Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement/Chapitre XII

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Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d’enseignement
Au bureau de l’univers (p. 44-46).
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XII


En dehors de l’Université et au sein du parlement, nous avons appris, dans le cours de cette dernière session, à connaître des opinions importantes, grâce aux discussions qui ont eu lieu sur les pétitions catholiques, grâce surtout à la proposition insuffisante, mais faite avec tant de courage et d’opportunité par M. de Carné. On y a vu que, sur cette grande question, si essentiellement sociale et morale, beaucoup d’esprits sincères et indépendants savaient s’affranchir des engagements ordinaires de leur position politique. Tandis que les vieux préjugés voltairiens, les vieux épouvantails du parti-prêtre et du jésuitisme, ont été exploités, comme on pouvait s’y attendre, par les orateurs de la vieille gauche, comme MM. Stourm et Lestiboudois, par ceux de la cour, comme M. Liadières, par la haine jalouse de certains légistes, comme MM. Chegaray et Philippe Dupin, on a vu les promesses de la Charte et les garanties que la religion demande à la liberté seule, généreusement réclamées par de hauts fonctionnaires, comme MM. de Golbéry, Baude et Janvier, et par des membres sincères et vraiment libéraux de l’opposition, comme MM. de Tracy, de Corcelles, Larabit, etc. Tous les orateurs du parti légitimiste ont plaidé pour la liberté. Dans cette dernière circonstance, nous ne saurions dissimuler qu’il n’y ait un motif d’embarras et un obstacle possible au succès prochain de notre cause. L’un des principaux arguments qu’emploient les défenseurs du monopole, et le plus populaire de tous au sein des masses ignorantes qu’ils égarent, est de représenter l’éducation religieuse comme un acheminement au retour de la dynastie qui a cessé de régner en 1830. Les hommes qui ne craignent pas d’attribuer l’opposition de M. de Tocqueville à un légitimiste déguisé[1], se croient plus beau jeu encore en voyant M. de Brézé et M. de La Rochejacquelein arborer, comme ils l’ont fait, le drapeau de la liberté d’enseignement. Mais qu’importe, après tout ? Quelle est donc la cause au monde qui n’ait point été embarrassée par de semblables obstacles, et quel est l’embarras qu’on ne puisse vaincre par la franchise et le dévouement ? Les légitimistes remplissent un devoir de conscience et d’honneur en revendiquant pour eux-mêmes, comme pour leurs antagonistes, le bienfait de la liberté : qu’ils y persévèrent sans crainte. Le temps et la conscience publique feront graduellement justice des clameurs intéressées qui voudraient inspirer des doutes sur leur sincérité. D’ailleurs, le jour approche, ce semble, où tous les légitimistes de bonne foi, tout ce qui dans ce parti s’élève au-dessus de la rancune et de l’intrigue, reconnaîtront que les intérêts catholiques leur offrent le seul terrain digne de leur courage, de leur activité et de leur dévouement à la commune patrie. Ce sera le jour d’une grande joie pour la religion, et d’une grande confusion pour ses adversaires.



  1. Voyez le Journal des Débats, après une des discussions de la dernière session