Le Secret de lady Audley/29

La bibliothèque libre.
Traduction par Judith.
L. Hachette et Cie (tome IIp. 51-62).

CHAPITRE XXIX

Caché dans la tombe.

À son retour de Wildernsea, Robert Audley trouva chez lui une lettre de sa cousine Alicia.

« Papa va beaucoup mieux, écrivait la jeune fille, et il désire vous voir au château. Pour un motif que je ne m’explique pas, ma belle-mère s’est mis en tête que votre présence était nécessaire ici, et me fatigue de ses questions frivoles sur tous vos mouvements. Venez donc sans retard pour faire cesser ces inquiétudes. Votre cousine affectionnée,

A. A. »

« Ainsi donc, mes mouvements préoccupent milady, se dit Robert en réfléchissant, la pipe à la bouche, au coin de son feu. Elle est inquiète et questionne sa belle-fille avec ses jolies manières enfantines qui ont une charmante apparence d’innocente frivolité. Pauvre petite femme, pauvre pécheresse à la chevelure dorée, la lutte entre nous me semble terriblement inégale. Pourquoi ne fuit-elle pas lorsqu’il en est temps encore ? Je l’ai pourtant bien avertie. Je lui ai montré les cartes de mon jeu et j’ai joué à découvert avec elle. Pourquoi ne s’en va-t-elle pas ?

Il se répéta cette question à plusieurs reprises en fumant son meerschaum et s’entourant de la fumée bleuâtre de sa pipe, jusqu’à ce qu’il eût l’air de quelque magicien moderne au milieu de son laboratoire.

« Pourquoi ne fuit-elle pas ?… Sur cette maison moins que sur toute autre, je ne voudrais pour rien au monde attirer la foudre. Je veux seulement remplir mes devoirs envers mon ami disparu et envers cet homme brave et généreux qui a donné sa confiance à cette femme indigne. Le ciel m’est témoin que je ne désire pas le châtiment. Je ne suis pas né pour être un redresseur de torts et le persécuteur des méchants. Je ne demande qu’à remplir mon devoir. Je l’avertirai une fois encore, ouvertement et en termes précis, et puis… »

Ses pensées s’envolèrent vers ce sombre avenir où pas un rayon de lumière ne brillait au sein des ténèbres qui l’entouraient de toutes parts, et où l’espérance ne pouvait pénétrer. Il serait à tout jamais hanté par la vision des angoisses de son oncle, à tout jamais torturé par l’idée de cette ruine et de cette désolation qui, sans être occasionnées par lui, sembleraient être son œuvre. Mais la main de Clara Talboys était là menaçante, et d’un geste impérieux elle l’attirait vers la tombe inconnue de son frère.

« Irai-je à Southampton, se demanda-t-il, essayer d’apprendre l’histoire de la femme qui est morte à Ventnor ? Agirai-je par ruse en corrompant les misérables qui ont participé au crime, jusqu’à ce que je trouve le fil qui me guidera vers celle qui l’a préparé ? Non ! pas avant d’avoir cherché la vérité à l’aide d’autres moyens. Irai-je voir ce misérable vieillard et l’accuser d’avoir trempé dans le complot dont mon ami a sans doute été la victime ? Non ! je ne veux plus le torturer comme je l’ai fait il y a quelques semaines. Je m’adresserai à la directrice du complot, et je lui arracherai ce beau voile sous lequel elle cache sa laideur morale. Elle sera forcée de me livrer le secret du sort de mon ami, et je la chasserai pour toujours de cette maison qu’elle a souillée par sa présence. »

Il partit le lendemain de bonne heure pour le comté d’Essex et arriva à Audley avant onze heures.

Bien qu’il fût matin, milady était déjà sortie. Elle était allée à Chelmsford faire des emplettes avec sa belle-fille. Elle avait plusieurs visites à faire dans les environs de la ville et ne reviendrait que vers l’heure du dîner. La santé de sir Michaël s’était améliorée et il descendrait dans l’après-midi. M. Robert pouvait le voir dans sa chambre si cela lui plaisait.

Non ; Robert ne se souciait pas de rencontrer ce généreux parent. Qu’aurait-il à lui dire ? Comment lui adoucir les souffrances qui allaient l’atteindre ?… comment diminuer la force du coup qui allait briser ce cœur noble et confiant ?

« Si je pouvais lui pardonner ses torts envers mon ami, se disait Robert, je la détesterais encore pour la douleur que son crime va causer à l’homme qui a eu confiance en elle. »

Il dit au domestique de son oncle qu’il allait faire un tour dans le village et qu’il reviendrait à l’heure du dîner. Il s’éloigna lentement du château et se promena sans but dans les prairies qui séparaient l’habitation de son oncle du village. Les noirs soucis qui troublaient sa vie se lisaient sur sa figure.

« Je vais entrer dans le cimetière, se dit-il, et contempler les pierres tumulaires. Rien ne peut me rendre plus triste que je le suis. »

Il se trouvait dans ces mêmes prairies qu’il avait traversées en courant à la station, dans cette journée de septembre où George Talboys avait disparu. Il regarda le sentier qu’il avait suivi ce jour-là, il se souvint de la rapidité de sa course et du vague sentiment de terreur qui s’était emparé de lui en ne retrouvant pas son ami.

« D’où provenait cette terreur ? pensait-il. Pourquoi ai-je vu du mystère dans la disparition de George ? Était-ce pressentiment ou monomanie ! Si je me trompais, après tout ? si toutes ces preuves que j’amasse une à une ne provenaient que de ma folie ? si cet édifice d’horreur et de soupçons n’était qu’un assemblage de bizarreries suggérées par l’hypocondrie ? M. Harcourt Talboys ne trouve aucune signification à tous ces événements qui ont enfanté pour moi un affreux mystère. Je lui ai montré un à un les anneaux de ma chaîne, et il a refusé de reconnaître qu’ils s’agençaient parfaitement. Ô mon Dieu, si c’était moi le seul coupable ! si… — il sourit avec amertume et secoua la tête. J’ai en poche, continua-t-il, un écrit qui sert de preuve irrécusable… il ne me reste qu’à explorer le côté le plus sombre du secret de milady. »

Il évita le village et suivit le chemin de la prairie. L’église se trouvait un peu en arrière de la rue principale, et par une porte en bois grossièrement façonnée on débouchait du cimetière sur un grand pré que bordait un ruisseau d’eau vive et qui descendait en pente douce dans un vallon où venaient paître de préférence les troupeaux du voisinage.

Robert gravit à pas lents le sentier du pré qui menait à la porte du cimetière. Le calme de cet endroit était en harmonie avec sa tristesse. Un vieillard qui cheminait péniblement vers une barrière à l’autre bout du pré fut le seul être humain que le jeune avocat aperçut. La fumée qui s’échappait des cheminées des maisons éparpillées le long de la grande rue était la seule preuve visible de la présence de ses semblables autour de lui, et sans le mouvement des aiguilles de la vieille horloge de l’église, il aurait pu croire que le temps avait cessé de marcher pour le village d’Audley.

Pendant que Robert ouvrait la porte du cimetière et entrait dans le petit enclos, il entendit tout à coup le son d’un orgue qui arrivait jusqu’à lui par une fenêtre entr’ouverte dans la nef du bâtiment.

Il s’arrêta et écouta l’harmonie d’une mélodie rêveuse qui ressemblait à une improvisation de quelque pianiste accompli.

« Qui aurait jamais cru qu’Audley possédât un orgue pareil ? pensa Robert. La dernière fois que je suis venu ici, le maître d’école qui accompagnait le chant des enfants ne m’avait pas fait soupçonner que cet instrument fût si bon. »

Il demeura immobile auprès de la porte, ne voulant pas rompre le charme opéré en lui par la monotone mélancolie du jeu de l’organiste. La voix de l’instrument, tantôt pleine comme le mugissement de la tempête, tantôt faible et douce comme le souffle de la brise, avait sur lui une influence qui calmait sa douleur.

Il ferma doucement la porte et traversa le chemin caillouté qui s’étendait devant la porte de l’église. Cette porte avait été laissée entr’ouverte par l’organiste peut-être. Robert l’ouvrit entièrement, entra sous le porche carré d’où partait un escalier en pierre qui menait à l’orgue et au beffroi. M. Audley ôta son chapeau et ouvrit la porte de communication entre l’intérieur de l’église et le porche. Il marcha doucement dans le saint lieu en se dirigeant vers la grille de l’autel, et quand il fut arrivé là, il examina l’église en tout sens. La petite galerie où se trouvait l’orgue était en face de lui, mais les rideaux verts qui masquaient l’instrument étaient tirés, et il ne put voir l’exécutant.

La musique continuait toujours. L’organiste venait de se lancer dans une mélodie de Mendelssohn dont la tristesse allait au cœur de Robert. Il visita les coins et recoins de l’église et contempla les reliques des morts presque complètement oubliés en écoutant cette musique.

« Si mon pauvre ami George Talboys était mort dans mes bras, et que je l’eusse enseveli dans cette église à l’écart de tous les bruits du monde et sous une des voûtes que je foule aux pieds, que de tourments et d’hésitations je me fusse épargnés ! pensait Robert en déchiffrant les inscriptions à moitié effacées des tablettes de marbre sans couleur. Sa destinée m’aurait été connue, j’aurais su où il reposait. Ah ! c’est cette misérable incertitude et les horribles soupçons qu’elle fait naître qui empoisonnent ma vie. »

Il regarda sa montre.

« Une heure et demie, murmura-t-il. Il faudra que j’attende quatre ou cinq mortelles heures avant que milady soit de retour de ses visites… Ses visites du matin… ses jolies visites de cérémonie et d’amitié ! Grand Dieu, quelle comédienne que cette femme ! Quelle habile trompeuse ! Elle connaît toutes les roueries du mensonge. Mais elle ne jouera pas plus longtemps la comédie sous le toit de mon oncle. J’ai assez parlementé. Elle a dédaigné un avertissement indirect. Ce soir, je parlerai clairement. »

La musique cessa, et Robert entendit fermer l’instrument.

« Il faut que je voie le nouvel organiste qui vient enterrer son talent à Audley et jouer les plus belles fugues de Mendelssohn à raison de quinze ou seize livres par an. »

Il se planta au milieu du porche, attendant que l’organiste eût descendu l’escalier tortueux. Dans sa situation d’esprit et avec la perspective de s’ennuyer pendant plusieurs heures, Robert était bien aise de trouver une distraction, quelque futile qu’elle fût. Il se laissa donc aller librement à sa curiosité au sujet du nouvel organiste.

La première personne qui parut sur les marches inégales de l’escalier fut un enfant en habit de futaine qui faisait grand bruit avec ses souliers ferrés et avait la figure encore toute rouge de la fatigue que lui avait valu le soin de gonfler le soufflet du vieil orgue. Derrière cet enfant venait une jeune femme vêtue très-simplement d’une robe de soie noire et d’un grand châle gris. À la vue de Robert Audley, elle tressaillit et devint pâle.

Cette jeune femme était Clara Talboys.

C’était justement la seule personne au monde que Robert ne comptât pas voir. Elle lui avait dit qu’elle allait rendre visite à quelques amis qui habitaient le comté d’Essex, mais le comté était grand et le village d’Audley un des plus reculés et des moins fréquentés. L’idée que la sœur de son ami perdu se trouvait là…, qu’elle pouvait surveiller tous ses mouvements et en arriver à savoir ce qui le préoccupait, fut pour lui une difficulté nouvelle à laquelle il ne s’attendait guère. Cette complication lui remit en mémoire ce moment où, convaincu de son impuissance, il s’était écrié :

« Une main plus forte que la mienne me fait signe d’avancer sur la sombre route qui mène à la tombe ignorée de mon ami. »

Clara Talboys fut la première à parler.

« Vous êtes surpris de me voir ici, monsieur Audley ? dit-elle.

— Très-surpris, en effet.

— Je vous ai dit que j’allais dans le comté d’Essex. Je suis partie avant-hier, quelques instants après l’arrivée de votre dépêche télégraphique. L’amie avec laquelle je demeure est mistress Martyn, la femme du nouveau recteur de Mount Stanning. Je suis descendue ce matin pour voir l’église et le village, et comme mistress Martyn avait à visiter l’école avec le curé et sa femme, je me suis arrêtée ici à essayer l’orgue. J’ignorais, avant de venir ici, qu’il y eût un village portant le nom d’Audley. Je suppose que ce nom lui vient de votre famille.

— Je crois que oui, répondit Robert émerveillé du calme de la jeune fille en face de son embarras. Je me rappelle vaguement avoir entendu conter l’histoire de quelque ancêtre qui se nommait Audley d’Audley, sous le règne d’Édouard IV. La tombe qui se trouve dans le chœur appartient à l’un des chevaliers d’Audley ; mais je n’ai jamais pris la peine de m’informer de ses exploits. Est-ce que vous attendez vos amis ici, miss Talboys ?

— Oui, ils reviendront ici me prendre après leur tournée.

— Et vous retournez avec eux à Mount Stanning cette après-dînée ?

— Oui. »

Robert tenait son chapeau à la main et regardait, sans les voir, les pierres tumulaires rangées contre le mur très-peu élevé du cimetière. Clara Talboys regarda sa figure pâle et contractée par la tension continuelle de son esprit.

« Vous avez été malade depuis que je ne vous ai vu, monsieur Audley ? dit-elle d’une voix douce et harmonieuse comme l’orgue sous ses doigts.

— Non ; seulement j’ai été vivement préoccupé par des doutes, des incertitudes fatigantes. »

Il songeait en lui parlant :

« Jusqu’où vont ses suppositions ? Où s’arrêtent ses soupçons ? »

Il lui avait raconté l’histoire de la disparition de George et ses soupçons à lui, en ne supprimant que les noms des personnes impliquées dans le mystère ; peut-être que cette jeune fille voyait clair dans toute cette trame, et gardait pour elle ce qu’il n’avait pas jugé à propos de lui dire.

Les yeux pensifs de Clara Talboys étaient fixés sur lui, et il comprenait qu’elle cherchait à pénétrer ses plus secrètes pensées.

« Que suis-je dans ses mains ? se dit-il. Que suis-je pour cette femme qui a la physionomie de mon ami perdu et les manières de Pallas Athéné ? Elle voit toutes mes hésitations, elle scrute une à une toutes mes pensées à l’aide du charme magique de ses grands yeux bruns. Le combat ne peut être égal entre nous, et je ne serai jamais vainqueur en luttant contre sa beauté et sa pénétration. »

M. Audley se préparait, en toussant légèrement, à dire adieu à sa belle compagne et à fuir sa présence, qu’il redoutait, en regagnant la prairie solitaire, lorsque Clara Talboys l’arrêta pour lui parler précisément de ce qu’il voulait éviter le plus.

« Vous m’avez promis de m’écrire, monsieur Audley, si vous découvriez quelque chose qui pût éclairer le mystère de la disparition de mon frère. Vous ne m’avez pas écrit. Je suppose donc que vous n’avez rien découvert. »

Robert Audley resta un moment silencieux. Comment répondre à cette question directe ?

« La chaîne qui unit la destinée de votre frère à la personne que je soupçonne se compose d’anneaux bien légers, répondit-il après une pause. Je crois que j’ai ajouté un autre anneau à cette chaîne depuis que je vous ai vue dans le Dorsetshire.

— Et vous refusez de me faire part de votre découverte ?

— Tant que je n’en saurai pas plus long.

— J’ai supposé, d’après votre dépêche, que vous vous étiez rendu à Wildernsea.

— C’est vrai.

— Ah ! serait-ce là que vous avez trouvé quelque chose ?

— Oui. Vous devez vous rappeler, miss Talboys, que tous mes soupçons reposent sur le fait de l’identité de deux personnes qui n’ont aucun rapport apparent. C’est l’identité d’une personne qui passe pour morte avec une autre qui est vivante. Le complot dont votre frère a, je crois, été la victime n’a pas d’autre raison d’être. Si sa femme, Helen Talboys, mourut quand les journaux ont annoncé sa mort… si la femme qui repose sous la pierre du cimetière de Ventnor est réellement celle dont le nom est gravé sur cette pierre… je ne suis sur la voie d’aucune découverte. Je vais tenter d’en avoir le cœur net prochainement. Je suis à même d’agir avec beaucoup d’audace, et j’arriverai sans doute à connaître la vérité. »

Il parlait à voix basse et d’un ton solennel qui laissait percer son émotion. Miss Talboys lui tendit sa main dégantée et la plaça dans la sienne. Le contact de cette main froide et fine le fit tressaillir des pieds à la tête.

« Vous ne voudrez pas que la mort de mon frère reste à tout jamais un mystère, monsieur Audley, dit-elle tranquillement. Je sais que vous ferez votre devoir envers votre ami. »

La femme du recteur et ses deux compagnons entrèrent en ce moment dans le cimetière. Robert Audley serra la main qui touchait la sienne, et la porta à ses lèvres.

« Je suis un être indolent et bon à peu de chose, miss Talboys ; mais si je pouvais ramener votre frère George à la vie et au bonheur, je me préoccuperais fort peu du sacrifice de mes sentiments. Je crains malheureusement d’arriver seulement à savoir ce qu’il est devenu, et pour cela faire, il me faudra sacrifier ce que j’ai de plus cher au monde. »

Il mit son chapeau et disparut par la porte de la prairie, à l’instant où mistress Martyn apparaissait sous le porche.

« Quel est ce beau jeune homme que j’ai surpris en tête-à-tête avec vous, Clara ? lui demanda-t-elle en riant.

— C’est M. Audley, un ami de mon pauvre frère.

— Ah ! c’est sans doute quelque parent de sir Michaël Audley ?

— Sir Michaël Audley ?

— Mais oui, ma chère, le personnage le plus important de la paroisse. Nous irons le voir dans quelques jours, et je vous présenterai au baronnet et à sa charmante femme, qui est toute jeune.

— Toute jeune ! répéta Clara Talboys, regardant son amie d’un air sérieux. Est-ce que sir Michaël est marié depuis peu ?

— Oui. Il est resté veuf pendant seize ans, et a épousé, l’année dernière, une institutrice qui n’avait pas un sou vaillant. C’est tout à fait romanesque, et lady Audley est regardée comme la belle des belles du comté. Mais nous nous attardons, Clara ; venez donc. Le cheval est fatigué d’attendre, et nous avons une longue course à faire avant dîner. »

Clara Talboys prit place dans le petit char à bancs qui attendait à la porte du cimetière, sous la garde de l’enfant à l’habit de futaine qui avait soufflé l’orgue. Mistress Martyn s’empara des rênes, et le vigoureux cheval partit au grand trot dans la direction de Mount Stanning.

« Racontez-moi ce que vous savez de cette lady Audley, Fanny, dit miss Talboys après une longue pause. J’ai besoin de savoir tout ce qui la concerne. Connaissez-vous son nom de jeune fille ?

— Oui, elle se nommait miss Graham.

— Et est-elle très-jolie ?

— Oh ! très-jolie. Pourtant c’est une beauté enfantine. Elle a de grands yeux bleus très-clairs et des cheveux d’un blond cendré qui bouclent naturellement, et retombent gracieusement sur ses épaules. »

Clara Talboys gardait le silence. Elle n’adressa plus d’autres questions au sujet de milady.

Elle songeait à un passage d’une lettre que George avait écrite pendant sa lune de miel, — passage dans lequel il disait : « Ma petite femme, qui n’est qu’une enfant, regarde par-dessus mon épaule pendant que j’écris ceci. Ah ! combien je voudrais que tu la visses, Clara ; ses yeux sont bleus et clairs comme le ciel par un beau jour d’été, et ses cheveux, qui retombent autour de sa figure, entourent sa tête d’une pâle auréole semblable à celle de la madone dans les tableaux italiens. »