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Encyclopédie méthodique/Economie politique/ADOPTION

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Panckoucke (1p. 57-58).

ADOPTION, s. f. c’est un acte autorisé par la loi, & qui donne le droit de choisir quelqu’un d’une famille étrangère pour le traiter comme son propre enfant. Le Dictionnaire de Jurispr. traite cette matière ; mais comme il ne parle pas de l’adoption dans les familles souveraines, nous en dirons ici quelques mots.

Les souverains ont donné dans les derniers siècles des exemples d’une adoption plus ou moins ressemblante à l’ancienne.

Jeanne première, reine de Sicile & de Naples, comtesse de Provence, adopta en 1382 Louis de France, duc d’Anjou, fils du roi Jean I & frère de Charles V, au détriment de son neveu Alphonse, roi d’Arragon, qu’elle avoit auparavant adopté, & qu’elle rejetta alors pour cause d’ingratitude.

Louis d’Anjou, petit-fils de celui dont nous venons de parler, fut adopté en 1425 par Jeanne II, reine de Sicile ; ce prince étant mort, Jeanne II fit, dix ans après, un autre testament en faveur de René, duc d’Anjou, pour lors prisonnier de Philippe, duc de Bourgogne. Le même René d’Anjou, devenu comte de Guise, eut le duché de Bar & le marquisat de Pont-à-Mousson, parce que Louis, cardinal & duc de Bar, l’adopta & l’institua son héritier, à charge de porter son nom & ses armes.

Henri ou Éric, duc de Poméranie, fut adopté par Marguerite, reine de Danemarck, de Suéde & de Norwege. Cette adoption est célèbre dans le nord. Voyez Union de Calmar.

On lit dans Guichardin que François-Marie de la Rovere, duc d’Urbin, fils de Jean, frère du pape Jules III, ne succéda à ce duché, en 1508, que parce qu’il fut adopté par Gui-Balde son oncle maternel, adoption que le pape confirma en consistoire.

L’histoire de Venise fournit des exemples d’une adoption singulière : cette république adopta noble vénitien Jacques, roi de Chypre, fils d’un autre Jacques aussi roi de Chypre, & de Catherine Cornaro, comme elle avoit adopté Catherine Cornaro en la mariant. Jacques II étant mort peu de temps après, la république se fit adopter elle-même par la reine Catherine, afin de devenir héritière de l’un & de l’autre ; de Jacques, à titre de mère adoptive ; & de Catherine, à titre de fille adoptive. C’est par cette voie, assez peu légitime, que Venise avoit acquis le royaume de Chypre, qui lui a été enlevé depuis par le Grand-Seigneur.

Lorsque François, grand-duc de Toscane, épousa sa maîtresse Blanche Capello, fille d’un marchand de Venise, la république, pour rendre cette belle vénitienne digne du grand-duc, l’adopta pour sa fille, & lui donna le titre de reine de Chypre.

Louise-Marie de Gonzagues de Clèves, mariée en 1645 à Ladislas, roi de Pologne, fut adoptée, par honneur par Louis XIV, roi de France. Le contrat portoit : « sa majesté donnant en mariage au roi de Pologne la susdite dame princesse, comme si elle étoit sa fille ».

Un exemple encore plus récent d’une pareille adoption est celui de Louise-Elisabeth d’Orléans, fille dé Philippe d’Orléans, régent de France, qui fut mariée en 1722, comme fille de Louis XV, à Louis I, alors prince des Asturies, & depuis roi d’Espagne.

Mais la plupart de ces adoptions ne sont que des cérémonies & des titres d’honneur, qui ne donnent aucun titre à la succession ; il faut dire la même chose de celle d’Alexis-Lange Comnene, empereur de Constantinople, qui, après avoir fait recevoir le baptême à Jabatine, fille du sultan Iconium, l’adopta de cette adoption purement honorifique qu’employoient les grecs à l’égard des princes étrangers.