Les Aventures de Nigel/Chapitre 20

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Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 17p. 265-280).


CHAPITRE XX.

CONFIDENCE POUR CONFIDENCE.


Croyez-moi, ami, il en a été ainsi depuis que l’arche de Noé se reposa sur le mont Ararath : l’homme trompeur a fait des serments, et la femme confiante les a crus ; trahie, elle se livre au repentir et aux reproches, et se laisse tromper de nouveau.
Le Nouveau Monde.


Au moment où Marguerite revint avec Monna Paula, lady Hermione achevait d’écrire quelque chose sur une petite feuille de papier qu’elle donna à sa suivante.

« Monna Paula, dit-elle, portez ce papier à Roberts le caissier : qu’il vous remette la somme que je lui demande, et rapportez-la-moi tout de suite. — Je ne sais, Marguerite, si j’ai raison d’agir comme je le fais dans cette affaire… Ma vie s’est écoulée dans la retraite, et j’ignore entièrement les usages de ce monde, ignorance à laquelle je ne puis remédier par la seule lecture. Je crains, en cédant à vos instances, de faire une démarche qui vous soit contraire, contraire peut-être aussi aux lois du pays qui m’accorde un asile, cependant, je l’avoue, il y a quelque chose dans mon cœur qui ne peut résister à vos prières. — Oh ! écoutez-les, écoutez-les ! chère et généreuse dame, » dit Marguerite en pressant les genoux de sa bienfaitrice ; et dans cette attitude elle semblait implorer son ange gardien. « Les lois des hommes ne sont que leur ouvrage, mais l’impulsion du cœur est l’écho de la voix de Dieu. — Levez-vous, jeune fille, dit Hermione ; vous me faites éprouver une émotion dont je ne me croyais plus susceptible. Levez-vous, et dites-moi comment il se fait que vos pensées, vos regards, vos paroles, et même vos moindres actions, qui, il y a si peu de temps, étaient celles d’un enfant capricieux et fantasque, aient pris tout à coup cette énergie et cette éloquence passionnée. — Je ne saurais vous le dire, très-chère dame, » répondit Marguerite en baissant les yeux. « Mais, je suppose, lorsque j’étais un enfant frivole et léger, tout en moi annonçait que je m’occupais de pures bagatelles. Mes réflexions sont maintenant profondes et sérieuses, et je me félicite que mes manières et mes paroles répondent à mes pensées. — Il faut qu’il en soit ainsi, dit la dame ; et cependant ce changement me paraît aussi étrange que rapide. Il me semble voir une enfant transformée tout à coup en une femme réfléchie et passionnée, prête à tous les efforts, à tous les sacrifices pour l’objet chéri de ses affections, avec ce fatal dévouement qui est souvent si indignement payé. »

Lady Hermione soupira amèrement, et Monna Paula rentra avant que la conversation allât plus loin. Elle parla à sa maîtresse dans une langue étrangère dont elles se servaient quelquefois ensemble, mais qui était inconnue à Marguerite.

« Il faut avoir patience un moment, » dit la dame à la jeune fille, « le caissier est sorti pour une affaire, mais on l’attend d’ici à une demi-heure. »

Marguerite se tordit les mains de douleur et d’impatience.

« Les minutes sont précieuses, continua la dame, c’est ce que je comprends bien, mais du moins nous n’en perdrons pas une seule par notre faute. Monna Paula restera en bas pour attendre Roberts, et finira notre affaire avec lui au moment où il rentrera. »

Elle donna ses ordres à la suivante, qui quitta la chambre encore une fois.

« Je vous remercie, madame… vous êtes bien bonne pour la pauvre Marguerite. » Et l’on voyait au tremblement de ses lèvres et de ses mains cette agitation douloureuse où nous jette un espoir différé.

« Ayez patience, Marguerite, et calmez-vous. Vous pouvez… vous devez avoir beaucoup à faire pour exécuter une entreprise aussi hardie… recueillez votre courage, dont vous pouvez avoir si grand besoin… Ayez patience : c’est le seul remède contre les maux de la vie. — Oui, madame, » dit la jeune fille en s’essuyant les yeux, et cherchant en vain à réprimer l’impatience naturelle de son caractère : « je l’ai entendu dire bien souvent, et même, il est possible, Dieu me le pardonne ! que je l’aie dit moi-même à ceux que je voyais dans l’inquiétude et dans l’affliction, mais c’était avant d’avoir connu ce que c’était que l’affliction et l’inquiétude, et je vous assure que je ne prêcherai plus la patience à personne, maintenant que je sais combien ce remède répugne à celui auquel il est offert. — Vous penserez plus sagement un jour, enfant, dit lady Hermione. Et moi aussi, lorsque je connus le malheur pour la première fois, j’en voulais à ceux qui me parlaient de patience… mais les chagrins se sont succédé jusqu’à ce que j’aie appris à recourir à la seule manière de supporter le poids des maux de cette vie, à l’exception toutefois des devoirs de la religion, dont la patience elle-même fait partie. »

Marguerite, qui ne manquait ni de sensibilité ni de bon sens, s’empressa d’essuyer ses larmes et de demander pardon de sa pétulance.

« J’aurais dû penser, dit-elle, d’après votre genre de vie, madame, que vous aviez eu des chagrins ; et, Dieu le sait, la patience que je vous ai vue déployer vous donne les plus justes droits de proposer votre exemple aux autres. »

La dame garda un moment le silence, et reprit ensuite.

« Marguerite, je vais vous donner une grande marque de confiance ; vous n’êtes plus une enfant, mais une femme raisonnable et sensible. Vous m’avez appris de votre secret tout ce que vous avez osé dire ; je vais vous faire connaître du mien tout ce que je puis hasarder de vous en apprendre. Vous me demanderez peut-être pourquoi je choisis le moment où votre esprit est agité d’une grande inquiétude, pour vous occuper de mes chagrins : à cela je répondrai que je ne puis résister à l’impulsion qui m’entraîne à le faire. Peut-être, en voyant pour la première fois, depuis trois ans, l’effet des passions humaines, ai-je senti mes douleurs se réveiller, au point que mon cœur ne puisse plus les contenir ; peut-être est-ce l’espoir que vous, qui semblez prête à vous jeter à corps perdu sur l’écueil où mon bonheur a échoué pour jamais, vous pourrez tirer quelque fruit de mon histoire, et qu’elle vous sera une leçon utile. Quoi qu’il en soit, si vous êtes disposée à m’écouter, je suis prête à vous apprendre quelle est la triste recluse de l’appartement Foljambe, et pour quels motifs elle y réside. Cela servira du moins à vous faire passer le temps jusqu’à ce que Monna Paula nous rapporte la réponse de Roberts. »

Dans tout autre moment de sa vie, Marguerite aurait écouté avec un intérêt exclusif une confidence si flatteuse et dont le sujet excitait si puissamment la curiosité générale. Malgré même l’agitation à laquelle elle était livrée, et quoiqu’elle ne cessât d’écouter d’une oreille inquiète, avec un cœur palpitant, si elle entendait le bruit des pas de Monna Paula, ce ne fut pas sans un petit mouvement de curiosité qu’elle tâcha de prendre un air calme et de donner, du moins en apparence, la plus grande attention à lady Hermione, qu’elle remercia de sa haute confiance. Cette dame, avec la réserve qui accompagnait habituellement ses paroles et ses actions, commença ainsi son récit :

« Mon père, dit-elle, était un marchand, mais il appartenait à une ville où les marchands sont des princes. Je suis descendue d’une noble maison de Gênes, et jamais nom plus ancien et plus honorable que celui de ma famille ne fut inscrit dans les glorieuses annales de cette célèbre aristocratie.

« Ma mère était une noble Écossaise. Elle descendait, que ceci ne vous fasse pas tressaillir, de la maison de Glenvarloch. Il n’est donc pas étonnant que je me sois si facilement déterminée à m’intéresser aux affaires de ce jeune lord. Il est mon propre parent, et ma mère, qui était glorieuse de son origine, m’inspira de bonne heure de l’intérêt pour ce nom. Mon grand-père maternel, cadet de la maison de Glenvarloch, s’était attaché à la fortune de ce malheureux fugitif français, comte de Bothwell, qui, après avoir porté ses infortunes dans plus d’une cour étrangère, s’établit enfin en Espagne, où il obtint une misérable pension en embrassant la religion catholique. Ralph Olifaunt, mon grand-père, en conçut tant de ressentiment, qu’il se sépara de lui, et se fixa à Barcelone, où l’amitié du gouverneur fit fermer les yeux sur ce qu’on appelait son hérésie. Mon père, dans le cours de son commerce, habitait plus souvent Barcelone que Gênes, quoiqu’il fît quelques voyages dans cette dernière ville.

Ce fut à Barcelone qu’il connut ma mère, l’aima et l’épousa. Ils étaient de différentes croyances religieuses ; mais la même affection les unissait. Je fus leur unique enfant, En public je me conformais aux dogmes et aux cérémonies de l’Église de Rome ; mais ma mère, qui ne la regardait qu’avec horreur, m’avait secrètement élevée dans les principes de la religion réformée, et mon père, soit indifférence sur ce sujet, ou répugnance à contrarier la femme qu’il aimait, ferma les yeux sur la manière dont elle m’éleva, ou peut-être même consentit à ce qu’elle me fît partager en secret sa croyance.

« Mais, quand mon père eut le malheur d’être attaqué, à la fleur de son âge, par une maladie lente et douloureuse, qu’il avait sentie devoir être incurable, il prévit les dangers auxquels sa veuve et sa fille orpheline pourraient se trouver exposées après sa mort, dans un pays où le catholicisme était aussi fanatique qu’en Espagne. Il ne s’occupa donc, pendant les deux dernières années de sa vie, que de réaliser et de faire passer en Angleterre une grande partie de sa fortune, qui, grâce à la probité et aux soins de son correspondant, qui n’est autre que l’excellent homme dont j’habite aujourd’hui la maison, fut employée de la manière la plus avantageuse. Si mon père eût vécu assez long-temps pour atteindre son but en retirant toute sa fortune du commerce, il nous aurait menées lui-même en Angleterre, où il nous aurait vues honorablement établies avant sa mort. Mais le ciel en avait ordonné autrement. Il mourut, laissant des sommes énormes entre les mains de débiteurs espagnols, et surtout d’une riche société de marchands de Madrid, à laquelle il avait fait une forte consignation, et qui, après sa mort, ne se montra aucunement disposée à en rendre compte. Plût au ciel que nous eussions laissé ces hommes avides et méchants en possession de leur butin, puisque c’était ainsi qu’ils semblaient considérer les dépouilles d’un homme qui avait été leur correspondant et leur ami ! Nous avions assez pour vivre dans l’aisance, et même dans le luxe, des sommes qui nous étaient assurées en Angleterre ; mais nos amis se récrièrent sur la folie qu’il y aurait à se laisser dépouiller de son bien légitime. La somme d’ailleurs était très-considérable, et la réclamation en ayant été faite, ma mère crut qu’elle devait à la mémoire de mon père de la poursuivre, d’autant plus que les moyens de défense qu’avait adoptés la société de marchands tendaient à méconnaître la loyauté de ses transactions.

« Nous allâmes donc à Madrid : j’avais alors à peu près votre âge, ma chère Marguerite ; j’étais folâtre et légère comme vous l’avez été jusqu’ici ; nous allâmes, dis-je, à Madrid solliciter la protection du roi, sans laquelle, disait-on, nous ne pouvions songer à obtenir justice contre une association riche et puissante.

« Notre résidence dans la capitale de l’Espagne se prolongea pendant des semaines, et enfin pendant des mois. Quant à moi, la douleur que m’avait d’abord causée la perte d’un père, bon à la vérité, mais froid et peu communicatif, s’étant un peu affaiblie, je m’inquiétais fort peu que notre procès nous retînt à Madrid, fût-ce même pour toujours. Ma mère s’y plaisait, et me laissa à moi-même plus de liberté que je n’en avais eu jusque-là. Elle avait trouvé des parents parmi les officiers irlandais et écossais qui étaient au service d’Espagne, où quelques-uns étaient arrivés à des grades éminents. Leurs femmes et leurs filles devinrent nos amies et nos compagnes, et j’eus ainsi l’occasion de m’exercer continuellement dans la langue natale de ma mère, que j’avais apprise dès l’enfance. Par degrés ma mère, qui était portée à la mélancolie, et ne jouissait pas d’une très-bonne santé, consentit, par tendresse pour moi, à me permettre d’aller quelquefois dans le monde sans elle avec des dames auxquelles elle croyait pouvoir me confier, et surtout avec la femme d’un officier général, dont la faiblesse ou la fausseté fut la cause primitive de mes malheurs. J’étais, je le répète, Marguerite, aussi gaie, aussi légère que vous l’étiez dernièrement, et, comme vous, mon attention se fixa sur un seul objet, et tous mes sentiments vinrent bientôt se réunir en un seul.

« Celui qui le fit naître était un officier anglais, jeune, noble, beau, et rempli d’agréments. Jusqu’à présent nos destinées sont presque semblables : fasse le ciel que le parallèle se termine ici ! Cet homme, si noble, si brave, doué d’un extérieur si gracieux, ou plutôt ce scélérat, Marguerite, car c’est là le seul nom qui lui convienne, me parla d’amour et je l’écoutai : comment aurais-je pu soupçonner sa sincérité ? S’il était riche et d’une naissance illustre n’étais-je pas aussi une noble et opulente héritière ! Il est vrai qu’il ne connaissait pas l’étendue de la fortune de mon père, et que je ne lui communiquai pas (car je ne sais pas si, à cette époque, j’en étais moi-même instruite) la circonstance importante que la plus grande partie de nos biens était hors de l’atteinte d’un pouvoir arbitraire, et ne dépendait pas du jugement d’un tribunal corrompu. Mon amant pouvait partager l’opinion que ma mère avait désiré accréditer dans le monde, que toute notre fortune dépendait du procès que nous étions venues suivre à Madrid, bruit qu’elle avait répandu par politique, sentant bien que si l’on apprenait que mon père avait fait passer en Angleterre des sommes aussi considérables, cette connaissance pourrait nuire au recouvrement de celles que nous réclamions à la cour d’Espagne. Cependant, sans me croire une fortune considérable, je crois que l’homme dont je parle fut d’abord sincère dans ses intentions. Il avait lui-même assez de crédit pour obtenir à la cour une décision en notre faveur, et mon bien, réduit aux sommes qu’on nous devait en Espagne, était encore très-souhaitable. Bref, quels que fussent ses motifs pour s’avancer à ce point, le fait est, que de mon aveu, il alla trouver ma mère pour en obtenir ma main. Le jugement de ma mère s’était affaibli par la maladie toujours croissante dont elle souffrait, et ses passions en étaient devenues plus irritables.

« Vous avez entendu parler de l’acharnement des anciennes haines écossaises, dont on peut dire, dans le langage de l’Écriture, que les pères mangent des raisins verts, et que les dents des enfants s’en ressentent. Malheureusement (je devrais plutôt dire heureusement en songeant quel caractère cet homme a montré), des dissensions avaient existé entre sa maison et celle de ma mère, et elle avait hérité de la haine des siens pour cette famille. Lorsqu’il lui demanda ma main, elle ne put commander à sa colère… Elle récapitula tous les outrages que les deux maisons rivales avaient accumulés l’une sur l’autre pendant deux siècles qu’avait duré une haine qui avait même fait répandre du sang, l’accabla d’épithètes insultantes, et rejeta sa proposition d’alliance comme si elle lui eût été faite par l’homme le plus méprisable.

« Mon amant se retira furieux, et moi je restai à pleurer et à murmurer contre la fortune, et, je l’avouerai à ma honte, contre ma tendre mère. J’avais été élevée dans des sentiments différents, et les traditions des haines et des querelles de la famille de ma mère en Écosse, qui étaient pour elle des monuments et des chroniques respectables, me paraissaient aussi insignifiantes et aussi insensées que les actions et les fantaisies de Don Quichotte, et je blâmais amèrement ma mère de sacrifier mon bonheur à un vain rêve de dignité de famille.

« Pendant que j’étais dans cette disposition d’esprit, mon amant chercha à me revoir. Nous nous réunîmes à plusieurs reprises dans la maison de la dame dont j’ai parlé, et qui, par légèreté ou par esprit d’intrigue, protégeait notre liaison secrète… À la fin, nous fûmes mariés secrètement, tant je me laissai entraîner par mon aveugle passion !… mon amant s’était assuré du ministère d’un ecclésiastique de l’Église anglicane… Monna Paula, qui était auprès de moi depuis mon enfance, fut témoin de notre union. Je dois rendre justice à l’attachement de cette fidèle créature : elle me supplia de suspendre mon dessein jusqu’à ce que la mort de ma mère permît de célébrer ouvertement mon mariage ; mais les instances de mon amant et l’entraînement de ma fatale passion l’emportèrent sur ses représentations. La dame dont j’ai parlé fut un autre témoin ; mais possédait-elle entièrement le secret de mon époux ? c’est ce que je n’ai jamais eu l’occasion de savoir. Quoi qu’il en soit, ce fut à l’ombre de son nom et dans sa propre demeure que nous eûmes les moyens de nous voir souvent, et l’amour de mon époux paraissait aussi sincère, aussi exclusif que le mien.

« Il me dit qu’il désirait vivement, et que son orgueil serait extrêmement flatté de me présenter à deux ou trois de ses nobles amis anglais. Ceci ne pouvait se faire chez lady D… ; mais par son ordre, auquel je devais alors déférer, je réussis à l’aller trouver deux fois dans son hôtel, accompagnée seulement de Monna Paula. Il y avait une petite société composée seulement de deux dames et de deux messieurs. On fit de la musique, on rit, on dansa. J’avais entendu parler de la franchise de la nation anglaise, mais je ne pus m’empêcher de penser qu’elle approchait de la licence dans ces réunions, et pendant le souper qui les suivait ; cependant j’attribuai mes scrupules à mon inexpérience, et ne me permis pas de douter qu’il pût y avoir de l’inconvenance dans ce qu’approuvait mon mari.

« Bientôt je fus appelée à une scène d’un genre tout différent. La maladie de ma pauvre mère approchait de son terme. Je dois m’estimer heureuse qu’il soit arrivé avant qu’elle eût fait une découverte qui lui eût déchiré l’âme.

« Vous pouvez avoir entendu dire comment en Espagne les prêtres catholiques et surtout les moines assiègent le lit des mourants, afin d’en obtenir des donations pour l’Église. Je vous ai dit que le caractère de ma mère était aigri par la maladie, et que son jugement en avait souffert en proportion. Elle trouva de la force et du courage dans le ressentiment qu’excitèrent en elle les importunités des prêtres qui entouraient son lit, et l’esprit de la secte sévère des réformés à laquelle elle avait secrètement appartenu lui rendit quelque vigueur. Elle avoua la religion qu’elle avait si long-temps cachée, refusa toute espérance, tout secours qui ne lui viendraient pas d’elle, repoussa avec mépris les cérémonies de l’Église de Rome, accabla les prêtres étonnés de reproches sur leur avarice et leur hypocrisie, et leur ordonna de quitter sa maison. Ils sortirent la rage dans le cœur, mais ce fut pour revenir avec le pouvoir inquisitorial, ses mandats et ses officiers… Ils ne trouvèrent plus que le cadavre de celle sur laquelle ils avaient espéré accomplir leur vengeance. On ne tarda pas à découvrir que j’avais partagé l’hérésie de ma mère ; je fus arrachée d’auprès de son corps, et enfermée dans un cloître solitaire où je fus traitée avec une sévérité que l’abbesse m’assura être due autant au dérèglement de ma vie qu’à mes erreurs spirituelles. J’avouai mon mariage, pour justifier la situation où je me trouvais ; et j’implorai le secours de la supérieure pour la communiquer à mon mari. Elle répondit à cette prière par un sourire de mépris, me dit que l’Église m’avait choisi un plus digne époux, et me conseilla de mériter la clémence divine dans l’autre monde, et un traitement plus doux dans celui-ci, en me préparant à prendre le voile. Afin de me convaincre que je n’avais pas d’autre ressource, elle me montra un ordre du roi, qui hypothéquait toute ma fortune sur le couvent de Sainte-Madeleine, et lui en assurait la propriété à ma mort, ou lorsque je prononcerais mes vœux. Comme mes principes religieux et l’attachement que je portais à mon mari se réunissaient pour me faire rejeter le voile, je crois (puisse le ciel me pardonner si je l’accuse injustement !) que l’abbesse désirait s’assurer de mes dépouilles en hâtant ma fin.

« C’était un chétif et misérable couvent situé au milieu des montagnes de Guadarrana. Quelques-unes des sœurs étaient les filles d’hidalgos du voisinage, aussi pauvres que fiers et ignorants ; d’autres étaient des femmes qu’on y avait enfermées à cause de leur mauvaise conduite. La supérieure elle-même appartenait à une grande famille à laquelle elle devait sa dignité d’abbesse, mais on disait qu’elle avait déshonoré ses parents par les désordres de sa jeunesse. Et maintenant, dans son âge avancé, l’avarice et l’amour du pouvoir, réunis à un esprit de sévérité et de cruauté, avaient succédé à la soif des plaisirs licencieux… Je souffris beaucoup avec cette femme, et à présent encore, son grand œil noir et terne, sa haute taille, son maintien sévère et ses traits rigides et durs, me poursuivent souvent dans mon sommeil.

« Je n’étais pas destinée à être mère. Je fus très-malade, et mon rétablissement fut long et douteux. Les plus violents remèdes me furent donnés, si toutefois ce furent des remèdes. La santé me fut rendue, contre mon attente et celle de tout ce qui m’entourait ; mais quand je vis, pour la première fois, mon visage réfléchi dans une glace, je crus voir celui d’un spectre. J’avais été habituée à entendre louer à tout le monde et surtout à mon mari la beauté de mon teint : il avait entièrement perdu son coloris, et ce qu’il y a de plus extraordinaire, ce coloris ne revint jamais. J’ai remarqué que le petit nombre de personnes qui m’aperçoivent me regardent comme un fantôme… Tel fut l’effet du traitement qu’on me fit subir. Puisse Dieu pardonner à ceux qui en furent les agents ! Je remercie le ciel de pouvoir former ce vœu avec autant de sincérité qu’il y en a dans ceux que je lui adresse pour obtenir le pardon de mes fautes… On se radoucit alors un peu à mon égard, touché de compassion peut-être par mon aspect extraordinaire, qui portait le témoignage de mes souffrances, ou craignant que cette affaire n’attirât l’attention de l’évêque qui devait visiter prochainement le couvent. Un jour que je me promenais dans le jardin du monastère, comme on me l’avait permis depuis peu, un misérable vieil esclave maure, qui cultivait ce petit coin de terre, murmura ces mots lorsque je passai près de lui, mais sans cesser de tenir sa figure ridée et sa taille décrépite courbées vers la terre… « Il y a des pensées[1] près de la poterne. »

« J’entendais un peu le langage des fleurs, autrefois portée une grande perfection parmi les Maures d’Espagne ; mais quand je l’aurais ignoré, un captif devine aisément un mot qui lui promet la liberté. Avec tout l’empressement que permettait la plus grande circonspection, car je pouvais être remarquée des croisées par l’abbesse ou quelques-unes des sœurs, je me hâtai de me rendre à la poterne. Elle était exactement fermée comme à l’ordinaire ; mais ayant toussé légèrement, on me répondit de l’autre côté. Grand Dieu ! c’était la voix de mon époux que j’entendais ! il dit : « Ne perdez pas une minute de plus dans ce lieu maintenant, mais revenez-y quand la cloche aura sonné les vêpres. »

« Je me retirai dans l’extase de la joie. On ne me permettait pas d’assister aux vêpres ; mais j’étais ordinairement renfermée dans ma cellule pendant que les religieuses étaient au chœur. Depuis mon rétablissement elles avaient cessé d’en fermer la porte ; et quoiqu’on m’eût menacée des châtiments les plus sévères si j’osais la quitter… que m’importaient les châtiments ?… le dernier son de la cloche des vêpres n’eut pas plutôt cessé de résonner, que je me glissai hors de ma chambre, et gagnai le jardin sans être aperçue ; je précipitai mes pas vers la poterne ; je la vis avec transport s’ouvrir au même instant, et mon mari me reçut dans ses bras. Il avait avec lui un cavalier d’une noble tournure ; tous deux étaient masqués et armés. Les chevaux, dont un avait une selle pour mon usage, étaient dans un bois taillis tout près, avec deux hommes à cheval et masqués, qui paraissaient être des domestiques. En moins de deux minutes nous fûmes montés, et fîmes la plus grande diligence, quoique nous fussions au milieu de routes raboteuses et détournées, dans lesquelles un des domestiques nous servait de guide.

« La précipitation de notre course et l’agitation du moment me firent garder le silence et m’empêchèrent d’exprimer ma surprise et ma joie autrement que par quelques exclamations entrecoupées. Ces mêmes circonstances expliquaient aussi le silence de mon mari. À la fin nous nous arrêtâmes devant une cabane solitaire : les cavaliers mirent pied à terre, et ce ne fut pas M… M… mon mari, voulais-je dire, qui m’aida à descendre de cheval, paraissant s’occuper du sien, mais l’étranger qui l’accompagnait.

« Entrez dans cette cabane, me dit mon mari ; changez-y de vêtements avec promptitude… vous y trouverez quelqu’un pour vous aider… On repartira aussitôt que vous serez habillée.

« J’entrai dans la cabane où je fus reçue par la fidèle Monna Paula, qui attendait mon arrivée depuis plusieurs heures, et qui était presque folle de crainte et d’inquiétude. Avec son aide j’eus bientôt arraché les vêtements détestés du couvent et pris en échange un costume d’amazone fait à la mode anglaise ; Monna Paula portait le même costume. Je finissais à peine de revêtir le mien quand nous fûmes pressées de remonter à cheval : ma fidèle suivante prit la monture qu’on lui avait destinée, et nous continuâmes notre route. En chemin, mon habit de religieuse, qui avait été ramassé à la hâte, fut jeté dans un lac que nous côtoyâmes quelque temps. Les deux cavaliers étaient devant, ma suivante et moi nous venions ensuite, et les deux domestiques terminaient la cavalcade. Pendant que nous voyagions, Monna Paula me supplia à plusieurs reprises de garder le silence, notre vie en dépendait. Je me résignai facilement à jouer un rôle passif, car cette première effervescence de joie qui avait accompagné ma délivrance et ma réunion à mon époux s’étant calmée, je me sentais étourdie du mouvement rapide de la marche, et j’avais besoin de tous mes efforts pour me tenir en selle, quand tout à coup à travers l’obscurité nous aperçûmes une vive lumière devant nous.

« Mon mari arrêta son cheval et siffla doucement à deux fois différentes, signal auquel on répondit dans le lointain. Notre petite troupe s’arrêta sous les branches d’un large liège, et mon mari, s’approchant de moi, me dit d’une voix dont le ton embarrassé me parut alors être causé par son inquiétude pour ma sûreté : « Il faut que nous nous séparions ici. Ceux à qui je vais vous confier sont des contrebandiers qui ne vous connaissent que pour une Anglaise, et qui, pour une récompense considérable, ont entrepris de vous escorter à travers les défilés des Pyrénées jusqu’à Saint-Jean-de-Luz. — Et ne venez-vous pas avec nous ? » m’écriai-je avec véhémence, quoiqu’à voix basse.

« C’est impossible, me dit-il ; cela nous perdrait tous… Faites attention à parler anglais devant ces gens et à ne pas laisser apercevoir que vous entendez l’espagnol… Votre vie en dépend… car, quoiqu’ils vivent en opposition avec les lois de l’Espagne, ils trembleraient à la seule idée d’outrager l’Église… Je les vois venir… Adieu… adieu… »

« Ces derniers mots furent prononcés à la hâte… J’essayai de le retenir encore un moment en saisissant son manteau de ma faible main.

« Vous me rejoindrez, j’espère, à Saint-Jean-de-Luz ? — Oui, oui, » répondit-il à la hâte ; « vous trouverez votre protecteur à Saint-Jean-de-Luz.

« Il dégagea son manteau de mes mains en parlant ainsi, et disparut dans l’obscurité… Son compagnon s’approcha, me baisa la main, ce à quoi je fis à peine attention dans l’angoisse du moment, et suivit mon mari accompagné d’un des deux domestiques.

Ici les larmes d’Hermione coulèrent si abondamment que son récit parut devoir en être interrompu. Elle le reprit en adressant une espèce d’excuse à Marguerite.

« Chaque circonstance, dit-elle, de ces derniers moments où je goûtais un bonheur illusoire est profondément gravée dans mon souvenir, tandis qu’à compter de cette époque le passé ne s’offre plus à ma mémoire qu’aussi aride ou dépouillé de variété et d’intérêt que les stériles déserts de l’Arabie ; mais je ne dois pas pour cela, ma chère Marguerite, dans l’agitation où vous jettent vos propres inquiétudes, vous fatiguer des vains détails de mes inutiles souvenirs. »

Les yeux de Marguerite étaient pleins de larmes ; et cependant il ne faut pas la blâmer sévèrement, si, tandis qu’elle pressait vivement sa bienfaitrice de continuer son récit, ses yeux se tournaient involontairement vers la porte, comme pour accuser Monna Paula de lenteur.

Lady Hermione vit et excusa ces diverses émotions contradictoires ; elle-même sentait le besoin d’indulgence. En se livrant avec trop de complaisance à l’épanchement de ses sentiments, et en détaillant trop minutieusement son récit, elle laissait assez voir qu’elle oubliait la situation de la jeune fille qui l’écoutait ; lady Hermione aurait dû penser que Marguerite était préoccupée d’intérêts plus personnels.

« Je vous ai dit, je crois, qu’un seul des deux domestiques avait suivi le cavalier, » reprit lady Hermione en continuant son histoire. « L’autre était resté avec nous dans le but, à ce qu’il me sembla, de nous faire connaître à deux personnes, que le signal de M…, je veux dire de mon mari, avait amenées près de nous. Il y eut quelques paroles d’explication entre elles et le domestique, dans un patois que je n’entendais pas, et l’un des étrangers prenant mon cheval par la bride, tandis que l’autre conduisait celui de Paula, ils nous menèrent vers la lumière qui, comme je l’ai déjà dit, avait été le signal de notre halte. Je touchai la main de Monna Paula, et je m’aperçus qu’elle tremblait beaucoup ; ce qui me surprit, lui connaissant un caractère aussi ferme et aussi hardi que celui d’un homme.

« Quand nous approchâmes du feu, l’aspect des figures égyptiennes qui l’entouraient, leur teint noir, leurs larges chapeaux, les pistolets et les poignards dont leur ceinture était garnie, enfin tout cet appareil d’une vie de vagabondage et de dangers, dans tout autre moment m’aurait remplie de terreur. Mais alors je n’éprouvais que la douleur de me voir séparée de mon mari au moment de ma délivrance. Les femmes de la troupe, car il y en avait quatre ou cinq parmi ces marchands contrebandiers, nous reçurent avec une sorte de politesse grossière. Elles ne différaient pas beaucoup, pour le costume et les manières, des hommes auxquels elles étaient associées. Elles étaient presque aussi entreprenantes et aussi hardies, portaient des armes comme eux, et comme les circonstances nous l’apprirent ensuite, n’avaient guère moins qu’eux l’habitude de s’en servir.

Il était impossible de ne pas avoir peur de ces gens, dont les mœurs ont une espèce de férocité sauvage. Cependant ils ne nous donnèrent pas de motifs de nous plaindre d’eux, mais nous traitèrent, dans toutes les circonstances, avec une espèce de civilité rustique, s’accommodant à nos besoins et à notre faiblesse pendant la route, tout en murmurant entre eux contre notre mollesse, semblables à quelque voiturier, qui, chargé de marchandises précieuses et fragiles, prend toutes les précautions possibles pour qu’il ne leur arrive rien, tout en maudissant les peines et les soins extraordinaires qu’elles lui causent. Une ou deux fois seulement, ils éprouvèrent quelque contre-temps relativement à leur trafic de contrebande, et dans une occasion surtout, où ils perdirent des marchandises dans une rencontre avec des officiers de la douane espagnole, et se virent poursuivis par la force armée, leurs murmures prirent un caractère plus alarmant pour les oreilles effrayées de ma compagne et de moi-même, qui, sans oser paraître les comprendre, les entendions maudire les insulaires hérétiques qui étaient cause que Dieu, saint Jacques et Notre-Dame-du-Pilier avaient frustré leur espoir de profit. Ce sont là des souvenirs terribles, Marguerite. — Pourquoi donc alors, très-chère dame, vous appesantir là-dessus ? répondit Marguerite. — C’est seulement, reprit lady Hermione, parce que, semblable au criminel prêt à monter sur l’échafaud, je voudrais différer autant que possible le moment qui doit amener l’inévitable catastrophe. Oui, ma chère Marguerite, je m’arrête et m’appesantis sur les événements de ce voyage, quoique marqué par tant de fatigues et de dangers. Notre route, il est vrai, traversait les déserts les plus incultes, les montagnes les plus sauvages. Nos compagnons, hommes et femmes, étaient des gens féroces et sans frein, et qui se trouvaient exposés aux plus terribles représailles de la part de ceux avec lesquels ils se battaient constamment. Eh bien ! plût au ciel qu’en m’appesantissant sur les événements de ce dangereux voyage, je pusse éviter de vous dire quel est celui qui m’attendait à Saint-Jean-de-Luz ! — Mais vous y arrivâtes sans accident ? dit Marguerite. — Oui, mon enfant, reprit lady Hermione ; et je fus menée par le chef de cette troupe de contrebandiers dans la maison qui avait été désignée pour nous recevoir, avec la scrupuleuse exactitude qu’il mettait à consigner une balle de marchandises de contrebande à son correspondant. On me dit qu’un monsieur m’attendait depuis deux jours ; je me précipitai dans l’appartement, et, lorsque je croyais embrasser mon mari, je me trouvai dans les bras de son ami. — Le monstre ! » s’écria Marguerite dont l’anxiété avait été suspendue par le récit de la dame.

« Oui, » reprit Hermione avec calme, quoique sa voix tremblât un peu, « c’est le nom qui lui convient le mieux… Lui, Marguerite, lui pour qui j’avais tout sacrifié ; lui dont l’amour et le souvenir m’étaient plus chers que ma liberté, lorsque j’étais captive dans un couvent ; plus précieux que ma vie au milieu des dangers d’un voyage périlleux ; il avait pris des mesures pour se défaire de moi, et me passer, comme une vile prostituée, à un ami libertin. D’abord l’étranger ne fit que rire de mon désespoir et de mes larmes : il les prit pour l’explosion de la colère d’une femme galante qui se voit trompée, ou pour les artifices d’une adroite courtisane. Il se moqua de m’entendre invoquer mon mariage, en m’assurant qu’il savait que c’était une pure comédie que j’avais demandée, et à laquelle son ami s’était soumis pour ménager un reste de scrupule ; enfin il m’exprima sa surprise que je pusse considérer autrement une cérémonie qui ne pouvait avoir de validité ni en Espagne ni en Angleterre ; il m’offrit même, d’une manière insultante, de dissiper mes scrupules en renouvelant cette formalité avec lui. Les cris de mon désespoir amenèrent Monna Paula ; elle n’était pas loin, à la vérité, car elle s’était attendue à pareille scène. — Bon Dieu ! s’écria Marguerite, était-elle dans le complot de votre lâche époux ? — Non, répondit Hermione ; ne lui faites pas cette injustice. Ce fut elle qui, par la persévérance de ses recherches, découvrit le couvent qui me servait de prison ; ce fut elle qui en donna la nouvelle à mon époux, et qui remarqua, dès ce moment même, qu’elle semblait intéresser son ami beaucoup plus que lui ; elle commença dès lors à soupçonner que le projet du perfide était de m’abandonner. Pendant le voyage, ses soupçons furent confirmés. Elle l’avait entendu faire remarquer à son compagnon, avec une froide et amère raillerie, le changement que ma prison et ma maladie avaient apporté dans mon teint, et elle avait entendu la réponse de l’autre, qu’il était facile de remédier à cet inconvénient par une légère teinte de rouge d’Espagne. Cette circonstance et d’autres qui s’y joignirent l’ayant préparée à une trahison, Monna Paula entra, se possédant parfaitement, et prête à me prêter tout son appui. Ses représentations calmes et raisonnées firent plus d’effet sur l’étranger que les expressions de mon désespoir ; s’il ne crut pas entièrement à notre histoire, du moins il se conduisit en homme d’honneur, qui ne veut pas profiter de l’abandon où se trouvent deux malheureuses, quel que soit leur caractère. Il cessa donc de nous persécuter par sa présence ; et non seulement il fit connaître à Monna Paula de quelle manière nous devions nous rendre à Paris, mais même il nous fournit l’argent nécessaire aux frais du voyage. Arrivée dans cette capitale, j’écrivis à maître Heriot, le fidèle correspondant de mon père ; à la réception de ma lettre, il partit pour Paris, et… Mais voici Monna Paula, avec la somme que vous désirez. Prenez-la, ma chère enfant ; servez ce jeune homme puisque vous le voulez : mais, ô Marguerite, n’en attendez aucune reconnaissance. »

Lady Hermione prit le sac d’or des mains de sa suivante, et le remit à sa jeune amie. Celle-ci se jeta dans ses bras, baisa tendrement ses joues pâles, humides encore des larmes dont les avait baignées le souvenir de tous ses malheurs ; puis, se levant brusquement et essuyant elle-même ses yeux mouillés de pleurs, elle sortit de l’appartement d’un pas ferme et rapide.



  1. Heart’s ease (pensée) signifie littéralement joies du cœur, mais c’est le nom anglais de la fleur de pensée. a. m.