxii, col. 193 ; Athanase, Cont. arian., orat. iii, 12, P. G., t. xxvi, col. 348 ; Grégoire de Nysse, Cont. Eunom., i, P. G., t. xlv, col. 368 ; Jérôme, In Isai., vi, 6, P. L., xxiv, col. 96. Saint Ambroise, De Spir.Sancto, i, 10, P. L., t. xvi, col. 731, et Cyrille d’Alexandrie, In lsai., , erat. iv, 6, P. G., t. lxx, col. 181, n’en exceptent même pas les séraphins. Saint Grégoire de Nazianze les appelle tous ministres de la volonté de Dieu pour vaquer aux fonctions qu’ils ont à remplir sur la terre, Xeiro’jpy&’i 0e : ov 6E>.T, [j.aTo ; , Orat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72 ; saint Chrysostome les appelle tous serviteurs de Dieu comme les prophètes, ô(jlôSou).oi. In Hebr., i, 1, P. G., t. lxiii, col. 14. D’après Théodoret, ils doivent remplir les divers ministères qui leur sont confiés, quand la volonté divine les envoie au secours du genre humain. Grsec. affect. cur., iii, P. G., t. lxxxiii, col. 892. Dignes, dit saint Basile, à raison de leur sainteté, de se tenir aussi près que possible du trône de Dieu, les anges doivent être disposés à nous faire part de leur ministère, comme cela est raconté du séraphin auprès d’Isaïe. In Isai., vi, 183, P. G., t. xxx, col. 423. Et Didyme, d’après la traduction de saint Jérôme, a écrit : Et pronuntians de omnibus invisibilibus creaturis ait. S.Paul, Hebr., i, 14, easdem esse administratores spiritus. Car elles ont cela de commun qu’elles peuvent être envoyées, niissarum conso) tes. De Spir. Sancto, P. G., t. xxxix, col. 1046 ;

Ici, le Pseudo-Denys heurte de front le sentiment général des Pères. Sans doute, à prendre le mot ange au sens étymologique d’envoyé, on peut l’appliquer indistinctement à tous les ordres. De cselhier., vi, 1, P. G., t. iii, col. 196. Mais, à proprement parler, on ne doit l’appliquer qu’aux archanges et aux’anges pour indiquer leur ministère ad extra. Cependant comme la connaissance des mystères divins que les anges et les archanges annoncent ne leur vient que d’une communication faie par les ordres supérieurs, cette communication ad intra, qui fait circuler d’un ordre à l’autre l’illumination qui part de Dieu, suffit pour permettre d’appeler anges les ordres supérieurs, d’autant plus qu’ils possèdent éminemment tout ce qui appartient aux ordres inférieurs, lbid., col. 304. Or comme la première hiérarchie est continuellement et pour toujours inhérente à Dieu, De csel. hier., vi, 2 ; et comme ces premières essences se trouvent placées dans le vestibule même de la divinité, ibid., vii, 2, il s’ensuit qu’elles ne sauraient être employées à un ministère extérieur. Cela parait contraire au texte de l’Épitre aux Hébreux ; mais le Pseudo-Denys le passe sous silence. Cela paraît également contraire à l’acte du séraphin qui purifie les lèvres des prophètes ; mais le Pseudo-Denys résout la difficulté, en disant : 1° que cet ange n’était pas réellement un séraphin, mais un ange de l’ordre inférieur appelé séraphin sequivoce, ù>y.ov>)iy., ibid., xiii, 2 ; 2° ou bien que c’était réellement un séraphin agissant, non personnellement, mais par l’intermédiaire d’un ange de l’ordre inférieur, auquel il en avait donné l’ordre, ibid., xiii, 3 ; de telle sorte, remarque Cordier, qu’il n’y a, au sentiment du Pseudo-Denys, de vraiment assistentes et sans mission extérieure, que les quatre premiers ordres. Ibid., col. 307.

Saint Grégoire le Grand n’a pas eu recours à un tel effort d’exégèse. Pour lui, qui minima nuntiant, angeli ; qui vero summa, archangeli… Hi administrant Deo qui ad nos nuntiando exeunt… ad explenda officia nuntiorum veniunt.ln Evang., homil. xxxiv, 8, 12, 18, P. L., t. lxxvi, col. 1250, 1254. Sed quia in quibusdam iScripturse locis quædam per Cherubim, quædam vero per Seraphim agi didicimus, utrum per se heec faciant an per subjecta agmina agantur… nos affirmare nolumus. Ibid., col. 1254-1255. Mais il tient pour certain que les deux ordres inférieurs reçoivent des missions ad extra, que les autres (alii alios mittunt) en reçoivent ad intra, et que ceux qui sont envoyés en mission extérieure n’en continuent pas moins à jouir de la vision béatifique. Ibid., et Mor., xvii, 18, P. L., t. Lxxvi, col. 20 ; Mor., Il, 3, P. L., t. lxxv, col. 556.

III. MISSIONS CONFIÉES AUX ANGES DANS LE MONDE.

Quelles sont donc les missions dont peuvent être chargés les anges en dehors du monde angélique ? — Les Pères placent sous la surveillance et la conduite des anges le monde de la matière inorganique et animée, les astres, la terre, les éléments, les phénomènes météorologiques, les plantes, les animaux, les nations, les peuples, l’homme.

Le monde en général.

D’après saint Justin, les anges sont chargés du soin de tout ce qui est sous le ciel, Apol., il, 5, P. G., t. vi, col. 432 ; d’après Athénagore, ils exercent leur pouvoir autour de la matière. Leg., 24, P. G., t. vi, col. 915. Hermas met un ange partout, dans le monde, Simil., viii, 3, P. G., t. il, col. 974 ; auprès de chaque créature, Vis., iii, 4 ; auprès des bêtes, Fis., IV, lbid., col. 902, 911. Il en donne un aux néophytes, Vis., m, 5, col. 903 ; à ceux que Dieu a confiés à son Fils. Simil., v, 6 ; à tout homme, car il déclare que chacun en a deux : l’ange de la justice et l’ange de l’iniquité. Mand., vi, col. 928. Origène prétend qu’il y en a qui président aux éléments, à l’air, au feu, etc., In Jer., homil. x, 6, P. G., t. xiii, col. 365 ; d’autres, à la naissance des animaux, à la croissance des plantes, etc. Cont. Cels., viii, 57, P. G., t. xi, col. 1604 ; In Num., homil. xiv, 2, P. G., t. xii, col. 680 ; In Jos., homil. xxiii, 3, P. G., t. xii, col. 937. Epiphanecite lesnuées, la pluie, la neige, la grêle, la glace, le chaud, le froid, les éclairs, le tonnerre, les saisons, etc., parmi les choses soumises à un ange. De mens, et pond., 22, P. G., t. xliii, col. 276. Chrysostome dit que les anges gardent l’univers, les nations, les créatures inanimées, le soleil, la lune, la mer, la terre. Dans Photius, P. G., t. civ, col. 264. D’après Augustin, le monde entier, De lib. arb., iii, 32, P. L., t. xxxii, col. 1287 ; toute vie sans raison, De Gen. ad lit-, viii, 45, P. L., t. xxxiv, col. 390 ; toute chose visible, De div. quæst., q. lxxix, P. L., t. xl, col. 90, sont soumis aux anges. — Il en est cependant qui semblent restreindre cette mission universelle des anges ; tels Basile, Cont. Eunom., I, P. G., t. xxix, col. 656, et Grégoire de Nazianze, Urat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72. Mais, seul, saint Jérôme s’insurge contre cette théorie empruntée au Pseudo-Énoch. Pour les animaux, dit-il, il suffit d’une dispensation générale qui règle l’ordre et le cours des choses… Il serait absurde d’amoindrir la majesté divine jusqu’à faire entrer sa providence dans le même détail de ce qui naît ou meurt de moucherons à chaque instant de la durée… On doit condamner comme extravagant ce livre apocryphe, où il est écrit qu’un ange est commis à la garde des reptiles. In Habac, i, 14, P. L., t. xxv, col. 1286.

Les nations.

Étant donné, d’après les Septante, que, lorsque Dieu divisa les nations et sépara les fils d’Adam, il fixa le nombre des peuples d’après celui des anges, Deut., xxxii, 8, et d’après Daniel, x, 13, que Michel lutta contre le prince du royaume des Perses, on en conclut qu’un ange présidait à la destinée des nations. Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 17, P. G., t. ix, col. 389 ; Origène, In Gen., ix, 3, P. G., t. xii, col. 213 ; Basile, In Isai., x, 240, P. G., t. xxx, col. 540 ; Adv. Eumom., iii, 1, P. G., t. xxix, col. 656 ; Grégoire de Nazianze, Poem. dogm., vii, 13-26, P. G., t. xxxvii, col. 410 ; Cyril ! .’d’Alexandrie, Cont. Jul., iv, P. G., t. lxxvi, col. 680 ; Théodoret, In Dan., x, 13, P. G., t. lxxxi, col. 1496 ; Augustin, In Psal., lxxxviii, 3, P.L., X. xxxvii, col. 1121.

Eusèbe de Césarée, Dem. evang., iv, 10, P. G., t. xxii, col. 272, 277, croit que les anges des nations, voyanl qu’elles ne pouvaient s’élever au culte de l’invisible, leur auraient persuadé de prendre pour objet de leur culte des choses visibles, telles que le soleil, la lune et les étoiles, seul moyen de leur donner une certaine connaissance du créateur. Cette opinion bizarre dépend, vraisemblablement, d’un passage mal compris de Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 14, P. G., t. ix, col. 333, auquel fait allusion Origène, InJoan., ii, 3, P. G., t. xiv, col. 112, 113, et d’après lequel le culte des astres empêcherait les hommes de tomber dans l’athéisme complet et les mettrait, en tout cas, au-dessus des vulgaires idolâtres. Quoi qu’il en soit, elle est implicitement condamnée par le Pseudo-Denys qui, avec l’ensemble des Pères, dit que les anges n’ont été placés à la tête des nations que dans le but de les amènera la connaissance et au culte du vrai Dieu. De cœl. hier., ix, 2, P. G., t. iii, col. 2C0.

Selon Origène, ce n’est qu’au moment de la dispersion que Dieu donna un ange au peuple et se réserva Israël. In Gènes., homil. ix, 3 ; xvi, 2, P. G., t. xii, col. 213, 248. Cet ange devait guider la nation, recueillir dans son sein comme prémices les hommes les meilleurs par leurs mérites et leurs vertus, pour les présenter à Dieu au jour du jugement, In Num., homil. xi, 4, P. G., t. xii, col. 64-9 ; mais pliant sous le fardeau, et inférieur à sa tâche, il aurait été relevé de sa fonction par le Christ. In Luc, homil. xii, P. G., t. XIII, col. 1829.

Il est aussi question de l’ange des cités dans Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 17, P. G., t. ix, col. 389 ; Grégoire de Nysse, In Cant. cant., homil. xii, P. G., t. xliv, col. 1033 ; Grégoire de Nazianze, Poem. dogm., vu, 25, P. G., t. xxxvii, col. 410. Origène parle également de l’ange des Églises. « Je ne doute pas, dit-il, que des anges assistent à notre réunion, non seulement en général à toute l’Église, mais encore à chacune en particulier… D’après la raison et selon l’Écriture, ils se réjouissent et prient avec nous. Et parce qu’ils sont présents dans l’Église, dans celle-là seule qui le mérite et est du Christ, il a été prescrit aux femmes qui prient d’avoir la tête voilée. » In Luc, homil. xxiii, P. G., t mii, roi. 1863. Voir aussi In Luc, homil. xiii, P. G., t. xui, col. 1831, et In Kum., homil. xx, 3, P. G., t. xii, col. 733. Basile, In Isai., i, 46, P. G., t. xxx, col. 208 ; Episl., ccxxxviii, P. G., t. xxxii, col. 889 ; Grégoire de Nazianze, Orat., xlii, 9, P. G., t. xxxvi, col. 469 et 492 ; Cyrille d’Alexandrie, In Joan., vi, P. G., t. lxxiii, col. 1021 ; Hilaire, In Psal, cxxix, 7, P. L., t. ix, col. 722 ; Ambroise, In Psal., cxviii, serm. i, 9, P. L., t. xv, col. 1203 ; Jérôme, In Matth., xviii, 10, P. L., t. xxvi, col. 130. Enfin Tertullien parle de l’ange du baptême, De bapt., , P. L., t. i, col. 206, et de l’ange de la prière. De orat., xvi, P. L., t. I, col. 1174.

VII. L’ange gardien.

Chaque homme a-t-il un ange gardien ? Oui, pensaient la plupart des païens. Or, à entendre les Pères nous parler très souvent d’un tel ange, de son intervention dans la vie humaine, de sa protection et de son aide, de son rôle d’intermédiaire entre l’homme et Dieu, offrant à Dieu les prières de l’homme et portant à l’homme les bienfaits de Dieu ; à lire les titres qu’ils lui donnent de gardien, de compagnon, de pédagogue, de précepteur, de pasteur et d’évêque, il semble que le doute ne soit pas possible : les Pères ont admis l’existence d’un ange gardien pour chaque créature humaine. Nous avons déjà vu les témoignages de saint Justin et d’Hermas ; nous pouvons y ajouter celui de Clément d’Alexandrie ; c’est une croyance qu’il partage, puisqu’il cite en sa faveur des passages d’Orphée et de Ménandre, Strom., v, 14, P. G., t. ix, col. 133, 189, 192, bien que plus bas il la formule d’une manière dubitative. Strom., vi, 17, P. G., t. ix, col. 389. Origène est très affirmatif. « Les anges des petits, qui ont donné leur nom à l’Église, voient la face du Père, dit-il, tandis que les anges de ceux qui ne sont pas de l’Église n’osent lever leur regard vers Dieu. » In Luc, homil. xxxv, P. G., t. xiii, col. 1890.

Origène, étudiant le rôle des anges auprès de l’homme, croit d’abord que c’est aux anges qu’est dévolu le soin d’introduire l’âme dans le corps, en tant que ministres de Dieu, mais sans prétendre trancher une question d’un examen si délicat et si difficile, In Joan., xiii, 49, P. G., t. xiv, col. 490 ; il croit ensuite qu’un ange préside probablement à la sortie de l’âme du corps qu’elle animait, In Joan., xix, 4, P. G., t. xiv, col. 554 (Philastrius aussi, Hær., cxxiv, P. L., t. xii, col. 1249) ; et sûi’ement à son introduction da ns la gloire, In Num., homil. v, 3, P. G., t. xii, col. 606, Lazare ayant été conduit par les anges dans le sein d’Abraham, In Levit., homil. ix, 4, P. G., t. xii, col. 512 ; il croit enfin, ce qui n’est que l’application de sa fausse théorie sur l’état actuel des anges, qu’au jugement dernier les anges gardiens comparaîtront avec leurs protégés pour qu’il conste à qui incombe la responsabilité des fautes humaines, In Num., homil. xi, 4, P. G., t. xii, col. 647, et qu’ils seront récompensés de notre persévérance ou châtiés de nos défaillances. In Num., homil. xx, 14, P. G., t. xii, col. 735.

Mais il y a encore pour l’homme la naissance et la vie. Or Origène se pose la question de savoir si l’homme a un ange gardien dès sa naissance ou dès son baptême. Il cite des textes scripturaires en faveur des deux opinions. Mais il en signale une troisième, qui est la sienne, car elle découle de ses principes, d’après laquelle l’ange, commis à la garde de l’homme dès sa naissance, a pu être un ange mauvais, qui s’est ensuite transformé dès le baptême de son protégé, et est ainsi devenu l’un de ceux qui voient toujours la face du Père céleste ; de sorte que la prédestination de l’homme à la foi, son baptême, sa sainteté, semblent être la cause au moins occasionnelle de la transformation et même du salut de l’ange gardien. In Matth, , xiii, 27 et 28, P. G., t. xiii, col. 1165 sq. De plus, après avoir affirmé que tout homme, sans distinction, a un ange gardien, il semble ne plus accorder ce privilège qu’aux seids baptisés : Adest unicuique nostrum etiam minimis qui sunt in Ecclesia Dei, angélus bonus, angélus Domini, qui regat, qui moncat, qui gubernet, qui pro actibus nostris corrigendis et rniseralionibus exposcendis, quotidie videat fac’tem Patris, quiincœlis est, In Num., homil. xx, 3, P. G., t. xii, col. 733, ou seulement aux convertis, Cont. Cels., v, 57, P. G., t. Xi, col. 1272 ; aux fidèles De princ, 1. II, c. x, 7, P. G., t. xi, col. 210 ; aux chrétiens qui se conduisent bien, c’est-à-dire aux justes, aux saints, qui doivent être sauvés, In Ezech., i, 7, P. G., t. xiii, col. 674 ; In Num., homil. v, 3, P. G., t. xii, col. 606 ; d’où cette conclusion que les non-baptisés, les infidèles et les chrétiens pécheurs n’ont pas d’ange gardien. Enfin il admet que le monde et l’homme ont en même temps un démon et un ange. De princ, 1. III, c. ii, 4, P. G., t. xi, col. 309-310 ; 7n/os., homil.xxin, 3, P. G., t.xii, col. 937 ; InLuc, homil. xii, xxxv, P. G., t. xiii, col. 1829 ; Inepist. Boni., i, 18, P. G., t. xiv, col. 866.

Sur la plupart de ces points, qui n’avaient pas été tranchés par l’autorité ecclésiastique et ne se trouvaient pas dans la règle de foi, Origène s’est trompé. Il a subi l’influence des idées platoniciennes, du Pseudo-Énoch, du Pseudo-Barnabe, d’Hermas ; mais il n’a engagé que sa responsabilité personnelle ; ces problèmes se présentant à son esprit, il les a résolus comme il a pu, en prenant soin de déclarer qu’il ne prétendait pas à l’infaillibilité et qu’il ne donnait pas le fruit de sa pensée comme un dogme défini. Mais ses téméraires spéculations, sans s’imposer dans leur ensemble, furent loin de passer inaperçues.

Les Pères, en général, se bornent à indiquer le rôle de l’ange gardien. Pour Eusèbe de Césarée, l’ange gardien est un tuteur et un curateur, Dem. evang., iv, 6, P. G., t. xxii, col. 268 ; pour Hilaire, un intermédiaire qui préside aux prières des fidèles et les offre à Dieu par le Christ Sauveur, In Malth., xxiii, 5, P. L., t. ix, col. 1020 ; pour Basile, un aide pacifique, un compagnon de route, Epist., xi, P. G., t. xxxii, col. 273 ; pour Grégoire de Nazianze, un guide, qu’il demande au Christ, pour être à l’abri des dangers du jour et de la nuit, pouvoir rentrer sain et sauf et obtenir une fin heureuse, Poem. dogm., xxxvi, 20-25, et Poem. de seipso, iii, 5-8, P. G., t. xxxvii, col. 519, 1020 ; pour Grégoire de Nysse, un bouclier semblable à celui qui entoure et protège la tour, In Cant. cant., homil. vii, P. G., t. xliv, col. 933 ; pour Siméon Métaphraste, un mur d’enceinte opposé de tous côtés aux assauts de l’ennemi, Serm., vii, 2, P. G., t. xxxii, col. 1198 ; pour l’auteur des Dialogues attribués à saint Césaire, un médecin qui cautérise les plaies, un agriculteur qui arrache les mauvaises herbes, un vigneron qui prend soin de la vigne, Dial, i, q. xliv, P. G., t. xxxviii, col. 913 ; pour Cyrille d’Alexandrie, un précepteur qui nous enseigne le culte et l’adoration que nous devons à Dieu. Cont. Julian., iv, P. G., t. lxxvi, col. 689. En un mot, c’est l’ange gardien, tel que nous le connaissons, toujours prêt à nous défendre, à nous protéger, à nous condrire, à nous conseiller, etc.

Mais, à la suite d’Origène, saint Basile, In Psal., xxxiii, 5 ; xlviii, 9, P. G., t. xxix, col. 363, 453 ; Cont. Eunom., ni, 1, P. G., t. xxix, col. 656 ; saint Cyrille d’Alexandrie, De adorât, in Spir., iv, P. G., t. lxviii, col. 314, 326 ; In Gènes., iv, 4, P. G., t. lxix, col. 190 ; In Isai., l, orat., iv, P. G., t. lxx, col. 181, et Siméon Métaphraste, Serm., su, 2, P. G., t. xxxii, col. 1198, limitent la faveur de l’ange gardien aux fidèles, exclusivement. Cette resiriction ne se trouve ni dans Tertullien, De anima, 37, P. L., t. il, col. 713 ; ni dans l’auteur des Questions aux orthodoxes, q. xxx, P. G., t. vi, col. 1277, ni dans Grégoire de Nysse, Vita Moysis, P. G., t. xliv, col. 337, ni dans Théodoret, InGenes., c. iii, P. G., t. lxxx, col. 81. Saint Chrysostome semble lui être favorable, In Malth., homil. lix, 4, P. G., t. lviii, col. 579 ; InCol., homil. iii, 3, P. G., t. lxii, col. 322 ; mais sa pensée est que tout homme a un ange gardien ; elle ressort du langage qu’il tient. De laud. S. Pauli, homil. vii, P. G., t. L, col. 509 ; In Act. Apost., homil. xxvi, P. G., t. lx, col. 201 ; In Hebr., homil. xiv, P. G., t. lxiii, col. 116.

Parmi les Pères latins, saint Augustin enseigne que les anges ont une action sur la vie sensitive, sur toute volonté, De Gen. ad litt., viii, 23, 44, P. L., t. xxxiv, col. 390 ; sur les puissances aériennes, In Psal., oui, serm. iv, 9, P. L., t. xxxvii, col. 1385 ; sur les peuples étrangers à Israël, In Psal., lxxxviii, serm. i, 3, P. L. t. xxxvii, col. 1121 ; qu’ils agissent comme intermédiaires et ministres de Dieu, De civ. Dei, vii, 30, P. L., t. xli, col. 220 ; mais quant à dire quel est leur mode d’action, il avoue l’ignorer. De Gen. ad Ut., ix, 16, 29, P. L., t. xxxiv, col. 405. On a prétendu, qu’à cause de sa théorie sur la grâce, grâce portant au bien par un attrait irrésistible, saint Augustin n’avait admis de la part des anges auprès des hommes que des messages passagers, transitoires, n’indiquant aucune relation privée et permanente ; et on a signalé certains passages de ses œuvres qui semblent, en elfet, permettre de le conclure : De civ. Dei, vii, 30, P. L., t. xli, col. 220, et In Psal., lxii, 6, P. L., t. xxxvi, col. 751. Cependant, bien que nulle part ne se trouve l’affirmation catégorique que tout homme a un ange gardien, il est difficile de nier qu’elle ne se dégage de l’ensemble de sa doctrine. Il nous apprend, en effet, que du sein du bonheur ils veillent sans cesse sur nous pendant notre terrestre pèlerinage, In Psal., lxii, 6 ; qu’ils offrent nos prières à Dieu, In Psal., lxxviii, 1, P. L., t. xxxvi, col. 1009 ; qu’ils nous sont envoyés, De civ. Dei, ix, 23, 3, P. L., t. xli, col. 276 ; qu’ils nous aident, De div. qusest., q. lxvii, P. L., t. xl, col. 69 ; que le précepte concernant l’amour du prochain regarde aussi ces esprits a quibus tarda nobis misericordise impendunhir officia, De doct. christ., i, 30, 33, P. L., t. xxxiv, col. 31 ; enfin qu’ils sont chargés de restituer notre àme à Dieu. Collât, cum Max., 9, P. L., t. xlii, col. 727. Un tel langage ne permet pas de ranger Augustin parmi ceux qui refusent à l’homme un ange à titre personnel et permanent.

Quoi qu’il en soit, saint Jérôme a parlé clairement quand il a dit : Magna dignitas animarum ut unaquseque habeatab ortu nalivitalis in custodiam sui angelum delegatum ! In Malth., xviii, 10, P. G., t. xxvi, col. 130. Et Cassien, qui a été son disciple et le disciple de saint Chrysostome, n’est pas moins formel. Coll., viii, 17 ; xiii, 12, P. L., t. xlix, col. 750, 929. Il n’avait pas à sauver la doctrine des anges gardiens : il n’a été qu’un écho de l’enseignement de ses maîtres et de la croyance de son temps.

Signalons, avant de terminer, l’opinion de saint Basile, d’après laquelle l’ange gardien fuit le pécheur comme l’abeille fuit la fumée, In Psal., xxui, 5, P. G., t. xxix, col. 363 ; opinion qui fut aussi celle de saint Jérôme, In Jerem., xxx, 12, P. L., t. xxiv, col. 869, et de Siméon Métaphraste. Serm., vii, 2, P. G., t. xxxii, col. 1197. Signalons également celle de saint Ambroise d’après laquelle Dieu nous prive quelquefois de notre ange sardien pour nous laisser combattre seuls, In Psal., xxxvii, 43 ; xxxvin, 32, P. L., t. xiv, col. 1031, 1054 ; et enfin celle d’Hermas, qui donne à chaque homme un ange bon, ou de justice, et un ange mauvais, ou d’iniquité, Mand., vi, 2, 1, P. G., t. ii, col. 928, opinion que nous retrouvons dans saint Grégoire de Nysse, De vita Moysis, P. G., t. xliv, col. 337, 340, et dans Cassien, Coll., viii, 17, P. L., t. xlix, col. 750.

Nous avons déjà vu que le Pseudo-Denys met la troisième hiérarchie, et plus spécialement le dernier ordre, celui des anges, en relation avec le monde : il l’appelle, en effet, iuptxô<T[Aioi ; , et dit que les anges sont à la tête de chaque nation, xaô’é’xokttov s’ôo ; , Decsel. hier., ix, 2, 3, 4, P. G., t. iii, col. 260, 261, en relation avec les hiérarchies humaines, tocï ; àvOptoTOc’au ; kpap/t’acç. Ibid. La loi a été donnée par les anges ; quant à nos pères, ceux d’avant la loi et ceux d’après, les anges les conduisaient à Dieu, soit en leur exposant ce qu’ils avaient à faire, en les retirant de l’erreur et de la vie profane pour les remettre dans la voie droite de la vérité, soit en leur manifestant les ordres sacrés, les visions voilées des mystères suprasensibles ou quelques-unes des divines prédictions, ou encore le mystère divin de l’humanité de Jésus. De cœl. hier., iv, % 4, P. G., t. iii, col. 180, 181. Mais y a-t-il un ange particulièrement chargé de remplir auprès de chaque homme le rôle que le dernier ordre de la hiérarchie céleste remplit auprès des peuples en général ? Le Pseudo-Denys n’en parle pas, bien qu’il signale telle ou telle mission spéciale.

Comme le Pseudo-Denys, saint Grégoire le Grand parle de la mission des anges, de leur rôle auprès des hommes en général, mais il est muet sur la question de l’ange gardien. Quel que soit le motif de ce silence, il ne saurait infirmer l’enseignement de l’Évangile et de la tradition.

VIII. Culte des anges.

On lit dans la Bévue d’histoire et de littérature chrétiennes, t. iii, p. 550 (1898), article Angélologie, par M. J. Turmel, cette phrase : « Pendant les cinq premiers siècles, les docteurs réprouvèrent tout culte des anges. » Est-ce exact ? Nous ne le pensons pas, et voici pourquoi.

Saint Paul avait mis les Colossiens en garde contre la religion des anges. Col., ii, 18. Il condamnait avec raison les tendances d’origine juive ou païenne qui portaient les esprits vers un culte exagéré, superstitieux, idolâtrique, des anges. Après lui, les Pères durent s’appliquer à conjurer les dangers de la gnose, qui, en introduisant dans sa théogonie des séries d’éons, leur attribuaient des rôles fantastiques, capables de mettre en péril la foi des simples ; ils eurent aussi à prémunir les gentils convertis contre l’éventualité possible d’un retour au faux culte des génies. Aussi, toutes les fois qu’ils traitent du culte, ont-ils soin de spécifier que les anges sont exclus de celui qui n’est dû qu’à Dieu. Mais leur réserve prudente, sur la manière dont on peut honorer les esprits célestes, ne permet pas d’affirmer qu’ils réprouvèrent tout culte des anges.

En effet, saint Justin, pour prouver que les chrétiens ne sont pas des athées, signale le culte qu’ils rendent au Père, au Eils, à l’armée des anges, et à l’esprit prophétique. / Apol., vi, P. G., t. vi, col. 336. Athénagore, après lui et comme lui, repousse la même accusation d’athéisme. Légat., x, P. G., t. vi, col. 909. Eusèbe de Césarée constate le culte des anges. U existe, écrit-il, au service de Dieu des serviteurs puissants, des vertus qui sont des ministres, et, bien que nous leur rendions un culte convenable, xoaà Ttpo<jr)xov TiuûvTeç, c’est Dieu seul que nous adorons. Prsep. evang., vii, 15, P. G., t. xxii, col. 553. Parmi les esprits célestes, plusieurs, grâce à une salutaire dispensation, sont envoyés par Dieu auprès des hommes : nous avons appris à les connaître et à les vénérer, à raison de leur dignité et selon leur grade, tout en réservant à Dieu seul l’hommage de notre adoration, hem. evang., iii, 3, P. G., t. xxii, col. 193. Saint Ambroise dit formellement qu’il faut prier les anges. Obsecrandi sunt angeli pro nobis, qui nobis ad præsidium dali sunt. De vidui, , ix, 15, P. L., t. xvi, col. 251. « Saint Irénée, dit M. J. Turmel, est fier de pouvoir dire aux gnosliques que l’Eglise n’invoque pas les anges. » Loc. cit., p. 550. Voici le texte de saint Irénée, tel que nous le possédons dans la version latine : JVec invocationibus angelicis aliquid facit Ecclesia, nec incantationibus, necreliquapravacuriositate…Cont. hær., l. III, xxxii, 5, P. G., t. vii, col. 830. De quels anges est-il question ? Des anges au sens gnostique ou au sens chrétien ? Dans le premier cas, Irénée a raison : l’Eglise n’invoque pas les éons. Dans le second, il importe de savoir, par le contexte, à quel propos il tient ce langage. Les gnostiques, par leurs prestiges, en imposaient aux simples.

Irénée leur oppose les miracles chrétiens. Or ceux-ci, remarque avec insistance Irénée, ne sont opérés qu’au nom de Jésus-Christ. II s’agit donc de l’intervention du nom de Jésus-Christ dans l’accomplissement des miracles. En pareil cas, l’Église n’a pas recours à des invocations angéliques : c’est tout ce que dit Irénée. Grabe, dépassant le sens du contexte, a eu tort de prétendre que, d’après ce passage, les invocations des anges n’étaient pas usitées dans l’Église. Il aurait dû ne pas recourir à une interprétation que rien n’autorise, s’en tenir au sens obvie, se contenter de dire que l’Église n’invoque pas les anges pour l’accomplissement des miracles et qu’elle n’a pas recours, comme les gnostiques, à des incantations ou à tout autre moyen condamnable ; car c’est la pensée de saint Irénée : Sed munde, et pure, et manifeste oraliones dirigens (Ecclesia) ad Dominum, qui omnia fecit, et nomen Domini nostn Jesu Christi invocans, virtutes ad vtilitates hominum, sed non ad seduclionem, perjicit. Ibid.

Origène, que M. Turmel ne cite pas, a le droit d’être entendu. En réponse à certaines objections de Celse, il affirme d’abord l’existence des anges ; puis, parlant de leur rôle, il ajoute : s’ils montent au ciel, c’est pour y porter nos prières ; s’ils en descendent, c’est pour nous en rapporter les dons que Dieu nous envoie selon nos mérites. Et bien qu’ils soient parfois appelés dieux dans l’Écriture, il n’existe cependant nulle part un commandement qui nous oblige à leur offrir le culte dû à Dieu. Cont. Cels., v, 5, P. G., t. xi, col. 1185. Il n’est pas raisonnable de les invoquer, àyyéXouç yàp /aXéuat… oùx e-j’Xot-ov. Car nous ne devons offrir nos prières qu’à celui qui suffit à tout, à Dieu, par notre Sauveur, le Fils de Dieu. Ibid. Remarquez qu’il ne s’agit ici que de l’intermédiaire officiel et autorisé entre Dieu et l’homme, et que cet intermédiaire n’est autre que Jésus-Christ. Ainsi précisée, la question ne saurait avoir d’autre solution que celle que lui a donnée Origène. Mais ce culte dû à Dieu, et qui doit passer par Jésus-Christ, exclut-il tout autre culte, d’ordre inférieur, vis-à-vis des anges ? Nullement ; car Origène constate que même les anges offrent nos prières à Dieu. Le culte des anges qu’il interdit, celui qu’il réserve à Dieu seul, est celui de la Ôpedxet’a, Cont. Cels., viii, 13, P. G., t. xi, col. 1533-1536, celui de la npoax’jvvjiTc ; , de la Xarpeta. Cont. Cels., viii, 57, col. 1601. Le culte qu’il reconnaît, c’est celui de la ŒpaTTEia, et encore faut-il bien l’entendre. Ces anges, préposés qu’ils sont aux fruits de la teire, à la génération des animaux, nous les louons, nous les proclamons bienheureux, vl>yr l Lovu.zv xa u-axapî^op-ev ; car Dieu leur a confié ce qui est utile à notre espèce ; mais nous leur refusons le culte qui n’est dû qu’à Dieu. Ibid., col. 1603. Origène admet donc un certain culte des anges : ce n’est pas, ce ne peut pas être celui qui est réservé à Dieu ; mais c’est un culte de louange, de gratitude, légitimé par leur sainteté, par le rôle qu’ils remplissent auprès de Dieu en notre faveur, les services qu’ils nous rendent, les bienfaits qu’ils nous apportent. Et c’est pourquoi Origène lui-même a soin d’invoquer l’ange du baptême. In Ezech., homil. i, 7, P. G., t. xiii, col. 675. « Au ive siècle, ajoute M. Turmel, un concile de Laodicée condamne solennellement les pratiques de dévotion en l’honneur des anges. » Loc. cit., p. 550, et, en note, le canon 35. Malheureusement la citation de ce canon est écourtée. A Laodicée (entre 343 et 381), dans cette partie de la Phrygie, où les esprits étaient encore si enclins à un faux scepticisme et couraient risque, en exagérant l’hommage rendu aux anges, de glisser dans l’idolâtrie et de perdre de vue le Christ, le canon 35 condamne, en effet, sous peine d’anathème, le chrétien qui abandonne l’Eglise, s’en détourne pour invoquer les anges et tenir des réunions. Mais le motif ? Il est assez caractéristique pour ne pas l’omettre. C’est parce que, en agissant de la sorte, le chrétien se rend coupable d’une idolâtrie dissimulée, oublie Notre-Seigncur Jésus-Christ, Fils de Dieu, et passe à l’idolâtrie. "On bptaxsi-im tôv K’jptov ^[Lùiv’IrjTO’jv XpiTtôv, tôv utôv toû 8eoû, xaù eîSjoXoXaTpia 7tpo<ir|>, 8ev. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1017-1018.

D’après M. Turmel, « Théodoret ne cache pas l’antipathie qu’il éprouve pour ces pratiques, et saint Augustin qui, pourtant, considère les anges comme confirmés en grâce, repousse avec horreur la pensée de leur élever des temples. » Qu’en est-il et de cette antipathie et de cette horreur ? Théodoret fait allusion au canon de Laodicée ; il avoue que, de son temps, on trouvait encore dans plusieurs endroits de la Phrygie et de la Pisidie des églises dédiées à saint Michel. In Col., ii, 18, P. G., t. lxxxii, col. 613. Mais plus bas, dans le même commentaire, In Col., iii, 17, col. 620, sur ce conseil de l’apôtre : « Tout ce que vous faites en paroles ou en actes, faites-le au nom de Notre-Seigneur, » Théodoret remarque que Paul a parlé ainsi parce que les juifs pratiquaient l’adoration des anges. Or c’est par le Christ et non par les anges, qu’il faut offrir à Dieu le Père l’action de grâces, et c’est parce que le culte des anges était idolâtrique et voilait le Christ que le synode, pour remédier à une maladie aussi invétérée dans ces cantons de la Phrygie, a défendu d’adorer les anges et d’abandonner Notre-Seigneur Jésus-Christ. Théodoret en est donc au même point que le synode de Laodicée. Ailleurs, à une attaque contre l’idolâtrie, surtout contre celle qui consiste à rendre un culte aux démons, il suppose cette objection : « Mais vous en rendez bien un à ceux que vous appelez anges, archanges, etc. » Que répond-il ? Nie-t-il le fait d’un culte rendu aux anges ? C’était le cas ; mais non : il se contente de constater qu’on ne leur rend pas un culte divin, qu’on ne partage pas entre eux et Dieu l’adoration divine, ôsîav npoTx-jvrjtfiv, c’est-â-dire qu’on ne traite pas les anges comme les païens traitent les démons, d’une manière idolâtrique. Grsec. affect. cur., iii, P. G., t. lxxxiii, col. 889.

Reste saint Augustin. Celui-ci repousse l’idée d’élever des temples aux anges : rien de plus vrai. Coll. cum Maxim., 14, P. L., t. xlii, col. 722. Mais il est bon d’en savoir le motif : Quoniam creaturse exhiberemus eam servitutem quæ uni tantum debetur Deo. C’est un motif d’ordre théologique, qui se comprend du reste. Le culte dû à Dieu c’est, remarque-t-il, le culte exprimé par le mot grec Xarpeia, par le mot latin servitus ; il comprend surtout l’oblation du sacrifice. Celui-ci est réservé, c’est clair ; mais encore une fois, exclut-il tout autre culte envers les anges ? Non. Car saint Augustin admet envers eux un culte d’honneur et d’amour. Honoramus eos (les anges) charitate, non servitute. De ver. relig., 110, P. L., t. xxxiv, col. 170. Et si Dieu défend de leur offrir des sacrifices, cela n’empêche pas qu’ils aient notre vénération et notre amour. De civ. Dei, xix, 23, 4, P. L., t. xli, col. 65’t. Du reste, voici ce que répond saint Augustin à Faustus, qui accusait les chrétiens d’idolâtrie, sous prétexte qu’ils honoraient la mémoire des martyrs : « Oui, nous honorons la mémoire des martyrs pour nous associer à leurs mérites et nous faire aider de leurs prières… Nous les honorons d’un culte de dilection et de fraternité… Quant au culte, que les Grecs appellent Àa-peia et les Latins servitus, culte exclusivement réservé à Dieu, nous le leur refusons. » L’oblation du sacrifice appartient à ce culte de latrie. Et ici, associant les anges aux martyrs, comme il aurait pu le faire dès le début au sujet du culte d’honneur, il ajoute : Nullo modo taie aliquid offerimus, aut offerendum prsecipimus, vel cuiquam martyri, vel cuiquam angelo. Cont. Faitsl., xx, 21, P. L., t. xlii, col. 384, 385.

Ainsi donc nous trouvons dans les Pères une défense formelle concernant le culte des anges, c’est la défense de leur rendre le culte qui n’est dû qu’à Dieu, le culte de latrie. Mais nulle part nous ne trouvons la condamnation générale et absolue de tout culte rendu aux anges. Au contraire, les Pères, en parlant du rôle des anges en notre faveur, de l’excellence de leur nature, posent les principes qui légitiment le culte envers les anges ; c’est ce que nous appelons aujourd’hui culte de dulie. Qu’importe qu’ils ne l’aient pas appelé ainsi ; il suffit de constater qu’ils l’ont implicitement reconnu, quand ils n’en ont pas formellement parlé. Loin de le blâmer, et surtout de l’interdire, ils l’ont même pratiqué, ainsi que nous l’avons vu pour Origène et saint Ambroise. Qu’après cela la piété populaire, par besoin d’intercesseurs, ait été parfois expansive jusqu’à l’indiscrétion, il appartenait aux Pères de l’empêcher de s’égarer dans des pratiques idolâtriques, .de l’éclairer et de maintenir dans son intégrité intangible, sans confusion possible, le culte de latrie dû à Dieu seul ; et c’est ce qu’ils ont fait. Au terme de cette enquête sur la pensée des Pères, pendant les cinq premiers siècles, concernant l’angélologie, il est facile de se rendre compte sur quels problèmes s’est plus particulièrement portée leur attention, de quelle manière ils ont essayé de les résoudre, quels sont les résultats acquis. La nature angélique, le rôle, la hiérarchie, le culte des anges, ont été étudiés ; mais tout n’a pas été définitivement tranché. On devra revenir sur tous ces problèmes pour approfondir davantage les uns, pour mieux préciser les autres ; de plus on en abordera de nouveaux, on discutera librement, on tentera de lier le tout dans un ensemble organisé : ce sera la tâche de la théologie au moyen âge, sous le contrôle et en attendant, s’il y a lieu, les décisions de l’Église.

Petau, De angelis, dans Migne, Cursus complétas theologise, t. vii, p. 601 sq. ; D. Calmet, Dissertation sur les bons et les mauvais anges, avant le commentaire sur saint Luc ; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2e édit., 1886, article Engel ; Oswald, Angelologie, 2e édit., Paderborn, 1889 ; J. Turmel, Histoire de l’angélologie, dans tievue d’histoire et de littérature religieuses, t. iii, 1898 ; t. iv, 1899 ; G. Bareille, Le culte des anges à l’époque des Pères de l’Église, dans la Revue thomiste, mars 1900.

G. Bareille.