Le Misanthrope/Édition Louandre, 1910/Acte I
ACTE I
Scène première
Et, quoique amis enfin, je suis tout des premiers…
J’ai fait jusques ici profession de l’être ;
Mais, après ce qu’en vous je viens de voir paraître,
Je vous déclare net que je ne le suis plus,
Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.
Et tout homme d’honneur s’en doit scandaliser.
Je vous vois accabler un homme de caresses,
Et témoigner pour lui les dernières tendresses ;
De protestations, d’offres, et de serments,
Vous chargez la fureur de vos embrassements :
Et quand je vous demande après quel est cet homme,
À peine pouvez-vous dire comme il se nomme ;
Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant,
Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent !
Morbleu ! c’est une chose indigne, lâche, infâme,
De s’abaisser ainsi jusqu’à trahir son âme ;
Et si, par un malheur, j’en avais fait autant,
Je m’irais, de regret, pendre tout à l’instant.
Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt,
Et ne me pende pas pour cela, s’il vous plaît.
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
Il faut bien le payer de la même monnoie,
Répondre, comme on peut, à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.
Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d’embrassades frivoles[1],
Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l’honnête homme et le fat.
Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin il court en faire autant ?
Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située
Qui veuille d’une estime ainsi prostituée ;
Et la plus glorieuse a des régals peu chers
Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez dans ces vices du temps,
Morbleu ! vous n’êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d’un cœur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu’on me distingue ; et, pour le trancher net,
L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait.
Quelques dehors civils que l’usage demande.
Ce commerce honteux de semblants d’amitié.
Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre
Le fond de notre cœur dans nos discours se montre,
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais sous de vains compliments.
Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;
Et parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,
Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.
Serait-il à propos, et de la bienséance,
De dire à mille gens tout ce que d’eux on pense ?
Et quand on a quelqu’un qu’on hait ou qui déplaît
Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?
Qu’à son âge il sied mal de faire la jolie ?
Et que le blanc qu’elle a scandalise chacun ?
À conter sa bravoure et l’éclat de sa race ?
Et je vais n’épargner personne sur ce point.
Mes yeux sont trop blessés, et la cour et la ville
Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile ;
J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font ;
Je ne trouve partout que lâche flatterie,
Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;
Je n’y puis plus tenir, j’enrage ; et mon dessein
Est de rompre en visière à tout le genre humain.
Je ris des noirs accès où je vous envisage,
Et crois voir en nous deux, sous mêmes soins nourris,
Ces deux frères que peint l’École des maris,
Dont…
Le monde par vos soins ne se changera pas :
Et puisque la franchise a pour vous tant d’appas,
Je vous dirai tout franc que cette maladie,
Partout où vous allez donne la comédie ;
Et qu’un si grand courroux contre les mœurs du temps
Vous tourne en ridicule auprès de bien des gens.
Tous les hommes me sont à tel point odieux,
Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux.
Seront enveloppés dans cette aversion ?
Encore en est-il bien, dans le siècle où nous sommes…
Les uns, parce qu’ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres, pour être aux méchants complaisants[3],
Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance on voit l’injuste excès
Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès.
Au travers de son masque on voit à plein le traître ;
Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
On sait que ce pied-plat, digne qu’on le confonde,
Par de sales emplois s’est poussé dans le monde,
Et que par eux son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit pour lui personne :
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
Tout le monde en convient, et nul n’y contredit.
Cependant sa grimace est partout bienvenue ;
On l’accueille, on lui rit, partout il s’insinue ;
Et s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme on le voit l’emporter.
Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
Et parfois il me prend des mouvements soudains
De fuir dans un désert l’approche des humains.
Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts avec quelque douceur.
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ;
À force de sagesse, on peut être blâmable ;
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
Cette grande raideur des vertus des vieux âges
Heurte trop notre siècle et les communs usages ;
Elle veut aux mortels trop de perfection :
Il faut fléchir au temps sans obstination ;
Et c’est une folie à nulle autre seconde,
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe, comme vous, cent choses tous les jours,
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours ;
Mais quoi qu’à chaque pas je puisse voir paraître,
En courroux comme vous, on ne me voit point être ;
Je prends tout doucement les hommes comme ils sont ;
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font,
Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
Mon flegme est philosophe autant que votre bile.
Ce flegme pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?
Et s’il faut, par hasard, qu’un ami vous trahisse,
Que, pour avoir vos biens, on dresse un artifice,
Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,
Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux ?
Comme vices unis à l’humaine nature ;
Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage.
Tant ce raisonnement est plein d’impertinence !
Contre votre partie éclatez un peu moins,
Et donnez au procès une part de vos soins.
Et…
J’ai tort, ou j’ai raison.
Et peut, par sa cabale, entraîner…
Si les hommes auront assez d’effronterie,
Seront assez méchants, scélérats, et pervers,
Pour me faire injustice aux yeux de l’univers.
Pour la beauté du fait, avoir perdu ma cause[5].
Si l’on vous entendait parler de la façon.
Que vous voulez en tout avec exactitude,
Cette pleine droiture où vous vous renfermez,
La trouvez-vous ici dans ce que vous aimez ?
Je m’étonne, pour moi, qu’étant, comme il le semble,
Vous et le genre humain, si fort brouillés ensemble,
Malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux,
Vous ayez pris chez lui ce qui charme vos yeux[6] ;
Et ce qui me surprend encore davantage,
C’est cet étrange choix où votre cœur s’engage.
La sincère Éliante a du penchant pour vous,
La prude Arsinoé vous voit d’un œil fort doux ;
Cependant à leurs vœux votre âme se refuse,
Tandis qu’en ses liens Célimène l’amuse,
De qui l’humeur coquette et l’esprit médisant
Semblent si fort donner dans les mœurs d’à présent.
D’où vient que, leur portant une haine mortelle,
Vous pouvez bien souffrir ce qu’en tient cette belle ?
Ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
Ne les voyez-vous pas, ou les excusez-vous ?
Ne ferme point mes yeux aux défauts qu’on lui treuve ;
Et je suis, quelque ardeur qu’elle m’ait pu donner,
Le premier à les voir, comme à les condamner.
Mais avec tout cela, quoi que je puisse faire,
Je confesse mon faible : elle a l’art de me plaire.
J’ai beau voir ses défauts, et j’ai beau l’en blâmer,
En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer ;
Sa grâce est la plus forte ; et sans doute ma flamme
De ces vices du temps pourra purger son âme.
Vous croyez être donc aimé d’elle ?
Je ne l’aimerais pas, si je ne croyais l’être.
D’où vient que vos rivaux vous causent de l’ennui ?
Et je ne viens ici qu’à dessein de lui dire
Tout ce que là-dessus ma passion m’inspire.
Sa cousine Éliante aurait tous mes soupirs :
Son cœur, qui vous estime, est solide et sincère,
Et ce choix plus conforme était mieux votre affaire.
Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour.
Pourrait…
Scène 2
Éliante est sortie, et Célimène aussi.
Mais, comme l’on m’a dit que vous étiez ici,
J’ai monté pour vous dire, et d’un cœur véritable,
Que j’ai conçu pour vous une estime incroyable,
Et que, depuis longtemps, cette estime m’a mis
Dans un ardent désir d’être de vos amis.
Oui, mon cœur au mérite aime à rendre justice,
Et je brûle qu’un nœud d’amitié nous unisse.
Je crois qu’un ami chaud, et de ma qualité,
N’est pas assurément pour être rejeté.
Pendant le discours d’Oronte, Alceste est rêveur, et semble ne pas entendre que c’est à lui qu’on parle. Il ne sort de sa rêverie que quand Oronte lui dit :
C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse.
Et je n’attendais pas l’honneur que je reçoi.
Et de tout l’univers vous la pouvez prétendre.
Du mérite éclatant que l’on découvre en vous.
Et pour vous confirmer ici, mes sentiments,
Souffrez qu’à cœur ouvert, monsieur, je vous embrasse,
Et qu’en votre amitié je vous demande place.
Touchez là, s’il vous plaît ! Vous me la promettez,
Votre amitié ?
Mais l’amitié demande un peu plus de mystère ;
Et c’est assurément en profaner le nom
Que de vouloir le mettre à toute occasion.
Avec lumière et choix cette union veut naître ;
Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître ;
Et nous pourrions avoir telles complexions,
Que tous deux du marché nous nous repentirions.
Et je vous en estime encore davantage.
Souffrons donc que le temps forme des nœuds si doux ;
Mais cependant je m’offre entièrement à vous.
S’il faut faire à la cour pour vous quelque ouverture,
On sait qu’auprès du roi je fais quelque figure ;
Il m’écoute ; et dans tout il en use, ma foi,
Le plus honnêtement du monde avecque moi.
Enfin je suis à vous de toutes les manières ;
Et, comme votre esprit a de grandes lumières,
Je viens, pour commencer entre nous ce beau nœud,
Vous montrer un sonnet que j’ai fait depuis peu,
Et savoir s’il est bon qu’au public je l’expose.
Veuillez m’en dispenser.
Si, m’exposant à vous pour me parler sans feinte,
Vous alliez me trahir et me déguiser rien.
Qui de quelque espérance avait flatté ma flamme.
L’Espoir… Ce ne sont point de ces grands vers pompeux,
Mais de petits vers doux, tendres, et langoureux.
(À toutes ces interruptions il regarde Alceste.)
Et si du choix des mots vous vous contenterez.
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
L’espoir, il est vrai, nous soulage,
Et nous berce un temps, notre ennui ;
Mais, Philis, le triste avantage,
Lorsque rien ne marche après lui !
Vous eûtes de la complaisance ;
Mais vous en deviez moins avoir,
Et ne vous pas mettre en dépense
Pour ne me donner que l’espoir.
S’il faut qu’une attente éternelle
Pousse à bout l’ardeur de mon zèle,
Le trépas sera mon recours.
Vos soins ne m’en peuvent distraire :
Belle Philis, on désespère,
Alors qu’on espère toujours[9].
Et sur le bel esprit nous aimons qu’on nous flatte.
Mais un jour, à quelqu’un dont je tairai le nom,
Je disais, en voyant des vers de sa façon,
Qu’il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire
Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
Qu’il doit tenir la bride aux grands empressements
Qu’on a de faire éclat de tels amusements ;
Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
On s’expose à jouer de mauvais personnages.
Que j’ai tort de vouloir…
Mais je lui disais, moi, qu’un froid écrit assomme,
Qu’il ne faut que ce faible à décrier un homme,
Et qu’eût-on d’autre part cent belles qualités,
On regarde les gens par leurs méchants côtés.
Je lui mettais aux yeux comme, dans notre temps,
Cette soif a gâté de fort honnêtes gens.
Quel besoin si pressant avez-vous de rimer ?
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ?
Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre,
Ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre.
Croyez-moi, résistez à vos tentations,
Dérobez au public ces occupations ;
Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme,
Le nom que dans la cour vous avez d’honnête homme,
Pour prendre, de la main d’un avide imprimeur,
Celui de ridicule et misérable auteur.
C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre[11].
Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles,
Et vos expressions ne sont point naturelles.
Qu’est-ce que Nous berce un temps notre ennui
Et que, Rien ne marche après lui ?
Que, Ne vous pas mettre en dépense
Pour ne me donner que l’espoir ?
Et que, Philis, on désespère,
Alors qu’on espère toujours ?
Ce style figuré, dont on fait vanité,
Sort du bon caractère et de la vérité ;
Ce n’est que jeu de mots, qu’affectation pure,
Et ce n’est point ainsi que parle la nature.
Le méchant goût du siècle en cela me fait peur ;
Nos pères, tout grossiers, l’avaient beaucoup meilleur,
Et je prise bien moins tout ce que l’on admire,
Qu’une vieille chanson que je m’en vais vous dire.
Si le roi m’avait donné
Paris, sa grand’ville,
Et qu’il me fallût quitter
L’amour de ma mie,
Je dirais au roi Henri :
Reprenez votre Paris ;
J’aime mieux ma mie, ô gué
J’aime mieux ma mie.
La rime n’est pas riche, et le style en est vieux :
Mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux
Que ces colifichets dont le bon sens murmure,
Et que la passion parle là toute pure ?
Si le roi m’avait donné
Paris, sa grand’ville,
Et qu’il me fallût quitter…
L’amour de ma mie,
Je dirais au roi Henri :
Reprenez votre Paris,
J’aime mieux ma mie, o gué !
J’aime mieux ma mie.
Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris.
(À Philinte, qui rit.)
Oui, monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
J’estime plus cela que la pompe fleurie
De tous ces faux brillants où chacun se récrie.
Mais vous trouverez bon que j’en puisse avoir d’autres
Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres.
Vous en composassiez sur la même matière.
Je suis votre valet, monsieur, de tout mon cœur.
Scène 3
Et j’ai bien vu qu’Oronte, afin d’être flatté…
- ↑ M. Saint-Marc Givardin, à propos de ces vers, a remarqué que Molière paraît s’être souvenu d’un passage de la Mère coquette de Quinault, jouée deux ans avant le Misanthrope. Voici le passage de Quinault :
Estimez-vous beaucoup l’air dont vous affectez
D’estropier les gens par vos civilités,
Ces compliments de main, ces rudes embrassages,
Ces saluts qui font peur, ces bonjours à gourmades ?
Ne reviendrez-vous point de toutes ces façons ?
- ↑ Ce n’est pas des hommes qu’Alceste est ennemi, mais de la méchanceté des uns, et du support que cette méchanceté trouve dans les autres. S’il n’y avait ni fripons ni flatteurs, il aimerait tout le genre humain. Il n’y a pas un homme de bien qui ne soit misanthrope en ce sens…
(Jean-Jacques Rousseau.) - ↑ Timon Atheniensis dictus μισάνθρωπος interrogatus cur omnes homines odio prosequeretur : Malos, inquit, merito odi, cæteros ob id odi, quod malos non oderint. (Erasmi apophtegmata.) — La misanthropie était, à ce qu’il paraît, assez fréquente dans l’antiquité ; Platon en parle en ces termes, qui s’appliquent assez bien à Alceste : « La misanthropie, dit Platon, vient de ce qu’après s’être beaucoup trop fié, sans aucun examen, à quelqu’un, et l’avoir cru tout à fait sincère, honnête, et digne de confiance, on le trouve peu de temps après méchant et infidèle, et tout autre encore dans une autre occasion ; et lorsque cela est arrivé à quelqu’un plusieurs fois, et surtout relativement à ceux qu’il aurait crus ses plus intimes amis, après plusieurs mécomptes, il finit par prendre en haine tous les hommes, et ne plus croire qu’il y ait rien d’honnête dans aucun d’eux. »
- ↑ Variante : Mais ce flegme, monsieur, qui raisonne si bien
- ↑ Quelque tour qu’on donne à la chose, ou celui qui sollicite un juge l’exhorte à remplir son devoir, et alors il fait une insulte, ou il lui propose une acception de personnes, et alors il veut le séduire, puisque toute acception de personnes est un crime dans un juge, qui doit connaître l’affaire et non les parties, et ne voir que l’ordre et la loi ; or, je dis qu’engager un juge à faire une mauvaise action, c’est la faire soi-même, et qu’il vaut mieux perdre une cause juste, que de faire une mauvaise action. Cela est clair, net ; il n’y a rien à répondre.
(Jean-Jacques Rousseau.) - ↑ Variante : Vous avez pris chez lui ce qui charme vos yeux.
- ↑ Ce vers est devenu proverbe.
- ↑ Variante : Morbleu ! vil complaisant, vous louez des sottises ?
- ↑ On croit ce sonnet de Benserade.
- ↑ Rousseau reproche au Misanthrope de ne pas dire crûment du premier mot à Oronte que son sonnet ne vaut rien ; et il ne s’aperçoit pas que, chaque fois qu’Alceste répète : Je ne dis pas cela, il dit en effet tout ce qu’on peut dire de plus dur ; en sorte que, malgré ce qu’il croit devoir aux formes, il s’abandonne à son caractère dans le temps même où il croit en faire le sacrifice. Rien n’est plus naturel et plus comique que cette espèce d’illusion qui se fait, et Rousseau l’accuse de fausseté dans l’instant où il est le plus vrai ; car qu’y a-t-il de plus vrai que d’être soi-même en s’efforçant de ne pas l’être ?
(La Harpe.) - ↑ Ce passage offre la critique d’une manie de faire de mauvais vers et de les publier. Ils croyaient, comme le dit de Visé, que leur naissance devait les excuser lorsqu’ils écrivaient mal ; et ils se consolaient en disant : Cela est écrit cavalièrement.
- ↑ On a beaucoup disputé sur le sens de cette expression. Les uns veulent que ce soit : bon à serrer, loin du jour, dans les tiroirs d’un cabinet (sorte de meuble alors à la mode) ; les autres prennent le mot dans un sens moins délicat, et qui s’est attaché à ce vers, devenu proverbe. Je crois que Molière a cherché l’équivoque. Et qu’on ne dise pas que la grossièreté du second sens est indigne d’Alceste ; Alceste est poussé à bout ; et lui, qui ne s’est pas refusé tout à l’heure une mauvaise pointe sur la chute du sonnet, ne paraît pas homme à refuser à sa colère un mot à la fois dur et comique, bien que d’un comique trivial. C’est justement cette trivialité qui fait rire, par le contraste avec le rang et les manières habituelles d’Alceste.
(F. Génin.) - ↑ Variante : Je me passerai bien que vous les approuviez.
- ↑ Prononcer prenez l’un peu moins haut.
- ↑ Nous remarquerons, à propos de cette scène, que Molière est le premier de nos écrivains dramatiques qui ait transporté sur le théâtre la critique littéraire. Il continue ici la tâche qu’il a entreprise dans les Précieuses et les Femmes Savantes.