La Maison de granit/2/Ma maison

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Plon-Nourrit (p. 73-75).


MA MAISON



C’est pour lui que je t’ai construite,
Ô ma chère et belle maison ;
C’est pour qu’un jour ton toit l’abrite
Contre la dernière saison.

C’est pour lui que je t’ai parée
Des longues menthes de velours,
De la digitale pourprée,
De l’herbe « qui tremble toujours ».


Pour lui j’ai couvert tes murs rudes
Des planches claires des grands pins,
Qui, dans leurs sombres solitudes,
Auraient eu de pires destins.

J’ai pris au cœur profond des chênes
La porte qui doit l’accueillir ;
Le granit aux brillantes veines
Est l’âtre où le feu va jaillir.

À la rampe de fer massive
Dont la forge a ployé l’arceau,
Je viendrai l’attendre, pensive,
Comme on attend près d’un berceau.

J’aurai tout reçu de la vie
Quand son pas franchira mon seuil,
Et que ma lèvre inassouvie
Dira les mots de doux accueil.


Si ma maison par quelque charme
Le retient quand le jour s’enfuit,
Mes yeux n’auront plus une larme,
Et je ne craindrai plus la nuit.