La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 16

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Chapitre XVI.


On trouve des preuves d’un plan primitif dans la structure des animaux articulés fossiles.


La troisième grande division établie par Cuvier dans son système du règne animal, l’embranchement des articulés, compte quatre classes.

1° Les annélides, ou vers à sang rouge ;

2° Les crustacés, parmi lesquels les crabes et les écrevisses sont les formes qui nous sont les plus familières ;

3° Les arachnides, ou araignées ;

4° Les insectes.


SECTION I.


Première classe des animaux atticulés.


ANNÉLIDES FOSSILES.


Si nombreux qu’aient pu être jadis les espèces d’annélides dépourvues d’une enveloppe pierreuse, ces vers nus n’ont pu laisser que peu de traces de leur existence, si l’on en excepte

les trous qu’ils ont creusés, et les petits tas de sable ou les déjections vaseuses qu’ils ont rejetés à l’orifice de ces trous. Nous en ayons déjà fait mention dans un des chapitres précédens[1].

Les serpules fossiles, que l’on rencontre dans presque toutes les formations, depuis les périodes de transition jusqu’à l’époque actuelle, nous fournissent d’abondantes preuves de l’origine reculée et de la continuité d’existence non interrompue de l’ordre auquel appartiennent les annélides qui vivent dans des tubes calcaires.


SECTION II.


Seconde classe des animaux articulés.


CRUSTACÉS FOSSILES.


L’histoire des crustacés fossiles a été jusqu’ici presque entièrement délaissée par les palæontologues, et leurs rapports avec les genres actuellement existans de cette classe importante du règne animal sont encore trop peu connus pour que nous puissions les discuter en cet endroit. On peut juger toutefois quelle place importante occupent ces animaux dans certaines formations, par ce fait qu’il en existe dans le cabinet du comte Munster environ soixante espèces provenant d’une seule couche du calcaire jurassique de Solenhofen. Il y a donc là une riche moisson à recueillir pour les naturalistes qui voudront étudier ce sujet intéressant dans la série tout entière des formations géologiques.

Les belles recherches de M. Desmarest ont mis en lumière les analogies qui existent entre les espèces actuelles et certaines espèces fossiles de crustacés. Il a fait voir que toutes les inégalités extérieures de la coquille sont dans un rapport constant avec des dispositions distinctes de l’organisation intérieure. En appliquant ce mode d’investigation aux espèces fossiles, il en a déduit une méthode toute nouvelle pour les comparer avec les crustacés vivans ; et il est arrivé à établir d’heureuses analogies entre les membres éteints et les membres encore existans de cette classe nombreuse, même sur des échantillons où manquaient complètement les pattes, et les autres parties qui servent de fondement aux distributions génériques[2].

Je renverrai mes lecteurs à ces premiers essais d’une histoire des crustacés fossiles ; et, choisissant une famille des plus remarquables, celle des trilobites, je vais les étudier avec l’intérêt auquel ces animaux nous semblent avoir des droits, pour leur structure en apparence si anormale, et pour l’obscurité même qui enveloppe encore leur histoire.


Trilobites.


La grande étendue qu’occupent les Trilobites dans les couches constituantes de l’écorce du globe, et leur abondance numérique dans toutes les localités où on les a rencontrés, sont deux particularités remarquables de leur histoire. On les trouve sur les points les plus éloignés des deux hémisphères austral et boréal ; et on en a constaté la présence dans toute l’Europe septentrionale et dans de nombreuses localités de l’Amérique du nord ; dans les Andes[3], et au cap de Bonne-Espérance.,

On n’a jamais rencontré de ces animaux singuliers dans les terrains plus récens que le groupe carbonifère ; et trois crustacés, faisant partie comme eux de la division des Entomostracés, sont les seuls articulés de cette classe qui se montrent dans des couches contemporaines de celles où se trouvent des débris de trilobites[4]. Ainsi, pendant toutes les périodes qui se sont écoulées depuis le dépôt des plus anciennes couches fossilifères jusqu’aux étages supérieurs de la formation houillère[5], les trilobites paraissent avoir été les représentans principaux de toute une classe qui se développa en un grand nombre d’ordres et de familles, après la disparition de ces premières formes crustacéennes.

Les singularités étranges de configuration que présentent les animaux de cette famille ont attiré sur eux l’attention depuis fort long-temps. M. Brongniart, dans son estimable mémoire publié en 1822, en a mentionné cinq genres et dix-sept espèces[6] ; d’autres auteurs (Dalman, Wahlenberg, Dekay et Green) y ont ajouté cinq nouveaux genres, et ont porté le nombre des espèces à cinquante-deux ; quatre de ces genres sont figurés dans la planche 46. On a long-temps confondu les trilobites fossiles avec les insectes, sous le nom d’entomolithus paradoxus ; et ce n’est qu’après de nombreuses discussions sur leur nature véritable que l’on est arrivé dans ces derniers temps à les ranger dans une section séparée de la classe des crustacés : et, bien que la famille tout entière paraisse avoir été anéantie dès une époque aussi reculée que le fut le terme des dépôts carbonifères, elle n’en présente pas moins certaines analogies de structure qui la rapprochent de très près des crustacés qui habitent nos mers actuelles[7].

Le segment antérieur des trilobites constitue un grand bouclier semi-circulaire ou en forme de croissant (p. 46, a, passim), auquel fait suite un abdomen ou corps composé de nombreux segmens, qui se recouvrent successivement comme ceux de la queue de l’écrevisse, et en outre partagé en général par deux sillons longitudinaux en trois séries de lobes, d’où leur est venu le nom de trilobites. Le corps se termine, dans plusieurs espèces, par une queue ou post-abdomen (d) triangulaire ou semilunaire, offrant des lobes moins distincts que le corps. Les espèces du genre calymène ont la faculté de se rouler en boule comme les cloportes[8].

Parmi les animaux du monde actuel, les crustacés du genre serole[9] sont ceux qui se rapprochent le plus de la famille des trilobites. La différence la plus importante qui sépare ces deux groupes consiste dans la série nombreuse de pattes et d’antennes crustacées que possède le premier, tandis que l’on n’a rencontré jusqu’ici aucun vestige de ces organes en connexion avec des débris ayant appartenu au second, M. Brongniart explique l’absence de ces organes par l’hypothèse que les trilobites formaient, dans la série des crustacés, un groupe à antennes très petites ou même nulles, et dont les membres, transformés en des lames ou pattes molles et facilement destructibles, supportaient des branchies ou des organes filamenteux destinés à la respiration aquatique, et non susceptibles de conservation.

Les limules[10], ou crabes des Moluques, sont, après les précédens, ceux qui se rapprochent le plus des trilobites. Ce sont des crustacés qui abondent maintenant dans les mers des climats chauds, et surtout dans les mers de l’Inde, et sur les côtes de l’Amérique[11]. Leur histoire est importante à cause du passage qu’établissent ces animaux entre les formes éteintes de la classe des crustacés et les formes actuellement existantes. On en a rencontré à l’état fossile dans le groupe carbonifère des comtés de Strafford et de Derby, et dans le calcaire jurassique d’Aichstadt, près de Pappenheim, en même temps que plusieurs autres crustacés marins d’un ordre plus élevé[12].

Dans cette même classe des crustacés, il est un animal dont les membres offrent une disposition tout à fait analogue ; c’est le branchippe des étangs[13], si commun dans nos eaux douces stagnantes. Toutes les pattes sont réduites chez cet animal à l’état de lames membraneuses, et ce sont des organes remplissant en même temps les fonctions de la respiration et de la locomotion.

Cette comparaison que nous venons d’établir entre quatre familles différentes de crustacés, dans le but d’illustrer, par les analogies qui en ressortent, l’histoire de cette famille des trilobites, éteinte depuis un temps si long, est un exemple frappant qui nous fait voir jusqu’à quelle époque reculée des temps géologiques remonte cet arrangement systématique et uniforme d’après lequel ont été établis les rapports étroits qui rattachent entre elles les diverses familles du règne animal. Trois de ces familles font partie des habitans actuels de notre globe, tandis que la quatrième, éteinte depuis longtemps, ne se rencontre plus qu’à l’état fossile. Lorsque nous voyons ainsi les trilobites les plus anciens se placer immédiatement à côté de nos crustacés actuels, nous ne pouvons nous refuser à reconnaître en eux un détail d’un grand système de création dont toutes les parties sont reliées entre elles par l’unité de plan la plus parfaite, et dont les plus minutieux détails se rattachent les uns aux autres par des harmonies d’organisation non interrompues.

Les trilobites offrent un exemple de cet état particulier, et, comme on l’appelle souvent, rudimentaire, des organes de locomotion, dans lequel les membres remplissent à la fois des fonctions locomotrices et respiratoires. Ceux qui soutiennent la théorie que les espèces plus parfaites dérivent de formes plus simples par une série non interrompue de changemens, pourront voir dans les trilobites la souche éteinte d’où sont dérivées dans la suite des âges, par des séries de développemens successifs, les diverses formes crustacéennes les plus élevées ; mais une conséquence de cette hypothèse, c’est que nous ne devrions plus retrouver dans le branchippe actuel des conditions organiques tout aussi simples que celles qui nous sont offertes par la famille des trilobites ; c’est que le limule, dont l’apparition date des premiers âges, n’eût pas dû conserver ses caractères intermédiaires, n’eût pas dû demeurer à un degré si inférieur dans l’échelle organique, depuis le moment où il apparut pour la première fois dans la série carbonifère, jusqu’à l’heure actuelle, après avoir traversé les périodes moyen-âge des formations tertiaires[14].


Yeux des Trilobites.


Outre les analogies que nous venons de mentionner entre les trilobites et certaines formes actuelles de crustacés, il nous en reste à étudier, dans la structure des yeux, de nouvelles et de plus importantes encore. Ce qui appellera sur ce point de notre part une attention toute spéciale, c’est que nous y trouvons le plus ancien, le seul exemple peut-être qui nous soit parvenu du monde fossile, de la conservation de parties aussi délicates que l’étaient les organes visuels d’animaux qui ont cessé de vivre il y a des milliers et peut-être des millions d’années. Nous les étudierons avec un intérêt plus qu’ordinaire, si nous avons présent à l’esprit que ce que nous soumettrons à notre étude n’est autre chose que les mêmes instrumens de vision que traversait la lumière pour produire la sensation de la vue chez quelques uns des plus anciens habitans de notre planète.

La découverte de ces instrumens si parfaitement conservés, après avoir été ensevelis pendant un nombre d’années incalculable dans les étages les plus anciens de la formation de transition, est un des résultats les plus curieux des recherches géologiques ; et la structure de ces yeux nous fournit un argument d’une haute importance lorsqu’il s’agit de rapprocher les points extrêmes de la création animale. Si les dispositions mécaniques qui constituent les appareils visuels sont les mêmes qui entrent de nos jours dans la construction des yeux chez les insectes et les crustacés, il y a là une coïncidence, un accord, qu’il nous paraît tout à fait impossible d’expliquer, à moins d’invoquer l’intervention active d’une Puissance Créatrice unique et intelligente.

Le professeur Muller et M. Strauss ont fait connaître avec habileté, et d’une manière complète, comment, chez les crustacés et chez les insectes, la vision distincte est produite par le moyen d’un grand nombre de petites facettes ou de lentilles placées à l’extrémité de tubes coniques, ou de microscopes, dont le nombre s’élève parfois, comme dans le papillon, jusqu’à 35,000, ou jusqu’à 14,000, comme dans la libellule ordinaire.

Il paraît que, dans des yeux construits sur ce principe, l’image est d’autant plus distincte que les petits cônes sont plus nombreux et plus longs, à surface égale, et que, chacun des petits tubes en particulier ne saisissant que les objets qui sont placés sur son axe, les limites du champ de la vision sont d’autant plus étendues ou plus restreintes que la surface de l’œil est elle-même d’une forme plus ou moins hémisphérique.

Si nous étudions les yeux des trilobites sous le rapport des principes qui ont présidé à leur construction, nous trouverons dans leur forme et dans l’arrangement de leurs facettes des particularités propres à en favoriser l’emploi comme instrumens d’optique.

Dans l’asaphus caudatus[15] chacun des yeux contient au moins quatre cents lentilles presque sphériques, qui forment sur la surface de la cornée des compartimens distincts[16]. L’ensemble de la cornée offre une forme en rapport avec les besoins d’un animal destiné à vivre au fond des eaux. Dans cette condition d’existence voir en dessous était aussi impossible qu’inutile ; mais pour la vision dans le sens horizontal, les arrangemens que l’on observe sont pleins de perfection[17]. Chaque œil offre à peu près la forme d’un tronc de cône, incomplet seulement sur la face qui regarde l’œil du côté opposé, et là où des facettes, si elles eussent existé, eussent été rendues inutiles par leur position même relativement à la partie de la tête vers laquelle elles se fussent trouvées tournées. La partie extérieure de chaque œil constitue une sorte de bastion circulaire comprenant environ les trois quarts du cercle, et disposé, par rapport à l’horizon, de telle manière que là où se termine le champ visuel de l’un des yeux, là aussi commence le champ visuel de l’œil voisin, de telle sorte que l’ensemble des deux yeux embrassait dans sa portée horizontale un panorama tout entier.

Si nous comparons cette disposition des yeux avec celle que l’on observe dans les trois genres voisins de crustacés dont l’étude nous a servi à mettre en lumière la structure générale des trilobites, nous voyons que c’est le même mécanisme chez tous, modifié de diverses façons, dans le but de le mettre en rapport avec la situation et les habitudes de chacun de ces êtres. C’est ainsi que, chez le branchippe (pl. 45, fig. 3, b, b′) qui se meut dans les eaux avec rapidité suivant toutes les directions, et qui avait besoin de voir dans tous les sens, chaque œil est à peu près hémisphérique, et porté sur un pédoncule qui l’éloigné assez de la tête propre pour qu’il puisse remplir complètement toutes ses fonctions.

Chez les seroles (pl. 45, fig. 6 b′) la disposition des yeux et l’étendue de la vision sont pareilles à ce que l’on voit chez les trilobites ; mais ces organes ont leur sommet moins élevé, et le dos aplati de l’animal ne s’oppose que fort peu à l’arrivée d’une portion des rayons de lumière qui proviennent des corps environnant[18].

Chez le limule, les yeux latéraux sont sessiles (pl. 45 fig. 1 b, b′), et leur portée n’embrasse pas l’espace situé immédiatement en avant de la tête ; mais le front porte deux autres yeux simples (b″), qui suppléent ce qui manque à l’étendue de la vision par les yeux composés[19].

Dans celle comparaison que nous venons d’établir entre les yeux des trilobites et ceux du limule, des seroles et des branchippes, nous avons étudié les yeux, ces organes de tous les plus délicats et les plus complexes, dans des animaux qui ont vécu à toutes les périodes extrêmes et intermédiaires de la série des créations progressives. Les trilobites des roches de transition, animaux que nous devons compter au nombre des formes les plus anciennes que la vie ait revêtues, offrent dans ces organes les mêmes modifications que nous voyons encore de nos jours s’adapter aux mêmes fonctions dans le genre serole de la création actuelle ; et les mêmes formes dans les mêmes instrumens se montrent également pendant la durée de ces périodes intermédiaires de la chronologie géologique, pendant lesquelles les couches secondaires se déposèrent au fond des mers chaudes qu’habitaient les limules, dans les régions de l’Europe qui constituent maintenant les plaines élevées de l’Allemagne centrale.

Les conséquences auxquelles ces faits nous conduisent n’intéressent pas seulement la physiologie animale ; elles nous instruisent aussi sur la condition des mers et de l’atmosphère des temps anciens, et sur les rapports de la lumière avec l’un et l’autre de ces deux milieux, à cette époque reculée où les animaux marins les plus anciens étaient pourvus d’organes de vision, dont les arrangemens optiques les plus minutieux étaient les mêmes qui servent encore maintenant à transmettre la sensation de la lumière aux crustacés du fond de nos mers actuelles.

Relativement à la nature des eaux où vivaient les trilobites pendant la période de transition tout entière, nous arrivons à cette conclusion que ce n’était pas ce liquide imaginaire trouble, et formé d’un chaos d’élémens en désordre dont les précipitations, au dire de certains géologues, auraient produit les matériaux constituans de l’écorce du globe. Car le liquide, au fond duquel les yeux de ces animaux remplissaient leurs fonctions, quel qu’il fût, devait être assez pur et assez transparent pour livrer passage à la lumière jusqu’à ces organes visuels que nous retrouvons aujourd’hui dans un état si parfait de conservation, et dont la nature nous est si bien connue.

Quant à ce qui concerne l’atmosphère, les mêmes faits nous conduisent de même à penser que, si la condition d’alors eut différé essentiellement de la condition actuelle, les rayons lumineux eussent dû en être modifiés, et que des modifications correspondantes devaient nous apparaître dans les organes qui étaient donnés aux crustacés pour recevoir par leur entremise l’impression de ces rayons lumineux.

Nous pouvons arriver à des conclusions analogues relativement à la lumière elle-même ; car cette ressemblance entre l’organisation des yeux aux âges primitifs et à l’époque actuelle nous est une preuve que les relations mutuelles de ces organes et des rayons qui leur transmettaient l’impression des objets extérieurs étaient au fond des mers primitives ce qu’elles sont au fond des mers actuelles.

Ainsi nous rencontrons parmi les débris organiques les plus anciens un appareil optique de l’organisation la plus curieuse, destiné à produire le sens de la vision sur les animaux qui représentaient à cette époque toute une grande classe de l’embranchement des articulés. Depuis cette époque, ces organes ne sont point passés, par une série de changemens, des formes les plus simples aux formes les plus compliquées ; ils furent créés dès leur première origine, et sans tâtonnement, dans une harmonie parfaite avec les usages et la condition de la classe d’animaux qui a toujours été, comme elle nous apparaît maintenant, en possession d’yeux construits sur ce principe.

Si nous trouvions un microscope ou un télescope entre les mains d’une momie égyptienne ou au sein des ruines d’Herculanum, il ne nous viendrait pas à l’esprit de nier que l’auteur de cet instrument ait ignoré les principes de l’optique. Nous devons arriver à la même conséquence, mais avec une conviction bien plus grande encore, quand nous voyons quatre cents lentilles microscopiques ajustées bord à bord dans l’œil composé d’un trilobite fossile. Mais la puissance de ce raisonnement est centuplée si nous l’appliquons à l’infinie variété des modifications qu’ont subies ces instrumens dans les genres et les espèces, en quantités innombrables, qui se sont succédé à partir des périodes de transition et de la famille depuis si long-temps perdue des trilobites, en passant par les crustacés éteints des périodes secondaires et tertiaires, jusqu’aux crustacés et aux innombrables essaims d’insectes du monde actuel.

Il paraît donc impossible de se refuser à admettre un plan primitif unique tirant son origine d’un souverain auteur commun de toutes choses, attesté comme il nous l’est par tant de preuves réunies d’une intelligence et d’un pouvoir créateur qui surpassent les facultés les plus élevées de l’esprit humain, à un degré aussi infini que les mécanismes de la nature, lorsque nous les étudions dans leurs minutieux détails, et en aidant nos yeux du secours des instrumens les plus puissans, nous apparaissent au dessus des œuvres les plus parfaites de l’art humain.


SECTION III.


Troisième classe de l’embranchement des articulés.


ARACHNIDES FOSSILES.


Dans les relations générales qui subsistent maintenant entre les deux règnes animal et végétal, les plantes terrestres ont avec les insectes de telles connexions que chaque espèce des premières peut être considérée comme une nourriture préparée pour trois ou quatre espèces d’insectes. Nous serions donc déjà conduits à conclure, à priori, et avec un haut degré de probabilité, en vertu de ce principe dont nous avons esquissé l’influence durant les périodes secondaires et tertiaires, et dont l’action tend sans cesse à maintenir à la surface du globe la plus grande somme de vie possible, que cette masse énorme de végétaux terrestres que nous trouvons conservée dans les couches carbonifères offrait les mêmes relations, comme base d’alimentation avec les insectes de cette époque reculée, qu’ont encore les végétaux modernes avec cette classe, la plus nombreuse parmi les animaux terrestres actuellement existans.

Si de même nous étudions les lois de coordination qui dirigent à l’époque actuelle l’accroissement numérique des insectes, en lui donnant pour régulateur l’action des arachnides carnivores, nous serons conduits à penser que des araignées et des scorpions furent employés à remplir les mêmes fonctions pendant toute la durée des époques géologiques où nous trouvons des preuves d’un grand développement des végétaux terrestres.

Quelques découvertes récentes sont venues confirmer ces analogies de toute la valeur d’une observation actuelle. L’ordre le plus élevé des arachnides, celui des arachnides pulmonaires, se partage en deux grandes familles, celle des araignées et celle des scorpions ; et nous avons des preuves certaines que des débris appartenant à l’une et l’autre se rencontrent dans des terrains stratifiés d’une très haute antiquité.


Araignées fossiles.


Bien que l’on n’ait jusqu’ici rencontré d’araignées dans aucun terrain aussi ancien que la série carbonifère, l’existence d’insectes dans cette série en même temps que de scorpions rend fort probable qu’à ces derniers fut associée la famille des araignées, qui en est si voisine, dans les fonctions de réduire à de justes limites les tribus d’insectes qui existaient à cette époque, et que l’on y en découvrira des restes fossiles avant qu’il soit long-temps[20].

La découverte qu’a faite le comte Munster de deux espèces d’araignées dans le calcaire lithographique de Solenhofen prouve que cette famille existait aux époques jurassiques des formations secondaires. M. Murchison et M. Marcel de Serres ont aussi rencontré des araignées fossiles dans les terrains tertiaires d’eau douce des environs d’Aix en Provence. (Pl. 46″, fig. 12.)


Scorpion fossile.


Une communication faite par mon ami le comte Sternberg aux membres du musée national de Bohême (Prague 1835) renferme la description d’un scorpion fossile qu’il a découvert dans l’ancienne formation houillère du village de Chomle, près de Radnitz, au sud-ouest de Prague. Ce fossile important, le premier de cette sorte que l’on ait découvert, le fut en juillet 1834 dans une carrière située vers la lisière de ce terrain, près d’un endroit où l’on extrait de la houille depuis le 16e siècle. On a rencontré dans cette même carrière quatre troncs d’arbres dressés, et de nombreux débris végétaux de la même nature que ceux qui se voient dans la grande formation houillère de l’Angleterre.

Plusieurs dessins de ce scorpion furent mis sous les yeux d’une commission, lors de l’assemblée des naturalistes et des médecins de l’Allemagne à Stuttgard, en 1834 ; nous empruntons au rapport qui en fut fait les diverses particularités qui suivent, et c’est aussi d’après les figures jointes à ce rapport[21] que nous avons copié celles de notre planche 46′[22].

Toutes les analogies déduites des espèces actuelles nous permettent de poser en fait que la présence de grandes espèces de scorpions est un indice certain de la température élevée du climat sous lequel ils habitent ; et cette conséquence est parfaitement en harmonie avec l’aspect tropical des végétaux auxquels le scorpion est associé dans le terrain houiller de la Bohême.


SECTION IV.


Quatrième classe de l’embranchement des articulés.


INSECTES FOSSILES[23].


Bien qu’à l’époque actuelle le plus grand nombre des habitans de notre globe appartienne à la classe des insectes, cette importante division du règne animal n’a laissé dans les couches de la terre que peu de traces de son existence. Cette circonstance est due, selon toute probabilité, à ce que la plus grande partie des débris animaux fossilisés doivent leur origine à des êtres qui ont habité l’eau salée où l’on ne croit pas qu’il se rencontre, dans la création dont nous faisons partie, plus d’une ou de deux espèces d’insectes.

Mais, alors même qu’aucune rencontre n’aurait été faite de ces articulés à l’état fossile, la présence dans certaines couches de scorpions et d’araignées, familles organisées l’une et l’autre pour se repaître d’insectes, nous fournirait un puissant argument à priori en faveur de l’opinion qu’à la même époque existait déjà cette classe si nombreuse d’animaux aux dépens desquels nous voyons que les arachnides se nourrissent. Cette probabilité a reçu une confirmation complète de la découverte de deux coléoptères appartenant à la famille des curculionides, dans le minerai de fer de Coalbroock Dale[24] et d’une aile de Corydale, dont nous ferons mention dans notre description de la planche 46″.

Cette rencontre, dans la même formation carbonifère, de débris fossiles qui nous attestent l’existence, à ces époques reculées, de la grande classe insectivore des arachnides en même temps que des insectes qui ont dû former leur nourriture, est un fait plein tout à la fois d’intérêt et d’importance. En l’absence de cette remarquable découverte, nous eussions pu conclure de l’abondance des plantes terrestres l’abondance probable des insectes, et cette dernière probabilité entraînait celle de l’existence à la même époque d’arachnides créées pour circonscrire dans de justes limites l’accroissement excessif des premiers. Mais ce qui n’eût été qu’une probabilité est devenu pour nous une certitude, et nous pouvons maintenant remplir une importante lacune dans l’histoire de la vie animale depuis l’époque où se déposèrent les couches carbonifères.

Les couches de la série carbonifère de Coalbrook-Dale, et d’autres bassins houillers qui renferment des coquilles d’unio, se sont formés dans les eaux saumâtres ou dans les eaux douces, ce qui rend facile d’expliquer pourquoi l’on y rencontre des insectes et des arachnides. Ces articulés en effet ont pu y être entraînés des terres circonvoisines par les mêmes torrens qui y ont transporté les végétaux terrestres auxquels nous devons la production des lits de la houille.

Depuis long-temps déjà, dans le schiste oolitique de Stonesfield, l’un des étages de la série secondaire, on a reconnu des élytres d’insectes. Ces débris appartiennent tous à des coléoptères ; et plusieurs, d’après M. Curtis, sont fort voisins des buprestes, genre qui abonde maintenant dans les latitudes chaudes[25].

Le comte Munster possède dans sa collection vingt-cinq espèces d’insectes fossiles trouvés dans le calcaire jurassique de Solenhofen, dont cinq appartiennent à la famille actuelle des libellules[26]. Ou y voit en outre une grande ranatre et quelques coléoptères.

On a récemment découvert de nombreux insectes fossiles, dans le gypse tertiaire de la formation d’eau douce d’Aix en Provence. M. Marcel de Serres en mentionne soixante-deux genres appartenant surtout aux ordres des diptères, des hémiptères et des coléoptères ; et M. Curtis rapporte tous les échantillons provenant de cette localité qu’il a eu occasion de voir à des formes que l’on retrouve en Europe, et pour la plupart à des genres qui existent encore maintenant[27]. On rencontre aussi des insectes dans la lignite (Brown coal) d’Orsberg, sur le Rhin.


Conclusions générales.


Les faits que nous venons de réunir dans les quatre sections précédentes nous font voir que les quatre grandes classes maintenant existantes de l’embranchement des articulés, ainsi que plusieurs des ordres qui constituent ces classes, ont pris leur place dans l’univers pour y remplir leurs fonctions respectives, dès l’époque reculée des formations de transition. Des témoignages nous attestent que des changemens se sont accomplis dans les familles dont ces ordres se composent, à diverses époques, très éloignées entre elles, des séries secondaire et tertiaire ; enfin nous avons vu chaque famille diversement représentée durant des périodes différentes par des genres dont quelques uns ne nous sont connus qu’à l’état fossile, tandis que d’autres genres, surtout des classes inférieures, sont parvenus jusqu’à nous en traversant toutes les périodes géologiques.

Ces faits nous conduisent à des conclusions d’une haute importance dans l’investigation de l’histoire physique de notre globe. Si les classes, les ordres, les familles actuelles d’animaux articulés, marins et terrestres, occupent ainsi des périodes géologiques différentes depuis le moment où la vie apparut à la surface de notre globe, il nous est permis d’en conclure que l’état de la terre et des eaux, aussi bien que de l’atmosphère pendant la durée de toutes ces époques, ne différait pas autant de leur condition actuelle que l’ont supposé plusieurs géologues. Nous en tirons encore cette conséquence que pendant ces époques diverses, et au sein des changemens qui s’y sont accomplis, les fonctions relatives des êtres qui ont représenté successivement les deux règnes animal et végétal ont toujours été les mêmes que remplissent leurs représentans de l’époque actuelle ; et c’est ainsi que nous relions toute la série des formes organiques passées et présentes comme des parties d’un grand Tout, merveilleusement plein d’ensemble et d’harmonie.



  1. Voyez la note de la page 227.
  2. M H. Von Meyer a fait connaître tout récemment cinq ou six genres éteints de décapodes macroures, dans le calcaire conchylien (muschel-kalk) de l’Allemagne. (Leonhardt and Bronn Jahrbuch, 1855.)

    L’histoire des astaciens (écrevisses) fossiles de l’Angleterre reçoit en ce moment même d’importans perfectionnemens entre les mains habiles du professeur Philipps.

    M. Broderip, dans une communication qu’il a faite dernièrement à la société géologique (10 juin 1835), a décrit quelques débris fort intéressans de crustacés du lias de Lyme-Regis, qui font partie de la collection du vicomte Cole. Un de ces échantillons, d’après les lamelles de ses antennes externes, d’après la forme et la situation des yeux et plusieurs autres caractères, était évidemment un dicapode macroure intermédiaire entre les palinures et les salicoques.

    Un fragment d’un autre décapode macroure fait voir qu’il existait à cette époque reculée un crustacé voisin des palinures, et qui atteignait la taille de notre homard commun.

    On voit dans deux autres échantillons les organes respiratoires d’une espèce délicate de crustacé. L’extrémité des quatre branchies les plus grandes et celle des quatre plus petites sont conservées ; et elles se dirigent vers la région du cœur, ce qui prouve que ces crustacés fossiles appartenaient à la division la plus élevée des Macroures. Elles ont rappelé à M. Broderip certaines formes de crustacés décapodes macroures, qui vivent maintenant dans les mers arctiques.

  3. Je tiens de M. Pentland que M. d’Orbigny a trouvé dernièrement des trilobites en compagnie de strophomènes et de productus dans la formation de schiste greywacke de la Cordillère de l’Est, république de Bolivia. On trouve aussi dans ce même terrain des coquilles d’eau douce, des mélanies, des mélanopsis, et probablement des anodontes, ce qui est tout à fait en rapport avec la découverte que l’on a faite, il y a peu de temps, de semblables coquilles fossiles dans les terrains de transition de l’Irlande, de l’Allemagne et des États-Unis. On rencontre, près de Potosi, des coquilles d’eau douce fossiles jusqu’à une élévation de 13,200 pieds.

    Les échantillons qu’a recueillis M. d’Orbigny confirment aussi les opinions de M. Pentland sur les analogies qui existent entre la grande formation calcaire du district en question et les calcaires carbonifères de l’Angleterre, et sur la grande étendue qu’occupent, dans l’Amérique du Sud, les deux formations de la marne rouge et du nouveau grès ronge.

  4. On trouve en Écosse, dans le calcaire d’eau douce situé au dessous du terrain houiller du Mid-Lothian, deux genres d’entomostracés, les genres eurypterus et cypris, le premier à Kirkton, près de Bathgate, et le second à Burdie House, près d’Édimbourg. (Transact. de la société royale d’Édimbourg, T. 13.) En outre, on a reconnu tout récemment le troisième genre, le genre limule, dans la formation houillère, et nous allons en donner bientôt la description. Ainsi les entomostracés paraissent avoir été les seuls représentans de la classe des crustacés, jusqu’après le dépôt des couches carbonifères.
  5. On a découvert dernièrement une nouvelle espèce de trilobites, dans le minerai ferrugineux, au milieu du terrain houiller, à Coalbrook-Dale. Lond. and Edimb. Phil. Mag. T. 4, 1834, p. 576.
  6. Ce sont les genres calymene, asaphus, ogyges, paradoxus et agnostus. Plusieurs de ces noms ont été choisis précisément pour exprimer l’obscurité qui couvrait la nature des corps auxquels on les appliquait ; ἀσαφής obscur ; κεκαλύμμενη caché ; παραδοξος merveilleux ; ἀγνωστος inconnu.
  7. Voyez M. Audouin. — Recherches sur les rapports naturels qui existent entre les trilobites et les animaux articulés.
  8. Pl. 46, fig. 1, 3, 4 et 5.
  9. Pl. 45 fig. 6 et 7.

    Le docteur Leach a établi le genre Serolis sur des échantillons provenant du détroit de Magellan (ou mieux de Magalhaens, d’après le capitaine King), et sur un autre venu du Sénégal. Les premiers avaient été pris par sir Joseph Banks pendant son voyage avec le capitaine Cook, et donnés par lui a la Société linnéenne. M. le docteur Leach tenait le second de M. Dufresne. C’est d’après ces échantillons qu’a été décrite et nommée l’espèce représentée dans notre planche ; la description de M. Leach a été publiée dans le Dictionnaire des sciences naturelles, t. 12, p. 340. Le capitaine King a tout récemment recueilli, au moyen de la drague, des échantillons nouveaux du même genre, sur la côte est de la Patagonie, à quarante-cinq degrés de latitude sud, et à trente milles des côtes, à une profondeur de quarante brasses ; il en a trouvé aussi au port Famine, dans le détroit de Magellan, qui avaient été rejetés par la marée, et le rivage, dit-il, était littéralement recouvert de leurs petits cadavres. Cet observateur s’est assuré en outre que, pendant leur vie, ces crustacés nagent tous contre le fond de la mer, parmi les plantes marines. Leurs mouvemens sont lents et graduels, et ne ressemblent en rien à ceux d’une chevrette ; jamais il ne les a vus venir à la surface ; et leurs membres lui ont paru conformés d’une manière spéciale pour nager et ramper au fond des eaux.

  10. Lamarck, T. 5, p. 115.
  11. Pl. 45 fig. 1, 2.
  12. Dans le genre limule (pl. 45, fig. 1, 2) on ne voit que de faibles traces d’antennes, et le bouclier (a) qui recouvre la partie antérieure du corps s’étend de façon à recouvrir entièrement une série de petits membres crustacés (fig. 2, a). En dessous de la seconde portion, ou portion abdominale du test (c), se voit une série de lames cornées transversales minces (fig. 2, e, 2, e′ et 2, e″) qui supportent les fibres branchiales, en même temps qu’elles remplissent les fonctions de rames destinées à la natation. On voit cette même disposition de branchies lamelleuses chez les seroles (fig. 7, e). La figure 8 représente une de ces lamelles branchiales amplifiée, ressemblant beaucoup à celles des fig. 3, e, et 5 e.

    Ainsi, pendant que nous trouvons dans les seroles (fig. 7) des antennes et des pattes crustacées en même temps que des pattes molles qui remplissent les fonctions de branchies, les limules nous offrent la même disposition des membres et des appendices branchiaux, mais seulement avec de faibles traces d’antennes, et les branchipes (fig. 3 et 5) nous présentent des antennes et point de pieds crustacés. Les trilobites, dépourvues d’antennes, et dont tous les membres, de même que ceux des branchipes, sont représentés par des lames membraneuses, sont donc des formes extrêmes qui viennent après ces derniers, dans la série des crustacés entomostracés, de l’ordre des branchiopodes, ordre dans lequel les pieds sont représentés par des lames ciliées réunissant les fonctions de la respiration et de la natation. Les figures 3 e, 4 e et 5 e de la pl. 45 représentent les branchies molles des branchipes, lesquelles sont tout à la fois des organes de locomotion et de respiration.

  13. Cancer stagnalis, Lin. — Voyez pl. 45, fig. 3 e, 4 e, 5 e.
  14. Le fossile très rare figuré par Martin dans son Petrificata Derbiensia (pl. 45, fig. 4), sous le nom d’entomolithus monoculatus (lunatus), parait n’être autre chose qu’un limule. Il a été trouvé dans un minerai ferrugineux de la formation carbonifère des confins du comté de Derby.

    Notre planche 46″, fig. 3, représente un fossile semblable, de la collection de M. Anstice, de Madely.

    Aux époques secondaires, pendant que se déposait le calcaire jurassique, les limules abondent dans les mers qui recouvraient alors l’Allemagne centrale ; et nous retrouvons dans notre limule actuel les mêmes formes que ce genre présentait alors.

    Mon ami M. Stokes a découvert à la face inférieure d’un trilobite fossile du lac Huron(pl. 45, fig. 12) une lame crustacée (f) garnissant l’entrée de l’estomac, et ressemblant par sa forme et sa structure à certaines parties analogues des crabes modernes. Cet organe est donc un nouvel anneau qui réunit les trilobites et les crustacés nos contemporains. — Transactions géologiques, nouvelle série, t. 1, p. 208, pl. 27.

  15. Pl. 45, fig. 9 et 10.
  16. Le cristallin des poissons est sphérique ; les cristallins des trilobites offrent aussi à peu près cette forme, ce qui nous porte à la regarder comme en rapport avec le milieu aquatique dans lequel ces organes sont destinés dans l’un et dans l’autre cas à remplir leurs fonctions. Aussi présumons-nous qu’une forme semblable est celle des cristallins dans les yeux des crustacés marins, et que cette forme diffère probablement de celle du même organe chez les insectes qui vivent dans l’air.
  17. Les yeux des abeilles sont disposés de la manière la plus favorable pour la vision horizontale et en bas.
  18. Les figures 1 b1, 3 b1 et 6 b1 représentent grossis les yeux appartenant aux échantillons figurés à côté. Les figures 10 et 11 représentent, à des grossissement différent, les yeux de l’asaphus caudatus que l’on voit représenté de grandeur naturelle dans la figure 9. Quelques unes de ces lentilles sont demi-transparentes ; on les voit encore dans leur cadre primitif formé par la cornée, tout l’ensemble étant converti en spath calcaire.
  19. Ces yeux sont tellement rapprochés que c’est parce qu’ils ont été regardés comme constituant un œil unique que Linnée a donné a cet animal le nom de Monoculus Polyphemus.
  20. L’animal trouvé par M. W. Anstice, dans le minerai ferrugineux de Coalbrook Dale, avait été désigné par M. Prestwich, comme étant, selon toute apparence, une araignée (Magas. Phil. mai 1834, t. 4, p. 576). Je l’ai observé depuis, et j’ai fait voir que c’était un insecte de la famille des curculionides (pl. 46″ fig. 4). À l’époque où il fut figuré, et où on le regardait comme une araignée, la tête et le corps étaient encore recouverts par du minerai ferrugineux, et son apparence extérieure avait en effet beaucoup de rapports avec un animal de cette famille. M. Prestwich annonce aussi avoir découvert dans la même formation un insecte coléoptère que nous ferons connaître dans la section suivante, comme devant être également rapporté à cette même tribu des curculionides. Il n’est guère possible de déterminer avec certitude la nature des animaux du schiste carbonifère, qui ont été grossièrement figurés comme des araignées et des insectes, par Lhwyd (Ichnograp. pl. 4), et copiés par Parkinson (Organic Remains, t. 5, pl. 17, fig. 3, 4, 5 et 6) ; mais les découvertes récentes que l’on a faites à Coalbrook-Dale donnent beaucoup de probabilité à l’opinion de ces deux auteurs ; « Scripsi olim suspicari me araneorum quorundam icones, una cum lithophytis in schisto carbonarià observasse : hoc jam ulteriore experientià edoctus apertè assero. Alias icones habeo, quæ ad scarabæorum genus quam proximè accedunt. In posterum ergo non tantùm lithophyta, sed et quædam insecta in hoc lapide investigare conabimur. » Lhwyd Epis. 3 ad finem.
  21. Transactions du Musée de Bohême, avril 1835.
  22. Le scorpion fossile diffère des espèces actuelles, moins par sa structure générale que par la position de ses yeux. Par rapport à ces derniers organes, le genre androctonus est celui dont il se rapproche davantage. Ce genre a aussi douze yeux, mais disposés autrement que dans l’espèce fossile. C’est à cause de la disposition à peu près circulaire qu’affectent ces organes chez ce dernier animal que l’on en a fait un genre nouveau sous le nom de cyclophthalmus.

    Les orbites où étaient contenus ces douze yeux sont dans un état parfait de conservation (pl. 46′, fig. 3). Un des petits yeux et le grand œil du côté gauche ont encore conservé leur forme, en même temps que leur cornée qui est plissée. L’intérieur est rempli d’une substance terreuse.

    Les mandibules sont également très distinctes, mais elles sont dans une position renversée (pl. 46′, fig. 2 a). Chacune offre trois dents saillantes ; et si l’on examine l’une d’elles sous un grossissement convenable, on y voit les poils qui recouvrent la lame cornée dont elle est revêtue (figures 4 et 5).

    Les anneaux thoraciques, qui paraissent être au nombre de huit, et ceux de la queue, sont trop disloqués pour que l’on en puisse facilement distinguer le nombre ; mais ils diffèrent de ce que l’on observe dans toutes les espèces connues. La vue de la face dorsale (pl. 46′, fig. 1) a été obtenue en taillant la pierre par la face postérieure.

    On voit très bien dans la figure 2 l’animal par sa face inférieure, et le palpe droit terminé par les pinces qui caractérisent ce genre. Cette pince et l’abdomen sont séparés par une graine fossile carbonisée d’une espèce commune dans la formation houillère.

    L’enveloppe cornée de ce scorpion est dans l’état de conservation le plus extraordinaire ; car elle n’est ni décomposée ni carbonisée. La substance propre (chitine ou elytrine) qui composait probablement cette enveloppe) comme les élytres des scarabées, a résisté à la décomposition et à la minéralisation. Elle se détache facilement, et elle est élastique, translucide et cornée ; deux couches la constituent, dont chacune a conservé la structure qui lui est propre. L’extérieure (fig. 6 a) est rugueuse, presque opaque, flexible et d’une couleur noir-brun ; la couche interne au contraire (pl. 46′, fig. 6 b) est plus molle, de couleur jaune, moins élastique ; elle est organisée du reste comme la lame externe. On voit, à l’aide du microscope, que chacune de ces deux lames est formée de cellules hexagonales séparées par de fortes cloisons. D’espace en espace, elles sont traversées par des pores toujours ouverts, et qui présentent chacun une aréole enfoncée, ayant à son centre une petite ouverture qui sert d’orifice à une trachée. On voit dans la figure 7 l’impression des fibres musculaires destinées à mettre les pattes en mouvement.

  23. Pl. 46″, fig. 1 et 2, et fig. 4 — 11.
  24. Ces insectes fossiles sont figurés de grandeur naturelle, pl. 46", fig. 1 et 2. Pour des détails plus circonstanciés, nous renvoyons à l’explication de cette planche.
  25. Pl. 46″, fig. 4—10. D’après M. Aug. Odier, les élytres et les autres parties de l’enveloppe cornée des insectes renferment une substance particulière, la chitine ou élytrine, qui se rapproche beaucoup du principe végétal connu sous le nom de lignine. Ces parties des insectes brûlent sans se fondre et sans se boursoufler comme la corne, et aussi sans répandre l’odeur de matière animale, et en laissant après elles un charbon qui en conserve la Forme.

    M. Odier a observé que les poils du scarabé nasicorne conservent leur forme après qu’on les a brûlés, et il en conclut que ces poils diffèrent de ceux des animaux vertébrés. Cette circonstance explique comment les poils se sont conservés sur l’enveloppe cornée du scorpion de Bohême.

    D’après le même auteur, les nervures des scarabés sont composées de chitine, et il en est de même des lames molles que l’on retire de l’enveloppe crustacée d’un crabe, après en avoir séparé la chaux.

    Cuvier fait observer que les tégumens des entomostracés sont plutôt cornés que calcaires, et que sous ce point de vue ces animaux se rapprochent beaucoup de la nature des insectes et des arachnides. Voyez le Journal zoologique. Londres, 1825 ; t. 1, p. 101.

  26. Pl. 1, fig. 49.
  27. Voyez l’Edimburgh New. Phil. Journal, oct. 1829.