Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre S

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Henri Plon (p. 586-645).
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Sabaoth. Les archontiques, secte du deuxième siècle, faisaient de Sabaoth un ange douteux qui était pour quelque chose dans les affaires de ce monde. Les mêmes disaient que la femme était l’ouvrage de Satan, galanterie digne des hérétiques.

Sabasius, chef du sabbat, selon certains démonographes. C’était autrefois l’un des surnoms de Bacchus, grand maître des sorciers dans l’antiquité païenne. C’est un gnome chez les caba-listes.

Sabathan, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Sabba, devineresse mise au nombre des sibylles. On croit que c’était celle de Cumes.

Sabbat. C’est l’assemblée des démons, des sorciers et des sorcières dans leurs orgies nocturnes. Nous devons donner ici les relations des démonomanes sur ce sujet. On s’occupe au sabbat, disent-ils, à faire ou à méditer le mal, à donner des craintes et des frayeurs, à préparer les maléfices, à accomplir des mystères abominables. Le sabbat se fait dans un carrefour ou dans quelque lieu désert et sauvage, auprès d’un

 
 


lac, d’un étang, d’un marais, parce qu’on y produit la grêle et qu’on y fabrique des orages. Le lieu qui sert à ce rassemblement reçoit une telle malédiction qu’il n’y peut croître ni herbe ni autre chose. Strozzi dit avoir vu autour d’un châtaignier, dans un champ du territoire de Vicence, un cercle dont la terre était aussi aride que les sables de la Libye, parce que les sorciers y dansaient et y faisaient le sabbat. Les nuits ordinaires de la convocation du sabbat sont celles du mercredi au jeudi et du vendredi au samedi. Quelquefois le sabbat se fait en plein midi, mais c’est fort rare. Les sorciers et les sorcières portent une marque qui leur est imprimée par le diable ; cette marque, par un certain mouvement intérieur qu’elle leur cause, les avertit de l’heure du ralliement. En cas d’urgence, le diable fait paraître un mouton dans une nuée (lequel mou-top n’est vu que des sorciers), pour rassembler son monde en un instant.

Dans les circonstances ordinaires, lorsque l’heure du départ est arrivée, après que les sorciers ont dormi, ou du moins fermé un œil, ce qui est d’obligation, ils se rendent au sabbat montés sur des bâtons ou sur des manches à balai oints de graisse d’enfant ; ou bien des diables subalternes les transportent sous des formes de boucs, de chevaux, d’ânes ou d’autres animaux. Ce voyage se fait toujours en l’air. Quand

 
 
les sorcières s’oignent pour monter sur le manche à balai qui doit les porter au sabbat, elles répètent plusieurs fois ces mots : Emen-hêtan ! emen-hétan ! qui signifient, dit Delancre : Ici et là ! ici et là ! Il y avait cependant en France des sorcières qui allaient au sabbat sans bâton, ni graisse, ni monture, seulement en prononçant quelques paroles. Mais celles d’Italie ont toujours un bouc qui les attend pour les emporter. Elles ont coutume, comme les nôtres, de sortir généralement par la cheminée. Ceux ou celles qui manquent au rendez-vous payent une amende ; le diable aime la discipline.

Les sorcières mènent souvent au sabbat, pour différents usages, des enfants qu’elles dérobent. Si une sorcière promet de présenter au diable, dans le sabbat prochain, le fils ou la fille de quelque gueux du voisinage et qu’elle ne puisse venir à bout de l’attraper, elle est obligée de présenter son propre fils ou quelque autre enfant d’aussi haut prix. Les enfants qui plaisent au diable sont admis parmi ses sujets de cette manière : Maître Léonard, le grand nègre, président des sabbats, et le petit diable, maître Jean Mullin, son lieutenant, donnent d’abord un parrain et une marraine à l’enfant (Voy. Baptême du diable); puis on le fait renoncer Dieu, la Vierge et les saints, et, après qu’il a renié sur le grand livre, Léonard le marque d’une de ses cornes dans l’œil gauche. Il porte cette marque pendant tout son temps d’épreuves, à la suite duquel, s’il s’en est bien tiré, le diable lui administre un autre signe qui a la figure d’un petit lièvre, ou d’une patte de crapaud, ou d’un chat noir.

Durant leur noviciat, on charge les enfants admis de garder les crapauds, avec une gaule blanche, sur le bord du lac, tous les jours de sabbat ; quand ils ont reçu la seconde marque, qui est pour eux un brevet de sorciers, ils sont admis à la danse et au festin. Les sorciers, initiés aux mystères du sabbat, ont coutume de dire : J’ai bu du tabourin, j’ai mangé du cymbale, et je suis fait profès. Ce que Leloyer explique de la sorte : « Par le tabourin, on entend la peau de bouc enflée de laquelle ils tirent le jus et consommé pour boire, et par le cymbale le chaudron ou bassin dont ils usent pour cuire leurs ragoûts. » Les petits qui ne promettent rien de convenable sont condamnés à être fri cassés. Il y a là des sorcières qui les dépècent et les font cuire pour le banquet.

Lorsqu’on est arrivé au sabbat, le premier devoir est d’aller rendre hommage au maître. Il est assis sur un trône ; ordinairement il affecte la figure d’un grand bouc ayant trois cornes, dont celle du milieu jette une lumière qui éclaire l’assemblée ; quelquefois il prend la forme d’un oiseau, ou d’un bœuf, ou d’un tronc d’arbre sans pied, avec une face humaine fort ténébreuse ; ou bien il paraît en oiseau noir ou en homme tantôt noir, tantôt rouge. Mais sa figure favorite est celle d’un bouc. Il porte une couronne noire, les cheveux hérissés, le visage pâle et troublé, les yeux ronds, grands, fort ouverts, enflammés et hideux ; une barbe de chèvre, les mains comme celles d’un homme, excepté que les doigts sont tous égaux, courbés comme les griffes d’un oiseau de proie, et terminés en pointe ; les pieds

 
 
en pattes d’oie, la queue longue comme celle d’un âne ; il a la voix effroyable et monotone, tient une gravité superbe, et porte toujours sous la queue un visage d’homme noir, visage que tous les sorciers baisent en arrivant au sabbat : c’est là ce qu’on appelle l’hommage. Il donne ensuite un pou d’argent à tous ses adeptes ; puis il se lève pour le festin, où le maître des cérémonies place tout le monde, chacun selon son rang, mais toujours un diable à côté d’un sorcier.

Quelques sorcières ont dit que la nappe du sabbat est dorée, et qu’on y sert toutes sortes de bons mets, avec du pain et du vin délicieux. Mais le plus grand nombre de ces femmes ont déclaré, au contraire, qu’on n’y sert que des crapauds, de la chair de pendus, de petits enfants non baptisés et mille autres horreurs, et que le pain du diable est fait de millet noir. On chante pendant le repas des choses abominables ; et après qu’on a mangé, on se lève de table, on adore le maître, puis chacun se divertit. Les uns dansent en rond, ayant chacun un chat pendu au derrière ; d’autres rendent compte des maux qu’ils ont faits, et ceux qui n’en ont pas fait assez sont punis. Des sorcières répondent aux accusations des crapauds qui les servent ; quand ils se plaignent de n’être pas bien nourris par leurs maîtresses, les maîtresses subissent un châtiment.

Les correcteurs du sabbat sont de petits démons sans bras, qui allument un grand feu, y jettent les coupables, et les en retirent quand il le faut.

Ici, on fait honneur à des crapauds, habillés de velours rouge ou noir, portant une sonnette au cou et une autre au pied droit. On les donne comme d’utiles serviteurs aux sorcières qui ont bien mérité des légions infernales. Là, une magicienne dit la messe du diable pour ceux qui veulent l’entendre. Ailleurs se commettent les plus révoltantes et les plus honteuses horreurs. Ceux et celles qui vont baiser le visage inférieur du maître tiennent une chandelle sombre à la main. Il en est qui forment des quadrilles avec des crapauds vêtus de velours et chargés de sonnettes. Ces divertissements durent jusqu’au chant du coq. Aussitôt qu’il se fait entendre, tout est forcé de disparaître. Alors le grand nègre leur donne congé, et chacun s’en retourne chez soi[1].

On conte qu’un charbonnier, ayant été averti que sa femme allait au sabbat, résolut de l’épier. Une nuit qu’il faisait semblant de dormir, elle se leva, se frotta d’une drogue et disparut. Le charbonnier, qui l’avait bien examinée, prit le pot à la graisse, s’en frotta comme elle, et fut aussitôt transporté, par la cheminée, dans la cave d’un comte, homme considéré au pays ; il trouva là sa femme et tout le sabbat rassemblé pour une séance secrète. Le souper descendait là par une poulie. La femme du charbonnier, l’ayant aperçu, fit un signe : au même instant tout s’envola, et il ne resta dans la cave que le pauvre charbonnier, qui, se voyant pris pour un voleur, avoua ce qui s’était passé à son égard et ce qu’il avait vu dans cette cave[2].

 
 

Un paysan se rencontrant de nuit dans un lieu où l’on faisait le sabbat, on lui offrit à boire. Il jeta la liqueur à terre et s’enfuit, emportant le vase, qui était d’une matière et d’une couleur inconnues. Il fut donné à Henri le Vieux, roi d’Angleterre, si l’on en croit le conte[3]. Mais, malgré son prix et sa rareté, le vase est sans doute retourné à son premier maître. Pareillement, un boucher allemand entendit, en passant de nuit par une forêt, le bruit des danses du sabbat ; il eut la hardiesse de s’en approcher, et tout s’évanouit. Il prit des coupes d’argent qu’il porta au magistrat, lequel fit arrêter et pendre toutes les personnes dont les coupes portaient le nom[4]. Un sorcier mena son voisin au sabbat en lui promettant qu’il serait l’homme le plus heureux du monde. Il le transporta fort loin, dans un lieu où se trouvait rassemblée une nombreuse compagnie, au milieu de laquelle était un grand bouc. Le nouvel apprenti sorcier appela Dieu à son secours. Alors vint un tourbillon impétueux : tout disparut ; il demeura seul et fut trois ans à retourner dans son pays[5].

« Le sabbat se fait, disent les cabalistes, quand les sages rassemblent les gnomes pour les engager à épouser les filles des hommes. Le grand Orphée fut le premier qui cônvoqua ces peuples souterrains. À sa première semonce, Sabasius, le plus ancien des gnomes, contracta alliance avec une femme. C’est de ce Sabasius qu’a pris son nom cette assemblée, sur laquelle on a fait mille contes impertinents. Les démonomanes prétendent aussi qu’Orphée fut le fondateur du sabbat, et que les premiers sorciers qui se rassemblèrent de la sorte se nommaient orphéotélestes. La véritable source de ces orgies sinistres a pu prendre naissance dans les bacchanales, où l’on invoquait Bacchus en criant : Saboé ! »

Dans l’affaire de la possession de Louviers, Madeleine Bavent, tourière du couvent de cette ville, confessa des choses singulières sur le sabbat. Elle avoua qu’étant à Rouen, chez une couturière, un magicien l’avait engagée et conduite au sabbat ; qu’elle fut mariée là à Dagon, diable d’enfer ; que Mathurin Picard l’éleva à la dignité de princesse du sabbat, quand elle eut promis d’ensorceler toute sa communauté ; qu’elle composa des maléfices en se servant d’hosties consacrées ; que, dans une maladie qu’elle éprouva, Picard lui fit signer un pacte de grimoire ; qu’elle vit accoucher quatre magiciennes au sabbat ; qu’elle aida à égorger et à manger leurs enfants ; que le jeudi saint on y fit la cène en y mangeant un petit enfant ; que, dans la nuit du vendredi, Picard et Boulé avaient percé une hostie par le milieu, et que l’hostie avait jeté du sang. De plus, elle confessa avoir assisté à l’évocation de l’âme de Picard, faite par Thomas Boulé dans une grange, pour confirmer les maléfices du diocèse d’Évreux. Elle ajouta à ces dépositions, devant le parlement de Rouen, que David, premier directeur du monastère, était magicien ; qu’il avait donné à Picard une cassette pleine de sorcelleries, et qu’il lui avait délégué tous ses pouvoirs diaboliques ; qu’un jour, dans le jardin, s’étant assise sous un mûrier, un horrible chat noir et puant lui avait mis ses pattes sur ses épaules et avait approché sa gueule de sa bouche ; c’était un démon. Elle dit en outre qu’on faisait au sabbat la procession ; que le diable, moitié homme et moitié bouc, assistait à ces cérémonies exécrables, et que sur l’autel il y avait des chandelles allumées qui étaient toutes noires. On trouve généralement le secret de ces horreurs dans les mœurs abominables de la fin du seizième siècle.

Dans le Limbourg, il n’y a pas cent ans, on comptait encore beaucoup de bohémiens et de bandits qui faisaient le sabbat. Leurs initiations avaient lieu dans un carrefour solitaire, où végétait une masure qu’on appelait la Chapelle des boucs. Celui qu’on recevait sorcier était enivré, puis mis à califourchon sur un bouc de bois qu’on agitait au moyen d’un pivot ; on lui disait qu’il voyageait par les airs. Il le croyait d’autant plus qu’on le descendait de sa monture pour le jeter dans une orgie qui était pour lui le sabbat[6].

On sait, dit Malebranche, que cette erreur du sabbat n’a quelquefois aucun fondement ; que le prétendu sabbat des sorciers est quelquefois l’effet d’un délire et d’un déréglement de l’imagination, causé par certaines drogues desquelles se servent les malheureux qui veulent se procurer ce délire. Ce qui entretient la crédulité populaire, ajoute Bergier, ce sont les récits de quelques peureux qui, se trouvant égarés la nuit dans les forêts, ont pris pour le sabbat des feux allumés par les bûcherons et les charbonniers, ou qui, s’étant endormis dans la peur, ont cru entendre et voir le sabbat, dont ils avaient l’imagination frappée. Il n’y a aucune notion du sabbat chez les anciens Pères de l’Église. Il est probable que c’est une imagination qui a pris naissance chez les barbares du Nord ; que ce sont eux qui l’ont apportée dans nos climats, et qu’elle s’y est accréditée par des faits, comme celui de la Chapelle des boucs, au milieu de l’ignorance dont leur irruption fut suivie.

Charles II, duc de Lorraine, voyageant incognito dans ses États, arriva un soir dans une ferme, où il se décida à passer la nuit. Il fut surpris de voir qu’après son souper on préparait un second repas plus délicat que le sien, et servi avec un soin et une propreté admirables. Il demanda au fermier s’il attendait de la compagnie. « Non, monsieur, répondit le paysan ; mais c’est aujourd’hui jeudi, et toutes les semaines, à pareille heure, les démons se rassemblent dans la forêt voisine avec les sorciers des environs pour y faire leur sabbat. Après qu’on a dansé le branle du diable, ils se divisent en quatre bandes. La première vient souper ici ; les autres se rendent dans des fermes peu éloignées. — Et payent-ils ce qu’ils prennent ? demanda Charles. — Loin de payer, répondit le fermier, ils emportent encore ce qui leur convient, et s’ils ne se trouvent pas bien reçus, nous en passons de dures ; mais que voulez-vous qu’on fasse contre des sorciers et des démons ? » Le prince, étonné, voulut approfondir ce mystère ; il dit quelques mots à l’oreille d’un de ses écuyers, et celui-ci partit au grand galop pour la ville de Toul, qui n’était qu’à trois lieues. Vers deux heures du matin, une trentaine de sorciers, de sorcières et de démons entrèrent ; les uns ressemblaient à des ours, les autres avaient des cornes et des griffes. À peine étaient-ils à table que l’écuyer de Charles II reparut, suivi d’une troupe de gens d’armes. Le prince, escorté, entra dans la salle du souper : — Des diables ne mangent pas, dit-il ; ainsi vous voudrez bien permettre que mes gens d’armes se mettent à table à votre place… Les sorciers voulurent répliquer, et les démons proférèrent des menaces. — Vous n’êtes point des démons, leur cria Charles : les habitants de l’enfer agissent plus qu’ils ne parlent, et si vous en sortiez, nous serions déjà tous fascinés par vos prestiges. Voyant ensuite que la bande infernale ne s’évanouissait pas, il ordonna à ses gens de faire main basse Sur les sorciers et leurs patrons. On arrêta pareillement les autres membres du sabbat, et le matin Charles II se vit maître de plus de cent vingt personnes. On les dépouilla, et on trouva des paysans, qui, sous ces accoutrements, se rassemblaient de nuit dans la forêt pour y faire des orgies abominables, et piller ensuite les riches fermiers. Le duc de Lorraine (qui avait généreusement payé son souper avant de quitter la ferme) fit punir ces prétendus sorciers et démons comme des coquins et des misérables. Le voisinage fut délivré pour le moment de ces craintes ; mais la peur du sabbat ne s’affaiblit pas pour cela dans la Lorraine.

Duluc, dans ses Lettres sur l’histoire de la terre et de l’homme, tome IV, lettre 91, rapporte encore ce qui suit : « Il y a environ dix ans, vers 1769, qu’il s’était formé dans la Lorraine allemande et dans l’électorat de Trêves une association de gens de la campagne qui avaient secoué tout principe de religion et de morale. Ils s’étaient persuadé qu’en se mettant à l’abri des lois ils pouvaient satisfaire sans scrupule toutes leurs passions. Pour se soustraire aux poursuites de la justice, ils se comportaient dans leurs villages avec la plus grande circonspection : l’on n’y voyait aucun désordre ; mais ils s’assemblaient la nuit en grandes bandes, allaient à force ouverte dépouiller les habitations écartées, commettaient d’abominables excès, et employaient les menaces les plus terribles pour forcer au silence les victimes de leur brutalité. Un de leurs complices ayant été saisi par hasard pour quelque délit isolé, on découvrit la trame de cette confédération détestable, et l’on compte par centaines les scélérats qu’il a fallu faire périr sur l’échafaud. » Voy. Blokula, Litanies du sabbat, etc.

Sabbathaï Zévi, faux messie des juifs au dix-septième siècle[7].

Sabéisme, culte que l’on rend aux éléments et aux astres, et qui, selon quelques-uns, est l’origine de l’astrologie judiciaire.

Sabellicus (Georges), farceur allemand qui parcourait l’Allemagne au commencement du dix-septième siècle, en se disant chef des nécromanciens, astrologues, magiciens, chiromanciens, pyromanciens, etc. Il gagna ainsi beaucoup d’argent, et fut très-révéré des vieilles femmes et des petits enfants[8].

Sabiénus. Dans la guerre de Sicile entre César et Pompée, Sabiénus, commandant la flotte de César, ayant été pris, fut décapité par ordre de Pompée. Il demeura tout le jour sur le bord de la mer, sa tête ne tenant plus au corps que par un filet. Sur le soir, il pria qu’on fît venir Pompée ou quelqu’un des siens, parce qu’il arrivait des enfers, et qu’il avait des choses importantes à communiquer. Pompée envoya plusieurs de ses amis, auxquels Sabiénus déclara que la cause et le parti qu’ils servaient alors étaient agréables aux dieux des enfers, et que leur chef réussirait ; qu’il avait ordre de le lui annoncer, et que, pour preuve de ce qu’il disait, il allait mourir aussitôt : ce qui eut lieu. Mais on ne voit pas que le parti ait réussi, dans le sens naturel du mot.

Sabim, nom des astrologues turcs.

Sable. Les Madécasses n’entreprennent jamais la guerre sans consulter leurs augures : ceux-ci ont une petite calebasse remplie d’un sable qui ne se trouve qu’en certains lieux ; ils le répandent sur une planche et y marquent plusieurs figures. Ils prétendent connaître par là s’ils vaincront leurs ennemis[9].

Sabnac ou Salmac, grand marquis infernal, démon des fortifications. Il a la forme d’un soldat armé, avec une tête de lion. Il est monté sur un cheval hideux. Il métamorphose les hommes en pierres, et bâtit des tours avec une adresse surprenante. Il a sous ses ordres cinquante légions[10].

Sacaras, anges du sixième ordre chez les Madécasses. Ils sont tous malfaisants.

Saccilaires, anciens charlatans qui se servaient de la magie pour s’approprier l’argent d’autrui.

Sacrifices. L’homme, partout où il a perdu les lumières de la révélation, s’est fait des dieux cruels, altérés de sang, avides de carnage. Hérodote dit que les Scythes immolaient la cinquième partie de leurs prisonniers à Mars Exterminateur. Autrefois les Sibériens se disputaient l’honneur de périr sous le couteau de leurs prêtres. — Tout cela est un mystère, sur lequel on doit lire ce qu’en a écrit Joseph de Maistre.

Il y avait un temple chez les Thraces où l’on n’immolait que des victimes humaines ; les prêtres de ce temple portaient un poignard pendu au cou, pour marquer qu’ils étaient toujours prêts à tuer. Dans le temple de Bacchus, en Arcadie, et dans celui de Minerve, à Lacédémone, on croyait honorer ces divinités en déchirant impitoyablement, à coups de verges, de jeunes filles sur leurs autels. Les Germains et les Cimbres ne sacrifiaient les hommes qu’après leur avoir fait endurer les plus cruels supplices. Il y avait dans le Pégu un temple où l’on renfermait les filles les plus belles et de la plus haute naissance ; elles étaient servies avec respect ; elles jouissaient des honneurs les plus distingués ; mais tous les ans une d’elles était solennellement sacrifiée à l’idole de la nation. C’était ordinairement la plus éclatante qui avait l’honneur d’être choisie ; et le jour de ce sacrifice était un jour de fête pour tout le peuple. Le prêtre dépouillait la victime, l’étranglait, fouillait dans son sein, en arrachait le cœur, et le jetait au nez de l’idole. Les Mexicains immolaient des milliers de victimes humaines au dieu du mal. Presque tous les peuples, hors le peuple de Dieu dans l’ère ancienne et les chrétiens dans la nouvelle, ont exercé sans scrupule de pareilles barbaries.

C’est un usage établi à Benin de sacrifier aux idoles les criminels ; on les réserve dans cette vue. Ils doivent toujours être au nombre de vingt-cinq. Lorsque ce nombre n’est pas complet, les officiers du roi se répandent dans l’obscurité de la nuit et saisissent indistinctement tous ceux qu’ils rencontrent ; mais il ne faut pas qu’ils soient éclairés par le moindre rayon de lumière. Les victimes saisies sont remises entre les mains des prêtres, qui sont maîtres de leur sort. Les riches ont la liberté de se racheter, ainsi que leurs esclaves ; les pauvres sont sacrifiés.

Ce qu’on appelait l’hécatombe était le sacrifice de cent victimes, proprement de cent bœufs, mais qui s’appliqua dans la suite aux sacrifices de cent animaux de même espèce, même de cent lions ou de cent aigles ; c’était le sacrifice impérial. Ce sacrifice se faisait en même temps sur cent autels de gazon par cent sacrificateurs.

On accusait les sorciers de sacrifier au diable, dans leurs orgies, des crapauds, des poules noires et de petits enfants non baptisés : belle assimilation !

Sadey, compère de Flaque. Voy. ce mot.

Sadial ou Sadiel, ange qui, selon les musulmans, gouverne le troisième ciel et qui est chargé d’affermir la terre, laquelle serait dans un mouvement perpétuel, s’il n’avait le pied dessus.

Saignement de nez. Quand on perd par le nez trois gouttes de sang seulement, c’est un présage de mort pour quelqu’un de la famille. Si on en perd quatre, le présage est nul.

Sainokavara, endroit du lac Fakone où les Japonais croient que les âmes des enfants sont retenues comme dans une espèce de limbes.

Sains (Marie de), sorcière et possédée. Voy. Possédées de Flandre.

Saint-André. Ce docteur, qui a écrit contre les superstitions, fut appelé, en 1726, par une femme qui lui fit confidence qu’elle était accouchée d’un lapereau. Le docteur témoigna d’abord sa surprise ; mais, quelques jours après, cette femme prétendit ressentir des tranchées ; elle ne douta pas qu’elle n’eût encore quelque lapin à mettre au monde. Saint-André arrive, et, pour ne rien négliger, il délivre lui-même la malade. Elle accouche en effet d’un petit lapin encore vivant. Les voisines et le docteur de crier miracle. On donne de l’argent à la mère des lapins ; elle prend goût au métier, et se met indiscrètement à accoucher tous les huit jours. La police, étonnée d’une si féconde maternité, croit devoir se mêler de cette affaire. On enferme la dame aux lapins, on la surveille exactement, et l’on s’assure bientôt qu’elle s’est moquée du public, et qu’elle a cru trouver une dupe dans le docteur Saint-André[11].

Il a laissé des lettres sur la magie, un vol. in-12. Son jugement n’est pas exact.

Saint-Aubin, auteur calviniste de l’Histoire des diables de Loudun, dans l’affaire d’Urbain Grandier. Un vol. in-12. Amsterdam, 1716. Ce livre, écrit avec une mauvaise foi insigne, n’est plein que de faussetés.

M. l’abbé Leriche, à la suite de ses belles Études sur les possessions en général et sur celle de Loudun en particulier, a redressé complètement les mille et un mensonges de ce calviniste, « qui n’a donné son livre au public, que èoixante ans après l’événement, lorsque les juges et les témoins étaient morts, qui a supprimé tout ce qui le gênait dans son roman, qui présente comme un innocent opprimé ce Grandier, homme orgueilleux, violent, vindicatif, débauché. Indépendamment du crime de magie bien prouvé, cet homme méritait le feu, « sur la déposition de soixante témoins ».

Saint-Aubin a été copié par Gayot de Pitaval, dans sa lourde collection des Causes célèbres. Les cœurs droits qui recherchent la vérité feront bien de lire le savant ouvrage que nous citons ; et nos biographes, s’ils sont seulement honnêtes, ne poseront plus Grandier en victime.

Saint-Germain (le comte de), charlatan célèbre du dernier siècle, qui se vantait de faire de l’or, de gonfler les diamants et d’opérer beaucoup de choses merveilleuses. Comme on ignorait son origine, il se disait immortel par la vertu de la pierre philosophale ; et le bruit courait qu’il était âgé de deux mille ans. Il avait l’art d’envelopper ses dupes dans le tissu de ses étranges confidences. Contant un jour qu’il avait beaucoup connu Ponce-Pilate à Jérusalem, il décrivait minutieusement la maison de ce gouverneur romain et disait les plats qu’on avait servis sur sa table, un soir qu’il avait soupé chez lui. Le cardinal de Rohan, croyant n’entendre là que des rêveries, s’adressa au valet de chambre du comte de Saint-Germain, vieillard aux cheveux blancs, à la figure honnête : « Mon ami, lui dit-il, j’ai de la peine à croire ce que dit votre maître. Qu’il soit ventriloque, passe ; qu’il fasse de l’or, j’y consens ; mais qu’il ait deux mille ans et qu’il ait vu Ponce-Pilate, c’est trop fort. Étiez-vous là ? — Oh ! non, monseigneur, répondit ingénument le valet de chambre, c’est plus ancien que moi. Il n’y a guère que quatre cents ans que je suis au service de M. le comte… »

Saint-Gille, marchand épicier à Saint-Germain en Laye, qui fut présenté comme ventriloque à l’Académie des sciences, le 22 décembre 1770. Il avait le talent d’articuler des paroles très-distinctes, la bouche bien fermée et les lèvres bien closes, ou la bouche grandement ouverte, en sorte que les spectateurs et auditeurs pouvaient y plonger. Il variait admirablement le timbre, la direction et le ton de sa voix, qui semblait venir tantôt du milieu des airs, tantôt du toit d’une maison opposée, de la voûte d’un temple, du haut d’un arbre, tantôt du sein de la terre, etc.[12].

Saints. D’impudents charlatans ont imaginé

 
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une abominable superstition dont les saints mêmes sont l’objet. Le tribunal de Saint-Quentin a jugé, en mars 1828, une cause ou cette imposture s’est mise à jour. Des paysannes, dont les enfants dépérissaient, s’adressèrent à un sorcier, nommé Pierre-Louis D…, batteur en grange à Pithon (diocèse de Cambrai). Il leur dit que le mal dont elles gémissaient venait de quelques saints mécontents, que la famille avait irrités, et qui faisaient sentir leur colère sur les enfants ; mais qu’il y avait moyen de les apaiser. Ce moyen, il l’employa en se faisant donner des pièces de six liards (monnaie qui n’est plus qu’un souvenir) et les faisant sauter dans de l’eau, qu’il disait bénite pour son opération. Éclairé par cette cérémonie, le sorcier, car on lui donnait ce nom, révéla les noms des saints dont les bonnes femmes devaient désarmer la vengeance. Nous citons ses expressions. Après quoi, il se fit payer sa consultation. Mais comme les enfants n’éprouvèrent aucun soulagement, sur la rumeur publique, D… fut appelé en justice et condamné à un an de prison.

Sakhar, génie infernal qui, suivant le Talmud, s’empara du trône de Salomon. Après avoir pris Sidon et tué le roi de cette ville, Salomon emmena sa fille Téréda ; comme elle ne cessait de déplorer la mort de son père, il ordonna au diable de lui en faire l’image pour la consoler. Mais cette statue, placée dans la chambre de la princesse, devint l’objet de son culte et de celui de ses femmes. Salomon, informé de cette idolâtrie par son vizir Asaf, brisa la statue, châtia sa femme et se retira dans le désert, où il s’humilia devant Dieu. Ses larmes et son repentir ne le sauvèrent pas de la peine que méritait sa faute. Ce prince était dans l’usage de remettre, avant d’entrer dans le bain, son anneau, dont dépendait sa couronne, à une de ses femmes nommée Amina. Un jour, Sakhar vint à elle sous les traits du roi, et, recevant l’anneau de ses mains, prit, en vertu de ce talisman, possession du trône, et fit dans les lois tous les changements dont sa méchanceté s’avisa. En même temps Salomon, dont la figure n’était plus la même, méconnaissable aux yeux de ses sujets, fut obligé d’errer et de demander l’aumône. Enfin, au bout de quarante jours, espace de temps durant lequel l’idole avait été honorée dans son palais, le diable prit la fuite et jeta l’anneau dans la mer. Un poisson qui venait de l’avaler fut pris et servi devant Salomon, qui retrouva la bague dans ses entrailles. Rentré en possession de son royaume, ce prince saisit Sakhar, lui chargea le cou d’une pierre, et le précipita dans le lac de Tibériade.

Sakhrat. Il y a une montagne que les mahométans croient entourer tout le globe. C’est la montagne de Kaf. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont Lokman disait que quiconque en aurait seulement le poids d’un grain ferait des miracles. Cette pierre est faite d’une seule émeraude, et c’est de sa réflexion que le ciel nous paraît azuré. Lorsque Dieu veut exciter un tremblement de terre, il commande à cette pierre de donner le mouvement à quelqu’une de ses racines. La terre se trouve au milieu de cette montagne, comme le doigt au milieu de l’anneau ; sans cet appui, elle serait dans une perpétuelle agitation. Pour y arriver, il faut traverser un très-grand pays ténébreux ; nul homme n’y peut pénétrer s’il n’est conduit par quelque intelligence. C’est là que les dives ou mauvais génies ont été confinés, après avoir été subjugués par les premiers héros de la race des hommes ; c’est là aussi que les péris ou fées font leur demeure ordinaire.

Sakimouni, génie ou dieu, dont les légendes

 
Sakimouni
Sakimouni
 
des Kalmouks racontent qu’il habitait le corps d’un lièvre ; il rencontra un homme qui mourait de faim, il se laissa prendre pour satisfaire l’appétit de ce malheureux. L’esprit de la terre, satisfait de cette belle action, plaça aussitôt l’âme de ce lièvre dans la lune, où les Kalmouks prétendent la découvrir encore[13].

Saladin. Au moyen âge, on croyait très-généralement que les Sarasins, dans leurs guerres, étaient, comme insignes sorciers, assistés par le diable. Walter Scott, dans sa Démonologie, rapporte un exemple que voici ; il est tiré du vieux roman de Richard Cœur de lion.

Le fameux Saladin, y est-il dit, avait envoyé une ambassade au roi Richard, avec un jeune cheval qu’il lui offrait comme un vaillant destrier. Il défiait en même temps Cœur de lion à un combat singulier, en présence des deux armées, dans le but de décider tout d’un coup leurs prétentions à la Palestine et la question théologique de savoir quel était le vrai Dieu, ou le Dieu des chrétiens, ou celui qu’adoraient les Sarasins. Mais ce semblant de défi chevaleresque cachait une perfidie, dans laquelle l’esprit malin jouait un rôle. Un charmeur sarasin avait enfermé deux démons dans les corps d’une jument et de son poulain, leur donnant pour instruction que chaque fois que la jument hennirait, le poulain, qui était d’une taille peu commune, devrait s’agenouiller pour teter sa mère. Le poulain maléficié fut envoyé au roi Richard, dans l’espoir qu’il obéirait au signal accoutumé, et que le Soudan, monté sur la mère, aurait ainsi l’avantage. Mais le monarque anglais fut averti par un songe du piège qu’on lui tendait, et avant le combat le poulain fut exorcisé, avec ordre de rester docile à la voix de son cavalier durant le choc. L’animal endiablé promit soumission en baissant la tête ; et cette promesse n’inspirant pas assez de confiance, on lui boucha encore les oreilles avec de la cire. Ces précautions prises, Richard, armé de toutes pièces, courut à la rencontre de Saladin, qui, se confiant dans son stratagème, l’attendit de pied ferme. La cavale hennit de manière à faire trembler la terre à plusieurs milles à la ronde ; mais le poulain ou démon, que la cire empêchait d’entendre le signal, n’y put obéir. Saladin, désarçonné, n’échappa que difficilement à la mort, et son armée fut taillée en pièces par les chrétiens.

Salamandres. Selon les cabalistes, ce sont des esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties du feu, qu’ils habitent. « Les salamandres, habitants enflammés de la région du feu, servent les sages, dit l’abbé de Villars ; mais ils ne cherchent pas leur compagnie : leurs filles et leurs femmes se font voir rarement. De tous les êtres élémentaires, les salamandres sont ceux qui vivent le plus longtemps. » Les historiens disent que Romulus était fils de Mars. Les esprits forts ajoutent : c’est une fable ; les démonomanes disent : il était fils d’un incube. Nous qui connaissons la nature, poursuit le même auteur, nous savons que ce Mars prétendu était un salamandre. Voy. Cabale.

Il y a un animal amphibie, du genre des lézards, qu’on nomme la salamandre. Sa peau est noire, parsemée de taches jaunes, sans écailles et presque toujours enduite d’une matière visqueuse qui en suinte continuellement. La salamandre ressemble, pour la forme, à un lézard. Les anciens croyaient que cet animal vivait dans le feu. « La salamandre loge dans la terre, dit Bergerac, qui est toujours farceur, sous des montagnes de bitume allumé, comme l’Etna, le Vésuve et le cap Rouge. Elle sue de l’huile bouillante et crache de l’eau-forte, quand elle s’échauffe ou qu’elle se bat. Avec le corps de cet animal, on n’a que faire de feu dans une cuisine. Pendu à la crémaillère, il fait bouillir et rôtir tout ce que l’on met devant la cheminée. Ses yeux éclairent la nuit comme de petits soleils ; et, placés dans une chambre obscure, ils y font l’effet d’une lampe perpétuelle… »

Salgues (Jean-Baptiste), auteur d’un livre intitulé Des erreurs et des préjugés répandus dans les diverses classes de la société, 3 vol. in-8o, 3e édit., Paris, 1818. Une quatrième édition a paru depuis ; mais ce livre a maintenant peu de lecteurs.

Salière. Le sel, chez les anciens, était consacré à la sagesse ; aussi n’oubliait-on jamais la salière dans les repas. Si l’on ne songeait pas à la servir, cet oubli était regardé comme un mauvais présage.

Il était aussi regardé comme le symbole de l’amitié ; les amis avaient coutume de s’en servir au commencement des repas, et si quelqu’un en répandait, c’était le signe de quelque brouillerie future. Aujourd’hui c’est encore un mauvais augure pour les personnes superstitieuses, lorsque les salières se renversent sur la table.

Le maréchal de Montrevel, étant à table chez le père du maréchal de Biron, vit renverser une salière sur son habit. Il en fut si effrayé, qu’il s’écria à l’instant : « Je suis un homme mort ! » En effet, il tomba en faiblesse ; on l’emporta chez lui ; la fièvre le prit, et il mourut au bout de quatre jours (1718). Cet événement fortifia la superstition des gens qui sont aussi sots. Voy. Sel.

Salisateurs, devins du moyen âge qui formaient leurs prédictions sur le mouvement du premier membre de leur corps qui venait à se remuer, et en tiraient de bons ou mauvais présages.

Salive. Pline le naturaliste rapporte, comme un ancien usage, celui de porter avec le doigt un peu de salive derrière l’oreille, pour bannir les soucis et les inquiétudes. Mais ce n’est pas là toute la vertu de la salive ; elle tue les aspics et les serpents, les vipères et les autres reptiles venimeux. Albert le Grand dit qu’il faut qu’elle soit d’un homme à jeun et qui ait demeuré longtemps sans boire. Figuier assure qu’il a tué plusieurs serpents d’un petit coup de bâton mouillé de sa salive. M. Salgues ajoute qu’il est possible de tuer les vipères avec un peu de salive, mais qu’il est à propos que le coup de bâton qui l’accompagne soit suffisant. Ce qui est certain, c’est que Redi a voulu vérifier les témoignages d’Aristote, de Galien, de Lucrèce, etc. Il s’est amusé à cracher, à jeun, sur une multitude de vipères que le grand-duc de Toscane avait fait rassembler ; mais, à la grande confusion de l’antiquité, les vipères ne sont pas mortes. Voy. Crachat.

Salomon. Les philosophes, les botanistes, les devins et les astrologues orientaux regardent Salomon ou Soliman comme leur patron. Selon eux, Dieu, lui ayant donné sa sagesse, lui avait communiqué en même temps toutes les connaissances naturelles et surnaturelles ; et entre ces dernières, la science la plus sublime et la plus utile, celle d’évoquer les esprits et les génies, et de leur commander. Salomon avait, disent-ils, un anneau chargé d’un talisman qui lui donnait pouvoir absolu sur tous les êtres intermédiaires entre Dieu ef l’homme. Cet anneau existe encore ; il est renfermé dans le tombeau de Salomon, et quiconque le posséderait deviendrait le maître du monde ; mais on ne sait où trouver le tombeau. Il ne reste que des formules, des pratiques et des figures, par lesquelles on peut acquérir, quoique imparfaitement, une petite partie du pouvoir que Salomon avait sur les esprits. Ces beaux secrets sont conservés dans les livres niais qu’on attribue à ce prince, et surtout dans ses Clavicules, intitulées les Véritables Clavicules de Salomon, in-18, à Memphis, chez Alibeck l’Égyptien. On y trouve des conjurations et des formules magiques. Agrippa, dit-on faussement, faisait grand cas de cet ouvrage. On attribue encore à Salomon un Traité de la pierre philosophale, les Ombres des idées, le Livre des neuf anneaux, le Livre des neuf chandeliers, le Livre des trois figures des esprits, des Sceaux qui chassent les démons, et un Traité de nécromancie, adressé à son fils Roboam. Voy. Conjurations, Sakhar, Bélial, Asrael, Asmodée, Art notoire.

Saludadores, gens qui se mêlent en Espagne de guérir certaines maladies, et qui tous ont, dit-on, de naissance, certaine marque sur le corps, en forme de demi-roue. Ils se disent descendants de sainte Catherine, qui n’eut pas de descendants. Voy. Hommes incombustibles.

Salvation de Rome. Voy. Virgile.

Salverte (Eusèbe), auteur d’un Essai sur la magie, les prodiges, etc., un vol. in-12, Bruxelles, 1821; réimprimé à Paris. C’est un traité philosophique, dans le mauvais sens de ce mot.

Samaël, prince des démons, selon les rabbins. Ce fut lui qui, monté sur le serpent, séduisit Ève. C’est encore, chez plusieurs docteurs juifs, l’ange de la mort, qu’ils représentent tantôt avec une épée, tantôt avec un arc et des flèches. C’est enfin pour quelques-uns le même qu’Asmodée.

Samaritaine (la). C’était une fontaine élevée sur le pont Neuf et chère aux Parisiens. Suivant une opinion répandue parmi eux, le jour où l’on détruirait cette fontaine, les peuplades du Nord entreraient en France pour envahir Paris. On la détruisit en 1813.

Sambethe. Voy. Sibylles.

Sampson (Agnès). Voy. Jacques Ier.

Samuel. Une nécromancienne, la pythonisse d’Endor, fit voir au roi Saül l’ombre du prophète Samuel, qui lui prédit ses désastres. Menassé-ben-Israël, dans son second livre de la Résurrection des morts, dit que la pythonisse ne pouvait pas forcer l’âme de Samuel à rentrer dans son corps, et que le fantôme qu’elle évoqua était un démon revêtu de la forme du prophète. Cependant Samuel dit au roi : Pourquoi troublez-vous mon repos, en me forçant à remonter sur la terre ? Les uns pensent que l’âme du prophète pouvait seule prononcer ces paroles ; d’autres soutiennent que ces mots remonter sur la terre s’appliquent au corps seulement, que le diable avait pu emprunter. Le rabbin Mever-Gabaï, qui est du sentiment des premiers, ajoute que Samuel seul pouvait dire à Saül, devant la sorcière qui le faisait venir : Demain, toi et tes fils, vous viendrez me rejoindre. Cras tu et filii tui mecum erunt. C’est aussi l’avis de la plupart des théologiens[14].

Sanaves. Amulettes que les femmes madécasses portent au cou et aux poignets ; ce sont des morceaux d’un bois odorant, enveloppés dans une toile ; ils préservent de l’atteinte des sorciers.

Sanche, serviteur de Pierre d’Engelbert, qui l’avait envoyé à ses frais au secours d’Alphonse, roi d’Aragon, alors en guerre avec la Castille. Le serviteur revint sain et sauf, quand la guerre fut finie ; mais bientôt il tomba malade et mourut. Quatre mois après sa mort, Pierre, son maître, couché dans sa chambre, vit entrer au clair de la lune un spectre à demi nu, qui s’approcha de la cheminée, découvrit le feu et se chauffa. Pierre lui demanda qui il était. « Je suis, répondit le fantôme d’une voix cassée, Sanche, votre serviteur. — Hé ! que viens-tu faire ici ? — Je vais en Castille, avec quelques autres, expier le mal que nous y avons fait. Moi en particulier, j’ai pillé les ornements d’une église ; je suis condamné pour cela à faire ce voyage. Vous pouvez me soulager par vos bonnes œuvres ; et votre femme, qui me doit huit sous, m’obligera de les donner aux pauvres en mon nom. » Pierre lui demanda alors des nouvelles de quelques-uns de ses amis morts depuis peu ; Sanche le satisfit là-dessus. « Et, où est maintenant le roi Alphonse ? » demanda Pierre. Alors un autre spectre, qu’il n’avait pas vu d’abord, et qu’il aperçut dans l’embrasure de la fenêtre, lui dit : « Sanche ne peut rien vous apprendre touchant le roi d’Aragon ; il n’y a pas assez longtemps qu’il est dans notre bande, pour en savoir des nouvelles ; moi, qui suis mort il y a cinq ans, je puis vous en dire quelque chose. Alphonse, après son trépas, a été quelque temps avec nous ; mais les prières des bénédictins de Gluny l’en ont tiré, et je ne sais où il est à présent. » Alors les deux revenants sortirent. Pierre éveilla sa femme et lui demanda si elle ne devait rien à Sanche. « Je lui dois encore huit sous, » répondit-elle. Pierre ne douta plus, fit des prières et distribua des aumônes pour l’âme du défunt[15].

Sandalphon, l’une des trois intelligences supérieures de la cabale juive.

Sang. Les anciens regardaient le sang de taureau comme un poison ; Plutarque rapporte que Thémistocle s’empoisonna avec ce sang ; Pline conte que les prêtres d’Égine ne manquaient jamais d’en avaler avant de descendre dans la grotte où l’esprit prophétique les attendait. Quoi qu’il en soit, le sang de taureau n’empoisonne pas, à moins qu’il ne soit vicié ; tous les jours on en fait du boudin. Pline assure que le sang de cheval tue aussi l’homme ; mais il se contredit dans un autre passage, lorsqu’il dit que les Sar-mates mêlaient de la farine et du sang de cheval pour en faire des gâteaux fort délicats. Enfin les anciens, qui regardaient le sang de taureau comme un poison pour le corps, l’estimaient comme un remède pour l’âme ; on expiait les crimes en se faisant asperger de sang de taureau. On immolait un taureau, on en recueillait le sang dans un vase dont le fond était percé de petits trous, le criminel se tenait dessous ; après quoi il se retirait purifié.

Parmi les classes populaires en Suède, et surtout parmi les paysans, règne une croyance absurde, à savoir, que le sang d’une personne décapitée, lorsqu’on en boit et surtout lorsqu’on l’avale tout chaud au moment où il jaillit du corps, immédiatement après la décollation, fait vivre très-longtemps, rend robustes les faibles, bien portants les malades, et guérit toutes les maladies, particulièrement l’épilepsie.

Sanger (Rénée), jeune fille née à Munich vers 1680, à cette époque sauvage où la guerre de trente ans avait ramené toutes les perversités des plus mauvais jours. Une vieille femme l’initia

 
 
aux mystères diaboliques dès l’âge de sept ans ; à onze ans, elle reçut d’autres leçons d’une servante, d’une grande dame et de deux officiers. Elle alla aux réunions du sabbat ; là, pour prix de sa formelle apostasie, on lui promit soixante-dix ans de vie et de santé. Mais à l’âge de dix-neuf ans, ses parents, qui ne soupçonnaient rien de son état, la mirent dans un couvent où elle se trouva en clôture ; il lui fallut donc vivre d’hypocrisie et de dissimulation. Elle joua si bien son personnage que, dans son monastère d’Unterzell, elle devint sous-prieure ; mais la contrainte où elle vivait lui pesait trop, quoique en secret elle cultivât la magie. Des contrariétés qui lui vinrent la poussèrent à ensorceler les religieuses ses compagnes. Aussitôt elles furent troublées de maladies, de visions, de tumultes nocturnes, d’oppressions, de mauvais traitements et de singuliers vertiges. On découvrit enfin, par des exorcismes, que ce désordre était l’œuvre de la sous-prieure. On trouva dans sa chambre des boîtes d’onguent, des herbes magiques, un vêtement jaune et d’autres objets singuliers. Reconnue coupable, elle fut remise aux juges séculiers, qui la condamnèrent à la peine de mort. On voit qu’elle se repentit ; mais les maux qu’elle avait causés étaient si grands qu’elle fut exécutée le 21 janvier 1749. Oswald Loschert, abbé d’Oberzëll, et témoin de tous les faits, a écrit l’histoire de cette possession et l’a envoyée à Marie-Thérèse.

Santabarenus. Basile, empereur de Constantinople, ayant perdu son fils Constantin, qu’il aimait uniquement, voulut le voir à quelque prix que ce fût. Il s’adressa à un moine hérétique, nommé Santabarenus, qui, après quelques conjurations, lui montra un spectre semblable à son fils[16].

 
 

Pareillement, un prétendu sorcier a fait voir à un fanatique admirateur de Frédéric II le spectre de ce roi de Prusse, et cela de notre temps, par la fantasmagorie, qui a été certainement connue des anciens.

Saphis, morceaux de papier sur lesquels sont écrits des passages du Koran, et que les Maures vendent aux nègres, comme ayant la propriété de rendre invulnérable celui qui les porte.

Sapondomad, génie sous la protection duquel est la terre, et qui, selon les Guèbres, fait des souhaits pour celui qui la cultive, et des imprécations contre celui qui la néglige.

Sarcueil, démon que nous ne connaissons pas, invoqué dans les litanies du sabbat.

Sare (Marguerite de). Prévenue de sorcellerie à seize ans, elle mourut en prison à Bordeaux, où elle avait été renfermée pour avoir fait un pacte avec le diable[17] vers l’an 1600.

Sarmenius-Lapis, pierre à laquelle on attribuait la vertu de prévenir les avortements.

Sas, divination par le sas ou tamis. Voy. Cosquinomancie.

Satan, démon du premier ordre, du troisième selon Réginald Scott, chef des démons et de l’enfer, selon l’opinion générale ; démon de la discorde, selon les démonomanes, prince révolutionnaire dans l’empire de Belzébuth. Quand les anges se révoltèrent contre Dieu, Satan, alors gouverneur d’une partie du nord dans le ciel, se mit à la tête des rebelles ; il fut vaincu et précipité dans l’abîme. Le nom de Satan en hébreu veut dire ennemi, adversaire. Milton dit que Satan est semblable à une tour par sa taille, et, un peu plus loin, il fixe sa hauteur à quarante mille pieds. Il n’est pas invoqué dans les litanies du sabbat.

On a publié, il y a vingt ans, une Lettre de Satan aux francs-maçons ; elle eût pu être plus piquante. On a vu de nos jours, à Paris, un journal intitulé d’abord Satan, et ensuite le Corsaire-Satan, comme il y en avait un à Bruxelles intitulé Méphistophélès. Ce ne sont pas des esprits bien spirituels qui se mettent ainsi sous le couvert des esprits malins.

Satan, un jour, s’est montré à Faust, sous la forme d’un âne, avec des cornes longues d’une aune et la queue d’un chat[18].

Satanaki. On voit dans Psellus que les manichéens, ou du moins quelques-unes de leurs sectes, rendaient un culte à Satanaki, créateur des animaux et des plantes.

Satamins, démons contradicteurs de la suite de Satan, dans la cabale juive.

Satanalogie. Dans un tableau remarquable des écarts de l’école philosophique allemande, publié à Louvain il y a quelques années, le savant professeur Moeller a consacré un curieux chapitre à la satanalogie. Nous ne pouvons faire mieux que de le reproduire ici :

« La théorie du Christianisme de Schelling serait incomplète s’il avait passé sous silence l’esprit puissant qui, depuis le commencement des choses, a joué un si grand rôle dans le monde. La satanalogie, ou la théorie du démon, ne pouvait manquer de trouver place dans son système. Ce chapitre de sa philosophie actuelle est si remarquable, il renferme des idées sur la nature du démon tellement neuves (mais erronées), il présente sur cette puissance méconnue jusqu’ici des vues et des éclaircissements si extraordinaires, qu’il mérite de fixer toute l’attention des savants. Nous l’exposerons donc à nos lecteurs, espérant qu’ils parviendront à comprendre le vrai sens des idées du philosophe de Berlin.

» Satan, selon lui, était d’abord une puissance, un principe universel : tout le système repose, comme on sait, sur des puissances qui précèdent des réalités. Dieu lui-même débute[19] comme puissance, et il en est de même du démon. Schelling avoue cependant que le mot hébreu husatan, avec l’article défini, signifie un adversaire déterminé, qu’on peut concevoir comme personne individuelle ou comme esprit général.

» Dans le Nouveau Testament, Satan est représenté comme l’adversaire du Christ, qui est venu pour détruire ses œuvres. Cette position du prince des ténèbres prouve sa dignité. S’il n’eût été qu’une simple créature, la lutte, qui ne peut avoir lieu qu’entre des puissances égales, n’aurait pas été possible entre le Christ et Satan. Le Christ n’aurait pas eu un adversaire digne de lui, s’il n’avait eu affaire qu’à une pauvre créature. Les grands préparatifs, les travaux et les souffrances du Sauveur ne pourraient alors se comprendre, dit-il. On a jusqu’ici regardé le diable comme une créature qui, bonne d’abord, devint méchante ; mais, selon Schelling, c’est une erreur. Les bogomiles, secte hérétique du onzième siècle, avaient mieux compris la nature du démon, dont ils faisaient le frère aîné du Christ… Dans le Nouveau Testament, Satan est nommé le prince de ce monde : l’apôtre saint Paul l’appelle même le dieu de ce monde. Il a ses anges, ses ministres à lui ; voilà des dignités auxquelles une simple créature ne peut aspirer. Il est donc évident, pour Schelling, que Satan est un principe ou une puissance ; qu’il est reçu dans l’économie de Dieu, dans l’ensemble des puissances, et que nous lui devons du respect comme à une puissance légitime…

» Il n’est pas permis, dit Schelling, de le méconnaître, de le mépriser, de s’en moquer. Témoin l’apôtre saint Jude, qui, parlant de lui, dit que l’archange Michel, dans la contestation qu’il eut avec le démon touchant le corps de Moïse, n’osa le condamner avec exécration et se contenta de lui dire : « Que le Seigneur te réprime ! » (Epist., vers. 9.) Le même apôtre, continue Schelling, blâme ceux qui méconnaissent la dignité des démons, et dit d’eux : « Ces personnes méprisent la domination et blasphèment la majesté. » (Vers. 8.) L’apôtre nomme ici le démon la domination, s’il faut suivre l’interprétation de Schelling, comme on dit sa seigneurie en parlant d’un seigneur ; car c’est de la majesté du démon qu’il est question, dit-il. Saint Pierre, dans sa seconde épître, se trouve d’accord avec saint Jude ; il parle également, en les blâmant, de ces personnes qui méprisent les puissances. (Vers. 10.) Dans ces puissances, le philosophe allemand voit encore les demons. Schelling nous explique aussi la cause de la lutte de saint Michel contre le démon : « Le corps de Moïse était le principe cosmique et païen, qui existait encore dans le judaïsme : voilà pourquoi le démon prétendit avoir un droit sur ce corps. » Si Satan n’avait été qu’une créature, comment, demande Schelling, aurait-il pu montrer au Christ tous les royaumes du monde, avec leur gloire et lui dire : Je vous donne tout cela, si vous voulez m adorer ?… Satan est donc un principe cosmique…

» Sachant maintenant la haute dignité de Satan, il nous reste à comprendre quelle est son origine. Nous avons assigné, dit Schelling, au Christ une position intermédiaire entre Dieu et la créature. Son antagoniste, le démon, ne pouvait lui être inférieur, puisque le combat devait avoir lieu entre des personnes d’un rang égal. Par conséquent, Satan n’est ni créateur ni créature, mais une puissance intermédiaire, fonctionnant dans l’économie de Dieu. Quelle est cette fonction ? L’Écriture sainte lui donne plusieurs épithètes ; elle le nomme accusateur, calomniateur, celui qui excite des soupçons et des doutes. Le vrai sens de ces dénominations se trouve dans le livre de Job. Dans l’introduction de ce livre, il est dit qu’un jour Satan se présenta hardiment parmi les enfants de Dieu, pour rendre suspectes les intentions de l’ancien émir. Dieu lui permit alors de dépouiller Job de sa fortune. Satan, incapable d’ébranler la fidélité du serviteur de Dieu, apparut une seconde fois devant le Seigneur pour l’accuser. Voilà, dit Schelling, la fonction du démon : d’accuser les hommes devant Dieu, de prévenir Dieu contre eux, d’éveiller des doutes et des soupçons sur leur conduite. Il est, par conséquent, le principe actif qui travaille à la manifestation de ce qui est caché. Sous son influence, l’incertain devient certain, et ce qui est encore indécis parvient à être décidé.

» En vertu de ce principe, le mal qui est caché au fond du cœur de l’homme se manifeste, et Satan contribue ainsi à la gloire de Dieu ; car le mal, pour pouvoir être vaincu et repoussé, doit être mis à nu. C’est à cause de cela qu’il remplit de si importantes fonctions lors de la chute de l’homme. Si l’homme eût soutenu l’épreuve à laquelle il fut soumis, la fonction de Satan aurait été terminée ; mais l’homme succomba, et ce fut au Christ de vaincre le démon. D’après Schelling, Satan était donc d’abord une puissance ayant pour fonction de révéler ce qui était caché au fond des cœurs ; et ce ne fut pas Satan qui corrompit l’homme, mais bien l’homme qui corrompit le démon. — L’homme, dans son état primitif d’innocence, fut, dit-il, un être indécis ; il ne prit une décision que par sa chute. L’être aveugle, le principe de toute existence, même celle de Dieu, était caché et latent au fond de l’homme et devait rester dans cet état pour toujours. (On nous excusera de citer ces erreurs.) Le principe aveugle était renfermé dans des limites qu’il n’aurait jamais dû franchir ; mais Satan, le principe incitatif, vint alors et remua l’homme. Celui-ci éveilla le principe aveugle qui s’empara de lui et l’assujettit. Dès lors Satan devint méchant ; il devint une personne réelle et cosmique qui tend partout des pièges à l’homme.

» Aucune notion, dit encore Schelling, n’est aussi dialectique que celle de Satan, qui varie à chaque époque de son existence. D’abord il n’est pas méchant du tout ; il révèle seulement le mal caché dans l’homme ; mais insensiblement il s’envenime, il s’empire et devient méchant à la fin de la lutte, lorsque sa puissance lui a été enlevée par le Christ. Cependant il continue à exister ; et l’on doit toujours être sur ses gardes pour ne pas retomber sous sa puissance. Mais à la fin, lorsque le Fils aura assujetti toutes choses au Père, lorsque Dieu sera devenu tout en tous, Satan aura terminé sa carrière.

» Schelling explique, dans sa Satanalogie, plusieurs autres passages du Nouveau Testament. — Satan, comme créature, n’aurait jamais eu, dit-il, de puissance sur l’homme ; mais comme principe universel et cosmique, il est le dieu du monde. Tous les hommes sont soumis à son pouvoir ; car chacun de nous sait que toute sa vie, quoiqu’il fasse, est mauvaise devant Dieu. C’est dans ce sens que l’Apôtre dit : — Nous avons à combattre, non contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances de l’air.

» Dans la Genèse, continue-t-il, Satan est représenté comme un serpent. Le symbole est vrai et profond, car le démon s’insinue d’une manière imperceptible et empoisonne notre intérieur. Il est la Proserpine de la mythologie ancienne ; ce nom en effet vient de proserpere, ramper. Ce qui se passa intérieurement dans l’homme est raconté dans la Genèse comme un fait extérieur. — C’est un mythe, si l’on veut, mais c’est un mythe nécessaire, puisque le principe latent sollicite continuellement l’homme pour arriver à une existence réelle. Il rôde autour de l’homme comme un lion affamé, cherchant son repos dans l’homme, là où il trouve l’entrée ouverte ; et chassé d’un lieu, il se rend à un autre. Il est le principe mobile de l’histoire, qui sans lui arriverait bientôt à un état de stagnation et de sommeil. Il dresse toujours des embûches à la conscience de l’homme, car la vie consiste dans la conscience du moi.

» Comparons encore, continue Schelling, notre manière de voir avec d’autres passages des saintes Écritures. Nous lisons dans l’Apocalypse que Satan tomba du ciel sur la terre. Il ne s’agit pas ici d’un bon ange devenu méchant, mais d’un changement des relations du démon avec Dieu. Il perdit par le Christ sa fonction religieuse, et acquit en même temps une existence politique ; son action se révéla sur les champs de bataille arrosés de sang. C’est donc, selon Schelling, dans la politique, que, de nos jours, le démon exerce son empire. Lorsque saint Jean dit : Celui qui commet le péché est du diable, parce que le diable pèche dès le commencement, » on ne doit pas entendre par ces paroles le commencement de son existence, mais de son activité ; car aussi longtemps qu’il resta dans un état latent, comme puissance inactive, il n’était pas encore question de lui. En dehors de cette fonction historique et politique, Satan est encore en rapport avec chaque homme. — Chacun de nous, dit Schelling, naît sous l’influence du principe satanique ; et c’est là le vrai sens du péché originel, qui n’est nié que par une philosophie superficielle… L’avénement du Christ fut le moment de la crise pour Satan. — C’est maintenant, dit saint Jean, que le prince du monde va être chassé dehors. » C’est-à-dire, selon Schelling, il perd son domaine dans la religion pour le regagner dans la politique.

» Schelling ajoute quelques observations sur les anges tant bons que mauvais. Que les anges soient pour lui des puissances, cela va sans dire. « Les mauvais anges, dit-il, sont des puissances négatives ; à chaque royaume et à chaque province de Satan, préside une de ces puissances, dont il est le chef qui les gouverne toutes. Quant à leur naissance, elle est la même que celle de leur chef. Cerne sont pas des êtres créés ; ils doivent, comme lui, leur existence à la volonté de l’homme. La raison de leur existence est cependant posée par la création : ce sont des possibilités opposées à la création réelle. Aussitôt] que la création fut terminée, les possibilités négatives devaient apparaître. Si un état, par exemple, se forme, tous les crimes deviennent possibles. Les bons anges, comme les mauvais, sont des puissances, mais opposées à ceux-ci. » Ici se manifestent, selon Schelling, des relations très-intéressantes et très-remarquables : lorsque les mauvais anges deviennent des réalités, les bons anges deviennent des possibilités ; et la réalité des bons anges réduit les mauvais à de pures possibilités. Les mauvais anges sortirent, par le péché de l’homme, de leur état purement potentiel et devinrent des réalités ; par conséquent les bons anges, les anges positifs, furent renfermés dans la simple potentialité. C’est là le sens de cette expression ; ils restaient dans le ciel, c’est-à-dire dans l’état potentiel. L’homme se sépara, par sa chute, de son bon ange, qui fut mis en dehors de lui et privé de son existence réelle. Les bons anges sont les idées positives, ce qui doit être. L’homme donc, ayant accueilli par sa volonté ce qui ne doit pas être, a chassé le contraire. Toutefois ces idées positives suivirent, comme des envoyés divins, l’homme même dans son plus grand éloignement de Dieu. C’est ainsi qu’on peut dire avec raison que chaque homme se trouve placé entre son bon et son mauvais ange…

» Tout homme et tout peuple a son ange. Aussi longtemps que l’homme ne s’était pas séparé de Dieu, les bons anges n’avaient pas besoin de le suivre. Voilà pourquoi le Christ dit des enfants que leurs anges voient toujours le visage du Père dans le ciel : ce qui veut dire que les enfants sont auprès de Dieu. À l’époque de la crise, vers la fin de la lutte décidée par le Christ, les anges reviennent plus souvent. Ils apparaissent alors plusieurs fois, car les bons anges sont les ministres du Christ. Ils échangent alors la possibilité avec la réalité, tandis que les mauvais anges rentrent de nouveau dans l’état de simple possibilité. Les mauvais anges sont, d’après l’Épître de saint Jude, retenus par des chaînes éternelles dans les profondes ténèbres, jusqu’au grand jour du jugement. »

C’est là de la philosophie allemande (et condamnée) que nous ne donnons qu’à titre de curiosité. On y voit qu’en se perdant parmi les nuages germaniques, Schelling peut altérer les grandes vérités, mais non les nier.

Satyres. Les satyres étaient chez les païens des divinités champêtres qu’on représentait comme de petits hommes velus, avec des cornes et des oreilles de chèvre, la queue, les cuisses et les jambes du même animal.

Pline le naturaliste croit que les satyres étaient une espèce de singes, et il assure que dans une montagne des Indes il se trouve des singes qu’on prendrait de loin pour des hommes : ces sortes de singes ont souvent épouvanté les bergers. Les démonomanes disent que les satyres n’ont jamais été autre chose que des démons qui ont paru sous cette figure sauvage ; les cabalistes n’y voient que des gnomes.

Saint Jérôme rapporte que saint Antoine rencontra dans son désert un satyre qui lui présenta des dattes, et l’assura qu’il était un de ces habitants des bois que les païens avaient honorés sous les noms de satyres et de faunes ; il ajouta qu’il était venu vers lui comme député de toute sa nation, pour le conjurer de prier pour eux le Sauveur, qu’ils savaient bien être venu en ce monde. Les satyres ne seraient ainsi que des sauvages.

Le maréchal de Beaumanoir chassant dans une forêt du Maine, en 1599, ses gens lui amenèrent un homme qu’ils avaient trouvé endormi dans un buisson, et dont la figure était très-singulière : il avait au haut du front deux cornes, faites et placées comme celle d’un bélier ; il était chauve, et avait au bas du menton une barbe rousse par flocons, telle qu’on peint celle des satyres. Il conçut tant de chagrin de se voir promener de foire en foire, qu’il en mourut à Paris, au bout de trois mois. On l’enterra dans le cimetière de Saint-Côme. « Sous le roi Étienne, dit Leloyer, en temps de moissons, sortirent en Angleterre deux jeunes enfants de couleur verte, ou plutôt deux satyres, mâle et femelle, qui, après avoir appris le langage du pays, se dirent être d’une terre d’antipodes, où le soleil ne luisait, et ne voyaient que par une lumière sombre qui précédait le soleil d’orient, ou suivait celui d’occident. Au surplus, étaient chrétiens et avaient des églises. » Enfin, un rabbin s’est imaginé que les satyres et les faunes des anciens étaient en effet des hommes, mais dont la structure était restée imparfaite, parce que Dieu, lorsqu’il les faisait, surpris par le soir du sabbat, avait interrompu son ouvrage.

Saubadine de Subiette, mère de Marie de Naguille, sorcière, que sa fille accusa de l’avoir menée au sabbat plusieurs fois[20].

Sausine, sorcière et prêtresse du sabbat. Elle était très-considérée des chefs de l’empire infernal. C’est la première des femmes de Satan. On

 
 
l’a vue souvent, avec ses yeux troubles, dans les assemblées qui se tenaient au pays de Labour[21].

Saute-Buisson. Voy. Verdelet.

Sauterelles. Pendant que Charles le Chauve assiégeait Angers, des sauterelles grosses comme le pouce, ayant six ailes, vinrent assaillir les Français. Ces ennemis d’un nouveau genre volaient en ordre, rangés en bataille, et se faisaient éclairer par des piqueurs d’une forme élancée. On les exorcisa, suivant l’usage du temps, et, chose qui surprend les niais, le tourbillon, mis en déroute, s’alla précipiter dans la mer[22].

Sauveurs d’Italie, charlatans qui se disent parents de saint Paul et portent imprimée sur leur chair une figure de serpent qu’ils donnent pour naturelle. Ils se vantent de ne pouvoir être blessés par les serpents, ni par les scorpions, et de les manier sans danger.

Savon. Dans l’île de Candie et dans la plupart des îles de Turquie et de la Grèce, on évite d’offrir du savon à quelqu’un. On craindrait par là d’effacer l’amitié.

Savonarole (Jérôme), célèbre dominicain ferrarais du quinzième siècle. Machiavel dit qu’il avait persuadé au peuple de Florence qu’il parlait avec Dieu. Nardin, dans son Histoire de Florence, livre II, dit que les partisans de Savonarole étaient appelés Piagnoni, les pleureurs, et ses ennemis Arrabiati (les enragés) ou les indisciplinables[23]. Nous ne jugerons pas ici cet homme, qui put bien avoir des torts graves.

Sayrims, ministres de Satan dans la cabale.

Scaf ou Schaf, magicien du canton de Berne, au quinzième siècle. Il pouvait, disait-il, se changer en souris pour échapper à ses ennemis, qui le prirent et le tuèrent.

Scandinaves. Alfader est le plus ancien des dieux dans la Théogonie des Scandinaves. L’Edda lui donna douze noms : premièrement, Alfader (père de tout) ; deuxièmement, Héréon (seigneur ou plutôt guerrier); troisièmement, Nikar (le sourcilleux), lorsqu’il est mécontent ; quatrièmement, Nikuder (dieu de la mer) ; cinquièmement, Fiol-ner (savant universel); sixièmement, Orne (le bruyant); septièmement, Bifid (l’agile); huitièmement, Vidrer (le magnifique); neuvièmement, Svidrer (l’exterminateur); dixièmement, Svider (l’incendiaire) ; onzièmement, Oské (celui qui choisit les morts); douzièmement, Falker (l’heureux). Alfader est le nom que l’Edda emploie le plus souvent. Voy. Odin.

Schada-Schivaoun, génies indiens qui régissent le monde. Ils ont des femmes ; mais ce ne sont que des attributs personnifiés. La principale se nomme Houmani : c’est elle qui gouverne le ciel et la région des astres.

Schadukian, province du Ginnistan, que les romans orientaux disent peuplée de dives et de péris.

Schamanes, sorciers de la Sibérie, qui font des conjurations pour retrouver une vache perdue, pour guérir une maladie, et qui invoquent les esprits en faveur d’une entreprise ou d’un voyage. Ils sont très-redoutés. Schéda, le Faust juif aux premiers temps de notre ère. Il se vantait d’avoir appris beaucoup avec le diable.

Schédims, ministres de Samaël dans la cabale.

Scheithan, Satan chez les musulmans, qui ne prononcent jamais son nom sans ajouter : Dieu nous en préserve !

Schenck (Jean-Georges), médecin de Haguenau qui publia, en 1609, une curieuse histoire des monstres : Monstrorum hisloria mirabilis. Francfort ; in-4o.

Schéol. Nom de l’enfer chez les Hébreux.

Schertz (Ferdinand), auteur de la Magia posthuma. Olmutz, 1706. Voy. Vampires.

Schmidt (Hans), jeune forgeron d’Heydingsfeld, envoyé à Ingolstadt pour acheter du fer avec un compagnon nommé Wolf, fut enrôlé par lui dans les bandes du diable. Wolf lui prêta un petit livre de magie et ne le lui expliqua que quand ce jeune homme lui eut juré de le suivre

 
 
dans sa voie. Alors il lui dit qu’il devait tous les matins se lever en sortant du lit le pied gauche et invoquant le nom du diable, puis lire un passage du livre magique. Mais Hans s’effraya bientôt, jeta son livre et voulut se dégager. Dès lors Wolf, devenu son ennemi, le persécuta, cherchant à le tuer. Il s’enfuit de chez son maître, rencontra le démon qu’il avait invoqué, s’égara, fut accablé de peines diverses et ne put être délivré que par les exorcismes.

Schoumnus, fées malfaisantes très-redoutées des Kalmouks ; elles se nourrissent du sang et de la chair des humains, prennent souvent la forme de femmes charmantes ; mais un air sinistre, un regard perfide, dévoilent leur âme infernale. Quatre dents de sanglier sortent ordinairement de leur bouche, qui se prolonge quelquefois en trompe d’éléphant.

Schramm (Michel), jeune Allemand qui faisait ses études à Wurzbourg, et qui, selon l’usage malheureusement trop fréquent, y fit de mauvaises connaissances. Il avait dix-sept ans, lorsqu’un de ses amis qui, comme lui, étudiait le droit le présenta chez un homme qui s’occupait de magie. Tout en buvant, on parla d’une certaine racine qui, introduite dans un doigt, ouvrait les portes et les caisses et attirait l’or. Le magicien ajouta qu’il était facile de se la procurer ; qu’il fallait seulement avoir le courage de supporter la vue du démon, qui du reste n’était pas trop désagréable, et lui signer un petit écrit.

 
 
Cette merveille les tente ; le magicien rédige deux pactes, pique à chacun des deux étudiants un doigt ; il en sort une goutte de sang avec laquelle ils signent leur engagement. Le magicien leur donne à chacun un bâton, les conduit à un carrefour hors de la ville, trace autour d’eux un cercle et appelle le diable, qui paraît sous les traits d’un jeune homme. L’épouvante les saisit, et ils veulent fuir ; mais le magicien les avait liés. Ils présentent en tremblant leurs pactes, au bout de leurs bâtons ; le diable fixe alors la racine magique dans leurs doigts, à l’endroit qui avait été piqué et sans qu’ils en ressentent aucune douleur. Dès le lendemain leurs doigts ouvraient les serrures et attiraient les pièces d’or ; ils devenaient donc riches.

Mais Michel Schramm, en songeant qu’il avait vendu son âme, perdit tout repos. Il eut l’heureux | courage ou plutôt la grâce de retourner à Dieu. Il se rendit chez les jésuites de Molsheim, abjura sa lâcheté et fut délivré au bout de trois semaines, le démon, contraint par les exorcismes, ayantrendu son pacte. Ce qui eut lieu le 13 janvier 1613[24].

Schroettelis, les esprits montagnards ou gnomes en Suisse.

Schroter (Ulrich). En 1552, à Willissaw, dans le canton de Lucerne, un joueur de profession, nommé Ulrich Schroter, se voyant malheureux au jeu, proférait des blasphèmes qui ne rendaient pas ses parties meilleures. Il jura que, s’il ne gagnait pas, dans la chance qui allait tourner, il jetterait sa dague contre un crucifix qui était sur la cheminée. Les menaces d’Ulrich n’épouvantèrent point celui dont il outrageait l’image ; Ulrich perdit encore. Furieux, il se lève, lance sa dague, qui n’atteignit pas son but sacrilège, et aussitôt, disent les chroniques du temps, une troupe de démons tombe sur lui et l’étouffe, avec un bruit si épouvantable, que toute la ville* en fut ébranlée[25].

Sciamancie, divination qui consiste à évoquer les ombres des morts, pour apprendre les choses futures. Elle différait de la nécromancie et de la psychomancie en ce que c’était, non l’âme ni le corps du défunt qui paraissait, mais seulement un simulacre.

Sciences. Les musulmans attribuent la diffusion des sciences dans le monde à Édris, qui n’est autre qu’Énoch. Ce nom Édris vient d’un mot arabe qui signifie méditation, étude. Édris, disent-ils, fut l’un des plus anciens prophètes. Dieu lui envoya trente volumes qui renfermaient les principes de toutes les sciences et de toutes les connaissances humaines. Il fit la guerre aux infidèles descendus de Caïn, et réduisit le premier en esclavage ses prisonniers de guerre ; il inventa la plume et l’aiguille, l’arithmétique et l’astronomie. Édris vécut 375 ans et fut enlevé au ciel.

Sciences occultes ou Sciences secrètes. On donne ce nom à la magie, à la théurgie, au plus grand nombre des divinations, à la jurisprudence des pactes, à l’art notoire, à l’art des talismans, aux pratiques des grimoires, aux secrets et aux combinaisons des sorciers, aux procédés qui évoquent, dirigent ou renvoient les démons et les esprits, etc., etc., etc.

Scimasar, une des douze espèces d’augures que Michel Scot distingue dans son Traité de la physionomie. Il l’appelle Scimasar nova. Lorsque vous voyez, dit-il, un homme ou un oiseau derrière vous, qui vous joint ou vous passe, s’il passe à votre droite, c’est bon augure, et mauvais s’il passe à votre gauche.

Sciopodes, peuples fabuleux de l’Éthiopie, dont parle Pline, lesquels, n’ayant qu’un pied, s’en servaient pour se mettre à l’ombre du soleil, en se couchant par terre et levant leur pied en l’air.

Scopelisme, sorte de maléfice qu’on donnait par le moyen de quelques pierres charmées. On jetait une ou plusieurs pierres ensorcelées dans un jardin ou dans un champ : la personne, qui les découvrait ou y trébuchait en recevait le maléfice, qui faisait parfois mourir.

Scorpion. Les Persans croient que, par le moyen de certaines pierres merveilleuses, on peut ôter le venin aux scorpions, qui se trouvent chez eux en grand nombre.

Frey assure qu’il n’y a jamais eu ni de serpents ni de scorpions dans la ville de Hamps, à cause de la figure d’un scorpion gravée sur un talisman dans les murailles de cette ville.

Scot, magicien. Voy. Sibylles, à la fin.

Scotopètes. Voy. Circoncellions.

Scott (Michel), magicien écossais, que Dante a mis dans son enfer. Il vivait au treizième siècle.

Scott (Réginald) a publié en Angleterre une description et statistique du gouvernement des démons. Il n’est pas d’accord avec Wierus.

Scott (Walter). Voy. Walter Scott.

Scouminkes, esprits familiers allemands, qui s’attachent surtout aux maisons nobles.

Scox ou Chax, duc et grand marquis des

 
 
enfers. Il a la voix rauque, l’esprit porté au mensonge ; il se présente sous la forme d’une cigogne. Il vole l’argent dans les maisons qui en possèdent et ne restitue qu’au bout de douze cents ans, si toutefois il en reçoit l’ordre. Il enlève les chevaux. Il exécute tous les commandements qui lui sont donnés, lorsqu’on l’oblige d’agir de suite ; et quoiqu’il promette d’obéir aux exorcistes, il ne le fait pas toujours. Il ment, s’il n’est pas dans un triangle ; si au contraire il y est renfermé, il dit la vérité en parlant des choses surnaturelles. Il indique les trésors cachés qui ne sont pas gardés par les malins esprits. Il commande trente légions[26].

Scylla, nymphe dont Glaucus fut épris. N’ayant pu la rendre sensible, il eut recours à Circé, qui mit un charme dans la fontaine où Scylla avait coutume de se baigner. À peine y fut-elle entrée, qu’elle se vit changée en un monstre qui avait douze griffes, six gueules et six têtes ; une meute de chiens lui sortait de la ceinture. Effrayée d’elle-même, Scylla se jeta dans la mer à l’endroit où est le détroit qui porte son nom.

Sébhil ou Sébhaël, génie qui, selon les musulmans, tient les livres où sont écrites les bonnes et les mauvaises actions des hommes.

Secrétain (Françoise), sorcière qui fut brûlée à Saint-Claude, en Franche-Comté, sous Boguet. Elle avoua qu’elle avait vu le diable, tantôt en forme de chien, tantôt en forme de chat, tantôt en forme de poule[27]. Elle le vit aussi sous les traits peu agréables d’un grand cadavre…

Secrets merveilleux. Faites tremper une graine quelconque dans la lie de vin, puis jetez-la aux oiseaux ; ceux qui en tâteront s’enivreront et se laisseront prendre à la main. Mangez à jeun quatre branches de rue, neuf grains de genièvre, une noix, une figue sèche et un peu de sel, pilés ensemble, vous vous maintiendrez en parfaite santé, dit le Petit Albert. Qu’on pile et qu’on prenne dans du vin une pierre qui se trouve dans la tête de quelques poissons, Avicenne dit qu’on guérira de la pierre. Mizaldus prétend que les grains d’aubépine, pris avec du vin blanc, guérissent de la gravelle. La grenouille des buissons, coupée et mise sur les reins, fait tellement uriner, si l’on en croit Cardan, que les hydropiques en sont souvent guéris.

Qu’on plume, qu’on brûle et qu’on réduise en poudre la tête d’un milan, qu’on en avale dans de l’eau autant qu’on peut en prendre avec trois doigts, Mizaldus promet qu’on guérira de la goutte. Cardan assure encore qu’une décoction de l’écorce du peuplier blanc, appliquée sur les membres souffrants, guérit la goutte sciatique. Wecker déclare qu’une tasse de thé guérit les morsures des vipères.

On voit dans Thiers qu’on fait sortir les ordures des yeux en crachant trois fois.

Ce ne sont là que des secrets de santé. Leloyer dit que, pour se garantir des enchantements, il faut cracher sur le soulier du pied droit, et qu’on se préserve des maléfices en crachant trois fois sur les cheveux qu’on s’arrache en se peignant, avant de les jeter à terre.

Un ancien assure qu’une vierge arrête la grêle en en mettant trois grains dans son sein. Nous entrons là dans les secrets plus mystérieux. On empêche un mari de dormir en mettant dans son lit un œuf d’hirondelle.

Mettez un œuf dans le vin : s’il descend de suite au fond, le vin est trempé ; s’il surnage, le vin est pur. Qu’on mêle l’herbe centaurée avec le sang d’une huppe femelle, et qu’on en mette dans une lampe avec de l’huile, tous ceux qui se trouveront présents se verront les pieds en l’air et la tête en bas. Si on en met au nez de quelqu’un, il s’enfuira et courra de toutes ses forces. Celui-ci est d’Albert le Grand, ou du moins du livre de secrets merveilleux qu’on lui attribue. Qu’on mette pourrir la sauge dans une fiole, sous du fumier, il s’en formera un ver qu’on brûlera. En jetant sa cendre au feu, elle produira un coup de tonnerre. Le même livre ajoute que, si on en mêle à l’huile de la lampe, toute la chambre semblera pleine de serpents.

La poudre admirable que les charlatans appellent poudre de perlimpinpin, et qui opère tant de prodiges, se fait avec un chat écorché, un crapaud, un lézard et un aspic, qu’on met sous de bonne braise jusqu’à ce que le tout soit pulvérisé[28]. On pourrait citer une foule de secrets pareils, car nous en avons de toutes les couleurs ; mais ceux qu’on vient de lire donnent une idée de la totalité. Voy. Charmes, Enchantements, Maléfices, Prières, Superstitions, etc.

Pline assure qu’un certain Babilius fit en six jours la traversée de la Sicile à Alexandrie, par la vertu d’une herbe dont il ne dit pas le nom. On cite d’autres voyageurs qui ont fait en un jour cent lieues à pied au moyen de la jarretière du bon voyageur. Voy. Jarretière.

Il y a des livres très-gros, uniquement consacrés aux formules des secrets dits naturels et des secrets dits magiques. Nous devons donner une idée textuelle de cette partie de l’encyclopédie infernale.

 
SECRETS DE L’ART MAGIQUE DU GRAND GRIMOIRE.
 

« Composition de mort, ou la pierre philosophale. — Prenez un pot de terre neuf, mettez-y une livre de cuivre rouge avec une demi-chopine d’eau-forte que vous ferez bouillir pendant une demi-heure : après quoi vous y mettrez trois onces de vert-de-gris que vous ferez bouillir une heure ; puis vous mettrez deux onces et demie d’arsenic que vous ferez bouillir une heure ; vous y mettrez trois onces d’écorce de chêne, bien pulvérisée, que vous laisserez bouillir une demi-heure, une potée d’eau rose bouillie douze minutes, trois onces de noir de fumée que vous laisserez bouillir jusqu’à ce que la composition soit bonne. Pour voir si elle est assez cuite, il faut y tremper un clou : si elle y prend, ôtez-la ; elle vous procurera une livre et demie de bon or ; et si elle ne prend point, c’est une preuve qu’elle n’est pas assez cuite ; la liqueur peut servir quatre fois.

 
 

» Pour faire la baguette divinatoire et la faire tourner. — Dès le moment que le soleil paraît sur l’horizon, vous prenez de la main gauche une baguette vierge de noisetier sauvage et la coupez de la droite en trois coups, en disant : Je te ramasse au nom d’Eloïm, Matrathon, Adonai et Semiphoras, afin que tu aies la vertu de la verge de Moïse et de Jacob, pour découvrir tout ce que je voudrai savoir. Et pour la faire tourner, il faut dire, la tenant serrée dans ses mains par les deux bouts qui font la fourche : Je te recommande au nom d’Eloïm, Matrathon, Adonài et Semiphoras, de me relever…

» Pour gagner toutes les fois qu’on met aux loteries. — Il faut, avant de se coucher, réciter trois fois cette oraison, après quoi vous la mettrez sous l’oreiller, écrite sur du parchemin vierge, sur lequel vous aurez fait dire une messe du Saint-Esprit…, et pendant le sommeil le génie de votre planète vient vous dire l’heure où vous devez prendre votre billet : Domine Jesu Christe, qui dixisti ego sum, via, veritas et vita, ecce enim veritatem dilexisti, incerta et occulta sapientiæ tuæ manifestasti mihi, adhuc quæ révélés in hac nocte sicut ita revelatum fuit parvulis solis, incognita et ventura unaque alia me doceas, ut possim omnia cognoscere, si et si sit ; ita monstra mihi montem ornatum omni vino bono, pulclirum et gratum pomarium, aut quamdam rem gratam, sin autem ministra mihi ignem ardentem, vel aquarum currentem, vel aliam quamcunque rem quæ Domino placeat, et vel Angeli Ariel, Rubiel et Barachiel sitis mihi multum amatores et factores ad opus istud obtinendum quod cupio scire, videre, cognoscere et prævidere per ilium Deum qui venturus est judicare vivos et mortuos, et sæculum per ignem. Amen. Vous direz trois Pater et trois Ave Maria pour les âmes du purgatoire…

» Pour charmer les armes à feu. — Il faut dire : — Dieu y ait part et le diable la sortie, — et lorsqu’on met en joue, il faut dire en croisant la jambe gauche sur la droite : — Non tradas Dominum nostrum Jesum Christum. Mathon. Amen…

» Pour parler aux esprits la veille de la Saint-Jean-Baptiste. — Il faut se transporter, de onze heures à minuit, près d’un pied de fougère, et dire : — Je prie Dieu que les esprits à qui je souhaite parler apparaissent à minuit précis. — Et aux trois quarts vous direz neuf fois ces cinq paroles : Bar, Kirabar, Alli, Alla-Tetragramaton.

» Pour se rendre invisible. — Vous volerez un chat noir, et vous achèterez un pot neuf, un miroir, un briquet, un pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi, allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez le couvert de la main gauche sans bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et, après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, vous le mettez dans un plat neuf ; prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do, et nihil amplius[29] ; puis vous mettrez les os un à un sous les dents du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si ce n’est pas le bon os, vous le jetterez de même, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé, et sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons en disant : Pater, in manus tuas commendo spiriturn meum…

» Pour faire la jarretière de sept lieues par heure. — Vous achèterez un jeune loup au-dessous d’un an, que vous égorgerez avec un couteau neuf à l’heure de Mars, en prononçant ces paroles : Adhumalis cados ambulavit infortitudine cibi illius ; puis vous couperez sa peau en jarretières larges d’un pouce, et y écrirez dessus les mêmes paroles que vous avez dites en l’égorgeant, savoir, la première lettre de votre sang, la seconde de celui du loup, et immédiatement de même jusqu’à la fin de la phrase. Après qu’elle est écrite et sèche, il faut la doubler avec un padoue de fil blanc, et attacher deux rubans violets aux deux bouts pour la nouer du dessus au-dessous du genou ; il faut prendre garde qu’aucune femme ou fille ne la voie ; comme aussi la quitter avant de passer une rivière, sans quoi elle ne serait plus assez forte.

» Composition de l’emplâtre pour faire dix lieues par heure. — Prenez deux onces de graisse humaine, une once d’huile de cerf, une once d’huile de laurier, une once de graisse de cerf, une once de momie naturelle, une demi-chopine d’esprit-de-vin et sept feuilles de verveine. Vous ferez bouillir 16 tout dans un pot neuf jusqu’à demi-réduction ; puis vous en formez les emplâtres sur de la peau neuve, et, lorsque vous les appliquez sur la rate, vous allez comme le vent. Pour n’être point malade quand vous le quittez, il faut prendre trois gouttes de sang dans un verre de vin blanc.

» Composition de l’encre pour écrire les pactes. — Les pactes ne doivent point être écrits avec l’encre ordinaire. Chaque fois qu’on fait une appellation à l’esprit, on doit en changer. Mettez dans un pot de terre verpissé neuf de l’eau de rivière et la poudre décrite ci-après. Alors prenez des branches de fougère cueillie la veille de la Saint-Jean, du sarment coupé en pleine lune de mars ; allumez ce bois avec du papier vierge, et dès que votre eau bouillira, votre encre sera faite. Observez bien d’en changer à chaque nouvelle écriture que vous aurez à faire. Prenez dix onces de noix de galle et trois onces de vitriol romain, ou couperose verte ; d’alun de roche ou de gomme arabique, deux onces de chacun ; mettez le tout en poudre impalpable, dont, lorsque vous voudrez faire de l’encre, vous préparerez comme il est dit ci-dessus.

» Encre pour noter les sommes qu’on prendra dans les trésors cachés et pour en demander de plus fortes à Lucifuge[30] dans les nouveaux besoins. — Prenez des noyaux de pêche sans en ôter les amandes, mettez-les dans le feu pour les réduire en charbons bien brûlés ; alors retirez-les, et, lorsqu’ils sont bien noirs, prenez-en une partie, que vous mêlerez avec autant de noir de fumée ; ajoutez-y deux parties de noix de galle concassées ; faites dans l’huile desséchée de gomme arabique quatre parties ; que le tout soit mis en poudre très-fine et passée par le tamis. Mettez cette poudre dans de l’eau de rivière. Il est inutile de faire remarquer que tous les objets décrits ci-dessus doivent être absolument neufs.

» Lecteur bénévole, dit pour sa conclusion l’auteur de ces recettes, dont nous ne donnons que le bouquet, pénétre-toi bien de tout ce que le grand Salomon vient de t’enseigner par mon organe. Sois sage comme lui, si tu veux que toutes les richesses que je viens de mettre en ton pouvoir puissent faire ta félicité. Sois humain envers tes semblables, soulage les malheureux ; vis content. Adieu. »

Il est triste de savoir que de tels livres se vendent en grand nombre dans nos campagnes. Les voltairiens se plaignent de l’innocente diffusion de quelques petites brochures pieuses qui prêchent la paix ; ils ne disent rien des Grimoires et des Clavicules.

Segjin, septième partie de l’enfer chez les mahométans. On y jette les âmes des impies, sous un arbre noir et ténébreux, où l’on ne voit jamais aucune lumière ; ce qui n’est pas gai.

Seidur, magie noire chez les Islandais. V. Nid.

Seings. Divination à l’aide des seings, adressée par Mélampus au roi Ptolémée. — Un seing ou grain de beauté, au front de l’homme ou de la femme, promet des richesses. Un seing auprès des sourcils d’une femme la rend à la fois bonne et belle ; auprès des sourcils d’un homme, un seing le rend riche et beau. Un seing dans les sourcils promet à l’homme cinq femmes et à la femme cinq maris. Celui qui porte un seing à la joue deviendra opulent. Un seing à la langue promet le bonheur en ménage. Un seing aux lèvres indique la gourmandise. Un seing au menton annonce des trésors. Un seing aux oreilles donne une bonne réputation. Un seing au cou promet une grande fortune ; mais pourtant celui qui porte un seing derrière le cou pourrait bien être décapité. Un seing aux reins caractérise un pauvre gueux. Un seing aux épaules annonce une captivité. Un seing à la poitrine ne donne pas de grandes richesses. Celui qui porte un seing sur le cœur est quelquefois méchant ; celui qui porte un seing au ventre aime la bonne chère. Ceux qui ont un seing aux mains auront beaucoup d’enfants. Voy. Chiromancie.

Sel. Le sel, dit Boguet, est un antidote souverain contre la puissance de l’enfer. Le diable a tellement le sel en haine qu’on ne mange rien de salé au sabbat. Un Italien, se trouvant par hasard à cette assemblée pendable, demanda du sel avec tant d’importunité, que le diable fut contraint d’en faire servir. Sur quoi l’Italien s’écria : — Dieu soit béni, puisqu’il m’envoie ce sel ! et tout délogea à l’instant. Quand du sel se répand sur la table, mauvais présage, que l’on conjure en prenant une pincée du sel répandu et le jetant derrière soi avec la main droite par-dessus l’épaule gauche. Les Écossais attribuent une vertus extraordinaire à l’eau saturée de sel ; les habitants des Hébrides et des Orcades n’oublient jamais de placer un vase rempli d’eau et de sel sur la poitrine des morts, afin, disent-ils de chasser les esprits infernaux. Le sel est le symbole de l’éternité et de la sagesse, parce qu’il ne se corrompt point. Voy. Salière.

Sépar. Voy. Vépar.

Séphirioths (les) sont dans la cabale des êtres supérieurs mal définis.

Sépulture. Quelques philosophes qui voyageaient en Perse, ayant trouvé un cadavre abandonné sur le sable, l’ensevelirent et le mirent en terre. La nuit suivante, un spectre apparut à l’un de ces philosophes et lui dit que ce mort était le corps d’un infâme qui avait commis un inceste, et que la terre lui refusait son sein. Les philosophes se rendirent le lendemain au même lieu pour déterrer le cadavre ; mais ils trouvèrent la besogne faite, et continuèrent la route sans plus s’en occuper. Voy. Mort et Funérailles.

Nous pouvons ajouter un trait de plus aux bizarreries des usages funèbres.

Jonas, l’un des rois comans, mourut subitement avant d’être baptisé ; pour cette raison, on l’enterra comme païen hors des murs de Constantinople. On permit à ses officiers de faire ses funérailles selon leurs pratiques barbares. Son monument fut dressé sur une éminence, et dans la fosse, autour de son cadavre, on pendit à sa droite et à sa gauche plusieurs de ses écuyers qui s’offrirent volontairement à aller servir leur maître dans l’autre monde.; on y pendit aussi, pour le même usage, vingt-six chevaux vivants.

Sermons. Le diable, qui affecte de singer tous les usages de l’Église, fait faire au sabbat des sermons auxquels doivent assister tous les

 
 
sorciers. Asmodée est son prédicateur ordinaire, et plusieurs sorcières ont rapporté lui avoir entendu prêcher des abominations.

Serosch, génie de la terre chez les Parsis. Il préserve l’homme des embûches du diable.

Serpent. C’est sous cette figure redoutée que Satan fit sa première tentation. Le serpent noir de Pensylvanie a le pouvoir de charmer ou de fasciner les oiseaux et les écureuils : s’il est couché sous un arbre et qu’il fixe ses regards sur l’oiseau ou l’écureuil qui se trouve au-dessus de lui, il le force à descendre et à se jeter directement dans sa gueule. Cette opinion est justement très-accréditée, et ceux qui la nient parce qu’elle tient du merveilleux ne connaissent pas les effets de la fascination naturelle. Il y a dans les royaumes de Juida et d’Ardra, en Afrique, des serpents très-doux, très-familiers, et qui n’ont aucun venin ; ils font une guerre continuelle aux serpents venimeux : voilà sans doute l’origine du culte qu’on commença et qu’on a continué de leur rendre dans ces contrées. Un marchand anglais, ayant trouvé un de ces serpents dans son magasin, le tua, et, n’imaginant pas avoir commis une action abominable, le jeta devant sa porte. Quelques femmes passèrent, poussèrent des cris affreux, et coururent répandre dans le canton la nouvelle de ce sacrilège. Une grande fureur s’empara des esprits : on massacra les Anglais ; on mit le feu à leurs comptoirs, et leurs marchandises furent consumées par les flammes.

 
 

Des chimistes ont soutenu que le serpent, en muant et en se dépouillant de sa peau, rajeunit, croît, acquiert de nouvelles forces, et qu’il ne meurt que par des accidents et jamais de mort naturelle. On ne peut pas prouver par des expériences la fausseté de cette opinion ; car si l’on nourrissait un serpent et qu’il vînt à mourir, les partisans de son espèce d’immortalité diraient qu’il est mort de chagrin de n’avoir pas sa liberté, ou parce que la nourriture qu’on lui donnait ne convenait point à son tempérament.

On dit qu’Ajax, roi des Locriens, avait apprivoisé un serpent de quinze pieds de long, qui le suivait comme un chien et venait manger à table. Voy. Alexandre de Paphlagonie, Âne, Harold, Haridi, etc.

Serpent de mer (Le grand). On se rappelle le bruit que fit en 1837 la découverte du grand serpent de mer vu par le navire le Havre à la hauteur des Açores. Tous les journaux s’en sont occupés ; et, après s’en être montrée stupéfaite, la presse, faisant volte-face, a présenté ensuite le grand serpent marin comme un être imaginaire. M. B. de Xivrey a publié à ce propos, dans le Journal des Débats, des recherches curieuses que nous reproduisons en partie :

« Les mers du Nord, dit-il, paraissent être aujourd’hui la demeure habituelle du grand serpent de mer, et son existence est en Norvège un fait de notoriété vulgaire. Ce pays a vu souvent échouer sur ses côtes des cadavres de ces animaux, sans que l’idée lui soit venue de mettre de l’importance à constater ces faits. Les souvenirs s’en sont mieux conservés lorsqu’il s’y sorciers quelque autre incident plus grave, comme la corruption de l’air causée quelquefois par la putréfaction de ces corps. Pontoppidan en a cité des exemples, mais jamais on n’avait pensé à rédiger, à l’occasion de pareils faits, un procès-verbal. Celui qui fut rédigé à Stronza offre les notions les plus précises que l’on possède sur la figure du serpent de mer. Nous y voyons notamment ce signe remarquable de la crinière, dont les observateurs plus anciens et les récits des Norvégiens s’accordent à faire mention. Nous le trouvons dans une lettre datée de Bergen, 21 février 1751, où le capitaine Laurent Ferry termine ainsi sa description du serpent de mer qu’il rencontra : « Sa tête, qui s’élevait au-dessus des vagues les plus hautes, ressemblait à celle d’on cheval ; il était de couleur grise, avec la bouche très-brune, les yeux noirs et une longue crinière qui flottait sur son cou. Outre la tête de ce reptile, nous pûmes distinguer sept ou huit de ses replis, qui étaient très-gros et renaissaient à une toise l’un de l’autre. Ayant raconté cette aventure devant une personne qui désira une relation authentique, je la rédigeai et la lui remis avec la signature des deux matelots, témoins oculaires, Nicolas Peterson Kopper et Nicolas Nicolson Angleweven, qui sont prêts à attester sous serment l’a description que j’en ai faite. »

» C’est probablement cette crinière que Paul Égède compare à des oreilles ou à des ailes dans sa description du serpent marin qu’il vit à son second voyage au Groenland : « Le 6 juillet, nous aperçûmes un monstre qui se dressa si haut sur les vagues, que sa tête atteignait la voile du grand mât. Au lieu de nageoires, il avait de grandes oreilles pendantes comme des ailes ; des écailles lui couvraient tout le corps, qui se terminait comme celui d’un serpent. Lorsqu’il se reployait dans l’eau, il s’y jetait en arrière et, dans cette sorte de culbute, il relevait sa queue de toute la longueur du navire. »

» Olaüs Magnus, archevêque d’Upsal au milieu du seizième siècle, fait une mention formelle de cette crinière, dans le portrait du serpent de deux cents pieds de long et de vingt de circonférence, dont il parle comme témoin oculaire : « Ce serpent a une crinière de deux pieds de long ; il est couvert d’écailles et ses yeux brillent comme deux flammes ; il attaque quelquefois un navire, dressant sa tête comme un mât et saisissant les matelots sur le tillac. » Les mêmes caractères, qui se reproduisent dans d’autres récits dont la réunion serait trop longue, se retrouvent dans les descriptions des poètes Scandinaves. Avec une tête de cheval, avec une crinière blanche et des joues noires, ils attribuent au serpent marin six cents pieds de long. Ils ajoutent qu’il se dresse tout à coup comme un mât de vaisseau de ligne, et pousse des sifflements qui effrayent comme le cri d’une tempête. Ici nous apercevons bien les effets de l’exagération poétique, mais nous n’avons pas les données suffisantes pour marquer le point précis où elle abandonne la réalité.

» En comparant ces notions[31] avec ce que peuvent nous offrir d’analogue les traditions du moyen âge et de l’antiquité, je trouve des similitudes frappantes dans la description qu’Albert le Grand nous a laissée du grand serpent de l’Inde : « Avicenne en vit un, dit-il, dont le cou était garni dans toute sa longueur de poils longs et gros comme la crinière d’un cheval. » Albert ajoute que ces serpents ont à chaque mâchoire trois dents longues et proéminentes. Cette dernière circonstance paraît une vague réminiscence de ce que Ctésias, dans ses Indiques, et d’après lui Élien, dans ses Propriétés des animaux, ont rapporté du ver du Gange. Pour la dimension, ce ver est sans doute inférieur à la grandeur que peut atteindre le serpent marin, puisque ces auteurs grecs lui donnent sept coudées de long et une circonférence telle qu’un enfant de dix ans aurait de la peine à l’embrasser. Les deux dents dont ils le disent pourvu, une à chaque mâchoire, lui servent à saisir les bœufs, les chevaux ou les chameaux qu’il trouve sur la rive du fleuve, où il les entraîne et les dévore. Il est à propos de remarquer ici qu’un grand nombre de traits d’Hérodote et même de Ctésias, rejetés d’abord comme des contes ridicules, ont été plus tard repris pour ainsi dire en sous-œuvre par la science, qui souvent y a découvert des faits vrais et même peu altérés. Malte-Brun a plusieurs fois envisagé Ctésias sous ce point de vue.

» Nous arrivons naturellement à l’épouvantable animal appelé odontotyrannus, dans les récits romanesques des merveilles qu’Alexandre rencontra dans l’Inde. Tous les romans dû moyen âge sur ce conquérant, provenant des textes grecs désignés sous le nom du Pseudo-Callisthène, sont unanimes sur l’odontotyrannus, dont parlent aussi plusieurs auteurs byzantins. Tous en font un animal amphibie, vivant dans le Gange et sur ses bords, d’une taille dont la grandeur dépasse toute vraisemblance, « telle, dit Palladius, qu’il peut avaler un éléphant tout entier ». Quelque ridicule que paraisse cette dernière circonstance, on pourrait y voir mie allusion hyperbolique à la manière dont les plus gros serpents terrestres dévorent les grands quadrupèdes, comme les chevaux et les bœufs ; ils les avalent en effet sans les diviser, mais après les avoir broyés, allongés en une sorte de rouleau informe, par les puissantes étreintes et les secousses terribles de leurs replis. Il est vrai que M. Grœfe, par une docte dissertation insérée dans les Mémoires de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, a prétendu que l’odontotyrannus des traditions du moyen âge devait être un souvenir du mammouth. Le savant russe ne peut guère fonder cette singulière interprétation que sur les versions latines du roman d’Alexandre, dont monsignor Mai a publié un texte en 1818, sous le nom de Julius Valérius. Il est dit que l’odontotyrannus foula aux pieds (conculcavit) un certain nombre de soldats macédoniens. Le même récit se trouve dans une prétendue lettre d’Alexandre à Aristote, et dans un petit Traité des monstres et des bêtes extraordinaires, récemment publié. Mais dans les auteurs grecs que je viens d’indiquer, c’est-à-dire les divers textes grecs inédits du Pseudo-Callis-thène et Palladius, Cédrénus, Glycas, Hamarto-lus, on n’ajoute aucun détail figuratif à l’expression d’une grandeur énorme et d’une nature amphibie.

» Pour la qualité d’amphibie, qui n’appartient certainement pas au mammouth, peut-elle s’appliquer au grand serpent de mer ? Sir Everard Home, en proposant de placer parmi les squales celui qui avait échoué sur la place de Stronza, a prouvé par là qu’il le regardait comme un véritable poisson. Mais si l’on en fait un reptile, on lui supposera par cela même une nature amphibie, avec la faculté de rester indéfiniment dans l’eau, et l’on pourra en même temps rapporter au même animal les exemples de serpents énormes vus sur terre et consignés de loin en loin dans la mémoire des hommes. Le serpent de mer dont Olaüs Magnus a conservé une description était, au rapport du même prélat, un serpent amphibie qui vivait de son temps dans les rochers aux environs de Bergen, dévorait les bestiaux du voisinage et se nourrissait aussi de crabes. Un siècle plus tard, Nicolas Grammius, ministre de l’Évangile à Londen en Norvège, citait un gros serpent d’eau qui des rivières Mios et Banz, s’était rendu à la mer le 6 janvier 1656. « On le vit s’avancer tel qu’un long mât de navire, renversant tout sur son passage, même les arbres et les cabanes. Ses sifflements, ou plutôt ses hurlements, faisaient frissonner tous ceux qui les entendaient. Sa tête était aussi grosse qu’un tonneau, et son corps, taillé en proportion, s’élevait au-dessus des ondes à une hauteur considérable. »

 
 

» En des temps plus anciens, nous citerons le serpent de l’île de Rhodes, dont triompha au quatorzième siècle le chevalier Gozon, qui, par suite de cet exploit, trop légèrement traité de fable, devint grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; au seizième siècle, celui que Grégoire de Tours rapporte avoir été vu à Rome dans une inondation du Tibre, et qu’il représente grand comme une forte poutre : in modum trahis validæ. Le mot draco, dont se sert là notre vieil historien, est le terme de la bonne latinité, où il signifie seulement un grand serpent. Dans l’antiquité proprement dite, Suétone nous apprend qu’Auguste publia aux comices, c’est-à-dire annonça officiellement, la découverte faite en Étrurie d’un serpent long de soixante-quinze pieds. Dion Cassius dit que, sous le même prince, on vit dans la même contrée un serpent de quatre-vingt-cinq pieds de long, qui causa de grands ravages et fut frappé de la foudre. Le plus célèbre de tous ceux dont ont parlé les auteurs anciens est celui qu’eut à combattre l’armée romaine près de Carthage, sur les bords du lac Bagrada, pendant le second consulat de Régulus, l’an de Rome 498, qui répond à l’année 256 avant Jésus-Christ. Ce

 
 
serpent avait cent vingt pieds de long et causait de grands ravages dans l’armée romaine. Régulus fut obligé de diriger contre lui les balistes et les catapultes, jusqu’à ce qu’une pierre énorme lancée par une de ces machines l’écrasa. Le consul, pour prouver au peuple romain la nécessité où il se trouvait d’employer son armée à cette expédition extraordinaire, envoya à Rome la peau du monstre, et on la suspendit dans un temple où elle resta jusqu’à la guerre de Numance. Mais la dissolution du corps causa une telle infection, qu’elle força l’armée à déloger. Il n’y a peut-être pas dans l’histoire de fait mieux attesté, plus circonstancié et raconté par un plus grand nombre d’auteurs.

» Philostorge parle de peaux de serpents de soixante-huit pieds de long, qu’il avait vues à Rome. Diodore rapporte qu’un serpent de quarante-cinq pieds de long fut pris dans le Nil et envoyé vivant à Ptolémée-Philadelphe à Alexandrie. Strabon, qui, d’après Agatharchides, parle d’autres serpents de la même grandeur, cite ailleurs Posidonius, qui vit dans la Cœlésyrie un serpent mort de cent vingt pieds de long et d’une circonférence telle que deux cavaliers séparés par son corps ne se voyaient pas.

» Alléguerons-nous que le même Strabon rapporte, d’après Onésicrite, que, dans une contrée de l’Inde appelée Aposisares, on avait nourri deux serpents, l’un de cent vingt pieds, l’autre de deux cent dix, et qu’on désirait beaucoup les faire voir à Alexandre ? Si nous ajoutions le serpent que Maxime de Tyr prétend avoir été montré par Taxile au même conquérant, et qui avait cinq cents pieds de long, nous arriverions dans les traditions de l’Orient, presque au même degré d’extension où nous avons vu les traditions Scandinaves, qui donnent six cents pieds à leur serpent de mer. Mais on peut juger par ces rapprochements que l’existence de cet animal, bien qu’entourée souvent de traits suspects, est loin d’être nouvelle ; qu’elle a été observée de bien des manières et depuis bien longtemps. Ce n’est pas, comme on le disait, un danger de plus pour les navigateurs ; car ce terrible monstre est déjà indiqué dans la Bible sous le nom de Léviathan, que l’Écriture applique à diverses bêtes énormes, ainsi que le remarque Bochart. Le prophète Isaïe l’applique ainsi : Léviathan, ce serpent immense ; Léviathan, serpent à divers plis et replis[32].

» Dans ce siècle, la présence du serpent de mer a été signalée en 1808, en 1815, en 1817 et en 1837. Il n’est pas présumable qu’on le rencontre plus fréquemment à l’avenir que par le passé ; du moins l’attention publique, appelée sur ce phénomène par les organes de la presse, portera à la publicité des faits du même genre qui pourraient survenir encore, et qui sans cela auraient passé inaperçus. L’auteur anglais qui le premier a publié ceux qu’il avait recueillis, et à qui nous devons toutes nos citations des témoignages modernes, fait aussi connaître le moyen que les pêcheurs norvégiens emploient pour se garantir du serpent de mer. Lorsqu’ils l’aperçoivent tout près d’eux, ils évitent surtout les vides que laisse sur l’eau l’alternative de ses plis et replis. Si le soleil brille, ils rament dans la direction de cet astre qui éblouit le serpent. Mais lorsqu’ils l’aperçoivent à distance, ils font toujours force de rames pour l’éviter. S’ils ne peuvent espérer d’y parvenir, ils se dirigent droit sur sa tête, après avoir arrosé le pont d’essence de musc. On a observé l’antipathie de cet animal pour ce parfum violent ; aussi les pêcheurs norvégiens en son t toujours pourvus quand ils se mettent en mer pendant les mois calmes et chauds de l’été. Dans la rencontre faite en 1837, les personnes qui étaient à bord du Havre ont aperçu seulement les ondulations du corps de l’immense reptile, et ont évalué approximativement sa longueur à plusieurs fois celle du navire. »

Sérug, esprit malin. Voy. Chassen.

Servants, lutins familiers dans les Alpes. Ils bêchent et entretiennent le jardin si on a pour eux des égards, ils le bouleversent si on les irrite. On les apaise en leur jetant de la main gauche une cuillerée de lait sous la table.

 
Servants
Servants
 

Servius-Tullius. Leloyer et d’autres prétendent que le roi de Rome Servius était fils d’un démon. Les cabalistes soutiennent de leur côté qu’il fut fils d’un salamandre.

Sethiens ou Sethites, hérétiques du deuxième siècle qui honoraient particulièrement le patriarche Seth, fils d’Adam. Ils disaient que deux anges avaient créé Caïn et Abel et débitaient beaucoup d’autres rêveries. Selon ces hérétiques, Jésus-Christ n’était autre que Seth, venu au monde une seconde fois. Ils forgèrent des livres sous le nom de Seth et des autres patriarches.

Séthus. Il y avait à la suite de l’empereur Manuel un magicien, nommé Séthus, qui rendit une fille éprise de lui par le moyen d’une pêche qu’il lui donna, à ce que conte Nicétas.

Sévère (Septime). Des historiens rapportent qu’à la sortie d’Antioche l’ombre de l’empereur Sévère apparut à Caracalla, et lui dit pendant son sommeil : « Je te tuerai comme tu as tué ton frère. »

Sexe. On prétend aussi reconnaître d’avance, à certains symptômes, le sexe d’un enfant qui n’est pas né. Si la mère est gaie dans sa grossesse, elle aura un garçon ; si elle est pesante du côté droit, elle aura un garçon. Si elle se sent lourde du côté gauche, elle aura une fille. Si elle est pâle et pensive, elle aura une fille. Albert le Grand donne à entendre qu’il naît des garçons dans un ménage où l’on mange du lièvre, et des filles dans une maison où l’on fait cas de la fressure de porc. Voici autre chose : Ems possède deux sources, la Bubenquelle et la Maegdenquelle, qui, selon les gens du pays, ont une vertu merveilleuse : en buvant de la première, on est sûr d’avoir des garçons, et en buvant de l’autre, d’avoir des filles. Croyez cela et buvez… du johannisberg ou du champagne[33].

Shamavedam, l’un des quatre livres sacrés des Indiens. C’est celui qui contient la science des augures et des divinations.

Shelo. Voy. Southcote.

Shoupeltins. Les habitants des îles Schetland appelaient ainsi des tritons ou hommes marins, dont les anciennes traditions et la superstition populaire ont peuplé les mers du Nord.

Sibylles. Les sibylles étaient chez les anciens des femmes enthousiastes qui ont laissé une

 
Caricature allemande de la sibylle qui donne à Énée le rameau d’or
Caricature allemande de la sibylle qui donne à Énée le rameau d’or
Caricature allemande de la sibylle qui donne à Énée le rameau d’or.
 
grande renommée, et les paroles de plusieurs ont eu un cachet respectable. Ou il faut admettre que quelques-unes ont été inspirées, ou il faut refuser à plusieurs des saints Pères un crédit qu’ils méritent assurément. Leurs prophéties étaient en langage poétique. Malheureusement les originaux sont presque tous perdus, et les morceaux qui nous en restent passent pour supposés en grande partie. Enée, dans Virgile, s’adresse à une sibylle pour obtenir le rameau d’or qui doit le protéger aux enfers. Les sibylles sont au nombre de dix selon Varron ; d’autres en comptent jusqu’à douze :

1° La sibylle de Perse. Elle se nommait Sam-bethe ; on la dit bru de Noé dans des vers sibyllins apocryphes.

2° La sibylle libyenne. Elle voyagea à Samos, à Delphes, à Claros et dans plusieurs autres pays. On lui attribue des vers contre l’idolâtrie : elle reproche aux hommes la sottise qu’ils font de placer leur espoir de salut dans un dieu de pierre ou d’airain, et d’adorer les ouvrages de leurs mains.

3° La sibylle de Delphes. Elle était fille du devin Tirésias. Après la seconde prise de Thèbes, elle fut consacrée au temple de Delphes par les Épigones, descendants des guerriers qui avaient pris Thèbes la première fois. Ce fut elle, selon Diodore, qui porta la première le nom de sibylle. Elle a célébré dans ses vers la grandeur divine ; et des savants prétendent qu’Homère a tiré parti de quelques-unes de ses pensées.

4° La sibylle d’Érythrée. Elle a prédit la guerre de Troie, dans le temps où les Grecs s’embarquaient pour cette expédition. Elle a prévu aussi qu’Homère chanterait cette guerre longue et cruelle. Si l’on en croit Eusèbe et saint Augustin, elle connaissait les livres de Moïse ; elle a parlé en effet de l’attente de Jésus-Christ. On lui attribue même des vers dont les premières lettres expriment, par acrostiche, Jésus-Christ, fils de Dieu. On l’a quelquefois représentée avec un petit Jésus et deux anges à ses pieds.

5° La sibylle cimmérienne a parlé de la sainte Vierge plus clairement encore que celle d’Érythrée, puisque, selon Suidas, elle la nomme par son propre nom.

6° La sibylle de Samos a prédit que les Juifs crucifieraient un juste qui serait le vrai Dieu.

7° La sibylle de Cumes, la plus célèbre de toutes, faisait sa résidence ordinaire à Cumes, en Italie. On l’appelait Déiphobe ; elle était fille de Glaucus et prêtresse d’Apollon. Elle rendait ses oracles au fond d’un antre qui avait cent portes, d’où sortaient autant de voix qui faisaient entendre ses réponses. Ce fut elle qui offrit à Tarquin le Superbe un recueil de vers sibyllins, dont on sait qu’il ne reçut que la quatrième partie : ces vers furent soigneusement conservés dans les archives de l’empire, au Capitole. Cet édifice ayant été brûlé du temps de Sylla, Auguste fit ramasser tout ce qu’il put de fragments détachés des vers sibyllins et les fit mettre dans des coffres d’or au pied de la statue d’Apollon Palatin[34], où l’on allait les consulter. Petit, dans son traité De sibylla, prétend qu’il n’y a jamais eu qu’une sibylle, celle de Cumes, dont on a partagé les actions et les voyages. Ce qui a donné lieu, selon lui, à cette multiplicité, c’est que cette fille mystérieuse a prophétisé en divers pays, mais c’est là une idée de savant à système.

8° La sibylle hellespontine. Elle naquit à Marpèse, dans la Troade : elle prophétisa du temps de Solon et de Crésus. On lui attribue aussi des prophéties sur la naissance de Notre-Seigneur.

9° La sibylle phrygienne. Elle rendait ses oracles à Ancyre, en Galatie. Elle a prédit l’annonciation et la naissance du Sauveur.

10° La sibylle tiburtine ou Albunée, qui fut honorée à Tibur comme une femme divine. Elle prédit que Jésus-Christ naîtrait d’une vierge à Bethléem et régnerait sur le monde.

11° La sibylle d’Épire. Elle a aussi prédit la naissance du Sauveur.

12° La sibylle égyptienne, a chanté également les mystères de la Passion et la trahison de Judas. Saint Jérôme pense que les sibylles avaient reçu du ciel le don de lire dans l’avenir en récompense de leur chasteté. Mais il paraît que les huit livres sibyllins que nous avons aujourd’hui sont en effet douteux. Bergier, dans son savant Dictionnaire de théologie, les croit supposés et les attribue dans ce cas aux gnostiques du deuxième siècle.

Sibylles modernes. Il y a eu succession, peu connue à la vérité, dans les sibylles. Pierre Crespet, dans ses deux livres De la haine des démons pour les hommes, en cite quelques faits. La grotte de Nursie, au pays de Naples, s’appelle encore la grotte de la Sibylle, et une sibylle y florissait dans le moyen âge et dans les premiers temps de la réforme. Dominique Mirabelli, dont nous ignorons l’origine, arrêté pour magie, car il portait avec lui des livres de magie, confessa, dans son interrogatoire, qu’il avait visité la sibylle de Nursie, avec quelques compagnons ; que Scot, l’un d’eux, avait reçu d’elle un livre mystérieux, avec un démon renfermé dans un anneau ; qu’il avait fait alors des choses prodigieuses devant plusieurs princes ; qu’à l’aide du livre et de l’anneau il pouvait se transporter où il voulait, toutes les fois qu’il n’avait pas les vents contraires. Il ajouta que l’autorité religieuse avait établi des surveillants à la porte de la grotte ; mais que ceux qui étaient initiés à la magie y entraient en se rendant invisibles. Il dépeignait la sibylle : « Sa taille était petite ; elle était assise sur un siège peu élevé, et ses cheveux flottaient jusqu’à terre. » Pendant que le visiteur s’entretenait avec elle, les éclairs et le tonnerre désolaient les environs de la grotte. Mirabelli, son ami Scot et ses autres compagnons furent emmenés à Paris. Nous ne savons pas ce qu’il advint d’eux. Mais ces faits ont du avoir lieu aux temps où les Français avaient le pouvoir à Naples.

Enfin nous avons eu dans mademoiselle Le-normand, dans mademoiselle Ledoux et dans d’autres femmes, des sibylles contemporaines. Il y en a une que nous ne nommons pas, car elle vit peut-être encore, en retraite sans doute ; elle faisait des horoscopes longuement écrits, et les débitait à bon marché en 1829.

 
La sibylle de 1829
La sibylle de 1829
La sibylle de 1829.
 

Sicidites. Leloyer conte que ce magicien, appuyé sur les fenêtres de l’empereur Manuel Gomnène, avec les courtisans, regardait le port de Constantinople. Il arriva une petite chaloupe chargée de pots de terre. Sicidites offrit à ceux qui l’entouraient de leur faire voir le potier cassant ses pots ; ce qu’il effectua à l’instant au grand divertissement des courtisans qui se pâmaient de rire ; mais ce rire se changea en compassion quand ils aperçurent ce pauvre homme qui se lamentait, en s’arrachant la barbe, à la vue de tous ses pots cassés. Et comme on lui demandait pourquoi il les avait brisés de la sorte, il répondit qu’il avait vu un serpent à crête rouge et étincelante, entortillé autour de ses pots, qui le regardait la gueule ouverte et la tête levée comme s’il eût voulu les dévorer, et qu’il n’avait disparu qu’après tous les pots cassés. Un autre jour, pour se venger de quelques gens qui l’insultaient dans un bain, Sicidites se retira dans une chambre prochaine pour reprendre ses habits. Dès qu’il fut sorti, tous ceux qui étaient dans le bain détalèrent avec précipilation, parce que du fond de la cuve du bain il sortit des hommes noirs qui les chassaient à coups de pied.

Sidéromancie, divination qui se pratiquait avec un fer rouge, sur lequel on plaçait avec art un certain nombre de petites paillettes qu’on brûlait et qui jetaient des reflets comme les étoiles.

Sidragasum, démon qui a le pouvoir de faire danser les femmes mondaines.

Siffler le vent. « Cette coutume de siffler pour appeler le vent est une de nos superstitions nautiques, qui, malgré son absurdité, s’empare insensiblement, aux heures de calme, des esprits les plus forts et les plus incrédules ; autant vaudrait raisonner avec la brise capricieuse elle-même que d’essayer de convaincre le matelot anglais que, le vent soufflant où il lui plaît et quand il lui plaît, il ne sert à rien de l’invoquer. En dépit de la marche des intelligences, lorsque l’air manque à la voile, toujours le matelot sifflera[35]. »

Sifflet magique. La ville d’Hameln, en 1284, fut délivrée des rats qui l’infestaient en nombre immense par un magicien, lequel les attirait au son de sa flûte et les entraîna dans le Wéser, où ils se noyèrent. Mais les magistrats de la cité, ayant refusé de payer le prix convenu pour ce service, le même magicien, sifflant un autre air, entraîna tous les enfants d’Hameln, que leur parents ne revirent plus. Cet événement est constaté par plusieurs monuments très-graves[36].

Sigéani, esprit qui, dans le royaume d’Ava, préside à l’ordre des éléments et lance la foudre et les éclairs.

Signe de croix. Un Juif qui se rendait à Fondi, dans le royaume de Naples, fut surpris par la nuit et ne trouva pas d’autre gîte qu’un temple d’idoles, où il se décida, faute de mieux, à attendre le matin. Il s’accommoda comme il put dans un coin, s’enveloppa dans son manteau et se disposa à dormir. Au moment où il allait fermer l’œil, il vit plusieurs démons tomber de la voûte dans le temple et se disposer en cercle autour d’un autel. Le roi de l’enfer descendit aussi, se plaça sur un trône et ordonna à tous les diables subalternes de lui rendre compte de leur conduite. Chacun fit valoir les services qu’il avait rendus à la chose publique ; chacun fit l’exposé de ses bonnes actions. Le Juif, qui ne jugeait pas comme le prince des démons et qui trouvait leurs bonnes actions un peu mauvaises, fut si effrayé de la mine des démons et de leurs discours qu’il se hâta de dire les prières et de faire les cérémonies que la synagogue met en usage pour chasser les esprits malins. Mais inutilement : les démons ne s’aperçurent pas qu’ils étaient vus par un homme. Ne sachant plus à quoi recourir, le juif s’avisa d’employer le signe de la croix. On lui avait dit que ce signe était formidable aux démons ; il en eut la preuve, dit le légendaire, car les démons cessèrent de parler, aussitôt qu’il commença de se signer. Après avoir regardé autour de lui, le roi de l’enfer aperçut l’enfant d’Israël.

— Allez voir qui est là, dit-il à un de ses gens. Le démon obéit ; lorsqu’il eut examiné le voyageur, il retourna vers son maître. — C’est un vase de réprobation, dit-il ; mais il vient de s’appuyer du signe de la croix.

Sortons, reprit le diable. Nous ne pourrons bientôt plus être tranquilles dans nos temples. — En disant ces paroles, le prince des démons s’envola ; tous ses gens disparurent et le Juif se fit chrétien.

Silènes. On donnait ce nom aux satyres lorsqu’ils étaient vieux. On entendait aussi quelquefois par sylènes des génies familiers tels que celui dont Socrate se vantait d’être accompagné.

Simagorad. Grimoire. Voy. Charles vi.

Simle, partie du paradis Scandinave, d’un agrément assez médiocre.

Simon le magicien. Ce Simon, connu pour avoir voulu acheter aux apôtres le don de faire des miracles et pour avoir donné son nom maudit à la simonie, n’ayant pu traiter avec les saints, traita avec les démons. Il en avait un à sa porte sous la forme d’un gros dogue, et dès lors il fit des miracles ou plutôt des prestiges. Il disait que si on lui coupait la tête, il ressusciterait trois jours après. L’empereur le fit décapiter ; par ses artifices, il supposa la tête d’un mouton à la place de la sienne et se remontra le troisième jour. Il commandait à une faux de faucher d’elle-même, et elle faisait autant d’ouvrage que le plus habile faucheur. Sous le règne de l’empereur Néron, il parut un jour en l’air comme un oiseau. Mais saint Pierre, plus puissant que lui, le fit tomber, et il se cassa les jambes. Cet imposteur eut des disciples ; et on le croit le premier chef des gnostiques. Il attribuait la création aux Éons ou esprits ; il affirmait que les plus parfaits des divins Éons résidaient dans sa personne ; qu’un autre Éon, très-distingué, quoique du sexe féminin, habitait dans sa maîtresse Sélène, dont il contait des choses prodigieuses ; que lui, Simon, était envoyé de Dieu sur la terre pour détruire l’empire des esprits qui ont créé le monde matériel, et surtout pour délivrer Sélène de leur puissance. Il est certain que Simon, après sa mort, fut honoré comme un dieu par les Romains, et qu’il eut une statue[37].

Simon de Pharès, auteur d’un recueil d’histoires de quelques célèbres astrologues et hommes doctes, qu’il dédia au roi Charles VIII. Il ne paraît pas que ce livre ait été imprimé[38].

Simonide. Un jour qu’il soupait chez un de ses amis, on vint l’avertir que deux jeunes gens étaient à la porte, qui voulaient lui parler d’une importante affaire. Il sort aussitôt, ne trouve personne ; et, dans l’instant qu’il veut rentrer à la maison, elle s’écroule et écrase les convives sous ses ruines. Il dut son salut à un hasard si singulier, qu’on le regarda, parmi le peuple, comme un trait de bienveillance de Castor et Pollux, qu’il avait chantés dans un de ses poèmes.

Simorgue, oiseau fabuleux que les. Arabes nomment Anka, les rabbins Jukhneh, et que les Perses disent habiter dans les montagnes de Kaf. Il est si grand qu’il consomme pour sa subsistance tout ce qui croît sur plusieurs montagnes. Il parle ; il a de la raison ; en un mot, c’est une fée qui a la figure d’un oiseau immense. Étant un jour interrogée sur son âge, la Simorgue répondit :

— Ce monde s’est trouvé sept fois rempli de créatures, et sept fois entièrement vide d’animaux. Le cycle d’Adam, dans lequel nous sommes, doit durer sept mille ans, qui font un grand cycle d’années : j’ai déjà vu douze de ces cycles, sans que je sache combien il m’en reste à voir. — La Simorgue joue un grand rôle dans les légendes de Salomon.

Singes. Ces animaux étaient vénérés en Égypte.

 
 
Chez les Romains, au contraire, c’était un mauvais présage de rencontrer un singe en sortant de la maison. — Tous les faits du démon l’ont fait surnommer le singe de Dieu.

Sirath. C’est le nom que donnent les musulmans au pont que les âmes passent après leur mort, et au-dessous duquel est un feu* éternel. Il est aussi mince que le tranchant d’un sabre ; les justes doivent le franchir avec la rapidité de l’éclair, pour entrer dans le paradis.

Sirchade, démon qui a tout pouvoir sur les animaux.

Sistre, plante qui, selon Aristote, se trouvait dans le Scamandre, ressemblait au pois chiche et avait la vertu de mettre à l’abri de la crainte des spectres et des fantômes ceux qui la tenaient à la main.

Sittim, démon indien, qui habite les bois sous la forme humaine.

Skalda. Voy. Nornes.

Skinkraftigans, conjurateurs qui, chez les Anglo-Saxons, opposaient aux chrétiens de faux miracles par des moyens magiques.

Smaël, le même que Samaël.

Smyrne. On dit qu’antérieurement aux temps historiques, une amazone fonda la ville de Smyrne et lui donna son nom, qu’elle n’a jamais perdu.

Socrate. Les anciens, qui trouvaient les grandes qualités surhumaines, ne les croyaient pas étrangères à l’essence des démons. Il est vrai que les démons chez eux n’étaient pas pris tous en mauvaise part. Aussi disaient-ils que Socrate avait un démon familier ; et Proclus soutient qu’il lui dut toute sa sagesse[39]. Peut-être les hommes trouvaient-ils leur compte à cet arrangement. Ils se consolaient d’être moins vertueux que Socrate en songeant qu’ils n’avaient pas un appui comme le sien.

Soleil. Voy. Danse du soleil.

Solèves, esprits de la montagne, légers comme des sylphes, dans les Alpes.

Soliman. C’est le nom de Salomon chez les musulmans. Ils entendent par ce nom quelque chose de très-grand ; et ils assurent qu’il y a eu quarante solimans ou monarques universels de la terre, qui ont régné successivement pendant le cours d’un très-grand nombre de siècles avant la création d’Adam. Tous ces monarques prétendus commandaient chacun à des créatures de leur espèce, différentes de l’espèce humaine actuelle, quoique raisonnables comme les hommes ; ce sont les génies.

Sommeil. Van der Viel rapporte qu’en 1684 un potier de terre de Londres dormit quinze jours de suite sans avoir été affaibli par le défaut de nourriture ; il lui semblait n’avoir dormi qu’un jour. Épiménide, philosophe de Crète, étant entré dans une caverne, y dormit, selon Diogène Laërce, cinquante-sept ans ; selon Plutarque cinquante, selon d’autres vingt-sept. On prétend qu’au sortir de là il ne reconnaissait plus personne. Voy. Dormants.

Somnambules. Des gens d’une imagination vive, d’un sang trop bouillant, font souvent en dormant ce que les plus hardis n’osent entreprendre éveillés. Bardai parle d’un professeur qui répétait la nuit les leçons qu’il avait données le jour, et qui grondait si haut qu’il réveillait tous ses voisins. Johnston rapporte, dans sa Thaumatographia naturalis, qu’un jeune homme sortait toutes les nuits de son lit, vêtu seulement de sa chemise ; puis montant sur la fenêtre de sa chambre, il sautait à cheval sur le mur et le talonnait pour accélérer la course qu’il croyait faire. Un autre descendit dans un puits et s’éveilla aussitôt que son pied eut touché l’eau, qui était très-froide. Un autre monta sur une tour, enleva un nid d’oiseaux et se glissa à terre par une corde, sans s’éveiller. Un Parisien, de même endormi, se leva, prit son épée, traversa la Seine à la nage, tua un homme que, la veille, il s’était proposé d’assassiner ; et, après qu’il eut consommé son crime, il repassa la rivière, retourna à sa maison et se mit au lit sans s’éveiller.

Le Courrier de la Gironde rapportait, il y a quelques années, le petit fait suivant :

Il existe dans une commune près de Bordeaux une famille citée de père en fils comme somnambule. Le chef actuel de la famille vient de donner la preuve qu’il n’avait pas dégénéré. Après la veillée, il était allé se reposer des fatigues de la journée ; sa femme et ses enfants l’avaient bientôt imité. À minuit, le laboureur ouvre l’œil, bâille, étend les bras comme un homme qui secoue le sommeil et descend de sa couche. Il passe son pantalon et sa veste de travail, noue sa cravate de coton autour de son cou, chausse ses sabots, tire la chevillette de sa porte, et sort. Notre laboureur va droit à son étable, saisit l’aiguillon, et, un juron aidant, il réveille ses bœufs pour le travail. Ces bons animaux, tout animaux qu’ils sont, comprennent que l’heure d’aller aux champs n’est pas encore venue, font la sourde oreille, se roulent un instant encore sur la litière, puis enfin se décident à se lever. Les voilà partis pour la vigne, traînant le soc au clair de la lune. Le laboureur suit par derrière, la gourde à la main et l’aiguillon sur l’épaule. On arrive aux champs, les instruments de travail sont disposés ; la charrue est emmanchée, et voilà la glèbe qui se retourne et le sillon qui se creuse droit et profond. Il était six heures environ, et le jour commençait à poindre quand la besogne fut achevée. Le laboureur tourna la rége, attacha le cordon de sa gourde vide au bouton de son gilet, remit l’aiguillon sur l’épaule et ramena ses bœufs à l’écurie.

Il était temps qu’il arrivât, car la maison était dans un désordre indescriptible. La femme se lamentait et les enfants couraient le village, cherchant les bœufs et la charrue qui avaient disparu pendant la nuit. Tout le quartier était soulevé. Cette scène de désolation se changea soudain en un immense éclat de rire, quand on vit entrer dans la cour les grands bœufs roux, suant et fumant comme s’ils sortaient d’un bain à la vapeur, et précédés du laboureur nocturne, lequel, secouant enfin le sommeil magnétique, s’aperçut à sa grande surprise qu’il avait gagné sa journée quand les autres l’avaient à peine commencée.

On peut expliquer le somnambulisme comme une activité partielle de la vie animale, disent les philosophes. L’organe actif transmet ainsi l’incitation sur les organes voisins, et ceux-ci commencent également, par l’effet de leurs relations avec la représentation qui a été excitée, à devenir actifs et à coopérer. Par là l’idée de l’action représentée devient si animée que, même les instruments corporels nécessaires pour son opération, sont mis en activité par les nerfs qui agissent sur eux. Le somnambule commence même à agir corporellement, et remplit l’objet qu’il s’est proposé avec la même exactitude que s’il était éveillé, avec cette différence néanmoins qu’il n’en a pas le sentiment général, parce que les autres organes de la vie animale qui n’ont pas participé à l’activité reposent, et que, par conséquent, le sentiment n’y a pas été réveillé. Gall a connu un prédicateur somnambule qui, très-souvent, ayant un sermon à faire, se levait la nuit en dormant, écrivait son texte ou en faisait la division, en travaillait des morceaux entiers, rayait ou corrigeait quelques passages, en un mot, qui se conduisait comme s’il eût été éveillé, et qui cependant en s’éveillant n’avait aucun sentiment de ce qu’il venait de faire. La Fontaine a composé, dit-on, sa fable des deux Pigeons en dormant ; anecdote contestée.

Suivant le rapport de Fritsh, qui le tenait du père Delrio, un maître d’école, nommé Gondisalve, allait enseigner pendant la journée le catéchisme à des enfants et venait coucher le soir dans un monastère, où la nuit, en dormant, il recommençait ses leçons, reprenait les enfants et entonnait le chant de son école. Un moine, dans la chambre duquel il couchait, le menaça de l’étriller s’il ne restait pas tranquille. Le maître d’école se coucha sur cette menace et s’endormit. Dans la nuit, il se lève, prend de grands ciseaux et va au lit du moine, qui par bonheur, étant éveillé, le vit venir à la faveur du clair de lune ; sur quoi il prit le parti de se glisser hors du lit et de se cacher dans la ruelle. Le maître d’école, arrivé au lit, hache le traversin de coups de ciseaux et va se recoucher. Le lendemain, quand on lui présenta le traversin en lambeaux, il dit que tout ce qu’il se rappelait c’était que, le moine l’ayant voulu rosser, il s’était défendu avec des ciseaux.

Il y a un grand nombre d’histoires de somnambules. Le remords a souvent produit cette crise, et, depuis la femme de Macbeth, la série des coupables qui se sont trahis dans leur sommeil serait longue.

Somnambulisme magnétique. Nous devons parler aussi de celui-là. Une personne magnétisée s’endort profondément et parle aussitôt pour révéler les choses secrètes et lire dans les cœurs, par un prodige jusqu’ici inexplicable. Le fait dans tous les cas est constant. Nous ne l’apprécierons ni ne le jugerons, nous contentant de citer des passages curieux de divers observateurs sur un sujet si mystérieux. Voici d’abord un article digne d’attention, publié, il y a une trentaine d’années, par la Revue britannique et répété dans plusieurs journaux ; il contredit les dénégations systématiques de certaines académies. Nous mentionnerons après cela le jugement de la cour de Rome sur certains usages du somnambulisme, que dans sa profonde sagesse elle ne condamne pas en fait, mais dont elle réprouve les abus et les procédés au moins dangereux.

« A différentes époques, dit l’auteur anglais, le magnétisme a donné lieu à des discussions si vives et si animées, que des deux côtés on arriva promptement aux extrêmes ; c’est presque dire à l’erreur. Les partisans du magnétisme prétendirent que l’homme possède, dans cet état, des facultés jusqu’alors inconnues. Pour quelques-uns d’entre eux, l’espace disparaissait devant les prodiges de leurs sujets magnétisés ; il n’en coûtait que le simple effort de la volonté pour la nature des choses les plus différentes, pour métamorphoser une tonne d’eau de la Tamise en vin de Champagne, ou pour répandre sur une population affamée les bienfaits d’une nourriture agréable et abondante. Pour eux, les sciences les plus problématiques, celles qui exigent les études les plus profondes et les plus sévères, s’apprennent en quelques instants. La femme nerveuse, qu’une pensée sérieuse de quelques minutes fatigue, devient, entre les mains des habiles du parti, plus savante et plus heureuse dans ses prescriptions qu’aucun de nos praticiens les plus expérimentés.

» De leur côté, les antagonistes du magnétisme ne veulent admettre aucun phénomène insolite, aucune exception aux règles ordinaires de la nature : pour eux, tout l’échafaudage du magnétisme ne repose que sur l’erreur des sens de quelques personnes et sur la fourberie de quelques autres. Le fait suivant, exemple remarquable de somnambulisme naturel, ne permet pas de douter que, dans cet état, l’homme ne possède quelquefois des facultés qui sont à peine appréciables dans l’état de veille. Au reste, ces phénomènes, quoique très-curieux, n’ont rien de surnaturel ; et il est facile d’expliquer ce qu’ils ont de surprenant par la concentration de toutes les forces de l’intelligence sur un seul objet et par l’exercice de quelques sens dans des circonstances particulières. Les faits rapportés dans la brochure américaine dont nous allons donner l’analyse, et sur la véracité desquels aucun praticien des États-Unis n’a élevé de doute v présentent un haut degré d’intérêt, surtout si on les rapproche de ceux du même genre qui ont été offerts par l’infortuné Gaspard Hauser, quoique dans des circonstances différentes.

» Jeanne Rider, âgée de dix-sept ans, est fille de Vermont, artisan. Son éducation a été supérieure à celle que reçoivent ordinairement les personnes des classes moyennes de la société. Elle aime beaucoup la lecture et fait surtout ses délices de celle des poètes. Bien que son extérieur annonce une bonne santé, cependant elle a toujours été sujette à de fréquents maux de tête ; il lui est arrivé plusieurs fois de se lever du lit au milieu de son sommeil ; mais il n’y avait rien là qui ressemblât aux phénomènes remarquables que depuis elle a éprouvés.

» Cette singulière affection a débuté chez elle subitement. D’abord ses parents firent tous leurs efforts pour l’empêcher de se lever ; les secours de l’art furent même invoqués sans un grand succès, car au bout d’un mois elle fut prise d’un nouveau paroxysme, pendant lequel on résolut de ne la soumettre à aucune contrainte et de se contenter d’observer ses mouvements. Aussitôt qu’elle se sentit libre, elle s’habilla, descendit et fit tous les préparatifs du déjeuner. Elle mit la table, disposa avec la plus grande exactitude les divers objets dont elle devait être couverte, entra dans une chambre obscure, et de là dans un petit cabinet encore plus reculé, où elle prit les tasses à café, les plaça sur un plateau qu’elle déposa sur la table, après beaucoup de précautions pour ne pas le heurter en l’apportant. Elle alla ensuite dans la laiterie, dont les contrevents étaient fermés, et poussa la porte derrière elle ; après avoir écrémé le lait, elle versa la crème dans une coupe et le lait dans une autre sans en épancher une seule goutte. Elle coupa ensuite le pain, qu’elle plaça sur la table ; enfin, quoique les yeux fermés, elle fit tous les préparatifs du déjeuner avec la même précision qu’elle eût pu y mettre en plein jour. Pendant tout ce temps, elle sembla ne faire aucune attention à ceux qui l’entouraient, à moins qu’ils ne se missent sur sa route ou qu’ils ne plaçassent des chaises ou d’autres obstacles devant elle ; alors elle les évitait, mais en témoignant un léger sentiment d’impatience.

» Enfin, elle retourna d’elle-même au lit ; et lorsque le lendemain, en se levant, elle trouva la table toute préparée pour le déjeuner, elle demanda pourquoi on l’avait laissée dormir pendant qu’une autre avait fait son travail. Aucune des actions de la nuit précédente n’avait laissé la plus légère impression dans son esprit. Un sentiment de fatigue fut le seul indice qu’elle reconnut à l’appui de ce qu’on lui rapportait.

» Les paroxysmes devinrent de plus en plus fréquents ; la malade ne passait pas de semaine sans en éprouver deux ou trois, mais avec des circonstances très-variées. Quelquefois elle ne sortait pas de sa chambre, et s’amusait à examiner ses robes et les autres effets d’habillement renfermés dans sa malle. Il lui arrivait aussi de placer divers objets dans des endroits où elle n’allait plus les chercher éveillée, mais dont le souvenir lui revenait pendant le paroxysme. Ainsi, elle avait tellement caché son étui qu’elle ne put le trouver pendant le jour, et l’on fut étonné de la voir la nuit suivante occupée avec une aiguille qu’elle avait dû certainement y prendre. Non-seulement elle cousait dans l’obscurité, mais encore elle enfilait son aiguille les yeux fermés. Les idées de Jeanne Rider relatives au temps étaient ordinairement inexactes ; constamment elle supposait qu’il était jour. Aussi, quand on lui répétait qu’il était temps d’aller se coucher : — Quoi ! disait-elle, aller au lit en plein jour ! Voyant une fois une lampe brûler dans l’appartement où elle était occupée à préparer le dîner, elle l’éteignit en disant qu’elle ne concevait pas pourquoi on voulait avoir une lampe pendant la journée. Elle avait le plus souvent les yeux fermés ; quelquefois cependant elle les tenait grands ouverts, et alors la pupille offrait une dilatation considérable. Au reste, que l’œil fût ouvert ou fermé, il n’en résultait aucune différence dans la force de la vue. On lui présentait des écritures très-fines, des monnaies presque effacées ; elle les lisait très-facilement dans l’obscurité et les yeux fermés.

» Si les idées de la somnambule, par rapport au temps, étaient ordinairement erronées, il n’en était pas de même de celles qui étaient relatives aux lieux ; tous ses mouvements étaient toujours réglés par ses sens, dont les rapports étaient le plus souvent exacts, et non par des notions préconçues. Sa chambre était contiguë à une allée à l’extrémité de laquelle se trouvait l’escalier. Au haut de ce dernier était une porte qu’on laissait ordinairement ouverte, mais que l’on ferma un jour avec intention après qu’elle fut couchée, et que l’on assura en plaçant la lame d’un couteau au-dessus du loquet. À peine levée, dans son accès de somnambulisme, elle sort avec rapidité de sa chambre, et, sans s’arrêter, elle tend la main d’avance pour enlever le couteau, qu’elle jette avec indignation en demandant pourquoi on veut l’enfermer.

» On fit diverses tentatives pour l’éveiller, mais elles furent toutes également infructueuses ; elle entendait, sentait et voyait tout ce qui se passait autour d’elle ; mais les impressions qu’elle recevait par les sens étaient insuffisantes pour la tirer de cet état. Un jour qu’on jeta sur elle un sceau d’eau froide, elle s’écria : — Pourquoi voulez-vous me noyer ? Elle alla aussitôt dans sa chambre changer de vêtement et redescendit de nouveau. On lui donnait quelquefois de fortes doses de laudanum pour diminuer la douleur de tête dont elle se plaignait habituellement, et alors elle ne tardait pas à s’éveiller. Les excitations de toute espèce, et surtout les expériences que l’on faisait pour constater les phénomènes du somnambulisme, prolongeaient invariablement les accès, et aggravaient habituellement sa douleur de tête.

» Les paroxysmes du somnambulisme étaient précédés tantôt d’un sentiment désagréable de pesanteur à la tête, tantôt d’une véritable douleur, d’un tintement dans les oreilles, d’un sentiment de froid aux extrémités et d’une propension irrésistible à l’assoupissement. Ces paroxysmes, au commencement, ne venaient que la nuit et quelques instants seulement après qu’elle s’était mise au lit ; mais à mesure que la maladie fit des progrès, ils commencèrent plus tôt. À une époque plus avancée, les attaques la prirent à toute heure de la journée, et quelquefois elle en eut jusqu’à deux dans le même jour. Lorsqu’elle en pressentait l’approche, elle pouvait les retarder de quelques heures en prenant un exercice violent. Le grand air surtout était le meilleur moyen qu’elle pût employer pour obtenir ce répit ; mais aussitôt qu’elle se relâchait de cette précaution, ou même quelquefois au milieu de l’occupation la plus active, elle éprouvait une sensation qu’elle comparait à quelque chose qui lui aurait monté vers la tête, et perdait aussitôt le mouvement et la parole. Si alors on la transportait immédiatement en plein air, l’attaque était souvent arrêtée ; mais si l’on attendait trop longtemps, on ne pouvait plus se mettre en rapport avec elle, et il était tout à fait impossible de la tirer de cet état. On aurait cru qu’elle venait de s’endormir tranquillement ; ses yeux étaient fermés, la respiration était longue et bruyante, et son attitude, ainsi que les mouvements de sa tête, ressemblaient à ceux d’une personne plongée dans un profond sommeil.

» Pendant les accès qui avaient lieu durant le jour, elle prit toujours le soin de se couvrir les yeux avec un mouchoir, et ne permettait jamais qu’on l’enlevât, à moins que la pièce où elle se trouvait ne fût très-obscure, et cependant elle lisait à travers ce bandeau des pages entières, distinguait l’heure de la montre ; elle jouissait enfin d’une vision aussi parfaite que si elle eût eu les yeux libres et ouverts. Dans quelques expériences qui furent faites par le docteur Beiden, on appliqua sur ses yeux un double mouchoir, et l’on garnit le vide qu’il laissait de chaque côté du nez avec de la ouate. Toutes ces précautions ne diminuèrent en rien la force de sa vue ; mais un fait important, bien qu’il n’explique pas ce phénomène curieux, c’est que, de tout temps, elle a eu les yeux si sensibles à la lumière qu’elle n’a pu jamais s’exposer au grand jour sans son voile. Cette sensibilité était encore bien plus vive pendant le somnambulisme, comme le docteur Beiden le constata.

» Cependant toutes ces expériences fatiguaient considérablement la pauvre fille, dont l’état, au lieu de s’améliorer, allait au contraire en empirant. Cette circonstance et l’insuccès de tous les moyens employés jusqu’alors firent prendre la résolution de l’envoyer à l’hôpital de Worcester, où elle entra le 5 décembre 1833. Les accès s’y répétèrent avec la même fréquence et la même intensité ; mais on remarqua bientôt des changements importants dans les paroxysmes. D’abord la malade commença à rester les yeux ouverts, disant qu’elle n’y voyait pas clair lorsqu’ils étaient fermés ; ensuite les accès se dessinèrent moins bien. Elle conservait dans le somnambulisme quelque souvenir de ce qui lui était arrivé dans l’état de veille, et on avait de la peine à distinguer le moment exact où finissait l’accès de celui où elle était éveillée. Peu à peu, ces accès eux-mêmes se sont éloignés, et, d’après le dernier rapport du docteur Woodward, médecin de l’hôpital de Worcester, on avait tout lieu d’espérer une guérison complète. »

On rapporte un fait de magnétisme tout récent et qui semblera extraordinaire. « M. Ferrand, marchand quincaillier à Antibes, ayant trouvé dernièrement, dans sa propriété, une pièce de monnaie en argent frappée du temps des Romains, l’envoya à ses correspondants de Paris, MM. Deneux et Gronnet aîné, 18, rue du Grand-Chantier, en les priant d’aller avec cette pièce chez le magnétiseur Marcillet, pour consulter Alexis à ce sujet. Ce dernier, dans l’état de somnambulisme, leur dit qu’il voyait chez M. Ferrand, à Antibes, une petite urne enfouie à quelques pieds en terre… renfermant une assez grande quantité de ces mêmes pièces… mais qu’il lui faudrait le plan de la propriété, afin de mieux désigner le lieu où ce petit trésor avait été enterré. Le plan ayant été envoyé par M. Ferrand à ses correspondants, puis communiqué ensuite par eux à Alexis, il leur indiqua, en faisant une marque au crayon, l’endroit où l’on devait creuser. Les instructions du somnambule ayant été suivies, l’urne indiquée par lui fut trouvée… Elle contenait trois kilogrammes cinq cents grammes de pièces de monnaie en argent, semblables à celle qui lui avait été remise précédemment. »

Magnétisme dans ses rapports avec la religion. — La sacrée pénitencerie à Rome a été saisie, en 1841, de la question de savoir si le somnambulisme obtenu par les pratiques magnétiques, dans les maladies, était chose convenable et permise. À l’exposé rapide des procédés employés pour obtenir l’état du somnambulisme, ainsi que des résultats extraordinaires produits par les somnambules, la sacrée pénitencerie a répondu expressément que l’application du magnétisme animal, dans les termes de l’exposé en question, n’était pas chose licite. Voici la traduction de la consultation envoyée à Rome et du jugement laconique du saint-siège :

« Éminentissime Seigneur, vu l’insuffisance des réponses données jusqu’à ce jour sur le magnétisme animal, et comme il est grandement à désirer que l’on puisse décider plus sûrement et plus uniformément les cas qui se présentent assez souvent, le soussigné expose ce qui suit à Votre Éminence. Une personne magnétisée (on la choisit d’ordinaire dans le sexe féminin) entre dans un tel état de sommeil ou d’assoupissement, appelé somnambulisme magnétique, que ni le plus grand bruit fait à ses oreilles, ni la violence du fer ou du feu ne sauraient l’en tirer. Le magnétiseur seul, qui a obtenu son consentement (car le consentement est nécessaire), la fait tomber dans cette espèce d’extase, soit par des attouchements et des gesticulations en divers sens, s’il est auprès d’elle, soit par un simple commandement intérieur, s’il en est éloigné, même de plusieurs lieues.

» Alors, interrogée de vive voix ou mentalement sur sa maladie et sur celles de personnes absentes, qui lui sont absolument inconnues, cette magnétisée, notoirement ignorante, se trouve à l’instant douée d’une science bien supérieure à celle des médecins : elle donne des descriptions anatomiques d’une parfaite exactitude ; elle indique le siège, la cause, la nature des maladies internes du corps humain, les plus difficiles à connaître et à caractériser ; elle en détaille les progrès, les variations et les complications, le tout dans les termes propres ; souvent elle en prédit la durée précise et en prescrit les remèdes les plus simples et les plus efficaces.

» Si la personne pour laquelle on consulte la magnétisée est présente, le magnétiseur la met en rapport avec celle-ci par le contact. Est-elle absente ? une boucle de ses cheveux la remplace et suffit. Aussitôt que cette boucle de cheveux est seulement approchée contre la main de la magnétisée, celle-ci dit ce que c’est, sans y regarder, de qui sont ces cheveux, où est actuellement la personne de qui ils viennent, ce qu’elle fait. Sur sa maladie, elle donne tous les renseignements énoncés ci-dessus, et cela avec autant d’exactitude que si elle faisait l’autopsie du corps.

» Enfin la magnétisée ne voit pas par les yeux. On peut les lui bander, elle lira quoi que ce soit, même sans savoir lire, un livre ou un manuscrit qu’on aura placé ouvert ou fermé, soit sur sa tête, soit sur son ventre. C’est aussi de cette région que semblent sortir ses paroles. Tirée de cet état, soit par un commandement même intérieur du magnétiseur, soit comme spontanément à l’instant annoncé par elle, elle paraît complètement ignorer tout ce qui lui est arrivé pendant l’accès, quelque long qu’il ait été : ce qu’on lui a demandé, ce qu’elle a répondu, ce qu’elle a souffert, rien de tout cela n’a laissé aucune idée dans son intelligence, ni dans sa mémoire la moindre trace.

» C’est pourquoi l’exposant, voyant de si fortes raisons de douter que de tels effets, produits par une cause occasionnelle manifestement si peu proportionnée, soient purement naturels, supplie très-instamment Votre Éminence de vouloir bien, dans sa sagesse, décider, pour la plus grande gloire de Dieu et pour le plus grand avantage des âmes si chèrement rachetées par Notre-Seigneur Jésus-Christ, si, supposé la vérité des faits énoncés, un confesseur ou un curé peut sans danger permettre à ses pénitents ou à ses paroissiens : 1° d’exercer le magnétisme animal ainsi caractérisé, comme s’il était un art auxiliaire et supplémentaire de la médecine ; 2° de consentir à être plongés dans cet état de somnambulisme magnétique ; 3° de consulter, soit pour eux-mêmes, soit pour d’autres, les personnes ainsi magnétisées ; 4° de faire l’une de ces trois choses, avec la précaution préalable de renoncer formellement dans leur cœur à tout pacte diabolique, explicite ou implicite, et même à toute intervention satanique, vu que nonobstant cela quelques personnes ont obtenu du magnétisme ou les mêmes effets ou du moins quelques-uns.

 
» Eminentissime Seigneur, de Votre Excellence, par ordre du révérendissime évêque de Lausanne et Genève, le très-humble et très-obéissant serviteur,
» Jac.-Xavier Fontana,
» chancelier de la chancellerie épiscopale.
» Fribourg en Suisse, palais épiscopal, le 19 mai 1841.»
 
RÉPONSE.
 

» La sacrée pénitencerie, après une mûre délibération, se croit en droit de répondre que l’usage du magnétisme, dans les cas mentionnés par la présente consultation, n’est pas chose licite.

 
» À Rome, dans la sacrée pénitencerie, le 4er juillet 1841.
» C. Castracane, M. P. — Ph. Pomella,
» secrétaire de la sacrée pénitencerie. »
 

« Pour les catholiques dévoués, ajoute l’écrivain distingué à qui nous empruntons ces réflexions, l’arrêt de la sacrée pénitencerie est un jugement sans appel, qui n’a nul besoin d’explications ni de commentaires. »

» Mesmer ne connaissait pas ou n’a pas mentionné le somnambulisme magnétique. Ses pratiques ordinaires se réduisaient à traiter les maladies au moyen de crises accompagnées fréquemment de convulsions. Rien de plus prestigieux que les opérations de Mesmer. C’était autour d’un baquet, dans un appartement éclairé d’un demi-jour, que les malades allaient se soumettre aux influences magnétiques. Le baquet consistait dans une petite cuve de diverses figures, fermée par un couvercle à deux pièces ; au fond se plaçaient des bouteilles en rayons convergents, le goulot dirigé vers le centre de la cuve ; d’autres bouteilles, disposées sur celles-ci, mais en rayons divergents, étaient remplies d’eau comme les premières, bouchées et magnétisées également. La cuve recevait de l’eau de manière à recouvrir les lits de bouteilles ; on y mêlait quelquefois diverses substances, telles que du verre pilé, de la limaille de fer, etc.; d’autres fois, Mesmer ne se servait que de baquets à sec. Le couvercle du baquet livrait passage à des baguettes de fer mobiles et d’une longueur suffisante pour être dirigées vers diverses régions du corps des malades. De l’une de ces tiges, ou d’un anneau scellé au couvercle du baquet, partait en outre une corde très-longue, destinée à toucher les parties souffrantes ou à entourer le corps des malades sans la nouer. Les malades se formaient en cercle, en tenant chacun cette corde, et en appuyant le pouce droit sur le pouce gauche de son voisin. Il fallait de plus que tous les individus composant la chaîne se rapprochassent les uns des autres, au point de se toucher avec les pieds et les genoux. Au milieu de cet appareil apparaissait Mesmer, vêtu d’un habit de ; soie d’une couleur agréable, tenant en main une baguette qu’il promenait d’un air d’autorité au-dessus de la tête des magnétisés. Nous tenions à reproduire, au moins en abrégé, les traits principaux du spectacle magnétique dont le premier magnétiseur avoué avait soin de s’environner, afin de mettre le lecteur en mesure de juger qui avait plus de part aux effets tant vantés du magnétisme animal de la fin du dix-huitième siècle, ou des jongleries de Mesmer, ou de l’imagination des malades irritables, ou de la sotte crédulité des mesméristes bien intentionnés. Les jongleries de Mesmer couvraient pourtant une puissance réelle ; car il est certain, — et on l’a expliqué ailleurs, — que son regard, ses gestes, ses paroles, ses attouchements obtenaient maintes fois des résultats surprenants et des cures vraiment prodigieuses.

» Le somnambulisme magnétique ne fut découvert que par le marquis de Puységur. Lui seul commença à se servir de cet état pour traiter les maladies, soit chez les somnambules mêmes, soit chez les autres personnes. Alors s’ouvrit une nouvelle source de fraudes que la foi des magnétiseurs était incapable de dévoiler, et qui en imposait, à plus forte raison, à la masse du public. Beaucoup de magnétisés feignaient de succomber au sommeil magnétique, tout en restant très-éveillés, voyaient à leur aise, en apparence les yeux fermés, répondaient aux questions qui leur étaient adressées, obéissaient, en un mot, au moindre mouvement du magnétiseur abusé. C’était bien autre chose, ce qui ne manquait pas d’arriver, quand le magnétiseur et le somnambule, aidés de quelques compères avisés, se concertaient derrière les coulisses et s’appliquaient de leur mieux, par cupidité ou par une vanité puérile, à mystifier les spectateurs. »

Soneillon, démon qui se trouve cité dans les phases de la possession de Louviers.

Songes. Le cerveau est le siège de la pensée, du mouvement et du sentiment. Si le cerveau n’est pas troublé par une trop grande abondance de vapeurs crues, si le travail ne lui a pas ôté toutes ses forces, il engendre dans le sommeil des songes, excités ou par les images dont il s’est vivement frappé durant la veille, ou par des impressions toutes nouvelles, que produisent les affections naturelles ou accidentelles des nerfs ou la nature du tempérament. C’est aussi limpide que ce qu’on a lu sur le somnambulisme. Les songes naturels viennent des émotions de la journée et du tempérament. Les personnes d’un tempérament sanguin songent les festins, les danses, les divertissements, les plaisirs, les jardins et les fleurs. Les tempéraments bilieux songent les disputes, les querelles, les combats, les incendies, les couleurs jaunes, etc. Les mélancoliques songent l’obscurité, les ténèbres, la fumée, les promenades nocturnes, les spectres et les choses tristes. Les tempéraments pituiteux ou flegmatiques songent la mer, les rivières, les bains, les navigations, les naufrages, les fardeaux pesants, etc. Les tempéraments mêlés, comme les sanguins-mélancoliques, les sanguins-flegmatiques, les bilieux-mélancoliques, etc., ont des songes qui tiennent des deux tempéraments : ainsi le dit Peucer.

Les anciens attachaient beaucoup d’importance aux rêves ; et l’antre de Trophonius était célèbre pour cette sorte de divination. Pausanias nous a laissé, d’après sa propre expérience, la description des cérémonies qui s’y observaient. « Le chercheur passait d’abord plusieurs jours dans le temple de la bonne Fortune. Là il faisait ses expiations, observant d’aller deux fois par jour se laver. Quand les prêtres le déclaraient purifié, il immolait au dieu des victimes ; cette cérémonie finissait ordinairement par le sacrifice d’un bélier noir. Alors le curieux était frotté d’huile par deux enfants et conduit à la source du fleuve ; on lui présentait là une coupe d’eau du Léthé, qui bannissait de son esprit toute idée profane, et une coupe d’eau de Mnémosyne, qui disposait sa mémoire à conserver le souvenir de ce qui allait se passer. Les prêtres découvraient ensuite la statue de Trophonius, devant laquelle il fallait s’incliner et prier ; enfin, couvert d’une tunique de lin et le front ceint de bandelettes, on allait à l’oracle. Il était placé sur une montagne, au milieu d’une enceinte de pierres qui cachait une profonde caverne, où l’on ne pouvait descendre que par une étroite ouverture. Quand, après beaucoup d’efforts et à l’aide de quelques échelles, on avait eu le bonheur de descendre par là sans se rompre le cou, il fallait passer encore de la même manière dans une seconde caverne, très-petite et très-obscure. Là on se couchait à terre, et on n’oubliait pas de prendre dans ses mains une espèce de pâte faite avec de la farine, du lait et du miel. On présentait les pieds à un trou qui était au milieu de la caverne : au même instant, on se sentait rapidement emporté dans l’antre ; on s’y trouvait couché sur des peaux de victimes récemment sacrifiées, enduites de certaines drogues dont les agents du dieu connaissaient seuls la vertu ; on ne tardait pas à s’endormir profondément ; et c’était alors qu’on avait d’admirables visions et que les temps à venir découvraient tous leurs secrets. »

Hippocrate dit que, pour se soustraire à la malignité des songes, quand on voit en rêvant pâlir les étoiles, on doit courir en rond ; quand on voit pâlir la lune, on doit courir en long ; quand on voit pâlir le soleil, on doit courir tant en long qu’en rond… On rêve feu et flammes quand on a une bile jaune ; on rêve fumée et ténèbres quand on a une bile noire ; on rêve eau et humidité quand on a des glaires et des pituites, à ce que dit Galien. C’est le sentiment de Peucer. Songer à la mort, annonce mariage, selon Artémidore ; songer des fleurs, prospérité ; songer des trésors, peines et soucis ; songer qu’on devient aveugle, perte d’enfants… Ces secrets peuvent donner une idée de l’Onéirocritique d’Artémidore, ou explication des rêves. Songer des bonbons et des crèmes, dit un autre savant, annonce des chagrins et des amertumes ; songer des pleurs, annonce de la joie ; songer des laitues, annonce une maladie ; songer or et richesses, annonce la misère… Il y a eu des hommes assez superstitieux pour faire leur testament parce qu’ils avaient vu un médecin en songe. Ils croyaient que c’était un présage de mort.

Songes (explication des), suivant les livres les plus consultés :

Aigle. Si on voit en songe voler un aigle, bon

 
 
présage ; signe de mort s’il tombe sur la tête du songeur. Âne. Si on voit courir un âne, présage de malheur ; si on le voit en repos, caquets et méchancetés ; si on l’entend braire, inquiétudes et fatigues. Arc-en-ciel. Vu du côté de l’orient, signe de bonheur pour les pauvres ; du côté de l’occident, le présage est pour les riches. Argent trouvé, chagrin et pertes ; argent perdu, bonnes affaires.

Bain dans l’eau claire, bonne santé ; bain dans l’eau trouble, mort de parents et d’amis. Belette. Si on voit une belette en songe, signe qu’on aura ou qu’on a une méchante femme. Boire de l’eau fraîche, grandes richesses ; boire de l’eau chaude, maladie ; boire de l’eau trouble, chagrins. Bois. Être peint sur bois dénote longue vie. Boudin. Faire du boudin, présage de peines ; manger du boudin, visite inattendue. Brigands. On est sûr de perdre quelques parents ou une partie de sa fortune si on songe qu’on est attaqué par des brigands.

Cervelas. Manger des cervelas, bonne santé. Champignons, signe d’une vie longue, par contraste, sans doute. Chanter. Un homme qui chante, espérance ; une femme qui chante, pleurs et gémissements. Charbons éteints, mort ; charbons allumés, embûches ; manger des charbons, pertes et revers. Chat-huant, funérailles. Cheveux arrachés, pertes d’amis. Corbeau qui vole, péril de mort. Couronne. Une couronne d’or sur la tête, présage des honneurs ; une couronne d’argent, bonne santé ; une couronne de verdure, dignités ; une couronne d’os de morts annonce la mort. Cygnes noirs, tracas de ménage.

Déménagements. Annonce d’un mariage ou d’une succession.

 
 

Dents. Chute de dents, présage de mort. Dindon. Voir ou posséder des dindons, folie de parents ou d’amis.

Enterrement. Si quelqu’un rêve qu’on l’enterre vivant, il peut s’attendre à une longue misère. Aller à l’enterrement de quelqu’un, heureux mariage. Étoiles. Voir des étoiles tomber du ciel, chutes, déplaisirs et revers.

Fantôme blanc, joie et honneurs ; fantôme noir, peines et chagrins. Femme. Voir une femme, infirmité ; une femme blanche, heureux événement ; une femme noire, maladie ; plusieurs femmes, caquets. Fèves. Manger des fèves, querelles et procès. Filets. Voir des filets, présage de pluie. Flambeau allumé, récompense ; flambeau éteint, emprisonnement. Fricassées, caquets de voisins.

Gibet. Songer qu’on est condamné à être pendu, heureux succès. Grenouilles, indiscrétions et babils.

Hannetons, importunités. Homme vêtu de blanc, bonheur ; vêtu de noir, malheur ; homme assassiné, sûreté.

Insensé. Si quelqu’un songe qu’il est devenu insensé, il recevra des bienfaits de son prince.

Jeu. Gain au jeu, perte d’amis.

Lait. Boire du lait, amitié. Lapins blancs, succès ; lapins noirs, revers ; manger du lapin, bonne santé ; tuer un lapin, tromperie et perte. Lard. Manger du lard, victoire. Limaçon, charges honorables. Linge blanc, mariage ; linge sale, mort. Lune. Voir la lune, retard dans les affaires ; la lune pâle, peines ; la lune obscure, tourments.

Manger à terre, emportements. Médecine. Prendre médecine, misère ; donner médecine à quelqu’un, profit. Meurtre. Voir un meurtre, sûreté. Miroir, trahison. Moustaches. Songer qu’on a de grandes moustaches, augmentation de richesses.

Navets, vaines espérances. Nuées, discorde.

Œufs blancs, bonheur ; œufs cassés, malheur. Oies. Qui voit des oies en songe peut s’attendre à être honoré des princes. Ossements, traverses et peines inévitables.

Palmiers, palmes, succès et honneurs. Paon. L’homme qui voit un paon aura de beaux enfants. Perroquet, indiscrétion, secret révélé.

Quenouille, pauvreté.

Rats, ennemis cachés. Roses, bonheur etplaisirs.

Sauter dans l’eau, persécutions. Scorpions, lézards, chenilles, scolopendres, etc., malheurs et trahisons. Soufflet donné, paix et union entre le mari et la femme. Soufre, présage d’empoisonnement. Spectre. Signe d’une surprise.

 
 

Tempête, outrage et grand péril. Tête blanche, joie ; tête tondue, tromperie ; tête chevelue, dignité ; tête coupée, infirmité ; tête coiffée d’un agneau, heureux présage. Tourterelles, accord des gens mariés, mariage pour les célibataires.

Vendanger, santé et richesses. Violette, succès. Violon. Entendre jouer du violon et des autres instruments de musique, concorde et bonne intelligence entre le mari et la femme, etc., etc.

Telles sont les extravagances que débitent, avec étendue et complaisance, les interprètes des songes ; et l’on sait combien ils trouvent de gens qui les croient ! Le monde fourmille de petits esprits qui, pour avoir entendu dire que les grands hommes étaient au-dessus de la superstition croient se mettre à leur niveau en refusant à l’âme son immortalité et à Dieu son pouvoir, et qui n’en sont pas moins les serviles esclaves des plus absurdes préjugés. On voit tous les jours d’ignorants esprits forts, de petits sophistes populaires, qui ne parlent que d’un ton railleur des saintes Écritures, et qui passent les premières heures du jour à chercher l’explication d’un songe insignifiant, comme ils passent les moments du soir à interroger les cartes sur leurs plus minces projets[40].

Il y a des songes qui ont embarrassé ceux qui veulent expliquer tout. Nous ne pouvons passer sous silence le fameux songe des deux Arcadiens. Il est rapporté par Valère-Maxime et par Cicéron. Deux Arcadiens, voyageant ensemble, arrivèrent à Mégare. L’un se rendit chez un ami qu’il avait en cette ville, l’autre alla loger à l’auberge. Après que le premier fut couché, il vit en songe son compagnon, qui le suppliait de venir le tirer des mains de l’aubergiste, par qui ses jours étaient menacés. Cette vision l’éveille en sursaut ; il s’habille à la hâte, sort et se dirige vers l’auberge où était son ami. Chemin faisant, il réfléchit sur sa démarche, la trouve ridicule, condamne sa légèreté à agir ainsi sur la foi d’un songe ; et après un moment d’incertitude, il retourne sur ses pas et se remet au lit. Mais à peine a-t-il de nouveau fermé l’œil, que son ami se présente de nouveau à son imagination, non tel qu’il l’avait vu d’abord, mais mourant, mais souillé de sang, couvert de blessures, et lui adressant ce discours : « Ami ingrat, puisque tu as négligé de me secourir vivant, ne refuse pas au moins de venger ma mort. J’ai succombé sous les coups du perfide aubergiste ; et pour cacher les traces de son crime, il a enseveli mon corps, coupé en morceaux, dans un tombereau plein de fumier, qu’il conduit à la porte de la ville. » Le songeur, troublé de cette nouvelle vision, plus effrayante que la première, épouvanté par le discours de son ami, se lève derechef, vole à la porte de la ville et y trouve le tombereau désigné, dans lequel il reconnaît les tristes restes de son compagnon de voyage. Il arrête aussitôt l’assassin et le livre à la justice.

Cette aventure, on l’explique. Les deux amis étaient fort liés et naturellement inquiets l’un pour l’autre ; l’auberge pouvait avoir un mauvais renom : dès lors, le premier songe n’a rien d’ extraordinaire Le second en est la conséquence ! dans l’imagination agitée du premier des deux voyageurs. Les détails du tombereau sont plus forts ; il peut seiaire qu’ils soient un effet des pressentiments ou d’une anecdote du temps, ou une rencontre du hasard. Mais il y a des choses qui sont plus inexplicables et qu’on ne peut pourtant contester.

Un célèbre médecin irlandais, le docteur Abercombie, raconte, dans ses Études de psychologie, deux songes de deux de ses malades qui peuvent appuyer le récit qu’on vient de lire. « Un ministre, venu d’un village voisin à Édimbourg, y passait la nuit dans une auberge ; là, pendant son sommeil, il songea que le feu prenait à sa maison et que ses enfants y couraient danger de mort. Aussitôt il se lève et se hâte de quitter la ville ; à peine hors des murs, il aperçoit sa maison en feu ; il y court et arrive assez à temps pour sauver un de ses fils en bas âge que, dans le désordre causé par l’incendie, on avait laissé au milieu des flammes. » — Voici le second fait : « Un bourgeois d’Édimhourg était affecté d’un anévrysme de l’artère crurale. Deux chirurgiens distingués qui le soignaient devaient faire l’opération dans quelques jours. La femme du patient songea que le mal avait disparu et que l’opération projetée devenait inutile. En effet, le malade, en examinant le matin le siège de son affection, fut surpris de voir qu’elle n’avait pas laissé la moindre trace. » Il est important d’ajouter, dit le compte rendu, que ces sortes de guérisons sont extrêmement rares et qu’il est presque inconnu que cette maladie se soit résolue ainsi sans le secours de l’art.

Alexander ab Alexandro raconte, chap, xi du premier livre de ses Jours Géniaux, qu’un sien fidèle serviteur, homme sincère et vertueux, couché dans son lit, dormant profondément, commença à se plaindre, soupirer et se lamenter si fort, qu’il éveilla tous ceux de la maison. Son maître, après l’avoir éveillé, lui demanda la cause de son cri. Le serviteur répondit : « Ces plaintes que vous avez entendues ne sont point vaines ; car lorsque je m’agitais ainsi, il me semblait que je voyais le corps mort de ma mère passer devant mes yeux, par des gens qui la portaient en terre. » On fit attention à l’heure, au jour, à la saison où cette vision était advenue, pour savoir si elle annoncerait quelque désastre au garçon : et l’on fut tout étonné d’apprendre la mort de cette femme quelques jours après. S’étant informé des jour et heure, on trouva qu’elle était morte le même jour et à la même heure qu’elle s’était présentée morte à son fils. Voy. Rambouillet.

Saint Augustin, sur la Genèse, raconte l’histoire d’un frénétique qui revient un peu à ce songe. Quelques gens étant dans la maison de ce frénétique entrèrent en propos d’une femme I qu’ils connaissaient, laquelle était vivante et faisait bonne chère, sans aucune appréhension de mal. Le frénétique leur dit : « Comment parlez-vous de cette femme ? Elle est morte ; je l’ai vue passer comme on la portait en terre. » Et un ou deux jours après, la prédiction fut confirmée[41]. Voy. Cassius, Hymera, Amilcar, Décius, etc.

Un certain Égyptien, joueur de luth, songea une nuit qu’il jouait de son luth aux oreilles d’un âne. Il ne fit pas d’abord grandes réflexions sur un tel songe ; mais quelque temps après, Antiochus, roi de Syrie, étant venu à Memphis pour voir son neveu Ptolomée, ce prince fit venir le joueur de luth pour amuser Antiochus. Le roi de Syrie n’aimait pas la musique ; il écouta d’un air distrait et ordonna au musicien de se retirer. L’artiste alors se rappela le songe qu’il avait fait, et ne put s’empêcher de dire en sortant ; « J’avais bien rêvé que je jouerais devant un âne. » Antiochus l’entendit par malheur, commanda qu’on le liât, et lui fit donner les étrivières. Depuis ce moment, le musicien perdit l’habitude de rêver, ou du moins de se vanter de ses rêves.

On raconte sur la mort de l’acteur Champmeslé une anecdote plus extraordinaire. Il avait perdu sa femme et sa mère. Frappé d’un songe où il avait vu sa mère et sa femme lui faire signe du doigt de venir les trouver, il était allé chez les Cordeliers demander deux messes des morts, l’une pour sa mère, l’autre pour sa femme. L’honoraire de ces messes était alors de dix sous. Champmeslé ayant donné au sacristain une pièce de trente sous, le religieux était embarrassé pour lui rendre les dix sous restants. « Gardez tout, dit l’acteur et faites dire sur-le-champ une troisième messe des morts ; elle sera pour moi. » En effet, il mourut subitement le même jour, au moment où le cordelier venait le voir.

 
 

Terminons par un petit fait récent, consigné dans l’Indicateur de Champagne :

Un jeune homme de vingt-cinq ans, M. Baptiste Renard, cultivateur demeurant chez ses parents, au hameau dit les Tourneurs, commune de Fontenelle, rêve, la nuit en dormant, qu’il était monté sur un arbre, que la branche sur laquelle il était se rompait sous lui et qu’il se brisait les membres en tombant.

Ce jeune homme, le lendemain, eut la fatale pensée d’aller grimper sur l’arbre qu’il avait vu en songe, comme pour prouver qu’il n’ajoutait aucune foi aux rêves. Il était sur l’arbre, et racontait en riant à l’un de ses camarades son rêve de la nuit précédente, lorsque tout à coup la branche qui le portait rompt sous le poids de son corps ; M. Renard tombe, et dans sa chute il se casse un bras et une jambe ; il est relevé dans un état tel, que trois jours après il expira au milieu des plus cruelles souffrances.

Sonhardibel, prêtre apostat des Basses-Pyrénées, qui disait au sabbat la messe du diable avec une hostie noire en triangle. Il était quelquefois assez longtemps enlevé en l’air, la tête en bas. Fin du seizième siècle. Nous n’en savons pas plus.

Sorciers, gens qui, avec le secours des puissances infernales, peuvent opérer des choses surnaturelles, en conséquence d’un pacte fait avec le diable. Ce n’étaient en général que des imposteurs, des charlatans, des fourbes, des maniaques, des fous, des hypocondres ou des vauriens qui, désespérant de se donner quelque importance par leur propre mérite, se rendaient remarquables par les terreurs qu’ils inspiraient. Chez tous les peuples, on trouve des sorciers : on les appelle magiciens lorsqu’ils opèrent des prodiges, et devins lorsqu’ils devinent les choses cachées. Il y avait à Paris, du temps de Charles IX, trente mille sorciers qu’on chassa de la ville. On en comptait plus de cent mille en France sous le roi Henri III. Chaque ville, chaque bourg, chaque village, chaque hameau, avait les siens ; et de nos jours en France, où la partie la plus malsaine et la plus répandue de la presse combat les choses religieuses au lieu d’éclairer les esprits grossiers, il y a encore les deux tiers des villages où l’on croit aux sorciers. On les poursuivit sous Henri IV et sous Louis XIII; le nombre de ces misérables ne commença à diminuer que sous Louis XIV. L’Angleterre n’en était pas moins infestée. Le roi Jacques Ier, qui leur faisait la chasse très-durement, écrivit contre eux un gros livre, sans éclairer la question.

Un fait constant, c’est que la plupart des sorciers et de ceux qui se disent tels sont des bandits qui prennent un masque diabolique pour faire le mal ; c’est que la plupart de leurs sortilèges sont des empoisonnements, et leurs sabbats d’affreuses orgies. Ces sorciers étaient encore des restes de bandes hérétiques, conduits d’aberrations en aberrations au culte tout cru du démon.

Les sorciers sont coupables de quinze crimes, dit Bodin : 1° ils renient Dieu ; 2° ils le blasphèment ; 3° ils adorent le diable ; 4° ils lui vouent leurs enfants ; 5° ils les lui sacrifient souvent, avant qu’ils soient baptisés[42] ; 6° ils les consacrent à Satan, dès le ventre de leur mère ; 1° ils lui

 
Bandits, graine de sorciers
Bandits, graine de sorciers
Bandits, graine de sorciers.
 
promettent d’attirer tous ceux qu’ils pourront à son service ; 8° ils jurent par le nom du démon, et s’en font honneur ; 9° ils ne respectent plus aucune loi, et commettent jusqu’à des incestes ; 10° ils tuent les personnes, les font bouillir et les mangent ; 11° ils se nourrissent de chair humaine et même de pendus ; 12°ils font mourir les gens
 
Enfants sacrifiés
Enfants sacrifiés
Enfants sacrifiés.
 
par le poison et les sortilèges ; 13° ils font crever le bétail ; 14° ils font périr les fruits, et causent la stérilité ; 15° ils se font en tout les esclaves du diable.

On s’est moqué de ce passage de Bodin ; il est pourtant vrai presque en tout. Sandoval, dans son Histoire de Charles-Quint, raconte que deux jeunes filles, l’une de onze ans et l’autre de neuf, s’accusèrent elles-mêmes comme sorcières devant les membres du conseil royal de Navarre ; elles avouèrent qu’elles s’étaient fait recevoir dans la secte des sorciers, et s’engagèrent à découvrir toutes les femmes qui en étaient, si on consentait à leur faire grâce. Les juges l’ayant promis, ces deux enfants déclarèrent qu’en voyant l’œil gauche d’une personne elles pourraient dire si elle était sorcière ou non ; elles indiquèrent l’endroit où l’on devait trouver un grand nombre de ces femmes, et où elles tenaient leurs assemblées. Le conseil chargea un commissaire de se transporter sur les lieux avec les deux enfants, escortés de cinquante cavaliers. En arrivant dans chaque bourg ou village, il devait enfermer les deux jeunes filles dans deux maisons séparées, et faire conduire devant elles les femmes suspectes de magie, afin d’éprouver le moyen qu’elles avaient indiqué. Il résulta de l’expérience que celles de ces femmes qui avaient été signalées par les deux filles comme sorcières l’étaient réellement. Lorsqu’elles se virent en prison, elles déclarèrent qu’elles étaient plus de cent cinquante ; que, quand une femme se présentait pour être reçue dans leur société, on lui faisait renier Jésus-Christ et sa religion. Le jour où cette cérémonie avait lieu, on voyait paraître au milieu d’un cercle un bouc noir qui en faisait plusieurs fois le tour. À peine avait-il fait entendre sa voix rauque, que toutes les sorcières accouraient et se mettaient à danser ; après cela, elles venaient toutes baiser le bouc au derrière, et faisaient ensuite un repas avec du pain, du vin et du fromage.

Aussitôt que le festin était fini, chaque sorcière s’envolait dans les airs, pour se rendre aux lieux où elle voulait faire du mal. D’après leur propre confession, elles avaient empoisonné trois ou quatre personnes, pour obéir aux ordres de Satan, qui les introduisait dans les maisons, en leur en ouvrant les portes et les fenêtres. Il avait soin de les refermer quand le maléfice avait eu son effet. Toutes les nuits qui précédaient les grandes fêtes de l’année, elles avaient des assemblées générales, où elles faisaient des abominations et des impiétés. Lorsqu’elles assistaient à la messe, elles voyaient l’hostie noire ; mais si elles avaient déjà formé le propos de renoncer à leurs pratiques diaboliques, elles la voyaient blanche. Sandoval ajoute que le commissaire, voulant s’assurer de la vérité des faits par sa propre expérience, fit prendre une vieille sorcière, et lui promit sa grâce, à condition qu’elle ferait devant lui toutes ses opérations de sorcellerie. La vieille, ayant accepté la proposition, demanda la boîte d’onguent qu’on avait trouvée sur elle, et monta dans une tour avec le commissaire et un grand nombre de personnes. Elle se plaça devant une fenêtre, et se frotta d’onguent la paume de la main gauche, le poignet, le nœud du coude, le dessous du bras, l’aine et le côté gauche ; ensuite elle cria d’une voix forte : Es-tu là ? Tous les spectateurs entendirent dans les airs une-voix qui répondit : Oui, me voici. La sorcière se mit alors à descendre le long de la tour, la tête en bas, se servant de ses pieds et de ses mains à la manière des lézards. Arrivée au milieu de la hauteur, elle prit son vol dans les airs devant les assistants, qui ne cessèrent de la voir que lorsqu’elle eut dépassé l’horizon. Dans l’étonnement où ce prodige avait plongé tout le monde, le commissaire fit publier qu’il donnerait une somme d’argent considérable à quiconque lui ramènerait la sorcière. On la lui présenta au bout de deux jours, qu’elle fut arrêtée par des bergers. Le commissaire lui demanda pourquoi elle n’avait pas volé assez loin pour échapper à ceux qui la cherchaient. À quoi elle répondit que son maître n’avait voulu la transporter qu’à la distance de trois lieues, et qu’il l’avait laissée dans le champ où les bergers l’avaient rencontrée.

Ce récit singulier, dû pourtant à un écrivain grave, n’est pas facile à expliquer. Le juge ordinaire ayant prononcé sur l’affaire des cent cinquante sorcières, ni l’onguent ni le diable ne purent leur donner des ailes pour éviter le châtiment de deux cents coups de fouet et de plusieurs années de prison qu’on leur fit subir.

Notre siècle, comme nous l’avons remarqué, n’est pas encore exempt de sorciers. Il y en a dans tous les villages. On en trouve à Paris même, où le magicien Moreau faisait merveilles il y a quarante ans. Mais souvent on a pris pour sorciers des gens qui ne l’étaient pas. Mademoiselle Lorimier, à qui les arts doivent quelques tableaux remarquables, se trouvant à Saint-Flour en 1811 avec une autre dame artiste, prenait, de la plaine, l’aspect de la ville, située sur un rocher. Elle dessinait et faisait des gestes d’aplomb avec son crayon. Les paysans, qui voient encore partout la sorcellerie, jetèrent des pierres aux deux dames, les arrêtèrent et les conduisirent chez le maire, les prenant pour des sorcières qui faisaient des sorts et des charmes. Vers 1778, les Auvergnats prirent pour des sorciers les ingénieurs qui levaient le plan de la province, et les accablèrent de pierres. Le tribunal correctionnel de Marseille eut à prononcer, en 1820, sur une cause de sorcellerie. Une demoiselle, abandonnée par un homme qui devait l’épouser, recourut à un docteur qui passait pour sorcier, lui demandant s’il aurait un secret pour ramener un infidèle et nuire à une rivale. Le nécromancien commença par se faire donner de l’argent, puis une poule noire, puis un cœur de bœuf, puis des clous. Il fallait que la poule, le cœur et les clous fussent volés ; pour l’argent, il pouvait être légitimement acquis, le sorcier se chargeait du reste. Mais il arriva que, n’ayant pu rendre à la plaignante le cœur de son amant, celle-ci voulut au moins que son argent lui fût restitué ; de là le procès, dont le dénoûment a été ce qu’il devait être : le sorcier a été condamné à l’amende et à deux mois de prison comme escroc.

Voici encore ce qu’on écrivait de Valognes en On jugera des sorciers passés par les sorciers présents, sous le rapport de l’intérêt qu’ils sont dignes d’inspirer : « Notre tribunal correctionnel vient d’avoir à juger des sorciers de Brix. Les prévenus, au nombre de sept, se trouvent rangés dans l’ordre suivant : Anne-Marie, femme de Leblond, dit le Marquis, âgée de soixante-quinze ans (figure d’Atropos ou d’une sorcière de Macbeth); Leblond, son mari, âgé de soixante-onze ans ; Charles Lemonnier, maçon, âgé de vingt-six ans ; Drouet, maçon, âgé de quarante-quatre ans ; Thérèse Leblond, dite la Marquise, âgée de quarante-huit ans (teint fiévreux ou animé par la colère) ; Jeanne Leblond, sa sœur, également surnommé la Marquise, âgée de trente-quatre ans, femme de Lemonnier, et Lemonnier, mari de la précédente, équarrisseur, âgé de trente-trois ans, né à Amfreville, tous demeurant à Brix. Divers délits d’escroquerie à l’aide de manœuvres frauduleuses leur sont imputés ; les témoins, dont bon nombre figurent parmi les dupes qu’ils ont faites, comparaissent successivement et reçoivent une ovation particulière à chaque aveu de leur crédulité. Les époux Halley, dit Morbois, et leur frère et beau-frère Jacques Legouche, des Moitiers-en-Bauptois, se croyaient ensorcelés. Or il n’était bruit à dix lieues à la ronde que des Marquis de Brix. On alla donc les supplier d’user de leur pouvoir en faveur de braves gens dont la maison, remplie de myriades de sorciers, n’était plus habitable. Le vieux Marquis se met aussitôt en route avec sa fille Thérèse et commande des tisanes. Mais il en faut bientôt de plus actives, et la société, composée de ses deux filles et des frères Lemonnier, qui se sont entremis dans la guérison, apporte des bouteilles tellement puissantes que toute la famille les a vues danser dans le panier qui les contenait. Il faut en effet de bien grands remèdes pour lever le sort que le curé, le vicaire et le bedeau de la paroisse ont jeté sur eux, au dire des Marquises. Il faut en outre du temps et de l’argent. Deux ans se passent en opérations, et avec le temps s’écoule l’argent. Mais enfin une si longue attente, de si nombreux sacrifices auront un terme, et ce terme, c’est la nuit de Pâques fleuries, dans laquelle le grand maître sorcier viendra débarrasser les époux Halley des maléfices qu’ils endurent. Ce qui avait été promis a lieu ; non pas précisément la guérison, mais l’arrivée de plusieurs membres de la compagnie de Brix. Que s’est-il passé dans la maison ? c’est ce que des voisins assignés ne peuvent nous dire, parce qu’ils n’ont osé ni regarder ni entendre. Un seul rapporte avoir ouï, lorsque les sorciers sont repartis, une voix s’écrier : — Il faut qu’ils soient plus bêtes que le cheval qui nous traîne ! D’autres racontent la ruine de cette maison, qui date des fréquents voyages de la compagnie. Les Halley et les Legouche étaient dans une parfaite aisance avant qu’il fût question de les désensorceler. Leurs meubles, leurs bestiaux, leur jardin, leur peu de terre, ils ont tout vendu ; leurs bardes, parce qu’elles étaient ensorcelées comme-leurs personnes, ils les ont données ; ils ont arraché jusqu’à leur plant de pommiers pour en faire un peu d’argent et rassasier l’hydre insatiable qui les dévorait ; 2,000 fr., tel est peut-être le chiffre des sommes que l’accusation reproche aux prévenus d’avoir escroquées à ces pauvres gens. Cependant ceux-ci avouent à peine 250 fr. qu’ils auraient pu remettre pour prix de médicaments qui les ont, disent-ils, radicalement guéris. Ils ne confessent aucuns détails, n’accusent personne. Ils rendent grâces au contraire du bien qu’on leur a fait. Les malheureux tremblent encore en présence de ceux qu’ils ont appelés auprès d’eux, et dont le regard semble toujours les fasciner ! Un nommé Henri Lejuez, de Flottemanville-Hague (arrondissement de Cherbourg), vient ensuite raconter avec la même bonne foi et le même air de simplicité les tours subtils de magie dont il a été victime. Chevaux et porcs, chez lui tout mourait ; ce n’était point naturel ; mais aux grands maux les grands remèdes. Il se mit donc en quête pour les trouver. Un jour, dit-il, que j’étais à l’assemblée de Vasteville, je trouvai un homme qui me dit que je ferais bien d’aller à Brix, chez un nommé le Marquis. J’y allai ; or, quand je lui eus dit mon affaire, et qu’il eut lu deux pages dans un livre que sa femme alla lui chercher dans l’armoire, il me répondit : — Ce sont des jaloux ; mais je vais vous butter ça ; baillez-moi 5 fr. 50 c. pour deux bouteilles de drogues, et je ferai mourir le malfaiteur. — Nenni, que je lui dis, je n’en demande pas tant ; domptez-le seulement de façon qu’il ne me fasse plus de mal, c’en est assez. Quinze jours après, j’y retournai, et j’apportai vingt-cinq kilogrammes de farine, deux pièces de 5 fr., et environ deux kilogrammes de filasse que sa bonne femme m’avait demandés. Il n’y avait point d’amendement chez mes avers, et je lui dis en le priant de travailler comme il faut l’homme qui m’en voulait. Enfin, après un autre voyage que je fis encore, il fut convenu que sa fille Thérèse viendrait à la maison. Elle y vint donc et fit sa magie avec une poule qu’on happa sans lui ôter une plume du corps. Sur le coup elle la saignit, et quand elle eut ramassé son sang dans un petit pot avec le cœur, elle le fit porter à la porte de l’homme que nous soupçonnions. Pendant que le sang s’égoutterait, notre homme devait dessécher, à ce qu’elle disait. Après cela elle nous demanda vingt-cinq aiguilles neuves qu’elle mit dans une assiette et sur laquelle elle versa de l’eau. Autant il y en aurait qui s’affourcheraient les unes sur les autres, autant il y aurait d’ennemis qui nous en voudraient. Il s’en trouva trois. Tout cela fait, elle emporta la poule et revint quelques jours après avec Jeanne sa sœur. Mais il se trouva qu’il leur manqua quelque chose pour arriver à leur définition : c’étaient des drogues qu’avec 25 fr. que je leur donnai, et que j’empruntai en partie, elles allèrent quérir à Cherbourg, et qu’elles devaient rapporter le soir, avec deux mouchoirs que ma femme leur prêta ; mais elles ne revinrent plus. Pour lors j’eus l’idée qu’elles n’étaient pas aussi savantes qu’on le disait. Pour m’en assurer, j’allai consulter une batteuse de cartes du Limousin, et je l’amenai chez Thérèse. Là-dessus les deux femelles se prirent de langue : la Limousine traita la Marquise d’agrippeuse et le Marquis d’agrippeur. Ça fit une brouille, et les affaires en restèrent là. À quelque temps de là cependant, ma femme la revit dans une boutique à la Pierre-Butée, avec Charles Lemonnier, qu’elle appelait son homme. Elle lui parla de ce qu’elle lui avait donné, de trois chemises que j’oubliais, de deux draps de lits, d’un canard et d’une poule que je lui avais portés moi-même ; elle lui demanda aussi ce qu’était devenue la poule qu’elle avait saignée pour sa magie. Sur-le-champ, Thérèse répondit qu’après l’avoir fait rôtir elle s’était dressée sur table et avait chanté trois fois comme un coq. — C’est vrai, reprit Charles Lemonnier, car quand je l’ai vue, ça m’a fait un effet que je n’ai pas osé en manger.

» Les Marquis et compagnie n’appliquaient pas seulement leurs talents à la levée des sorts ; mais tels sont les principaux faits qui amènent les différents prévenus devant le tribunal, et auxquels on pourrait ajouter le vol de deux pièces de fil et de deux livres de piété, imputé à la même Thérèse, lors de sa visite, au préjudice de la femme Heiland, et le fait d’escroquerie reproché au vieux sorcier Marquis, à raison de ses sortilèges sur la fille d’un nommé Yves Adam, de Brix. M. le substitut Desmortiers rappelle les fâcheux antécédents, d’abord de Thérèse, condamnée par un premier jugement, pour vol, à un an et un jour d’emprisonnement ; par un second jugement de la cour d’assises de la Manche, en sept années de travaux forcés ; de sa sœur ensuite, condamnée pareillement en six années de la même peine ; de Leblond père, dit le Marquis, qui a subi deux condamnations correctionnelles dont la durée de l’une a été de neuf ans ; de Drouet enfin, condamné à un an et un jour de prison.

» Le tribunal, après avoir renvoyé de l’action la vieille femme Leblond, prononce son jugement, qui condamne aux peines qui suivent les coprévenus : Thérèse Leblond, dix années d’emprisonnement ; Jeanne Leblond, femme Lemonnier, six ans ; Jacques Leblond, dit le Marquis, cinq ans ; Charles Lemonnier, un an et un jour ; Pierre-Amable Drouet, six mois ; Pierre Lemonnier, un mois ; les condamne chacun, en outre, en 50 fr. d’amende, et solidairement aux dépens, et dit qu’à l’expiration de leur peine ils resteront pendant dix ans sous la surveillance de la haute police. » Voy. Sicidites, Agrippa, Faust et une foule de petits articles sur divers sorciers.

On trouve des sorciers dans les plus vieux récits. Les annales mythologiques vous diront qu’à Jalysié, ville située dans l’île de Rhodes, il y avait six hommes qui étaient si malfaisants que leurs seuls regards ensorcelaient les objets de leur haine. Ils faisaient pleuvoir, neiger et grêler sur les héritages de ceux auxquels ils en voulaient. On dit que, pour cet effet, ils arrosaient la terre avec de l’eau du Styx, d’où provenaient les pestes, les famines et les autres calamités. Jupiter les changea en écueils.

Le voyageur Beaulieu conte qu’il rencontra un de ces sorciers ou escrocs, qu’on a aussi appelés grecs, à la cour du roi d’Achem. C’était un jeune Portugais nommé Dom Francisco Carnero ; il passait pour un joueur habile et si heureux qu’il semblait avoir enchaîné la fortune. On découvrit néanmoins que la mauvaise foi n’avait pas moins de part que le bonheur et l’habileté aux avantages qu’il remportait continuellement. Après avoir gagné de grosses sommes à un ministre de cette cour, qui se dédommageait de ses pertes par les vexations qu’il exerçait sur les marchands, il jouait un jour contre une dame indienne, à laquelle il avait gagné une somme considérable, lorsqu’en frappant du poing sur la table, pour marquer son étonnement d’un coup extraordinaire, il rencontra un de ses dés qu’il brisa, et dont il sortit quelques gouttes de vif argent. Elles disparurent aussitôt, parce que la table avait quelque pente. Les Indiens, d’autant plus étonnés de cette aventure, que le Portugais se saisit promptement des pièces du dé, et qu’il refusa de les montrer, jugèrent qu’il y avait de l’enchantement. On publia qu’il en était sorti un esprit, que tout le monde avait vu sous une forme sensible, et qui s’était évanoui sans nuire à personne. Beaulieu pénétra facilement la vérité. Mais il laissa les Indiens dans leur erreur ; et, loin de rendre aucun mauvais office à Carnero, il l’exhorta fortement à renoncer au jeu dont il ne pouvait plus espérer les mêmes avantages à la cour d’Achem[43].

Sous le règne de Jacques Ier, roi d’Angleterre, le nommé Lily fut accusé d’user de sortilège devant un juge peu éclairé, qui le condamna au feu. Lily n’était rien moins que sorcier ; son crime consistait à abuser de l’ignorance superstitieuse de ses concitoyens. Il osa s’adresser au souverain et lui présenter un placet écrit en grec. L’étude des langues était alors fort négligée en Angleterre. Un semblable placet parut un phénomène au monarque. — Non, dit-il, cet homme ne sera pas exécuté, je le jure, fût-il encore plus sorcier qu’on ne l’accuse de l’être. Ce que je vois, c’est qu’il est plus sorcier dans la langue grecque que tous mes prélats anglicans.

Un officier, d’un génie très-médiocre, envieux de la gloire d’un capitaine qui avait fait une belle action, écrivit à M. de Louvois que ce capitaine était sorcier. Le ministre lui répondit : « Monsieur, j’ai fait part au roi de l’avis que vous m’avez donné de la sorcellerie du capitaine en question. Sa Majesté m’a répondu qu’elle ignorait s’il était sorcier, mais qu’elle savait parfaitement que vous ne l’étiez pas. »

Il y eut à Salem, dans l’Amérique du Nord, en 1692, de singuliers symptômes qui tiennent à l’histoire de la sorcellerie. Beaucoup d’hypocondriaques voyaient des spectres, d’autres subissaient des convulsions rebelles aux médecins ; on attribua tout à la nécromancie, et Godwin, dans son Histoire des nécromanciens, donne sur ces faits étranges des détails étendus. Plusieurs femmes furent pendues comme accusées et convaincues d’avoir donné des convulsions ou fait apparaître des fantômes, « On voit constamment, dit Godwin, les accusations de ce genre suivre la marche d’une épidémie. Les vertiges et les convulsions se communiquent d’un sujet à un autre. Une apparition surnaturelle est un thème à l’usage de l’ignorance et de la vanité. L’amour de la renommée est une passion universelle. Quoique ordinairement placée hors de l’atteinte des hommes ordinaires, elle se trouve, dans certaines occasions, mise d’une manière inattendue à la portée des esprits les plus communs, et alors ils savent s’en servir avec une avidité proportionnée au peu de chances qu’ils avaient d’y parvenir. Quand les diables et les esprits de l’enfer sont devenus les sujets ordinaires de la conversation ; quand les récits d’apparition sont aux nouvelles du jour, et que telle ou telle personne, entièrement ignorée jusqu’alors, devient tout à coup l’objet de la surprise générale, les imaginations sont vivement frappées, on en rêve, et tout le monde, jeunes et vieux, devient sujet à des visions.

» Dans une ville comme Salem, la seconde en importance de la colonie, de semblables accusations se répandirent avec une merveilleuse rapidité. Beaucoup d’individus furent frappés de vertiges ; leurs visages et leurs membres furent contractés par d’effroyables contorsions, et ils devinrent un spectacle d’horreur pour ceux qui les approchaient. On leur demandait d’indiquer la cause de leurs souffrances ; et leurs soupçons ou leurs prétendus soupçons se portaient sur quelque voisin, déjà malheureux et abandonné, et pour cette cause en butte aux mauvais traitements des habitants de la ville. Bientôt les personnes favorisées de l’apparition surnaturelle formèrent une classe à part, et furent envoyées, aux dépens du public, à la recherche des coupables, qu’eux seuls pouvaient découvrir. Les prisons se remplirent des individus accusés. On s’entretint avec horreur d’une calamité qui n’avait jamais régné avec un tel degré d’intensité dans cette partie du monde, et, par une coïncidence malheureuse, il arriva qu’à cette époque beaucoup d’exemplaires de l’ouvrage de Baxter intitulé Certitude du monde des esprits parvinrent dans la Nouvelle-Angleterre. Des hommes honorables donnèrent crédit à cette ridicule superstition et entretinrent même la violence populaire par la solennité et l’importance qu’ils donnèrent aux accusations, et par le zèle et l’ardeur qu’ils déployèrent dans les poursuites. On observa dans cette occasion toutes les formes de la justice ; on ne manqua ni de juges, ni de jurés, grands ou petits, ni d’exécuteurs, encore moins de persécuteurs et de témoins. Du 10 juin au 22 septembre 1692, dix-neuf accusés furent pendus ; bien des gens avouèrent qu’ils pratiquaient la sorcellerie, car cet aveu paraissait la seule voie ouverte de salut. On vit des maris et des enfants supplier à genoux leur femme et leur mère de confesser qu’elles étaient coupables. On mit à la torture plusieurs de ces malheureuses en leur attachant les pieds au cou jusqu’à ce qu’elles eussent avoué tout ce qu’on leur suggérait.

» Dans cette douloureuse histoire, l’affaire la plus intéressante fut celle de Gilles Gory et de sa femme. Celle-ci fut jugée le 9 septembre et pendue le 22 ; dans cet intervalle on mit aussi le mari en jugement. Il affirma qu’il n’était point coupable. Quand on lui demanda comment il voulait être jugé, il refusa de répondre, selon la formule ordinaire, par Dieu et mon pays. Il observa qu’aucun de ceux qui avaient été précédemment jugés n’ayant été proclamé innocent, le même mode de procédure rendrait sa condamnation également certaine ; il refusa donc obstinément de s’y conformer. Le juge ordonna que, selon l’usage barbare prescrit en Angleterre, il fût couché sur le dos et mis à mort au moyen de poids graduellement accumulés sur toute la surface de son corps, moyen qu’on n’avait point encore mis en pratique dans l’Amérique du Nord. Gilles Gory persista dans sa résolution et demeura muet pendant toute la durée de son supplice. Tout s’enchaîna par un lien étroit dans cette horrible tragédie. Pendant fort longtemps les visionnaires n’étendirent leurs accusations que sur les gens mal famés ou qui ne tenaient qu’aux rangs inférieurs de la communauté. Bientôt cependant, perdant toute retenue, ils ne craignirent pas de portèr leurs accusations de sorcellerie sur quelques personnes appartenant aux premières familles et du caractère le moins suspect. Dès lors tout changea de face. Les principaux habitants reconnurent combien il serait imprudent de mettre leur honneur et leur vie à la merci de si misérables accusateurs. De cinquante-six actes d’accusation qui furent soumis au grand jury le 3 janvier 1693, on n’en trouva que vingt-six qui eussent quelque fondement, et on en écarta trente. Sur les vingt-six accusations auxquelles on donna suite, on ne trouva que trois coupables, et le gouvernement leur fit grâce. On ouvrit les prisons : deux cent cinquante personnes, tant de celles qui avaient fait des aveux que de celles qui étaient simplement accusées, furent mises en liberté, et on n’entendit plus parler d’accusations de ce genre. Les affligés, c’est ainsi qu’on nommait les visionnaires, furent rendus à la santé. Les apparitions de spectres disparurent complètement, et l’on ne s’étonna plus que d’une chose, ce fut d’avoir été victime d’une si horrible illusion. — Ces phénomènes de démence infernale en pays hostile à l’Église demanderaient une étude.

Sort. On appelle sort ou sortilège certaines paroles, caractères, drogues, etc., par lesquels les esprits crédules s’imaginent qu’on peut produire des effets extraordinaires, en vertu d’un pacte supposé fait avec le diable : ce qu’ils appellent jeter un sort. La superstition populaire attribuait surtout cette faculté nuisible aux bergers ; et cette opinion était sinon fondée, au moins excusée par la solitude et l’inaction où vivent ces sortes de gens. Voy. Maléfices, Charmes, Scopélisme, etc.

Les hommes ont de tout temps consulté le sort ou, si l’on veut, le hasard. Cet usage n’a rien de ridicule lorsqu’il s’agit de déterminer un partage, de fixer un choix douteux, etc. Mais les anciens consultaient le sort comme un oracle, et quelques modernes se sont montrés aussi insensés. Toutes les divinations donnent les prétendus moyens de consulter le sort.

Sortilèges. Voy. Sort.

Sotray, nom que les Solognots et les Poitevins donnent à un lutin qui tresse les crinières des chevaux.

Souad, goutte noire, germe de péché, inhérente depuis la chute originelle au cœur de l’homme, selon les musulmans, et dont Mahomet se vantait d’avoir été délivré par l’ange Gabriel, il dit aussi, dans le Koran, que Jésus et Marie sont les seuls êtres humains qui n’aient pas eu le Souad.

Sougai-Toyon, dieu du tonnerre chez les Yakouts ; il est mis par eux au rang des esprits malfaisants. C’est le ministre des vengeances d’Oulon-Toyon, chef des esprits.

Soulié (Frédéric). Dans les Mémoires du Diable, l’auteur a déployé un très-beau talent à faire malheureusement un mauvais livre en morale.

Souris. Le cri d’une souris était chez les anciens de si mauvais augure qu’il rompait les auspices. Voy. Rats.

 
Souris
Souris
 

Dans plusieurs contrées, les laboureurs cherchent à préserver leurs granges des souris par un procédé superstitieux que voici :

Ils prennent quatre œufs, qui doivent avoir été pondus le vendredi saint ; ils les placent aux quatre coins de la grange et aspergent ces quatre coins d’eau bénite du samedi saint et du samedi veille de la Pentecôte. Après cela, ils mettent en croix les deux premières gerbes de la moisson qui rentre et font le tas avec croyance que les souris ne pourront manger que ces deux gerbes mises en croix.

Souterrains (démons), démons dont parle Psellus, qui, du vent de leur haleine, rendent aux hommes le visage bouffi, de manière qu’ils sont méconnaissables.

« En Norvège, comme dans d’autres pays, on croit à des génies qui habitent sous terre. Voici, dit un écrivain anglais, ce qui me fut raconté très-sérieusement sur ces êtres surnaturels par la maîtresse de la maison où je logeais : « J’avais, me dit-elle, un oncle que l’on destinait à la profession des armes. Un jour, dans sa jeunesse, allant aux champs avec son père, il laissa tomber un couteau avant de sortir du logis, et, malgré les recherches les plus exactes, il ne put le retrouver. Peu de temps après, il partit pour les pays étrangers. Au bout de quinze ans, il revint en Norvège. Un soir qu’il se rapprochait de chez lui, se trouvant encore à dix lieues de la maison de son père, il se sentit fatigué, et entra dans une cabane peu éloignée du chemin, qui, en cet endroit, traversait une forêt. Il n’y avait dans l’habitation qu’une vieille femme, qui l’accueillit bien ; il était assis depuis peu d’instants lorsqu’il aperçut sur la table un couteau absolument semblable à celui qu’il avait perdu quinze ans auparavant. Il raconta le fait à la vieille et lui dit : « Si cette maison n’était pas aussi éloignée de la mienne, je croirais que ce couteau est le mien. — En effet, repartit la vieille, c’est lui : lorsque vous l’avez laissé tomber, il coupa la jambe de ma fille, qui, dans ce moment, sous la forme d’une taupe, courait sous la terre ; je vous empêchai alors de le retrouver en le changeant en un ver de terre que ma fille emporta. »

» Mon oncle s’aperçut qu’il était dans la compagnie d’un être souterrain qui, dans cette occasion, avait pris la figure humaine. Quand il voulut partir pour continuer sa route, la petite femme insista pour qu’il restât jusqu’au lendemain matin, l’assurant que ce retard ne lui ferait pas perdre une minute, parce que, s’il voulait lui promettre sa vache rousse avec les belles clochettes qu’elle portait à son collier, elle le transporterait chez lui sans qu’il bougeât de place. « Mais, reprit mon oncle, voilà quinze ans que je suis absent, et j’ignore s’il y a chez nous des vaches. — Il y en a sept, mon digne monsieur. — Je ne puis rien vous promettre, puisque s’il y a des vaches, elles ne m’appartiennent pas ; cependant je consens à passer la nuit ici. » Le lendemain, pendant qu’il déjeunait avec la vieille, on entendit le tintement d’une clochette. « Oh ! s’écria mon oncle en se levant de surprise, cette clochette me rappelle les jours de mon enfance ; c’est celle de la vache rousse dont vous parliez hier. — C’est fort possible, car je lui ai ordonné de venir ici ce matin. »

» Le déjeuner fini, mon oncle dit adieu à la vieille ; et en sortant de la cabane, il se trouva tout près du jardin de son père.

» On dit que ces êtres surnaturels n’ont pas le pouvoir de transformer un animal en un autre ; ils peuvent seulement diminuer la taille des animaux, afin de les emporter plus facilement sous terre. Je me contenterai de raconter à ce sujet une histoire à laquelle on ajoute généralement foi en Norvège, et qui même y a donné naissance au proverbe : « Souvenez-vous du bétail de l’évêque de Dronlheim. » On l’emploie souvent pour rappeler qu’il faut veiller attentivement sur ce qu’on possède. En voici l’origine.

» Il y a bien longtemps qu’un jour d’été un évêque de Drontheim envoya ses bestiaux pâturer dans la montagne ; c’étaient les plus beaux de toute la Norvège. À leur départ, le prélat recommanda expressément aux gardiens d’avoir constamment l’œil sur les animaux et de ne pas les perdre de vue, attendu que beaucoup d’êtres souterrains habitaient dans l’intérieur des montagnes de Rœraas. L’injonction de ne pas les perdre de vue se rapportait à la croyance qu’aussi longtemps que les yeux d’un homme sont fixés sur un animal les génies souterrains n’ont aucun pouvoir sur lui. Un jour, pendant que les bestiaux paissaient dans les montagnes, et que les pasteurs, assis dans différents endroits, n’en détournaient pas leurs regards, un élan d’une taille extraordinaire passa. Aussitôt les yeux des trois pasteurs se portèrent du bétail sur l’élan, et se tinrent un moment fixés sur lui ; quand ils retombèrent sur le troupeau, ils aperçurent les bestiaux réduits à la dimension de petites souris. Ces animaux, au nombre de trois cents, descendaient la montagne en courant, et avant que leurs gardiens pussent les atteindre, ils les virent tous entrer par une petite fente dans la terre, où ils disparurent. Ainsi, l’évêque de Drontheim perdit son bétail. »

Southcott (Jeanne), visionnaire anglaise du dernier siècle, qui se fit une secte avec des cérémonies bizarres. De temps à autre on entend encore parler de cette fanatique. Une centaine de sectaires se sont réunis dans un bois, il y a une trentaine d’années, auprès de Sydenham, et ont commencé leur culte superstitieux par le sacrifice d’un petit cochon noir, qu’ils ont brûlé pour répandre ses cendres sur leurs têtes. Ces fous disent et croient que Jeanne Southcott, qu’ils appellent la fille de Sion, est montée au ciel, et qu’elle reviendra avec le Messie. Elle avait annoncé qu’elle accoucherait d’un nouveau Messie ; mais elle est morte sans avoir rempli sa promesse ; ce qui n’empêche pas ses crédules disciples d’attendre sa résurrection, qui sera suivie de l’accouchement tant désiré. Les sectateurs de cette prétendue prophétesse portent, dans leurs processions, des cocardes blanches et des étoles en ruban jaune sur la poitrine. Le ruban jaune est, selon eux, la couleur de Dieu ; leur Messie se nommera le Shelo.

Souvigny. Une tradition populaire attribue aux fées la construction de l’église de Souvigny. Au milieu de la délicieuse vallée qu’arrose la petite rivière appelée la Queune, une laitière vit surgir cette église d’un brouillard du matin, avec ses aiguilles dentelées, ses galeries festonnées, et son portail à jour, à une place où la veille encore s’élevaient de beaux arbres et coulait une fontaine. Frappée de stupeur, la pauvre femme devint pierre ; on montre encore sa tête placée à l’angle d’une des tours. Il y a bien, en effet, quelque chose de féerique dans l’église de Souvigny. Un jour qu’il allait s’y livrer à ses études, M. Achille Allier y découvrit un curieux support de nervure ogivique ; c’était une femme d’une délicatesse de formes presque grecque, qui se tordait et jouait avec une chimère ; il lui sembla voir l’intelligence de l’artiste créateur de ce temple fantastique aux prises avec son caprice[44].

Sovas-Munusins (empoisonneurs et suceurs de sang), espèce de vampires, chez les Quojas ; esprits ou revenants qui se plaisent à sucer le sang des hommes ou des animaux. Ce sont les broucolaques de l’Afrique.

Spectres, sorte de substance sans corps, qui se présente sensiblement aux hommes, contre l’ordre de la nature, et leur cause des frayeurs. La croyance aux spectres et aux revenants, aussi ancienne que les sociétés d’hommes, est une preuve de l’immortalité de l’âme, et en même temps un monument de la faiblesse de l’esprit humain, abandonné à lui-même. Olaüs Magnus assure que, sur les confins de la mer Glaciale, il y a des peuples, appelés Pylapiens, qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les spectres. Ælien raconte qu’un vigneron, ayant tué d’un coup de bêche un aspic fort long, était suivi en tous lieux par le spectre de sa victime !

Suétone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relâche Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, l’épouvantait et lui causait mille tourments. Voy. Apparitions, Fantômes, Flaxbinder, Philinnion, Polycrite, Revenants, Vampires, etc.

Spectriana, recueil mal fait d’histoires et d’aventures surprenantes, merveilleuses et remarquables de spectres, revenants, esprits, fantômes, diables et démons ; manuscrit trouvé dans les catacombes. Paris, 1817; 1 vol. in-18.

Spéculaires, nom que l’antiquité donnait aux magiciens ou devins qui faisaient voir dans un miroir les personnes ou les choses qu’on désirait connaître.

Spée. Leibniz remarque que le P. Spée, jésuite allemand, auteur du livre intitulé Cautio criminalis circa processus contra sagas, déclarait qu’il avait accompagné au supplice beaucoup de condamnés comme sorciers et sorcières ; mais

 
 
qu’il n’avait trouvé aucun de ces misérables qui fût vraiment en commerce avec le diable, ni qui fût allé véritablement au sabbat. Il ne faut pas s’imaginer pour cela que ces gens fussent injustement punis ; car ils avaient fait du mal. Seulement, on leur appliquait des peines trop sévères.

Sper, en patois de Liège, revenant ou plutôt esprit ; de spiritus.

Sphinx, monstre fabuleux, auquel les anciens donnaient ordinairement un visage de femme avec un corps de lion couché. Il devinait les énigmes.

Spina (Alphonse), religieux franciscain, auteur du livre intitulé Fortalitium fidei, in-4o, imprimé à Nuremberg en 1494, et ailleurs. Il cite des femmes de la Gascogne et du Dauphiné qui se réunissaient la nuit dans des lieux déserts pour adorer le bouc (le diable) qui recevait ce culte entouré de flambeaux. Spina était un juif converti au milieu du quinzième siècle.

Spinello, peintre, né à Arezzo, dans la Toscane, au quatorzième siècle. À l’âge de soixante-dix-sept ans, il s’avisa de peindre la chute des mauvais anges. Il représenta Lucifer sous la forme d’un monstre tellement horrible, qu’il en fut lui-même frappé. Une nuit, dans un songe, il crut apercevoir le diable tel qu’il était dans son tableau, qui lui demanda d’une voix menaçante où il l’avait vu, pour le peindre si effroyable. Spinello, interdit et tremblant, pensa mourir de frayeur ; il eut toujours, depuis ce rêve, l’esprit troublé, la vue égarée ; et il se crut jusqu’à sa mort poursuivi par Lucifer.

Spirinx (Jean), astrologue belge du quinzième siècle, qui prédit à Charles le Téméraire que, s’il marchait contre les Suisses, il lui en arriverait mal ; à quoi le duc répondit que la force de son épée vaincrait les influences des astres : ce que lui, son épée et toute sa puissance ne purent pas faire, puisqu’il s’ensuivit sa défaite et sa mort.

Spiritisme. C’est la découverte que l’on croit récente des communications avec les esprits. On a publié là-dessus beaucoup d’ouvrages. De la plupart, il est sage de se défier. Nous nous bornerons à citer ici des emprunts à quelques journaux transatlantiques, reproduits dans plusieurs feuilles françaises. Un ou deux de ces fragments suffiront au lecteur pour comprendre.

Remontons aux premiers bruits que fit aux États-Unis le spiritisme. On lisait le 4 décembre 1850, dans la Voix de la Vérité :

Une société de magnétiseurs illuminés, établie à New-York, prétend avoir avec Swedenborg des relations suivies. Nous allons, grâce à un correspondant américain du Journal du magnétisme, les initier aux révélations ultramondaines qui se sont manifestées à quelques croyants de l’état de New-York en 1846.

Chez un M. John Fox, qui habitait à cette époque un petit village, des coups très-légers, comme si quelqu’un frappait sur le parquet, se faisaient entendre assez souvent la nuit, à ce point qu’il n’y eut plus moyen de dormir dans la maison. Pendant longtemps il fut impossible de découvrir la cause de ces coups mystérieux, lorsque, dans la nuit du 31 mars 1847, les jeunes filles de M. Fox, tenues en éveil par ces coups, se mettent, pour se distraire, à les imiter en faisant claquer leurs doigts. À leur grand étonnement, les coups répondent à chaque claquement. Alors la plus jeune se met à vérifier ce fait surprenant ; elle fait un claquement, on entend un coup ; deux, trois, etc.; toujours l’être invisible rend le même nombre de coups. Une des autres filles dit en badinant : « Maintenant, faites ce que je fais ; comptez un, deux, trois, quatre, cinq, six, etc., » en frappant chaque fois dans sa main le nombre indiqué. Les coups la suivirent avec la même précision ; mais, ce signe d’intelligence alarmant la jeune fille, elle cessa bientôt son expérience. Alors ce fut madame Fox qui dit : « Comptez dix. » Et sur-le-champ dix coups se font entendre. Elle ajoute ; « Voulez-vous me dire l’âge de Catherine ? (une de ses filles) ; » et les coups frappent précisément le nombre d’années qu’avait cette enfant.

Madame Fox demanda ensuite si c’était un être humain qui frappait ces coups ? Point de réponse. Puis elle dit ; « Si vous êtes un esprit, je vous prie de frapper deux coups, » et deux coups se font entendre. Elle ajoute : « Si vous êtes un esprit auquel on a fait du mal, répondez-moi de la même façon, et les coups répondent de suite. De cette manière on lia conversation, pour ainsi dire, et bientôt madame Fox parvint à savoir que c’était l’esprit d’un homme ; qu’il avait été tué dans cette maison plusieurs années auparavant ; qu’il était marchand colporteur, et que le locataire qui habitait la maison à cette époque l’avait tué pour s’emparer de son argent.

On pense bien que cette affaire n’en resta pas là. On accourut de toutes parts pour causer avec les coups, qui, à ce qu’il paraît, se firent entendre dans d’autres localités. On imagina de se servir de l’alphabet, et un coup se faisait entendre à la lettre voulue. On fit tout si bien, enfin, qu’on en vint à des expériences publiques, dans lesquelles les incrédules usèrent de tous les moyens pour s’assurer qu’il n’y avait là nulle supercherie.

Un jour que plusieurs personnes étaient réunies pour entendre les coups, les voilà qui demandent l’alphabet, et qui disent à l’assemblée ; « Vous avez tous un devoir à remplir. Nous voudrions que vous donnassiez plus de retentissement aux faits que vous examinez. » Cette demande étant très-inattendue, on se mit à en discuter les difficultés, le ridicule, l’incrédulité qu’il faudrait braver en attirant l’attention du public sur ce sujet bizarre. « Tant mieux, répondent les coups, votre triomphe n’en sera que plus éclatant. » Après avoir reçu de longues communications de cet interlocuteur invisible, une foule d’indications quant à ce qu’il fallait faire, et les assurances les plus positives que les coups se feraient entendre à toute l’audience, et que tout irait au mieux, ces personnes se décidèrent enfin à louer une grande salle déjà désignée par les coups, pour y faire entendre ces phénomènes au public, les coups insistant sur la nécessité d’une pareille manifestation, qui devait préparer les esprits à l’établissement d’un nouvel ordre de rapports entre les deux mondes, lequel aurait lieu à une époque prochaine.

Quelques magnétiseurs, entre autres un M. Capron, qui depuis a publié un livre sur la matière, donnèrent à ces faits un grand retentissement. On se passionna pour et contre. On consulta les somnambules sur le degré de confiance qu’on pouvait accorder aux révélations des coups, et, à ce qu’il paraît, aucune rivalité haineuse ne s’établit entre ces concurrents d’une nouvelle espèce. On demanda entre autres à un jeune garçon clairvoyant s’il pouvait voir ce qui faisait ces bruits. Il dit que oui. « Quelle est l’apparence de ces êtres ? — Ils ressemblent à la lumière, ils sont comme de la gaze ; je vois tout à travers leur corps. — Eh bien ! comment s’y prennent-ils pour faire ces bruits ; est-ce qu’ils frappent ? — Non, ils ne frappent pas du tout. » Puis, ayant paru regarder avec une grande attention pendant quelques instants, il ajoute : « Ils veulent ces bruits, et ces bruits se font partout où ils les désirent. »

Enfin, le 26 février 1850, le Rochester Daily Magnet publia sur ces faits le récit surprenant d’une entrevue qu’aurait eue la famille Fox avec l’esprit de Benjamin Franklin, qui désigna, dans une première conversation au moyen des coups, quelles personnes il fallait convoquer pour une séance solennelle, fixée au 20 février. À l’heure convenue (nous traduisons le récit du journal américain), on se réunit chez M. Draper ; mais quelques-uns se firent un peu attendre. On demanda d’abord les instructions de Benjamin Franklin, qui répondit : « Hâtez-vous ; faites tout de suite magnétiser madame Draper. » M. Draper la magnétisa, et elle ne fut pas plutôt endormie, qu’elle nous dit : « Il nous reproche d’être en retard ; il nous pardonne pour cette fois, mais il faut que nous soyons plus exacts à l’avenir. »

Alors la société se divise en deux groupes. MM. Jervis et Jones, mesdames Fox, Brown et mademoiselle Catherine s’installèrent dans une pièce éloignée, ayant deux portes fermées entre eux et le salon, où restaient mesdames Draper et Jervis, MM. Draper et Willet, et mademoiselle Margaretta. Bientôt des bruits télégraphiques se firent entendre dans les deux pièces, mais cette fois si forts, que mademoiselle Fox, tout effrayée, demande à la voyante : « Mais que veut dire tout ceci ? » Madame Draper, la figure radieuse d’animation, répond : « Il essaye les batteries. » Bientôt le signal demande l’alphabet, et on nous dit : « Maintenant, mes amis, je suis prêt. Il y aura de grands changements dans le cours du dix-neuvième siècle. Les choses qui vous paraissent maintenant obscures et mystérieuses rieuses deviendront claires à vos regards. Des merveilles vont être révélées. Le monde sera illuminé. Je signe : Benjamin Franklin.

» N’allez pas dans l’autre pièce. »

Nous attendions depuis quelques instants, lorsque M. Jervis se présenta dans le salon, et nous dit que les coups lui avaient ordonné de s’y rendre pour comparer ses notes avec les nôtres. Alors il lut ces notes, qui étaient comme il suit :

Nous demandons : « Est-ce tout comme vous le voulez ? — Oui. » Nous entendons le signal pour faire réciter l’alphabet, et on nous dit : « Il y aura de grands changements dans le cours du dix-neuvième siècle. Des choses qui vous paraissent maintenant obscures et mystérieuses deviendront claires à vos regards. Des merveilles vont être révélées. Le monde sera illuminé. Je signe : Benjamin Franklin.

» Allez dans le salon, et comparez vos notes avec celles des autres. »

Cette comparaison faite, M. Jervis retourne à son groupe, et alors, par l’alphabet, on leur dit : « Maintenant, allez tous dans le salon. » Ce qui fut fait ; et enfin la lecture générale des notes fut faite en présence de tous.

Après cette lecture, nous demandâmes : « Le docteur Franklin a-t-il encore quelque chose à nous dire ? — Il me semble que je vous ai donné bien assez de preuves pour aujourd’hui. — Ne faut-il pas garder le secret sur cette expérience ? — Non, il faut en mettre le récit dans les journaux. — Dans quels journaux ? — Dans le Democrat ou le Magnet. — Qui doit rédiger ce compte rendu ? — George Willet. »

Alors on nous fixa l’heure et le lieu d’un prochain rendez-vous, en nous indiquant encore deux autres individus qui devaient y assister avec nous.

On sait que les esprits ont causé avec les humains, au moyen des tables tournantes. Ensuite sont venus les mediums, personnages favorisés par les esprits qui font d’eux leurs organes. Nos journaux reproduisaient en janvier 1862 plusieurs nouvelles du spiritisme, venues aussi des relations américaines. En voici une :

« Le général Scott avait pour principal conseiller un beau guéridon en palissandre. D’après le Journal de Mayfield, ce n’est plus une table que consulte Beauregard, mais un medium en chair et en os, une jeune Hindoustani, nommée Elzur Bahoor.

» Cette fille de Brahma a commencé, dit-on, par être bayadère au service du fameux Nana-Sahib. Après le massacre de Gawnpore, elle resta dans cette ville assiégée par les Anglais, et tomba aux mains du général Havelock, qui l’envoya à Londres. Là elle fut douée de la faveur spirite, devint medium, connut M. Home et partit avec un riche planteur pour la Nouvelle-Orléans. Elle y émerveilla Beauregard, qui se l’attacha et s’abandonna entièrement à ses avis. Ce n’est que sur ses conseils qu’il a bombardé Sumter. Il lui doit la bataille de Bull-Run. Elle lui a prédit qu’il entrerait un jour vainqueur dans Washington. Sa puissance comme medium est si grande qu’elle évoque qui elle veut, vivant ou mort. On prétend même qu’elle a fait apparaître M. Lincoln à Jefferson Davis, abusant d’un moment où le président, abdiquant sa volonté, était endormi à la Maison-Blanche. On raconte que M. Lincoln a révélé tous ses secrets à son adversaire, a fait trois fois le tour de la chambre en voltigeant, puis s’est évanoui par la cheminée. On conçoit qu’après de pareilles preuves de puissance, Beau-regard ait confiance dans Elzur Bahoor. »

En tout cela, nous ne jugeons pas ; c’est l’affaire de l’Église. Le P. Matignon, dans un admirable petit livre[45], éclaire les âmes prudentes sur ces faits du spiritisme. Il voit Paris conserver à ce propos des séances hebdomadaires où l’on est reçu dès qu’on est sympathique aux esprits ; il voit, dans la plupart de nos grands centres, des réunions d’hommes influents évoquer les morts et ne recevoir des esprits trompeurs qui leur répondent que des illusions ou des fourberies. Dieu a condamné les évocations des morts ; les esprits qui se donnent des noms ne sont donc que ces puissances de l’air qui nous circonviennent pour nous entraîner. Voy. Tables.

Spodomantie ou Spodanomancie, divination par les cendres des sacrifices, chez les anciens. Il en reste quelques vestiges en Allemagne. On écrit du bout du doigt, sur la cendre exposée à l’air, ce que l’on veut savoir ; on laisse la cendre ainsi chargée de lettres à l’air de la nuit, et le lendemain matin, on examine les caractères qui sont restés lisibles, et on en tire des oracles. Quelquefois le diable vient écrire la réponse. Voy. Cendres.

Spranger (Barthélemi), peintre d’Anvers qui se rendit célèbre au seizième siècle par un tableau connu sous le nom de tableau des sorciers.

Sprenger (Jacques), dominicain qui, avec son confrère Henri Institor, écrivit, d’après leurs propres expériences dans les affaires de sorcellerie, un livre qui a fait assez de bruit, sous le titre de Malleus maleficarum, Lyon, 1484, réimprimé plusieurs fois en divers formats et dans diverses collections, à Cologne, à Nuremberg, à Francfort, etc.

Spunkie, démon qui protège en Écosse les maraudeurs et les bandits. Il est errant et assez redouté[46].

Spurina. Suétone assure que l’astrologue Spurina prédit à César que les ides de mars lui seraient funestes. César se moqua de lui et fut assassiné dans la journée.

Squelette. Un chirurgien qui était au service du czar Pierre le Grand avait un squelette qu’il pendait dans sa chambre auprès de sa fenêtre.

 
 
Ce squelette se remuait toutes les fois qu’il faisait du vent. Un soir que le chirurgien jouait du luth à sa fenêtre, le charme de cette mélodie attira quelques strelitz, gardes du czar, qui passaient par là. Ils s’approchèrent pour mieux entendre ; et, comme ils regardaient attentivement, ils virent que le squelette s’agitait. Cela les épouvanta si fort que les uns prirent la fuite hors d’eux-mêmes, tandis que d’autres coururent à la cour, et rapportèrent à quelques favoris du czar qu’ils avaient vu les os d’un mort danser à la musique du chirurgien… La chose fut vérifiée par des gens que l’on envoya exprès pour examiner le fait, sur quoi le chirurgien fut condamné à mort. Il allait être exécuté, si un boyard qui le protégeait et qui était en faveur auprès du czar n’eût intercédé pour lui, et représenté que ce chirurgien ne se servait de ce squelette et ne le conservait dans sa maison que pour s’instruire dans son art par l’étude des différentes parties qui composent le corps humain. Cependant, quoi que ce seigneur pût dire, le chirurgien fut obligé d’abandonner le pays, et le squelette fut traîné par les rues, et brûlé publiquement.

Stadius, chiromancien qui, du temps de Henri III, exerçait son art en public. Ayant un jour été conduit devant le roi, il dit au prince que tous les pendus avaient une raie au pouce comme la marque d’une bague. Le roi voulut s’en assurer, et ordonna qu’on visitât la main d’un malheureux qui allait être exécuté ; n’ayant trouvé aucune marque, le sorcier fut regardé comme un imposteur et logé en prison[47].

Staffirs, spectres dangereux qui se montrent en formes de femmes blanches dans la Moldavie et la Valachie.

Stagirus, moine hérétique qui était souvent possédé. On rapporte que le diable, qui occupait son corps, apparaissait sous la forme d’un pourceau couvert d’ordure et fort puant[48].

Stalkers, lutin méchant qui hante les pays flamands.

Stanoska, jeune fille de Hongrie dont on raconte ainsi l’histoire. Un défunt nommé Millo était devenu vampire ; il reparaissait les nuits et suçait les gens. La pauvre Stanoska, qui s’était couchée en bonne santé, se réveilla au milieu de la nuit en s’écriant que Millo, mort depuis neuf

 
 
semaines, était venu pour l’étrangler. Sa mère accourut et la soigna ; mais de ce moment elle languit et mourut au bout de trois jours. Ce vampirisme pouvait bien n’être que l’effet d’une imagination effrayée ? Voy. Vampires.

Stauffenberger, famille allemande qui compte parmi ses grand’mères une ondine, ou esprit des eaux, laquelle s’allia au treizième siècle à un Stauffenberger.

Stéganographie ou Sténographie, art d’écrire en chiffres ou abréviations d’une manière qui ne puisse être devinée que par ceux qui en ont la clef. Trithème a fait un traité de sténographie, que Charles de Bouelles prit pour un livre de magie et l’auteur pour un nécromancien. On attribuait autrefois à la magie tous les caractères qu’on ne pouvait comprendre ; et beaucoup de gens, à cause de son livre, ont mis le bon abbé Trithème au nombre des sorciers.

Steiner (Véronique). Nous extrairons l’histoire de cette pauvre fille du chapitre xiii du livre VII de la Mystique de Görres : « Elle demeurait au château de Starenberg en Autriche, chez les seigneurs de Taxis, lorsqu’en 1574 on la reconnut évidemment possédée de plusieurs démons. On la soumit aux exorcismes. Quatre de ces esprits sortirent d’abord en exhalant une telle puanteur que quelques personnes présentes tombèrent en défaillance. Mais elle n’était pas délivrée. Les exorcistes ordonnèrent aux démons d’éteindre chacun une lumière, à mesure qu’ils sortiraient. On entendit alors un bruit inexplicable dans le corps de la jeune fille. Son visage, sa poitrine et son cou s’enflèrent énormément ; son corps se ramassa en pelote, et trente démons sortirent, en éteignant tous les cierges, l’un après l’autre. La possédée resta quelque temps comme morte ; mais elle se releva délivrée.

Steinlin (Jean). Le 9 septembre 1625, Jean Steinlin mourut à Altheim, dans le diocèse de Constance. C’était un conseiller de la ville. Quelques jours après sa mort, il se fit voir pendant la nuit à un tailleur nommé Simon Bauh, sous la forme d’un homme environné de flammes de soufre, allant et venant dans la maison, mais sans parler. Bauh, que ce spectacle inquiétait, lui demanda ce qu’on pouvait faire pour son service ; et le 17 novembre suivant, comme il se reposait la nuit dans son poêle, un peu après onze heures du soir, il vit entrer le spectre par la fenêtre, lequel dit d’une voix rauque : — Ne me promettez rien, si vous n’êtes pas résolu d’exécuter vos promesses. — Je les exécuterai, si elles ne passent pas mon pouvoir, répondit le tailleur. — Je souhaite donc, reprit l’esprit, que vous fassiez dire une messe à la chapelle de la Vierge de Botembourg ; je l’ai vouée pendant ma vie, et ne l’ai pas fait acquitter ; de plus, vous ferez dire deux messes à Altheim, l’une des défunts et l’autre de la sainte Vierge ; et comme je n’ai pas toujours exactement payé mes domestiques, je souhaite qu’on distribue aux pauvres un quarteron de blé.

Le tailleur promit de satisfaire à tout. L’esprit lui tendit la main, comme pour s’assurer de sa parole, mais Simon, craignant qu’il ne lui arrivât quelque chose, présenta le banc où il était assis, et le spectre, l’ayant touché, y imprima sa main, avec les cinq doigts et les jointures, comme si le feu y avait passé et y eût laissé une impression profonde. Après cela, il s’évanouit avec un si grand bruit qu’on l’entendit à trois maisons plus loin. Ce fait est rapporté dans plusieurs recueils.

Sternomancie, divination parle ventre. Ainsi on savait les choses futures lorsque l’on contraignait un démon ou un esprit à parler dans le corps d’un possédé, pourvu qu’on entendît distinctement. C’était ordinairement de la ventriloquie.

Stiffels. Nous empruntons cette anecdote à une publication anonyme, que les petits journaux, d’ordinaire plus spirituels que les grands, ont mise en lumière :

« Il y avait, en 1544, un prédicant rauque et bourru, nommé Stiffels, fou de cabale et croyant à la divination par la magie, qui se fourra dans la cervelle que le monde n’avait plus que pour un an à demeurer sur le globe, dont nous ne sommes après tout que les locataires. Il consulta les nombres, les étoiles, et les virgules de la Bible ; les astres et les chiffres s’entendirent pour le mystifier.

» Il monta donc en chaire et prêcha. Il

 
En attendant la fin du monde
En attendant la fin du monde
En attendant la fin du monde.
 
annonça la septième trompette de l’Apocalypse et le triomphe de la bête à deux cornes : c’était visiblement Charles-Quint. La conviction se propagea dans les alentours : on se prépara pour la fin du monde. Ce devait être le 15 août 1545, à midi, midi sans faute.

» Alors toutes les passions éclatèrent à la fois. L’expectative de l’absolution, que les ministres protestants donnaient avec facilité, encouragea le désordre. Les villages de la Saxe devinrent une véritable kermesse, où l’on but au jugement dernier, au grand branlebas de l’univers, à l’espoir de se retrouver frais et vermeils dans le paradis.

» Les laboureurs brisèrent les charrues ; les vignerons se chauffèrent avec les échalas ; on avait assez de blé pour vivre jusque-là, assez de vin pour se griser au jour le jour. La propriété devint une chimère. Il n’y avait plus qu’à s’en donner jusque par-dessus les oreilles, sauf à se faire habilement absoudre au moment préfix. On s’en donna ferme.

» Cependant le jour arriva. On fit alors un feu de joie de ses meubles, on lâcha les bestiaux dans les plaines ; et, sur la fin de cette dernière orgie, qui devait être suivie de ce qu’on appela depuis lors le grand quart d’heure de Rabelais, on se précipita dans le temple, où Stiffels distribuait des bénédictions en masse.

» Au coup de midi, voilà de grands nuages qui se rassemblent de tous les points de l’horizon, sillonnés de pâles éclairs et de roulements sinistres. Le jour s’efface, les ténèbres gagnent. Il fait nuit. Une immobilité menaçante se répand sur tous les objets, ciel, terre, arbres ; le vent tombe et se tait. L’air est allumé par des exhalaisons ardentes et souterraines qui se dégagent des entrailles du sol, comme des âmes échappées de la tombe. Pas une feuille ne bouge, pas un oiseau ne bat de l’aile, pas un souffle ne ride les eaux ; tout est noir et tout est lumineux à la fois, car bientôt le firmament s’affaisse lui-même, comme une voûte que le reflet d’une étincelle embrase. Une psalmodie commence à la lueur des cierges qui flambent avec timidité. Stiffels seul a le courage d’élever la voix. À cette voix, des commotions effroyables répondent ; c’est la foudre qui tonne de concert avec le glas des clochers qui tremblent et qui sonnent le tocsin sans que l’on y touche. Le vitrail de l’église, assiégé par la grêle, plie et se brise avec fracas : des tourbillons de feuilles, de grêlons et de poussière éteignent les cierges, aveuglent les pécheurs épouvantés ; leur foule tombe à genoux sous le vitrail que l’ouragan éparpille à travers le parvis, au milieu des femmes et des enfants qui se répandent en cris affreux. Le monde est à l’agonie !…

» Trois minutes après, il faisait un temps magnifique. Un arc-en-ciel immense se dressa sur l’orage dont la colère parcourait la Saxe. À ce signe de la miséricorde céleste, les premiers paysans qui revinrent de leur frayeur, en reprenant leur incrédulité, demandèrent à Stiffels ce que cette mauvaise plaisanterie voulait dire. Le prédicateur essaya de leur démontrer que la cabale était formelle, le pronostic d’une certitude mathématique ; mais après avoir écouté en hochant la tête, furieux d’avoir gaspillé leur patrimoine, et de s’en être donné de façon à se trouver dans la misère la plus profonde, ils se mirent à vouloir pendre le démonstrateur qui ne voulait pas en avoir le démenti. Stiffels épouvanté se sauva de son mieux à Vittemberg, non sans gourmades, il raconta l’histoire à Luther.

» — Ah ! lui dit Luther, s’il y avait quelque chose de certain, je ne serais pas fâché de l’apprendre moi-même. Prédire est bon, mais il faut prédire sans se compromettre. Pourquoi, d’avance, ne pas vous être porté fort d’essayer de désarmer la colère du ciel ? Vous avez gâté le métier, mon ami. Apprenez la fin du métier avant de vous mêler de prédire la fin du monde. — Stiffels trouva juste le raisonnement de l’hérétique et mourut fou à l’hôpital » (à Iéna en 1567). Il avait 58 ans.

Stoffler, mathématicien et astrologue allemand, qui florissait vers la fin du quinzième siècle. Il annonça qu’il y aurait un déluge universel au mois de février 1524 ; Saturne, Jupiter, Mars et les Poissons devaient être en conjonction. Cette nouvelle porta l’alarme dans l’Europe : tous les charpentiers furent requis pour construire ga-liotes, nacelles et bateaux ; chacun se munissait de provisions, lorsque le mois de février 1524 arriva. Il ne tomba pas une goutte d’eau ; jamais il n’y avait eu de mois plus sec. On se moqua de Stoffler ; mais on n’en fut pas plus raisonnable : on continua de croire aux charlatans, et Stoffler continua de prophétiser[49]. Il précédait Stiffels.

Stoïchéomancie, divination qui se pratiquait en ouvrant les livres d’Homère ou de Virgile, et prenant oracle du premier vers qui se présentait. C’est une branche de la rhapsodomancie.

 
Stolas
Stolas
 

Stolas, grand prince des enfers, qui apparaît sous la forme d’un hibou ; lorsqu’il prend celle d’un homme et qu’il se montre devant l’exorciste, il enseigne l’astronomie, ainsi que les propriétés des plantes et la valeur des pierres précieuses. Vingt-six légions le reconnaissent pour général[50].

Stolisomancie, divination par la manière de s’habiller. Auguste se persuada qu’une sédition militaire lui avait été prédite le matin, par la faute de son valet, qui lui avait chaussé le soulier gauche au pied droit.

Stollenwurms, énormes serpents noirs qui ont deux, quatre ou six pattes, une tête de griffon, avec crête couleur de feu. Personne ne les a jamais vus. Mais l’on vous dira, dans l’Oberland bernois, qu’ils viennent la nuit teter les vaches dans les prairies, et que la présence d’un coq blanc les écarte.

Strasite, pierre fabuleuse à laquelle on attribuait la vertu de faciliter la digestion.

Stratagèmes. On lit dans les Récréations mathématiques et philosophiques d’Ozanam (tome IV, page 177) un trait qui prouve que l’usage du phosphore naturel ne fut pas entièrement inconnu aux anciens. Kenneth, deuxième roi d’Écosse, monta, en 833, sur le trône de son père Alpin, tué indignement par les Pietés révoltés.

Voulant soumettre ces montagnards farouches, ennemis de toute domination, il proposa à toute sa noblesse et à son armée de les combattre. La cruauté des Pietés et leurs succès dans la dernière guerre épouvantaient les Écossais ; ils refusèrent de marcher contre eux. Pour parvenir à les résoudre, il fallut que Kenneth recourût à la ruse. Il fait inviter à des fêtes, qui devaient durer plusieurs jours, les principaux gentilshommes du royaume et les chefs de l’armée. Il les reçoit avec la plus grande bienveillance, les comble de caresses, leur prodigue les festins et les jeux, l’abondance et la délicatesse.

Un soir que la fête avait été plus brillante et le festin plus somptueux, le roi, par son exemple, invite ses convives aux douceurs du sommeil, après l’excès des vins les plus généreux. Déjà le silence régnait par tout le palais ; tous dormaient profondément, quand des hurlements épouvantables retentissent. Étourdis parle vin, par le sommeil et par un bruit si étrange, tous sautent en bas du lit et chacun court à sa porte. Ils aperçoivent le long des corridors des spectres imposants, affreux, tout en feu, armés de bâtons enflammés et soufflant dans une grande corne de bœuf, pour pousser des beuglements terribles et pour faire entendre ces paroles : Vengez sur les Pietés la mort du roi Alpin ; nous sommes envoyés du ciel pour vous annoncer que sa justice est prête à punir leurs crimes.

Comme il ne fut pas difficile d’en imposer à des gens assoupis par le sommeil et par le vin, épouvantés par un spectacle d’autant plus effrayant qu’il se présentait à des hommes qui n’étaient rien moins que physiciens, le stratagème eut tout l’effet que le roi s’en était promis. Le lendemain, dans le conseil, ces seigneurs se rendent compte de leur vision ; et, le roi assurant avoir entendu et vu la même chose, on convient d’une voix unanime d’obéir au ciel, de marcher contre les Pietés, qui, vaincus en effet trois fois de suite, sont passés au fil de l’épée : l’assurance de la victoire que l’on avait en marchant au combat eut beaucoup de part à ces succès. Ainsi Kenneth sut mettre à profit la connaissance qu’on lui avait donnée des phosphores naturels. Tout ce manège consistait à avoir choisi de grands hommes couverts de peaux de grands poissons dont les écailles luisent extraordinairement la nuit, et à les avoir munis de grands bâtons de bois pourri, appelé communément bois mort, lequel est resplendissant au milieu des ténèbres.

Strauss, écrivain allemand qui voit des mythes dans les faits de l’histoire les plus solidement établis. Un savant du même pays et du même nom (est-ce le même ?) prétend, au moyen d’aliments et de condiments spéciaux, faire penser les ours, parler les chiens, chanter les poissons ; en un mot, spiritualiser (c’est son mot) ces pauvres êtres en qui Descartes ne voyait que des machines. Les amis de cet homme, ont publié son portrait que nous donnons page 637, en faisant observer que le nom de Strauss, en vieil allemand, signifie menteur.

Stryges. C’étaient de vieilles femmes chez les anciens. Chez les Francs, nos ancêtres, c’étaient des sorcières ou des spectres qui mangeaient les vivants. Il y a même dans la loi salique un article contre ces monstres : « Si une stryge a mangé un homme et qu’elle en soit convaincue, elle payera une amende de huit mille deniers, qui font deux cents sous d’or. » Il paraît que les stryges étaient communes au cinquième siècle, puisqu’un autre article de la même loi condamne à cent quatre-vingt-sept sous et demi celui qui appellera une femme libre stryge ou prostituée. Comme ces stryges sont punissables d’amende, on croit généralement que ce nom devait s’appliquer, non à des spectres insaisissables, mais exclusivement à des magiciennes. Il y eut, sous prétexte de poursuites contre les stryges, des excès qui frappèrent Charlemagne. Dans les Capitulaires qu’il composa pour les Saxons, ses sujets de conquête, il condamne à la peine de mort ceux qui auront fait brûler des hommes ou des femmes accusés d’être stryges. Le texte se sert des mots stryga vel masca ; et l’on croit que ce dernier terme signifie, comme larva, un spectre, un fantôme, peut-être un loup-garou. On peut remarquer, dans ce passage des Capitulaires[51], que c’était une opinion reçue chez les Saxons qu’il y avait des sorcières et des spectres (dans ce cas des vampires) qui mangeaient ou suçaient les hommes vivants ; qu’on les brûlait, et que, pour se préserver désormais de leur voracité, on mangeait la chair de ces stryges ou vampires. Quelque chose de semblable s’est vu dans le traitement du vampirisme au dix-huitième siècle. Ce qui doit prouver encore que les stryges des anciens étaient quelquefois des vampires, c’est que, chez les Russes, et dans quelques contrées de la Grèce moderne où le vampirisme a exercé ses ravages, on a conservé aux vampires le nom de stryges. Voy. Vampires.

 
Strauss. — Page 636
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Stuffe (Frédéric). Sous Rodolphe de Habsbourg, il y eut en Allemagne un magicien qui voulut se faire passer pour le prince Frédéric Stuffe. Avec le secours des diables, il avait tellement gagné les soldats que les troupes le suivaient au moindre signal, et il s’était fait aimer en leur fascinant les yeux. On ne doutait plus que ce ne fût le vrai Frédéric, lorsque Rodolphe, fatigué des brigandages que ce sorcier exerçait, lui fit la guerre. Le sorcier avait pris la ville de Cologne ; mais, ayant été contraint de se réfugier à Wetzlar, il y fut assiégé ; et comme les choses étaient aux dernières extrémités, Rodolphe fit déclarer qu’on eût à lui livrer le faux prince pieds et poings liés, et qu’il accorderait la paix. La proposition fut acceptée : l’imposteur fut conduit devant Rodolphe, qui le condamna à être brûlé comme un sorcier[52].

Stumf (Pierre), misérable qui, uni vingt ans à un démon succube, en avait obtenu une ceinture au moyen de laquelle il prenait tout à fait la forme d’un loup. Il avait, sous cette forme, égorgé quinze enfants, mangé leur cervelle, et il allait manger deux de ses belles-filles lorsqu’il fut exécuté à Bibourg, en Bavière[53].

Styx, fontaine célèbre dans les enfers des païens.

Succor-Bénoth, chef des eunuques de Belzébuth, démon de la jalousie.

Succubes, démons qui prennent des figures de femmes. On trouve dans quelques écrits, dit le rabbin Élias, que, pendant cent trente ans, Adam fut visité par des diablesses, qui accouchèrent de démons, d’esprits, de lamies, de spectres, de lémures et de fantômes. Sous le règne de Roger, roi de Sicile, un jeune homme, se baignant au clair de la lune avec plusieurs autres personnes, crut voir quelqu’un qui se noyait, courut à son secours, et ayant retiré de l’eau une femme, en devint épris, l’épousa et en eut un enfant. Dans la suite, elle disparut avec son enfant, sans qu’on en ait depuis entendu parler, ce qui a fait croire que cette femme était un démon succube. Hector de Boëce, dans son histoire d’Écosse, rapporte qu’un jeune homme d’une extrême beauté était poursuivi par une jeune démone, qui passait à travers sa porte fermée et venait lui offrir de l’épouser. Il s’en plaignit à son évêque, qui le fit jeûner, prier et se confesser, et la beauté d’enfer cessa de lui rendre visite. Delancre dit qu’en Égypte, un honnête maréchal ferrant étant occupé à forger pendant la nuit, il lui apparut un diable sous la forme d’une belle femme. Il jeta un fer chaud à la face du démon, qui s’enfuit.

Les cabalistes ne voient dans les démons succubes que des esprits élémentaires. Voy. Incubes, Abrahel, etc.

Sucre. Les Grecs ont, à la vérité, connu le sucre, mais seulement comme un article rare et précieux, et Théophraste, le premier, en fait mention. On l’appelait le sel indien. Cependant les Chinois connaissaient déjà l’art de le raffiner. De la Chine, le sucre fut porté vers l’Inde occidentale, où il reçut le nom qu’il porte encore aujourd’hui, succar. Parmi les peuples européens du moyen âge, ce furent les Portugais qui connurent les premiers le sucre dans les ports de l’Inde.

Les Indiens racontaient des merveilles de la vertu du sucre ; ils cherchèrent à induire les Portugais en erreur sur son origine. Mille contes fabuleux avaient couru à ce propos en Europe. Les savants l’appelaient miel de l’Orient. Cependant on objectait qu’on le découvrait dans le miel ordinaire. Les théoriciens répondaient qu’il ne fallait pas s’en laisser imposer par les praticiens, et que ce miel était une espèce de manne qui tombe du ciel en Inde. Il n’y avait rien à opposer à cet argument : la blancheur, la pureté, la suavité extraordinaire de ce remarquable produit, semblaient donner de l’appui à cette assertion.

La chimie s’occupa de l’analyse de la nouvelle manne, et conclut que c’était la résine qui s’écoule d’un tronc d’arbre à la manière de la résine du cerisier. C’est ainsi qu’on extravaguait sur l’origine du sucre ; le vulgaire ne manquait pas d’y ajouter du romanesque ; il regardait le sucre comme un ouvrage des sorcières indiennes, qui le tiraient des cornes de la lune pendant son premier quartier. Enfin Marco Polo vint étonner le monde européen lorsque, de retour de ses voyages, il entra dans Venise la canne à sucre en main, et expliqua le secret de préparer le sucre.

La culture de la canne à sucre fut introduite en Arabie ; de là, comme le café, on la transplanta dans les régions méridionales, en Égypte, en Sicile, à Madère, à Hispaniola, au Brésil, etc.

Suceurs (démons). Quoique immortels, dit Görres, les démons sont appauvris dans leur être et cherchent ailleurs ce qui leur manque. Ils le trouvent en partie dans l’homme ; or celui-ci ne peut perdre malgré lui ce qu’il a reçu comme portion de son être. Mais si les démons parviennent à obtenir son consentement, ils exercent un empire absolu sur le domaine qu’il leur a cédé, et le froid de la mort se réveille à la chaleur de la vie. Or la vie est dans le sang. C’est donc en suçant le sang de l’homme que les démons se nourrissent de la vie[54]. Ils apparaissent quelquefois en vampires ; et si on lit Homère, on voit, dans les sacrifices d’Ulysse aux enfers, combien les ombres et les dieux infernaux étaient avides de sang.

Sueur. On dit qu’un morceau de pain placé sous l’aisselle d’une personne qui transpire devient un poison mortel, et que, si on le donne à manger à un chien, il devient aussitôt enragé. C’est une erreur. La sueur de l’homme ne tue pas plus que sa salive.

Summanus, souverain des mânes dans l’ancienne mythologie.

Sunnyass, fanatiques de l’Inde. Voyez Superstitions.

Supercherie. Henri Estienne raconte que de son temps un curé de village répandit pendant la nuit dans le cimetière des écrevisses sur le dos desquelles il avait attaché de petites bougies. À la vue de ces lumières errantes, tout le village fut effrayé et courut chez le pasteur. Il fit entendre que c’étaient sans doute les âmes du purgatoire qui demandaient des prières. Mais malheureusement on trouva le lendemain une des écrevisses que l’on avait oublié de retirer, et l’imposture fut découverte.

Ce petit conte de Henri Estienne est une de ces inventions calomnieuses que les protestants ont prodiguées en si grand nombre.

Superstitions. Saint Thomas définit la superstition : un vice opposé par excès à la religion, un écart qui rend un honneur divin à qui il n’est pas dû ou d’une manière qui n’est pas licite. Une chose est superstitieuse 1o lorsqu’elle est accompagnée de circonstances que l’on sait n’avoir aucune vertu naturelle pour produire les effets qu’on en espère ; 2o lorsque ces effets ne peuvent être raisonnablement attribués ni à Dieu ni à la nature ; 3o lorsqu’elle n’a été instituée ni de Dieu ni de l’Église ; b° lorsqu’elle se fait en vertu d’un pacte avec le diable. La superstition s’étend si loin que cette définition, qui est du curé Thiers, est très-incomplète. Il y a des gens qui jettent la crémaillère hors du logis pour avoir du beau temps ; d’autres mettent une épée nue sur le mât d’un vaisseau pour apaiser la tempête ; les uns ne mangent point de têtes d’animaux, pour n’avoir jamais mal à la tête ; les autres touchent avec les dents une dent de pendu ou un os de mort, ou mettent du fer entre leurs dents, pendant qu’on sonne les cloches le samedi saint, pour guérir le mal de dents. Il en est qui portent contre la crampe un anneau fait pendant qu’on chante la Passion ; ceux-ci se mettent au cou deux noyaux d’avelines joints ensemble contre la dislocation des membres ; ceux-là mettent du fil filé par une vierge ou du plomb fondu dans l’eau sur un enfant tourmenté par les vers. On en voit qui découvrent le toit de la maison d’une personne malade lorsqu’elle ne meurt pas assez facilement, que son agonie est trop longue et qu’on désire sa mort ; d’autres enfin chassent les mouches lorsqu’une femme est en travail d’enfant, de crainte qu’elle n’accouche d’une fille. Certains juifs allaient à une rivière et s’y baignaient en disant quelques prières ; ils étaient persuadés que si l’âme de leur père ou de leur frère était en purgatoire, ce bain la rafraîchirait.

Voici diverses opinions superstitieuses. Malheureux qui chausse le pied droit le premier. Un couteau donné coupe l’amitié. Il ne faut pas mettre les couteaux en croix ni marcher sur des fétus croisés. Semblablement, les fourchettes croisées sont d’un sinistre présage. Grand malheur encore qu’un miroir cassé une salière répandue, un pain retourné, un tison dérangé !… Certaines gens trempent un balai dans l’eau pour faire pleuvoir.

La cendre de la fiente de vache est très-sacrée chez les Indiens ; ils s’en mettent tous les matins au front et à la poitrine ; ils croient qu’elle purifie l’âme.

Quand, chez nous, une femme est en travail d’enfant, on vous dira, dans quelques provinces, qu’elle accouchera sans douleur si elle met la culotte de son mari. — Pour empêcher que les renards ne viennent manger les poules d’une métairie, il faut faire, dans les environs, une aspersion de bouillon d’andouille le jour du carnaval. — Quand on travaille à l’aiguille les jeudis et samedis après midi, on fait souffrir Jésus-Christ et pleurer la sainte Vierge. Les chemises qu’on fait le vendredi attirent les poux… Le fil filé le jour du carnaval est mangé des souris.

 
 

On ne doit pas manger de choux le jour de saint Étienne, parce qu’il s’était caché dans des choux. Les loups ne peuvent faire aucun mal aux brebis et aux porcs, si le berger porte le nom de saint Basile écrit sur un billet et attaché au haut de sa houlette. À Madagascar, on remarque, comme on le faisait à Rome, les jours heureux et les jours malheureux. Une femme de Madagascar croirait avoir commis un crime impardonnable si, ayant eu le malheur d’accoucher dans un temps déclaré sinistre, elle avait négligé de faire dévorer son enfant par les bêtes féroces, ou de l’enterrer vivant, ou tout au moins de l’étouffer.

On peut boire comme un trou, sans crainte de s’enivrer, quand on a récité ce vers :

 
Jupiter his alta sonuit dementer ab Ida.
 

Presque tous les articles de ce livre mentionnent quelque croyance superstitieuse. Nous citerons encore, avec un peu de désordre, plusieurs petits faits. Voici des notes de M. Marinier sur la Suède :

« Quand on enterre un mort, on répand sur le sentier qui va de sa demeure au cimetière des feuilles d’arbre et des rameaux de sapin. C’est l’idée de résurrection exprimée par un symbole. C’est le chrétien qui pare la route du tombeau. Quand vient le mois de mai, on plante à la porte des maisons des arbres ornés de rubans et de couronnes de fleurs, comme pour saluer le retour du printemps et le réveil de la nature. Quand vient Noël, on pose sur toutes les tables des sapins chargés d’œufs et de fruits, et entourés de lumières : image sans doute de cette lumière céleste qui est venue éclairer le monde. Cette fête dure quinze jours, et porte encore le nom de jul. Le jul était l’une des grandes solennités de la religion Scandinave. À cette fête, toutes les habitations champêtres sont en mouvement. Les amis vont visiter leurs amis, et les parents leurs parents. Les traîneaux circulent sur les chemins. Les femmes se font des présents ; les hommes s’assoient à la même table et boivent la bière préparée exprès pour la fête. Les enfants contemplent les étrennes qu’ils ont reçues. Tout le monde rit, chante et se réjouit, comme dans la nuit où les anges dirent aux bergers : Réjouissez-vous, il vous est né un sauveur. Alors aussi, on suspend une gerbe de blé en haut de la maison. C’est pour les petits oiseaux des champs qui ne trouvent plus de fruits sur les arbres, plus de graines dans les champs, Il y a une idée touchante à se souvenir, dans un temps de fête, des pauvres animaux privés de pâture, âne pas vouloir se réjouir sans que tous les êtres qui souffrent se réjouissent aussi.

» Dans plusieurs provinces de la Suède, on croit encore aux elfes qui dansent le soir sur les collines. Dans quelques autres, on a une coutume singulière. Lorsque deux jeunes gens se fiancent, on les lie l’un à l’autre avec la corde des cloches, et on croit que cette cérémonie rend les mariages indissolubles. »

Un nouveau voyage dans l’Inde nous fournit sur les superstitions de ces contrées de nombreux passages ; nous n’en citerons que quelques-uns.

« Lorsqu’un Indien touche à ses derniers moments, on le transporte au bord du Gange ; étendu sur la berge, les pieds dans l’eau, on lui remplit de limon la bouche et les narines ; le malheureux ne tarde pas à être suffoqué et à rendre le dernier soupir. Alors, ses parents, qui l’environnent, se livrent au plus frénétique désespoir ; l’air retentit de leurs cris ; ils s’arrachent les cheveux, déchirent leurs vêtements et poussent dans le fleuve ce cadavre encore chaud et presque palpitant, qui surnage à la surface jusqu’à ce qu’il devienne la proie des vautours et des chacals…

» Après avoir traversé plusieurs villes et villages, me voici devant Bénarès, la ville sainte des Hindous, le chef-lieu de leurs superstitions, où plusieurs princes ont des maisons habitées par leurs représentants, chargés défaire au nom de leurs maîtres des ablutions et les sacrifices prescrits par leur croyance.

» Le soleil n’est pas encore levé que les degrés du large et magnifique escalier en pierre de taille qui se prolonge jusqu’à l’eau, et qui à lui seul est un monument remarquable, sont chargés d’Hindous qui viennent prier et se baigner dans le Gange. Tous sont chargés de fleurs ; à chaque strophe de leurs prières, ils en jettent dans l’eau, dont la surface, au bout de quelques moments, est couverte de camellias, de roses, de mongris ; hommage que tous les sectateurs de Brahma rendent chaque jour au roi des fleuves.

» En parcourant les rues, qui sont toutes fort étroites, je vis une foule nombreuse se diriger vers une large avenue de manguiers, qui aboutissait à l’une des Payades. C’était un jour de grande solennité. Je parvins avec peine près de ce temple, où les plus étranges scènes s’offrirent à mes regards. Je me crus un moment entouré de malfaiteurs subissant la peine de leurs crimes, ou bien certainement de fous furieux ; les uns, véritables squelettes vivants, étaient depuis vingt années renfermés dans des cages de fer d’où ils n’étaient jamais sortis ; d’autres, insensés, suspendus par les bras, avaient fait vœu de rester dans cette position jusqu’à ce que ces membres, privés de sentiment, eussent perdu leur jeu d’articulation. Un de ces fanatiques me frappa par son regard sombre et farouche, qui décelait l’horrible angoisse qu’il éprouvait en tenant son poing constamment fermé, pour que ses ongles, en croissant, entrassent dans les chairs et finissent par lui percer la main. Chez ce peuple idolâtre, il existe des préjugés, des superstitions plus affreuses encore, entre autres l’horrible et barbare sacrifice des femmes sur le bûcher de leur mari défunt. Les lois sévères et l’influence morale des Anglais, à qui appartient une grande partie de cette immense contrée, ne diminuent pas vite ces coutumes absurdes et révoltantes. Mais ces sacrifices odieux ont encore lieu en secret, et le préjugé est tel que la malheureuse victime qui s’arrache au bûcher est rejetée de sa caste, maudite de sa famille, et traîne les jours qu’elle a voulu sauver dans l’ignominie, la misère et l’abandon.

» Chez tous les peuples qui n’ont pas reçu la lumière de l’Évangile et parmi les Indiens plus que partout ailleurs, une femme est regardée pour si peu de chose que les plus durs traitements, les travaux les plus pénibles lui sont réservés. Aussi s’habituent-ils difficilement à voir les femmes européennes entourées d’hommages et de respect.

» Bénarès, comme toutes les villes indiennes, offre le singulier mélange de toutes les superstitions des divers peuples de l’Orient. À leurs traits beaux et réguliers, à leurs membres musculeux, à leurs turbans blancs et à leurs larges pantalons, on reconnaît les sectateurs d’Ali et de Mahomet. On distingue les brahmes, adorateurs de Vichnou, à leur démarche grave et hautaine, à leur tête nue, aux lignes blanches, jaunes et rouges qu’ils portent sur le front, et qu’ils renouvellent tous les matins à jeun ; à leurs vêtements blancs drapés avec art sur leurs épaules ; enfin, à la marque la plus distinctive de leurs fonctions de brahmes, le cordon en écharpe qu’ils portent de gauche à droite, et qui se compose d’un nombre déterminé de fils, que l’on observe scrupuleusement. Il est filé sans quenouille, et de la main même des brahmes. Le cordon des nouveaux initiés a trois brins avec un nœud ; à l’âge de douze ans, on leur confère le pouvoir de remplir leurs fonctions ; ils reçoivent alors le cordon composé de six brins avec deux nœuds.

» Les Hindous sont divisés en quatre castes : la première est celle des brahmes ou prêtres ; la seconde celle des guerriers ; la troisième celle des agriculteurs ; la quatrième celle des artisans. Ces castes ne peuvent manger ni s’allier ensemble. Vient ensuite la caste la plus basse, la plus méprisée, la plus en horreur à tous les Hindous : c’est celle des parias, qui sont regardés comme des infâmes, parce qu’ils ont été chassés il y a des siècles peut-être des castes auxquelles ils appartenaient. Cette infamie se transmet de père en fils, de siècle en siècle. Quand un Hindou de caste permet à un paria de lui parler, celui-ci est obligé de tenir une main devant sa bouche, pour que son haleine ne souille pas le fier et orgueilleux Bengali.

» Le nombre des parias est si considérable que s’ils voulaient sortir de l’opprobre où on les tient, ils pourraient devenir oppresseurs à leur tour.

» Vers le milieu de la journée, dit ailleurs l’écrivain que nous transcrivons, nous arrivâmes près d’une vaste plaine, où se trouvaient réunis un grand nombre d’Hindous. Au centre s’élevait un mât ayant à son sommet une longue perche transversale fixée par le milieu. Quelques hommes, pesant sur l’un des bouts de la perche, la tenaient près du sol, tandis que l’autre extrémité s’élevait en proportion contraire. Un corps humain y était suspendu ; il paraissait nager dans l’air. Nous nous approchâmes du cercle formé par les spectateurs, et je vis avec le plus grand étonnement que ce malheureux n’était retenu dans sa position que par deux crocs en fer.

» Cet homme ayant été descendu et décroché, il fut remplacé par un autre sunnyass ; c’est sous ce nom qu’on désigne cette sorte de fanatiques. Loin de donner des signes de terreur, il s’avança gaiement et avec assurance au lieu du supplice. Un brahme s’approcha de lui, marqua la place où il fallait enfoncer les pointes de fer ; un autre, après avoir frappé le dos de la victime, avait introduit les crocs avec adresse, juste au-dessous de l’omoplate. Le sunnyass ne parut point en ressentir de douleur. Il plana bientôt au-dessus des têtes, prit dans sa ceinture des poignées de fleurs qu’il jeta à la foule en la saluant de gestes animés et de cris joyeux.

» Le fanatique paraissait heureux de sa position ; il fit trois tours dans l’espace de cinq minutes. Après quoi on le descendit, et les cordes ayant été déliées, il fut ramené à la pagode au bruit des tam-tams et aux acclamations du peuple.

» Que penser d’une religion qui veut de tels sacrifices ? Quels préjugés ! quel aveuglement ! On éprouve un sentiment douloureux au milieu de ce peuple privé de ces vérités consolantes, de ces pratiques si douces et si sublimes de la religion du Christ. Hâtons de nos vœux le moment où celui qui a dit au soleil : « Sortez du néant et présidez au jour, » commandera à sa divine lumière d’éclairer ces peuples assis à l’ombre de la mort.

» Tous les riches habitants de Madras possèdent de charmantes maisons de campagne entourées de jardins d’une immense étendue ; c’est un véritable inconvénient pour les visiteurs, qui sont souvent obligés de parcourir un espace de trois milles pour aller d’une maison à l’autre. En revenant un soir d’une de ces délicieuses propriétés fort éloignée de la ville, j’entendis des cris déchirants partir d’une habitation indienne devant laquelle je passais ; ils furent bientôt couverts par une musique assourdissante : le son si triste du tam-tam prévalait sur tout ce tumulte. Je sortis de mon palanquin, et montant sur une petite éminence qui se trouvait à quelques pas de la maison, je pus jouir tout à mon aise de l’étrange spectacle qui s’offrit à ma vue.

» Je vis sortir de cette habitation des musiciens deux à deux, et, dans le même ordre, suivaient une trentaine d’Indiens, tous coiffés d’un mouchoir en signe de deuil ; ils déroulèrent dans toute sa longueur une pièce d’étoffe blanche d’environ trente pieds, qu’ils étendirent avec soin sur le milieu de la route. Puis venait un groupe d’hommes paraissant chargés d’un lourd et précieux fardeau qu’ils portaient sur leurs épaules ; ils marchaient sur le tapis jonché de fleurs, que de jeunes filles jetaient à mesure qu’ils approchaient. Le fardeau était une jeune fille morte, richement parée, que l’on conduisait à sa dernière demeure. Le voyageur eut le bonheur d’entendre les chants de l’Église sur la fosse ; car on rendait à la terre les restes d’une chrétienne malabare.

On voit dans le même chapitre comment sont enterrés les Indiens sans honneur. Tippoo-Sahïb dut sa perte surtout à la perfidie. Son premier ministre, soupçonné d’avoir trahi sa cause, fut massacré par les soldats et enterré sous des babouches (souliers); ce qui, dans l’Orient, est la plus grande marque de mépris.

Sureau. Quand on a reçu quelque maléfice de la part d’un sorcier qu’on ne connaît point, qu’on pende son habit à une cheville, et qu’on frappe dessus avec un bâton de sureau : tous les coups retomberont sur l’échine du sorcier coupable, qui sera forcé de venir, en toute hâte, ôter le maléfice.

Surtur, génie qui doit, selon les Celtes, revenir, à la fin du monde, à la tête des génies du feu, précédé et suivi de tourbillons enflammés ; il pénétrera par une ouverture du ciel, brisera le pont Bifrost, et, armé d’une épée plus étincelante que le soleil, combattra les dieux, lancera des feux sur toute la terre, et consumera le monde entier. Il aura pour antagoniste le dieu Frey, qui succombera. Voy. Bifrost.

Sustrugiel, démon qui, selon les Clavicules de Salomon, enseigne l’art magique et donne des esprits familiers.

Suttée. C’est le nom qu’on donne dans l’Inde au sacrifice d’une veuve par le feu. Ces sacrifices sont rarement volontaires. Un voyageur anglais écrivait en 1836 :

« Une tentative de suttée a eu lieu le mois dernier (avril) hors des murs de Jeypore. J’en ai été averti à temps, et je vis un grand concours de peuple qui se portait de la ville à Murda-Haida. J’appris que ces gens allaient voir une suttée. La femme était sur le bûcher. Dès que les flammes l’y gagnèrent, elle s’en élança et y fut rejetée. Elle s’en arracha une seconde fois. On la replongea de nouveau dans le feu, elle s’en sauva une troisième fois. La police de Jeypore intervint alors, et renvoya l’affaire au Rawul, qui ordonna de ne plus employer la force. La veuve fut sauvée en conséquence, et puis se réfugia dans un de nos hôpitaux ; sans quoi elle eût été chassée du district. C’est, entre beaucoup d’autres preuves, une preuve nouvelle que le sacrifice est, dans un grand nombre de circonstances, un meurtre prémédité de la part des parents de la victime… »

Swedenborg (Emmanuel), célèbre visionnaire suédois.

« Nous ne savons guère, en France, qu’une chose de Swedenbord, dit M. Émile Souvestre, c’est que, dînant un jour de bon appétit dans une taverne de Londres, il entendit la voix d’un ange qui lui criait : « Ne mange pas tant ! » et qu’à partir de cet instant il eut des extases qui l’emportèrent régulièrement au ciel plusieurs fois par semaine. Selon quelques auteurs, l’illuminé suédois fut un des savants les plus distingués des temps modernes, et celui qui, après Descartes, remua le plus d’idées nouvelles. Ce fut Swedenborg qui, dans un ouvrage intitulé Opera philosophica et mineralia, publié en 1737, entrevit le premier la science à laquelle nous avons donné depuis le nom de géologie. La seconde partie de son livre contient un système complet de métallurgie, auquel l’Académie des sciences a emprunté tout ce qui a rapport au fer et à l’acier dans son Histoire des arts et métiers. Il composa aussi plusieurs ouvrages sur l’anatomie (ce qui est un nouveau trait de ressemblance entre lui et Descartes), et sembla même indiquer, dans un chapitre sur la pathologie du cerveau, le système phrénologique auquel le docteur Gall dut plus tard sa célébrité. Il publia enfin, sous le titre de Dædalus hyperboreus, des essais de mathématiques et de physique qui fixèrent l’attention de ses contemporains.

 
 

» Il parlait les langues anciennes, plusieurs langues modernes, les langues orientales, et passait pour le plus grand mécanicien de son siècle. Ce fut lui qui fit amener par terre, au siège de Frédérick-Hall, en se servant de machines de son invention, la grosse artillerie qui n’avait pu être transportée par les moyens ordinaires.

» Loin d’être écrits dans un langage mystique, comme on le croit communément, la plupart des traités religieux de Swedenborg se recommandent parla méthode, l’ordre et la sobriété. Ils peuvent se partager en quatre classes, que l’on n’aurait jamais dû confondre : la première renferme les livres d’enseignement et de doctrine ; la seconde, les preuves tirées de l’Écriture sainte ; la troisième, les arguments empruntés à la métaphysique et à la morale religieuse ; enfin, la quatrième, les révélations extatiques de l’auteur. Les ouvrages compris dans cette dernière catégorie sont les seuls qui affectent la forme apocalyptique, et dont l’extravagance puisse choquer. »

Swedenborg fit toutefois, dans sa mysticité, une religion, comme en font tous les illuminés. De même qu’il avait devancé les savants dans quelques découvertes mathématiques, il a été aussi le précurseur des philosophes d’aujourd’hui. Il a prétendu « réunir toutes les communions en un vaste catholicisme où toutes elles trouveront satisfaction ». D’après lui, « le principe de tout bien est dans un premier détachement de soi-même et du monde. Cet état constitue le bonheur présent et futur, c’est le ciel. L’amour exclusif de soi-même et du monde constitue au contraire la damnation, c’est l’enfer. »

Il annonce une nouvelle révélation de l’Esprit, et se pose le Christ d’un christianisme régénéré, comme font présentement quelques professeurs de philosophie. En même temps, Swedenborg se disait en communication avec des intelligences supérieures et avec les âmes de certains morts de ses amis. Ceux qui le copient aujourd’hui ont-ils les mêmes avantages ?

Sycomancie, divination par les feuilles de figuier. On écrivait sur ces feuilles les questions ou propositions sur lesquelles on voulait être éclairci : la feuille séchait-elle après la demande faite au devin par les curieux, c’était un mauvais présage ; et un heureux augure si elle tardait à sécher.

Sydonay. Voy. Asmodée.

Sylla. Comme il entrait à main armée en Italie, on vit dans l’air, en plein jour, deux grands boucs noirs qui se battaient, et qui, après s’être élevés bien haut, s’abaissèrent à quelques pieds de terre, et disparurent en fumée. L’armée de Sylla s’épouvantait de ce prodige, quand on lui fit remarquer que ces prétendus boucs n’étaient que des nuages épais formés par les exhalaisons de la terre. Ces nuages avaient une forme qu’on s’avisa de trouver semblable à celle du bouc, et qu’on aurait pu comparer également à celle de tout autre animal. On dit encore que Sylla avait une figure d’Apollon à laquelle il parlait en public pour savoir les choses futures.

Sylphes, esprits élémentaires, composés des plus purs atomes de l’air, qu’ils habitent.

L’air est plein d’une innombrable multitude de peuples, de figure humaine, un peu fiers en apparence, dit le comte de Gabalis, mais dociles en effet, grands amateurs des sciences, subtils, officieux aux sages, ennemis des sots et des ignorants. Leurs femmes et leurs filles sont des beautés mâles, telles qu’on dépeint les Amazones. Ces peuples sont les sylphes. On trouve sur eux beaucoup de contes. Voy. Cabale.

Sylvestre II. Gerbert, élevé sur la chaire de saint Pierre, sous le nom de Sylvestre, en 999, fut l’un des plus grands papes. Ses connaissances l’avaient mis si fort au-dessus de son siècle, que des hérétiques, ne pouvant nier sa grandeur, attribuèrent l’étendue de son savoir à quelque pacte avec le diable. Il faisait sa principale étude, après les sciences sacrées, des sciences mathématiques : les lignes et triangles dont on le voyait occupé parurent à des yeux ignorants une espèce de grimoire et contribuèrent à le faire passer pour un nécromancien. Ce ne fut pas seulement le peuple qui donna dans cette idée absurde. Un auteur des vies des papes a dit sérieusement que Sylvestre, possédé du désir d’être pape, avait eu recours au diable, et avait consenti à lui appartenir après sa mort, pourvu qu’il lui fit obtenir cette dignité ; ce qui est un mensonge infâme. Lorsque, par cette voie détestable, ajoute le même auteur stupide, il se vit élevé sur le trône apostolique, il demanda au diable combien de temps il jouirait de sa dignité ; le diable lui répondit par cette équivoque digne de l’ennemi du genre humain : « Vous en jouirez tant que vous ne mettrez pas le pied dans Jérusalem. » La prédiction s’accomplit. Ce pape, après avoir occupé quatre ans le trône apostolique, au commencement de la cinquième année de son pontificat, célébra les divins mystères dans la basilique de Sainte-Croix, dite en Jérusalem, et se sentit attaqué aussitôt après d’un mal qu’il reconnut être mortel. Alors il avoua aux assistants le commerce qu’il avait eu avec le diable et la prédiction qui lui avait été faite, les avertissant de profiter de son exemple et de ne pas se laisser séduire par les artifices de cet esprit malin. Nous n’avons pas besoin de faire observer que nous rapportons des contes impudemment menteurs, jusque dans leurs moindres circonstances. Puis il demanda, poursuivent les calomniateurs niais de ce grand pape, qu’après sa mort son corps fût coupé en quartiers, mis sur un chariot à deux chevaux, et inhumé dans l’endroit que les chevaux désigneraient en s’arrêtant d’eux-mêmes. Ses dernières volontés furent ponctuellement exécutées. Sylvestre fut inhumé dans la basilique de Latran, parce que ce fut devant cette église que les chevaux s’arrêtèrent…

Martinus Polonus a conté encore que Sylvestre II avait un dragon qui tuait tous les jours six mille personnes… D’autres ajoutent qu’autre-fois son tombeau prédisait la mort des papes par un bruit des os en dedans, et par une grande sueur et humidité de la pierre au dehors. On voit, par tous ces contes ridicules, qu’autrefois comme de nos jours, l’Église et ses plus illustres pontifes ont été en butte aux plus sottes calomnies.

Symandius, roi d’Égypte, qui, possesseur du grand œuvre, au dire des philosophes hermétiques, avait fait environner son monument d’un cercle d’or massif, dont la circonférence était de trois cent soixante-cinq coudées. Chaque coudée était un cube d’or. Sur un des côtés du péristyle d’un palais qui était proche du monument, on voyait Symandius offrir aux dieux l’or et l’argent qu’il faisait tous les ans. La somme en était marquée, et elle montait à 131,200,000,000 de mines[55].

Sympathie. Les astrologues, qui rapportent tout, aux astres, regardent la sympathie et l’accord parfait de deux personnes comme un effet produit par la ressemblance des horoscopes. Alors tous ceux qui naissent à la même heure sympathiseraient entre eux ; ce qui ne se voit point. Les gens superstitieux voient dans la sympathie un prodige dont on ne peut définir la cause. Les physionomistes attribuent ce rapprochement mutuel à un attrait réciproque des physionomies. Il y a des visages qui s’attirent les uns les autres, dit Lavater, tout comme il y en a qui se repoussent. La sympathie n’est pourtant quelquefois qu’un enfant de l’imagination. Telle personne vous plaît au premier coup d’œil, parce qu’elle a des traits que votre cœur a rêvés. Quoique les physionomistes ne conseillent pas aux visages longs de s’allier avec les visages arrondis, s’ils veulent éviter les malheurs qu’entraîne à sa suite la sympathie blessée, on voit pourtant tous les jours des unions de cette sorte aussi peu discordantes que les alliances les plus sympathiques en fait de physionomie.

Les philosophes sympathistes disent qu’il émane sans cesse des corpuscules de tous les corps, et que ces corpuscules, en frappant nos organes, font dans le cerveau des impressions plus ou moins sympathiques ou plus ou moins antipathiques.

Le mariage du prince de Condé avec Marie de Clèves se célébra au Louvre le 13 août 1572. Marie de Clèves, âgée de seize ans, de la figure la plus charmante, après avoir dansé assez longtemps et se trouvant un peu incommodée de la chaleur du bal, passa dans une garde-robe, où une des femmes de la reine mère, voyant sa chemise toute trempée, lui en fit prendre une autre. Un moment après, le duc d’Anjou (depuis Henri III), qui avait aussi beaucoup dansé, y entra pour raccommoder sa chevelure, et s’essuya le visage avec le premier linge qu’il trouva : c’était la chemise qu’elle venait de quitter. En rentrant dans le bal, il jeta les yeux sur Marie de Clèves, la regarda avec autant de surprise que s’il ne l’eût jamais vue ; son émotion, son trouble, ses transports, et tous les empressements qu’il commença de lui marquer étaient d’autant plus étonnants, que, depuis six mois qu’elle était à la cour, il avait paru assez indifférent pour ces mêmes charmes qui dans ce moment faisaient sur son âme une impression si vive et qui dura si longtemps. Depuis ce jour, il devint insensible à tout ce qui n’avait pas de rapport à sa passion. Son élection à la couronne de Pologne, loin de le flatter, lui parut un exil ; et quand il fut dans ce royaume, l’absence, au lieu de diminuer son amour, semblait l’augmenter ; il se piquait un doigt toutes les fois qu’il écrivait à cette princesse, et ne lui écrivait jamais que de son sang. Le jour même qu’il apprit la nouvelle de la mort de Charles IX, il lui dépêcha un courrier pour l’assurer qu’elle serait bientôt reine de France ; et lorsqu’il y fut de retour, il lui confirma cette promesse et ne pensa plus qu’à l’exécuter ; mais, peu de temps après, cette princesse fut attaquée d’un mal violent qui l’emporta. Le désespoir de Henri III ne se peut exprimer ; il passa plusieurs jours dans les pleurs et les gémissements, et il ne se montra en public que dans le plus grand deuil. Il y avait plus de quatre mois que la princesse de Condé était morte et enterrée à l’abbaye de Saint-Germain des Prés, lorsque Henri III, en entrant dans cette abbaye, où le cardinal de Bourbon l’avait convié à un grand souper, se sentit des saisissements de cœur si violents, qu’on fut obligé de transporter ailleurs le corps de cette princesse. Enfin il ne cessa de l’aimer, quelques efforts qu’il fît pour étouffer cette passion malheureuse[56]. Quelques-uns virent là un sortilège.

On raconte qu’un roi et une reine d’Arracan (dans l’Asie, au delà du Gange) s’aimaient éperdument ; qu’il n’y avait que six mois qu’ils étaient mariés, lorsque ce roi vint à mourir ; qu’on brûla son corps, qu’on en mit les cendres dans une urne, et que toutes les fois que la reine allait pleurer sur cette urne, ces cendres devenaient tièdes…

Il y a des sympathies d’un autre genre : ainsi Alexandre sympathisait avec Bucéphale ; Auguste chérissait les perroquets ; Néron, les étourneaux ; Virgile, les papillons ; Commode sympathisait merveilleusement avec son singe ; Héliogabale, avec un moineau ; Honorius, avec une poule[57], etc. Voy. Antipathie, Clef d’or, etc.

Syrènes. Vous ne croyez peut-être pas plus aux syrènes qu’aux géants, qu’aux dragons. Cependant il est prouvé aujourd’hui qu’il y a eu des dragons et des géants ; et dans un appendice très-attachant qui suit la légende de saint Oran (sixième siècle) dans le recueil de M. Amédée Pichot, intitulé le Perroquet de Walter Scott, l’auteur prouve, par une multitude de faits et de monuments, qu’il y a eu des syrènes en Bretagne.

 
Syrènes
Syrènes
 

Dans ce pays on les appelle les chanteuses des mers. Les marins disent avoir entendu le sifflement de la syrène : ce mot, chez eux, indique cette faculté de la nature par laquelle l’air pressé rend un son ; elle existe dans le ciel, sur la terre, dans les mers ; elle produit l’harmonie des sphères, le sifflement des vents, le bruit des mers sur le rivage. Le peuple se représente la faculté dont il s’agit comme une espèce de génie auquel il applique la forme d’une femme, d’une cantatrice habitante des airs, de la terre et des mers. De là les syrènes des anciens ; ils leur donnaient la figure d’une femme, et le corps d’un oiseau ou d’un poisson. Zoroastre appelait l’âme syrène, mot qui en hébreu signifie chanteuse[58].

Syrrochite, pierre précieuse dont, au rapport de Pline, les nécromanciens se servaient pour retenir les ombres évoquées.

Sytry ou Bitru, grand prince aux enfers ; il apparaît sous la forme d’un léopard, avec des ailes de griffon. Mais lorsqu’il prend la forme humaine, il est d’une grande beauté. C’est lui qui enflamme les passions. Il découvre, quand on le lui commande, les secrets des femmes, qu’il tourne volontiers en ridicule. Soixante-dix légions lui obéissent[59].


  1. M. Jules Garinet, après Delancre, Bodin, Delrio, Maiol, Leloyer, Danæus, Boguet, Monstrelet, Tor-quemada, etc.
  2. Delrio, Disquisitions magiques, et Bodin, p. 30.
  3. Trinum magicum.
  4. Joachim de Cambrai.
  5. Torquemada, dans l’Hexameron.
  6. Voyez, aux Légendes infernales, l’histoire de la Chapelle des boucs, insérée dans le chapitre des sorciers.
  7. Voyez son histoire à la fin des Légendes de l’Ancien Testament.
  8. Salgues, Des erreurs et des préjugés.
  9. Voyage de Madagascar, de 1722.
  10. Wierus, in Pseudom. dæm.
  11. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. III, p. 111.
  12. Le ventriloque de l’abbé de la Chapelle, cité par M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 278.
  13. Voyages de Pallas.
  14. Voyez Bergier. Dictionnaire de théologie, au mot Pythonisse.
  15. Dom Calmet, Dissertations sur les apparitions.
  16. Michel Glycas.
  17. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 95.
  18. M. François Hugo, le Faust anglais.
  19. Pour nous.
  20. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, sorciers et magiciens, liv. II, p. 119.
  21. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 141.
  22. M. Garinet, Hist. de la magie en France, p. 48.
  23. Saint-Foix, t. III, p. 368.
  24. Gloria posthuma S. Ignatii, cité par Görres, Mystique, liv. VI, ch. xvi.
  25. Bodin, Démonomanie, liv. III, ch. i, après Job-Fincel et André-Muscul. Voyez les preuves de ce fait dans les Légendes des saintes images.
  26. Wierus, in Pseudomon. dæm.
  27. Boguet, Discours des exécrables sorciers.
  28. Kivasseau.
  29. On disait à Belphégor :
    Accipe quod tibi do, stercus in ore tuo.
  30. Pour Lucifage (qui fait la lumière), voyez Pactes.
  31. Fournies par l’auteur anglais d’un article de la Retrospective Review, traduit en 1835 dans la Revue britannique.
  32. Isaïe, ch. xxvi, verset 4, traduct. de Sacy.
  33. Jacquemin, Fragments d’un voyage en Allemagne.
  34. On appelait quindécemvirs les quinze magistrats préposés pour consulter les livres des sibylles. Mais ces livres, où l’on croyait contenues les destinées du peuple romain, ayant été brûlés, l’an de Rome 670, avec le Capitole où ils étaient gardés, on envoya de tous côtés des ambassadeurs faire la recherche des oracles des sibylles, et les quindécemvirs en composèrent d’autres livres qu’Auguste fit cacher sous le piédestal de la statue d’Apollon Palatin. Ils avaient été d’abord établis par Tarquin au nombre de deux, puis furent portés à dix, et enfin jusqu’à quinze par Sylla. On les créait de la même manière que les pontifes. (Le Livre unique, n° 15.)
  35. Le capitaine Bazil Hall.
  36. Voyez cette histoire dans les Légendes des commandements de Dieu. Gustave de Nierilz a fait de ce sujet un pur roman que M. J.-B. de Champagnac a traduit en français et qui est intitulé le Sifflet magique ou les Enfants d’Hameln.
  37. Voyez sa vie dans les Légendes infernales.
  38. Singularités historiques et littéraires de D. Liron, t. I, p. 313.
  39. Proclus, De anima et dæmone. Naudé, Apologie.
  40. Il y a des gens qui ne croient à rien et qui mettent à la loterie sur la signification des songes. Mais qui peut leur envoyer des songes, s’il n’y a pas de Dieu ?… Comment songent-ils quand leur corps est assoupi, s’ils n’ont point d’âme ? Deux savetiers s’entretenaient, sous l’Empire, de matières de religion. L’un prétendait qu’on avait eu raison de rétablir le culte ; l’autre, au contraire, qu’on avait eu tort. — Mais, dit le premier, je vois bien que tu n’es pas foncé dans la politique ; ce n’est pas pour moi qu’on a remis Dieu dans ses fonctions, ce n’est pas pour toi non plus ; c’est pour le peuple. — Ces deux savetiers, avec tout leur esprit, se faisaient tirer les cartes et se racontaient leurs songes.
  41. Boistuau, Visions prodigieuses.
  42. Spranger fit condamner à mort une sorcière qui avait fait mourir quarante et un petits enfants.
  43. Histoire générale des voyages.
  44. Jules Duvernay, Excursion d’artiste en 1841.
  45. Les morts et les vivants, entretiens sur les communications d’outre-tombe, petit in-12.
  46. Voyez la légende du Spunkie dans les Légendes des esprits et démons.
  47. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, p. 187.
  48. Saint Jean Chrysostome.
  49. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 88.
  50. Wierus, in Pseudom. dæmon.
  51. Capitul. Caroli Mag. pro partibus Saxoniæ, cap. vi.
  52. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, p. 303.
  53. Delrio, Disquisitionum magicarum lib. II, p. 190. Édition de Mayence, 1612.
  54. Mystique, liv. VIII, ch. xxx.
  55. Charlatans célèbres, de M. Gouriet, t. I, p. 195.
  56. Saint.-Foix, Essais.
  57. Les antipathies ne sont pas moins singulières en certains cas que les sympathies. On a vu à Calais un homme qui entrait en fureur malgré lui lorsqu’il entendait crier des canards. Il les poursuivait l’épée à la main. Cependant il en mangeait avec plaisir : c’était son mets favori.

    Helvétius raconte ce petit trait :

    « Le duc de Lorraine donnait un grand repas à toute sa cour. On avait servi dans le vestibule, et le vestibule donnait sur un parterre. Au milieu du souper, une femme croit voir une araignée. La peur la saisit ; elle pousse un cri, quitte la table, fuit dans le jardin et tombe sur le gazon. Au moment de sa chute, elle entend quelqu’un rouler à ses côtés ; c’était le premier ministre du duc. — Ah ! monsieur, que vous me rassurez et que j’ai de grâces à vous rendre ! Je craignais d’avoir fait une impertinence. — Hé ! madame, qui pourrait y tenir ? Mais, dites-moi, était-elle bien grosse ? — Ah ! monsieur, elle était affreuse. — Volait-elle près de moi ? — Que voulez-vous dire ? Une araignée voler ? — Hé quoi ! reprend le ministre, pour une araignée vous faites ce train-là ! Allez, madame, vous êtes folle ; je croyais, moi, que c’était une chauve-souris. »

  58. Cambry, Voyage dans le Finistère.
  59. Wierus, in Pseudom. dæm.