La Maison de granit/2/Joies amères

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Plon-Nourrit (p. 94-95).


JOIES AMÈRES



Il est des jours où tout est sombre
Comme la nuit, autour de moi,
Des jours où je m’assieds dans l’ombre,
Tremblante d’indicible émoi…
Je vois le passé plein de charmes,
Et les bonheurs que j’ai perdus :
Alors je sens de lourdes larmes
Glisser le long de mes doigts nus.

Ces larmes brûlent mes paupières…
Elles ont pourtant leur douceur,
Car elles sont, pures et fières,
La meilleure part de mon cœur :
La part faite des vœux fragiles,
Des désirs impuissants et fous,
Des rêves ardents, inutiles,
Que la vie arrache de nous.

C’est une joie austère et grave,
Plus précieuse que l’espoir,
De pleurer sur la triste épave
Qu’apporte le flot chaque soir.