Les Quatre Vents de l’esprit/Manuscrit/Notes explicatives

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I. NOTES EXPLICATIVES.

Je vis les quatre vents passer…

À la seconde division, au milieu du feuillet, les quatre premiers vers ont été biffés, reproduits plus haut et suivis de douze vers.

Pas d’année indiquée à la fin de cette seconde division, mais le papier, l’encre et l’écriture étant de tous points semblables à la première division datée de 1870, nous en concluons que la seconde partie a été écrite à deux jours d’intervalle.


LE LIVRE SATIRIQUE. — LE SIÈCLE.

La satire à présent, chant où se mêle un cri…

Après les dix premiers vers, le second paragraphe commençait ainsi :

Mais ce siècle est sévère, un sort fatal ramène[1]
Le lourd pas de la nuit sur la triste âme humaine.

(Voir p. 17.)

Le premier de ces deux vers est biffé et le développement intercalaire est écrit en marge.


Voix dans le grenier.

En marge, et comme jetée en note, cette indication qui pourrait faire supposer que ce dialogue était primitivement un fragment de comédie :

M. Gastraffe, usurier.
Grabat, poëte.


Le Soutien des empires.

Sans titre, cette pièce semble écrite pendant l’exil.

En marge neuf vers biffés, dont quelques mots sont illisibles. Nous avons retrouvé, sur un bout de papier isolé, des vers rétablissant le texte biffé dans le manuscrit. Nous les transcrivons ici avec les variantes découvertes sous les ratures :

ÉPÎTRES.
Cet Orgon fut Léandre
Cet Orgon fut Clitandre … — Hélas !
Cet Orgon fut don Juan. — Déclin ! métamorphose !
Chute ! à l’air libertin
Chute ! à l’air conquérant succède l’air benêt.

Que voulez-vous ? la vie est ainsi. Jeune, on est

Pilier d’estaminet
Pilier de tabagie, et vieux, pilier d’église.
Au besoin, comme un chantre il souffle et vocalise.
À la messe, ténor tardif, il vocalise.

Il bourdonne le psaume, il braille l’oremus,

Il ajoute au plain-chant des grondements
Il ajoute au plain-chant des gloussements émus,

Tel est l’homme. En gagnant de l’âge il perd la joie.
Aussi bête et plus laid. Le paon se change en oie.


À un homme fini.

Le titre, les ajoutés et les corrections sont de beaucoup postérieurs à la poésie. Après les quatre premiers vers venaient les quatre qui terminent actuellement la pièce ; plus tard Victor Hugo les a biffés pour les récrire, en les développant, au bas du manuscrit.


Anima vilis.

Sous le béquet collé en tête, nous découvrons que le premier début était :

Ah çà ! tu perds ton temps et ta peine, grimaud !

En remaniant le commencement, Victor Hugo a ajouté dix-huit vers.

Le compte des vers est arrêté : 68-74. Pas de date indiquée, mais le manuscrit est semblable comme écriture, format et couleur, à celui intitulé : À un écrivain, daté 24 juillet 1859.


Le Mont-aux-Pendus.

Au bas du feuillet cette mention :

Pour remplacer la pièce contre la chasse.

Cette pièce contre la chasse a été biffée sur les épreuves des Quatre vents de l’Esprit. Elle a été publiée dans : Dernière gerbe sous le titre : Le droit de l’animal.

Écriture et papier datent du retour en France.


Le Bout de l’oreille.

Deux débuts. Voici le premier, en tête de la seconde page :

J’ai ri d’abord. J’étais dans mon champ plein de roses.
J’errais, âme attentive au clair obscur des choses.
Les papillons volaient du cytise au myrtil.
Entre un ami.

Victor Hugo a rayé les trois premiers vers et écrit son développement sur un nouveau feuillet placé en tête et sur lequel se trouve le titre avec sa variante :

Les Misérables brûlés en Espagne.

Nous retrouvons, à l’avant-dernier feuillet de la pièce [57][2], sur deux lignes, ces fragments de vers, biffés :

Et nous rions. Et puis je rentre, et je médite.
Ils en sont là !

Puis un blanc ménagé pour la rime à venir et des mots jetés et raturés largement, et l’enchaînement suivant :

— Et puis ? ― Cela suffit. ― Régnons. Âges hideux !
Là le guerrier, ici le pontife ; et leurs suites…

Cela prouve que Victor Hugo, en relisant, a ajouté trois feuillets intercalaires importants.

En regard du vers :

Huss brûlé par Martin, l’aigle tué par l’âne.

cette mention en marge, entre parenthèses :

(Martin V, cardinal Othon Colonna, très influent au concile de Constance, qui le fit pape.)

Pas d’année indiquée pour ce manuscrit ; il date évidemment du retour de Victor Hugo à Paris.


L’Échafaud.

Le titre, tracé au crayon bleu, est à moitié effacé ; sur le premier feuillet, ces mots à peine lisibles en marge et au crayon bleu :

Socialisme, Avenir. — Vie immense.

Au bas du feuillet suivant, quelques notes jetées au crayon :

Loin de moi, semblants de justice de l’ombre,

Illusions de l’horreur, rêves, mirages de la vision.

Le manuscrit de cette pièce se compose de dix feuillets [61 à 70]. Or nous retrouvons aux deuxième et sixième feuillets les mêmes vers biffés, déjà lus au premier feuillet.

S’agit-il de tuer ? ô peuple, il s’agit d’être.

Ceci nous porte à croire que quatre feuillets ont été ajoutés.

Sur la marge du feuillet 66, nous lisons des notes, vers et prose, tracées un peu dans tous les sens et raturées ; nous en reproduirons quelques-unes :

Votre justice est sphinx comme votre destin.
Au nom de votre fatalité ténébreuse pleine d’astres et de cloaques.
Réponse aux masques.
Votre justice est trouble.

Au verso, une phrase illisible.

Au feuillet suivant [67], un vers biffé :

Nous sommes trop saignants, trop souffrants, trop funèbres.

En marge et en regard de cette rature l’idée est développée dans cinq vers commençant par :

Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.

(Voir p. 49.)

Au bas de l’énumération des hideux aspects de la guillotine, ces annotations au crayon :

Non, nous ne voulons pas, nous autres, de cela.

Non, nous ne voulons pas de cela, nous autres.
C’était bon pour les rois, bon pour le passé.

Le dernier feuillet, sur papier blanc, semble plus récent que les autres. La fin primitive était donc :

La familiarité des fauves populaces !

(Voir p. 51.)


Cent mille hommes, criblés d’obus et de mitraille…

Ce manuscrit est de même format, de même papier et de même écriture que celui de : À un homme fini, daté d’août 1849. Et pourtant nous lisons au bas : 24 mars 1870.

Le 15 septembre 1848, Victor Hugo avait prononcé, à l’Assemblée législative, un discours contre la peine de mort[3] ; dans l’été de 1849 avait lieu l’expédition de Rome où Garibaldi lutta pour l’indépendance de l’Italie ; Victor Hugo, en écrivant ces vers a donc été inspiré à la fois par les événements et par son horreur de la peine de mort. Plus tard, après avoir lu un discours prononcé par Jules Simon en 1870 au Corps législatif, le poète se souvint de la poésie écrite en 1849, à laquelle les débats parlementaires donnaient un regain d’actualité, et, pour remercier l’orateur, il lui envoya et lui dédia cette pièce ; c’est ce qui explique pourquoi, en tête et à la fin de ce manuscrit ancien, nous lisons, de l’écriture de 1870, la dédicace : À Jules Simon[4], les deux derniers vers ajoutés et enfin la date.

Sur la copie, faite par Victor Hugo, et adressée à Jules Simon en 1870, se trouvent ces lignes :

Hauteville House. — 24 mars 1870.
(Après avoir lu vos belles paroles du 21 mars contre la peine de mort.)


La hache ? Non. Jamais. Je n’en veux pour personne…

Quatre feuillets [76 à 79]. Le premier débute par deux vers rayés qui semblent être la continuation d’une autre pièce :

Et qui porte en son sein, qu’un ventre appesantit,
Lorsqu’un juste troublé par l’injuste appétit…

Comme on le voit, le développement de l’idée n’est pas achevé.

Au feuillet suivant, nous lisons ce titre, supprimé depuis : le philosophe ; nous avons donc devant les yeux le début primitif, et, particularité curieuse, ce début se composait des quatre vers biffés qui terminent actuellement la pièce :

Oui, peuple, le penseur est le témoin sévère ;
Si Jésus s’envolait féroce du Calvaire,
Et tâchait à son tour de mettre en croix
Et venait à son tour crucifier Satan,
Il dirait à Jésus : Tu n’es pas Dieu. Va-t’en !

Comme suite à ces quatre vers nous trouvons en marge les vers publiés page 54, mais avec une variante que nous reproduisons ici parce qu’elle ne se comprend que précédée des quatre vers mentionnés plus haut :

Devant les deuils, devant les
Le penseur juge a froid
Le penseur n’absout point les grands forfaits lyriques…

Au bas de ce feuillet, écrit au crayon, un vers entre deux points d’interrogation :

? Non, non, quoi que ce soit qui ressemble à la haine. ?

Ce vers est le premier de la pièce finale. (voir p. 401.)

Au feuillet 79, les derniers vers sont écrits sur des notes prises au crayon bleu et très effacées :

D’ailleurs, cette foule, est-ce qu’elle n’a pas ri sur le passage de Jésus, devant la ciguë de Socrate et le bûcher de Savonarole, de Bruno, de Huss, de Jeanne d’Arc ? est-ce qu’elle n’a pas craché à la face fracassée de Robespierre, est-ce qu’elle n’a pas applaudi la tête de Danton tombant dans le panier ?


C’est à coups de canon qu’on rend le peuple heureux…

Fragment de manuscrit coupé au ras du premier vers et collé sur une grande feuille de papier de fil. L’écriture semble être de la fin de l’exil.


Écrit après la visite d’un bagne.

Deux feuillets, l’un blanc et l’autre bleu, écrits à sept jours de distance. En marge du vers :

Quatrevingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne

on lit cette annotation biffée : Chiffre des statistiques officielles.

Plusieurs ratures.


Le spectre que parfois je rencontre, riait…

Fragment détaché probablement d’une autre pièce, puisque, au haut du premier feuillet, nous voyons une astérisque. Les sept premiers vers sont ajoutés en marge et constituent un début à ce fragment. Au troisième feuillet, grand ajouté de vingt-quatre vers.


Les Bonzes.

Quatre feuillets [98 à 101] pour ce manuscrit qui devait primitivement n’en comporter que deux.

Voici le premier début que nous trouvons au deuxième feuillet [99] :

Que je prenne un moment de repos ? impossible ;
Vous êtes là, Talmud, Avesta, Koran, Bible,
Ceci qui hait, ceci qui mord, ceci qui ment
Baal
Caïphe, Arbuez, Calvin, quel noir fourmillement !
Les princes des démons
Les princes de la nuit et les princes des prêtres !
Synoda, Sanhédrins, vils muphtis, bonzes traîtres…

À ce même feuillet, douze vers en marge, ajoutés après la rature de ces deux vers ;

Ô reptiles, rôdeurs
Ô reptiles, marcheurs tortueux, vos allures
Se perdent sous les plis sinistres des linceuls.

(Voir p. 68.)

Au feuillet suivant [100], toute la marge est remplie ; la fin, biffée plus tard, est datée juillet 1874 (le quantième est illisible). En relisant, Victor Hugo a biffé son premier début, reproduit plus haut, et l’a recopié en le développant sur un nouveau feuillet placé en tête [98] ; il a raturé la fin et la date et a ajouté un dernier feuillet [101] débutant par :

Vous êtes ce qui hait, ce qui mord, ce qui ment.

et daté définitivement 26 juillet 1874.


Et les voilà mentant, inventant, misérables !…

Nous ne possédons de ce manuscrit qu’un feuillet, contenant les vingt-deux premiers vers, le reste manque ; la date devant se trouver au dernier feuillet, nous n’avons, comme indication, que l’écriture, qui semble être de 1872 à 1875.


Muse, un nommé Ségur, évêque, m’est hostile…

Huit feuillets [108 à 115]. Au troisième, des vers jetés, rayés et utilisés, forment un encadrement. Le feuillet suivant [111] est très curieux ; après avoir donné les raisons que Ségur avait de le peindre sous des couleurs horribles, Victor Hugo dit qu’il faut être indulgent :

Et qu’au lieu de l’aigrir ce spectacle l’apaise ;

Viennent alors seize vers en partie inédits, biffés :

Prenons notre parti du monde tel qu’il est.
N’ayant plus le bûcher, le prêtre
N’ayant plus le bûcher, l’évêque a le sifflet ;
Il ne peut plus vous mettre aux reins la camisole
De soufre et de bitume, hélas ! il se console
De ne plus vous brûler en vous calomniant.
Notre excès de lumière a l’inconvénient
De gêner sur ce point la liberté du culte ;
Le prêtre avait la fourche, il n’a plus que l’insulte.
Ce monde est un chaos
Ce monde est un fouillis de bizarres ressorts ;
Plaignons-le. Comprenons l’église et ses ressorts ;
Être un gredin n’est pas un signe distinctif
Ce sont les sots nombreux qui font les méchants forts.
Être un cuistre est commun.
Les choses sont ainsi. Plus d’un âne à la foire
S’appelle Pontmartin, et plus d’une âme est noire.
Soyons cléments.
Résignons-nous. Laissons Veuillot se réjouir
D’être Veuillot ; laissons l’huître s’épanouir
Dans son écaille ainsi que Vénus dans sa conque,
Et ne nous [troublons]
Et ne nous fâchons pas pour un Ségur quelconque.
Ainsi soit-il !

Le manuscrit n’indique pas d’année, mais l’écriture ressemble assez à celle de 1870-1872. D’autre part, la Correspondance nous révèle l’origine de cette pièce datée octobre et par surcharge novembre. M. de Ségur avait couvert d’injures l’infâme livre des Misérables et son auteur ; ces lignes avaient été communiquées à Victor Hugo en septembre 1872, il avait répliqué immédiatement par une lettre, publiée depuis dans la Correspondance, et peu de temps après il avait écrit ces vers que nous daterons novembre 1872. (Voir p. 449, le fragment isolé.)


Idolâtries et Philosophies.

Pas de date. Le manuscrit est conforme à ceux de Chanson d’aujourd’hui (V) et de La Révolution, datés tous deux de 1857.

Bien plus tard, Victor Hugo a remanié cette pièce et lui a donné un titre ; le deuxième feuillet [118] se rapproche beaucoup de l’écriture de la pièce précédente (Muse, un nommé Ségur…) que nous venons, par les faits, de dater 1872, et pourrait bien avoir été écrit tout entier vers cette époque.

Après les quatorze premiers vers, venait celui-ci :

Temple ! atelier ! tombeau ! pas de cycle ni d’âge !

On voit que douze vers avaient été supprimés.


Le vieil esprit de nuit, d’ignorance et de haine…

Au coin de cette pièce, la mention : boîte aux lettres, mention qui se retrouve d’ailleurs sur bon nombre de feuilles volantes dans un dossier qui porte ce titre. Pas de date.


Parfois c’est un devoir de féconder l’horreur…

La note écrite dans un coin : les colères justes, indique que cette pièce, sorte de préface, était destinée à un recueil qui devait faire suite aux Châtiments, et pour lequel Victor Hugo hésitait entre ces deux titres :

LES COLÈRES JUSTES.
NOUVEAUX CHÂTIMENTS.

Pas de date ; le papier et l’écriture se rapprochent de 1875.


C’est bien ; puisqu’au sénat, puisqu’à la pourriture…

Cette pièce n’est pas datée dans l’édition originale ; pourtant le manuscrit porte une date nette, nous l’avons reproduite (voir p. 81). Ce ne pouvait être au Sénat de 1875 que Victor Hugo faisait allusion, il s’indignait qu’on pût tendre « la main à l’argent de César » ; le poète, cette fois encore, s’était reporté de quelques années en arrière en écrivant ces vers, et si le sénateur dont il est question n’y était pas nommé, le portrait était si fidèle que ses collègues de l’Empire auraient pu l’y reconnaître.


Il faut agir, il faut marcher, il faut vouloir…

Papier et écriture contemporains du livre épique, 1857 ou 1858.


Oui, vous avez raison, je suis un imbécile…

Au deuxième feuillet, une annotation de Victor Hugo indiquant que l’ordre ne régnait pas toujours dans ses manuscrits :

Retrouver la première page.


Puisque je suis étrange au milieu de la ville…

Pas de date ; mais le manuscrit ne serait pas là pour attester que cette pièce a été écrite après la Commune, les vers mêmes suffiraient à la dater.

Deux feuilles de papier à lettre, ouvertes et remplies dans leur largeur.


Dieu éclaboussé par Zoïle.

Ce manuscrit, de papiers différents et composé de divers fragments, avait pourtant une destination unique et devait primitivement faire partie du poème : dieu, ou d’une comédie, inachevée, intitulée : Le Spleen ; en tête, sous les divers titres proposes, cette mention entre parenthèses : (pour Dieu ou pour le Spleen). De nombreux remaniements et des ratures fréquentes dans ces sept feuillets [153 à 159] ; prenons-les chacun séparément.

Au premier [153], vingt-deux vers en marge, divisés en trois ajoutés ; le seizième vers :

Son vieux fou d’ouragan n’a qu’une seule note

s’enchaînait, après un blanc ménagé pour les deux rimes masculines, à ces autres :

Je déclare ton dieu fini. Vois !
Je déclare ton dieu fini. Vois ! Monotone,
Quand, zéphyr, il roucoule, et quand, tempête, il tonne,
Rajustant l’ancien cadre aux anciens horizons,
Il n’a que quatre vents et que quatre saisons.

Victor Hugo a biffé ces quatre derniers vers et les a reportés au feuillet suivant [154], après avoir ajouté 42 vers. À ce feuillet, nous lisons déjà, en marge et biffé, tout le passage, contenant quelques variantes (voir p. 452), recopié trois feuillets plus loin [157] :

Dieu ne fait de l’effet qu’en forçant les contrastes.

De même, toujours dans ce second feuillet [154], au vers :

Lui n’a pas encor pu remettre à neuf un astre !

succédaient, après un intervalle pour les rimes masculines, tout de suite ceux-ci :

Dans Ève et dans Vénus cueillantDans l’homme,
Dans Ève et dans Vénus cueillant la même pomme,
Dans son éclair qui n’est que du rayon cassé,

Dans les orangs-outangs autrefois troglodytes,
Dans le matin pareil au soir, que de redites !

Ces vers sont repris et développés au bas de ce même feuillet et dans le suivant.

Le quatrième feuillet [156] est bleu et, étant plus petit de format, est collé sur un papier blanc égal aux autres ; il porte en haut le chiffre 2, et a dû être joint après coup à la pièce.

Deux ajoutés au feuillet suivant [157]. Nous avons déjà détaillé l’un des deux ; le second ne comprend que six vers.

Le sixième feuillet [158] se compose de deux fragments de papier, l’un bleu, l’autre blanc, collés l’un sous l’autre sur une feuille de format égal au reste du manuscrit ; le dernier feuillet [159], écrit au verso d’un papier adressé à Victor Hugo et portant le timbre de la poste : Guernesey, 25 août 1857, semble pourtant d’une écriture plus récente que les six autres qui, bien que n’étant pas datés, remontent à une époque variant de 1857 à 1860.


Deux voix dans le ciel.

Deux titres, l’un sur une feuille séparée, écrit au moment de la publication, l’autre sur le manuscrit même, avec cette légère variante : deux voix dans le ciel étoilé. Toutes les corrections sont postérieures à 1853. — Au cinquième feuillet [176], un ajouté sur papier blanc collé en marge sur le feuillet bleu.


LE LIVRE DRAMATIQUE. — LA FEMME.


LES DEUX TROUVAILLES DE GALLUS
[Autre titre : Les Comédies de Gallus cherchant.
[Autre titre : Les Comédies de Gallus en quête.]

I. Margarita.

Ce manuscrit, de format égal et de la grosse écriture de 1869, comprend trente-six feuillets paginés alphabétiquement, de A à Z avec quelques bis, puis de A² à I² pour les neuf derniers feuillets et numérotés, dans la pagination définitive du manuscrit, de 184 à 219. Le feuillet D bis est d’une écriture plus récente.

Les Deux trouvailles de Gallus, comme tout le théâtre de Victor Hugo, a subi de nombreux remaniements, inspiré de nombreuses variantes, de là des ratures ou des ajoutés ; nous devons donc suivre et expliquer tout ce travail dans la description du manuscrit ; nous en affaiblirions l’intérêt si nous en détachions les variantes. Il nous semble plus logique de procéder pour le Livre dramatique comme pour les volumes de théâtre, scène par scène.

Nous donnerons, dans le courant de ce livre, des variantes trouvées sur des fragments isolés ; nous les placerons entre crochets pour les distinguer des variantes du manuscrit même.

Sur le feuillet du titre contenant la nomenclature des personnages, on lit, sous la rature, cette ligne ;

Avec cette épigraphe : Escam quærens.

Après la description du burg, cette indication modifiée plus tard : Dix-huitième siècle.


SCÈNE I. — Le duc Gallus, Gunich.

La scène commençait ainsi :

LE DUC GALLUS.

Donc, c’est dans ce taudis qu’habite cette fille ?

Ce début est biffé et les vers précédents sont écrits en marge.

Dans la première définition des fausses jouissances du pouvoir que fait Gallus à son confident, ce passage biffé et développé en marge :

LE DUC GALLUS.

Mais oisif ; fort penaud. Comme on est attrapé ![5]

Dieu nous berne
Dieu nous raille. Il n’est pas d’usurpateur
L’ambitieux pensif, l’usurpateur en herbe
Qui n’ait dit, en rêvant le trône :
Dit en préméditant le trône : C’est superbe !
On est le maître ! On a du bonheur
On est le maître ! On a de l’argent
Être le prince ! avoir des foudres plein les mains !
On passe, regarde par tous les jeux humains
Le prince passe, auguste, admiré des humains,
Au-dessus de la terre on
Au-dessus de la terre, il est dans la comète.

Voici, toujours dans la même scène, un enchaînement de premier jet avec une lacune de deux rimes masculines ; le remaniement a exigé le feuillet D bis. Certains vers, dans ceux que nous allons reproduire, ont été utilisés ; nous les donnons pourtant avec leurs variantes, pour que le lecteur en puisse suivre le premier développement :

Ils appellent cela la majesté. C’est bête !
Après mon coup d’état je rêve un coup de tête
Les coups d’état parfois mènent aux coups de tête
Pour le premier venu la vie est une fête.
Sais-tu ce qui serait mon goût ? Vivre à Paris !
Rome a son carnaval, Stamboul a ses houris,
Mais Paris ! Oui, c’est là qu’il faudrait que je vinsse
Si je veux être un gueux sans cesser d’être un prince.
Jamais comme à Paris les gens d’esprit n’ont pu
Savourer le parfum d’un éden corrompu.
Paris endort les sens et l’âme
Paris gâte la femme et l’homme, et les attaque
Par toute l’oasis
Par tout le paradis que peut faire un cloaque.
J’aime Paris. Je hais la royauté surfaite.

Un peu plus bas, sous une rature, nous découvrons l’âge du « rêve » de Gallus.

Avoir ma Pompadour comme un roi très chrétien,
Je rêve ça ! Vingt ans,
Je prémédite ça ! Mille défauts ! pas veuve,
Et je la cherche aux bois pour l’avoir toute neuve.
Tel est mon idéal. L’ennui, j’en fais l’aveu,
Me ronge, je confie au destin
Me ronge, je confie au bon Dieu mon neveu.
Et moi, de mon côté, je vais dans la nature
Et moi, de mon côté, je vais à l’aventure.
Je suis un cœur errant quêtant sa nourriture.
Quærens quem devoret.
Je m’ennuie, entends-tu.
Vois, je bâille. J’ai faim. Je n’ai rien sous la dent.
Oh ! je quête en tous lieux
Oh ! Je voudrais trouver
Je voudrais rencontrer quelque être indépendant.

Après cet hémistiche dit par Gallus :

Ô forêts, une vierge ! Oui, vierge, j’y consens

venaient ces quatre vers rayés et développés au feuillet suivant :

Voir aboutir au mal les instincts innocents,
Peser dans la vertu ce que l’amour
Peser dans la vertu ce que le diable en ôte,
Assister dans une âme à l’aube de la faute,
Je ne suis pas méchant, mais j’aimerais ce jeu.

Variante du caractère de Gallus qui, dans le texte publié, n’est pas méchant :

GALLUS.

[Les longues cruautés sont pour moi les meilleures.
Un chat qui fait durer une souris trois heures
Me plaît. Et j’aime même à me calomnier.]

Dans la première version, l’exposition était bien plus condensée, et Gallus n’apprenait au public son complot, son caprice et sa découverte, qu’après avoir vu Nella :

GUNICH.

Vous allez vite en besogne. Comment,
Vous n’avez pas encor dit un mot seulement,
À cette jeune fille, et déjà votre altesse
Est en feu ![6]

LE DUC GALLUS.

Est en feu ![00] Chacun suit sa loi ; c’est ma façon,
À moi, de me hâter de perdre la raison.

GUNICH.

Faites.

Il rit.
LE DUC GALLUS.

Faites. D’ailleurs, voyons, suis-je si fou, mon maître ?
Jadis, en lui prenant son trône, j’ai dû mettre,
Quand il était petit, dans ces monts, purs sommets,
Mon prince légitime en sevrage à jamais.
Incognito, tout seul avec toi.
Seul avec toi qui sais mes secrets, sans escorte,
Je viens de temps en temps voir comment il se porte.

GUNICH.

Incognito. Soit.

LE DUC GALLUS.

Incognito. Soit. J’ai, par-dessus le marché,
Le désir innocent de commettre un péché.
Savoir ce que devient mon neveu m’intéresse
Fort peu, mais j’ai ce but : trouver une maîtresse.
L’acclimatation d’une femme des bois
À la cour ! Et je viens ici faire mon choix.
Je veux faire une femme heureuse ; combler d’aise
Une fille sans cœur, sans préjugés, mauvaise,
Charmante, aux grands yeux bleus, gaie et se portant bien.
Avoir ma Pompadour comme un roi très chrétien,
Corrompue, et pourtant innocente, pas veuve :
Je la cherche au désert pour l’avoir toute neuve.
Or je te dis mon plan.
Tel est mon idéal. Nous cherchons, nous trouvons.
D’informes paysans, sicambres, esclavons,
Nous disent qu’une fille est dans ce burg sinistre,
Une belle ! J’accours…
....................

GUNICH.

Carambolage.

LE DUC GALLUS.

Carambolage. Entrons. Mon désastre est flagrant.

Au lieu de ce vers morcelé, un ajoute en marge donne cette variante :

Il me distance. Il tient la belle. Abus flagrant.

Au verso du feuillet 197, quelques vers publiés et ces notes, jetées :

Ce que je veux, c’est la femme, la volupté, le plaisir.

— L’amour, bah ! Mais la beauté, la jouissance, une belle fille, quoi !

Nous apprenons plus loin que Gallus avait vu Nella la veille de sa visite au burg :

LE DUC GALLUS.

Tu penses que je suis inepte. Je te dis
....................
Que j’ai vu cette belle hier quand je passais,
Que je devrais m’enfuir si je réfléchissais,
Qu’il suffit que la belle
Qu’il suffit qu’une femme habite une masure,
Qu’elle est chez elle ici, qu’un taudis fait qu’on rêve

Pour rêver un palais vague, et dont
Pour rêver un palais dont, coquette, elle est sûre
Un palais, et qu’Agnès en Montespan
Un palais, et qu’Agnès en Maintenon
Un palais, et qu’Agnès en Fontanges s’achève,
Qu’elle est pauvre ; qu’elle a des fleurs dans ses cheveux,
Et que c’est pour cela, butor, que je la veux !

GALLUS.

Et j’enrage. Et je vois dans ses mains mon amante…
[Le sort, qui ne veut pas que je sois sans amante,
M’élève au fond de l’ombre une fille charmante,
Celle qu’évidemment je rêve. Elle est pour moi.
Ce George ! profiter de ce qu’il n’est pas roi
Pour se mettre à ma place ici ! quelle canaille !
Il faut donc, s’il vous plaît, qu’à présent je m’en aille !]

Au verso du feuillet 199, quelques vers biffes de la fin de la scène ii.


SCÈNE III. — Le duc Gallus, Nella.

Premier début de la scène, ne comprenant pas la description du logis :

NELLA.

En payant ? Sans payer, oui, monsieur.

LE DUC GALLUS. Il l’admire.

En payant ? Sans payer, oui, monsieur. Bien coiffée,
Quoique sans goût.
Quoiqu’à la diable. — On voit dans les contes de fée,
Mademoiselle, au fond de quelque affreuse tour,
Des reines
Des belles comme vous pour qui meurent d’amour
De galants paladins, parfois un peu bravaches.
— Ah çà ! que faites-vous ici ?

NELLA.

— Ah çà ! que faites-vous ici ? Je trais les vaches.

LE DUC GALLUS.

Traire une vache est beau, mais n’est pas le bonheur.

En regard, la première version de l’inspection du burg, version biffée, puis recopiée et développée au feuillet suivant. Voici le premier texte :

LE DUC GALLUS, lorgnant à la fois l’édifice et la fille.

En payant ? Sans payer, oui, monsieur. Pierre et briques.
Édifice à classer parmi les historiques.

— Vingt ans. De trop grands jeux, et de trop petits pieds.
— Des ancêtres cassés, des saints estropiés.
Le bric-à-brac mêlé de sang et de fougère
Que l’histoire plus tard met sur son étagère ;
Une commission de savants trouverait
Une commission de savants y verrait
À camper dans ce (mot illisible) énormément d’attrait
Tous les siècles moisis ensemble. Énorme attrait.
Des pierres dans le pré, dans les chambres de l’herbe.
Un burg, quoi ! Barberousse et Drusus. C’est superbe.
C’est un fort curieux
C’est un fort vénérable et rare monument
Où l’on doit s’ennuyer épouvantablement.

L’interrogatoire prenait fin assez vite, ainsi qu’en témoigne ce passage biffé et encadré d’un trait de plume :

NELLA.

Il m’embrasse, et l’on va dormir.

LE DUC GALLUS, se levant.

Il m’embrasse, et l’on va dormir. C’est tout ?

NELLA.

Il m’embrasse, et l’on va dormir. C’est tout ? C’est tout.

LE DUC GALLUS.

Je prends la liberté de vous plaindre beaucoup.
Ah çà mais ! Vous devez vous ennuyer beaucoup !

NELLA.

Pourquoi ?

LE DUC GALLUS.

Pourquoi ? Parce que !

Variante séparée se rapportant à l’interrogatoire de Nella :

GALLUS.

[Qu’est-ce qui vous déplaît ?

NELLA.

Qu’est-ce qui vous déplaît ? Je hais la mauvaise herbe.

GALLUS.

Quel est votre plaisir ?

NELLA.

Quel est votre plaisir ? Sarcler.

GALLUS.

Quel est votre plaisir ? Sarcler. Votre désir ?

NELLA.

C’est de voir nos blés croître et nos fruits réussir.

GALLUS.

Et votre ambition ?

NELLA.

Et votre ambition ? Raccommoder mon linge.

GALLUS.

Une brebis ayant de l’esprit comme un singe.]

Au haut du feuillet [209] commençant par :

Ah ! çà ! je n’aime point voir des enterrements.

cette fin indiquée, puis biffée :

NELLA.

Sortez.

LE DUC GALLUS.

Sortez. Elle m’a dit : méchant ! C’est dur.

Sur le même feuillet :

LE DUC GALLUS.

Fuyez, j’apporte ici l’échelle de Latude.
Lieu
Burg sinistre ! Où donc est ton échelle, ô Latude !

Au lieu du vers qui précède venaient ces deux-ci, biffés :

Ce bois est noir. Ce bouge est insolemment
Ce bois est noir Ce bouge est hideusement triste.
Je viens vous annoncer ceci. C’est qu’il existe
Des lieux charmants.

Variante de la fin de la scène iii :

Ah ! je sais distinguer le cœur vrai du cœur fourbe.
L’ange lève le front, le tentateur se courbe ;
Le loup n’est pas le chien fidèle,

Le loup n’est pas le chien fidèle, Le regardant en face.

Le loup n’est pas le chien fidèle, et j’ai, méchant !
Trop vécu dans les bois pour confondre le chant
Du rossignol avec le sifflement du merle.

Au dernier feuillet de la première trouvaille, la date : fini le 4 janvier 1869, et le compte des vers : 646.


II. Esca.

La deuxième trouvaille comprend 66 feuillets, dont 21 pour Lison.


Première partie.Lison.

En tête la date : 4 mars 1869.

En regard des indications scéniques un plan très sommaire du décor.

Après le départ de Harou cette variante dans le monologue de Lison :

Il faut pour cet hymen.............
Les palais pleins de soie et les parcs pleins de mousses
Et que l’œil soit royal
Et que l’œil soit ardent, et que les mains soient douces.
Être bien mise, aimer, c’est là, convenons-en,
Le bonheur. Et je hais le parler paysan.
....................

LE DUC GALLUS, hésitant.

C’est bien prompt. Tutoyer, c’est la main qui se serre.
C’est bien prompt. Tutoyer, c’est prendre dans sa serre.
Mais diantre ! tutoyer, c’est brusquer. C’est du style
La nuit est l’intervalle à peu près nécessaire.
Bien familier. La nuit est l’intervalle utile.

Premier enchaînement de l’explication de Gallus à Lison, remplaçant le texte publié pages 178-179 :

LE DUC GALLUS.

....................
Et même dans les bois je fais brûler de l’ambre.
De là le chant, l’encens, et cætera. Je ris,
Je voyage, je suis un bon garçon, épris
Du divin rameau d’or
Du rameau d’or du songe
Du rameau d’or du rêve où l’oiseau bleu se perche.
L’homme ayant égaré le bonheur, je le cherche.
Comment t’appelles-tu ?

Ces vers, répétés et un peu modifiés au-dessous, sont fort développés en marge dans toute la hauteur du feuillet, sur lequel sont collés en outre quatre vers.

Le compte des vers est inscrit au bas du dernier feuillet : 290, ainsi que la date : 11 mars. Ce petit acte a donc été écrit en sept jours.


Deuxième partie.Zabeth.

Une variante dans la nomenclature des personnages. Le marquis de Rockingham remplaçait le marquis de Cochefilet.


SCÈNE I. — Sillette, Nantais puis Zabeth.

À l’entrée de Zabeth, un passage de la scène, modifié, indique qu’elle avait l’intention de faire chasser le valet.

ZABETH.

Ces filles-là !
Je sors.

Je sors À part.

Je sors Chasser les gens n’empêche pas qu’ils pensent.
Des fleurs. Des diamants.
Un billet

Un billet. Elle prend le billet.

Un billet. Des cadeaux.

Un billet. Des cadeaux. Elle regarde l’écrin avec distraction.

Un billet. Des cadeaux. Que d’or ces fous dépensent !
Je vais pour un costume acheter des rabats.
Vous le direz au duc. — Ma chaise est-elle en bas ?

SILLETTE.

Les porteurs de madame attendent à la porte
Toujours, et sont tout prêts pour que madame sorte.

ZABETH.

Si quelqu’un vient, je vais rentrer.

Si quelqu’un vient, je vais rentrer. À part.

Si quelqu’un vient, je vais rentrer. Ces filles-là !


SCÈNE II. — Le duc Gallus, Gunich.

Beaucoup de remaniements dans cette scène où des feuillets entiers sont aux trois quarts biffés, bien que les vers en aient été utilisés.

Après la chanson fredonnée par Gallus, quelques vers incomplets jetés sans désignation de personnages, puis biffés :

Je travaille à Zabeth avec Satan. Zabeth
Est mon bijou.
La femme est un mystère… Prenez garde !

La femme est un mystère. Et rien ne vous arrête !

La femme est un mystère.

La femme est un mystèreEt l’homme est une bête.

Je sais cela.
....................

GUNICH.

Vous m’avez l’air d’un homme amoureux.

ZABETH.

Vous m’avez l’air d’un homme amoureux. Par exemple !

GUNICH.

On l’adore !

On l’adore ! À part.

On l’adore ! On la hait !
Tout le monde l’adore !
Cette femme ! on l’adore !
Dame ! c’est une idole !

Les six vers qui finissent la scène venaient tout de suite après cette réplique de Gallus :

Et non d’une bêtise. Étant déjà l’amant.
Si j’étais l’amoureux, je serais fou vraiment.

Cet enchaînement nous privait de la trouvaille de Gunich ramassant le sonnet tombé de la poche de Gallus.

Variantes isolées :

GUNICH.

[Homme et prince d’écrit, c’est trop. Je désapprouve
Qu’un homme tel que vous roucoule, et je vous trouve
Un peu jeune.
Imprudent. Un peu plus vous seriez en danger,
Vous le diable et le loup, de passer pour berger.
Si l’on savait cela, vous seriez une altesse
Très compromise aux jeux des belles de Lutèce.
Paris se moquerait de vous. Soyez prudent !

GUNICH.

Sois tranquille. Jamais, hors toi, mon confident,
Nul ne verra mon cœur. Je suis impénétrable.]


SCÈNE III. — Les mêmes, Zabeth, etc.

Indication dans un coin de la page :

L’un son éventail — bouquet — manchon — chien.

Au dos du feuillet contenant le début de la scène iii est collé le brouillon de la chanson avec quelques variantes et un couplet inédit.

Variante du premier couplet :

Les Anglais sont méchants,
L’Autriche, illa lanlaire !
L’eau triche, et n’est pas claire,
Le roi ne sait que faire.
Commère,
Les bœufs aux champs !

Couplet inédit :

La Soubise est légère,
Vulcain, cocu lanlaire,
Était bossu, bergère,
Et Soubise est gibbeux.
Commère,
Aux champs les bœufs !

Couplet ébauché :

Si l’on en croit Voltaire,
Le diable est bon compère,
Le diable veut la guerre
Rome et lui font la paire.

....................
L’ABBÉ.

Que de beau monde ! On a mal parlé du démon.
Ce Bridaine a fort bien tonné. Grands de la terre !
Écoutez ! Puis tout a défilé, Dieu, Voltaire,
La vierge d’Orléans, Raynal, les mécréants…

Ces quatre vers remplaçaient le dialogue entre l’abbé et le vicomte, publié page 208.

Une importante coupure dans le premier texte. Zabeth lisait tout haut le sonnet, que Gallus brûlait. Mais ce sonnet, qui désignait Zabeth sous son premier nom, devait éveiller ses soupçons. Victor Hugo l’a pensé et a modifié en marge ce passage :

L’ABBÉ.

En hiver des fleurs de serre ! Odeur exquise !

ZABETH. Elle lit.

Lise ! —

Lise ! — Elle s’interrompt. À part.

Lise ! — Comment sait-il que je m’appelle Lise ?

LE DUC GALLUS, à part.

Au fait, c’est imprudent, et Gunich a raison.
Imbécile ! un peu plus je l’appelais Lison !
Hein ! si l’on me voyait sous cette transparence,
Si l’on me devinait ! Je deviens diaphane.
Je serais perdu, diantre !

ZABETH, lisant le sonnet.

 
… Appas ! flamme, espérance,
… Oui, j’ose, moi, profane…

Elle s’interrompt.

Un sonnet. Pauvre auteur, reste inconnu ! Je n’ai
Rien dans le cœur pour toi. Meurs avant d’être né.

Elle va pour le déchirer, puis s’arrête et le relit.
LE DUC GALLUS.

Il faut que ce sonnet disparaisse.

Il faut que ce sonnet disparaisse. À Zabeth.

Il faut que ce sonnet disparaisse. Madame,
Vous parliez d’un sonnet… ?

ZABETH.

Vous parliez d’un sonnet… ? Oui, quelqu’un que j’enflamme
M’adore
M’écrit en vers.
Me fait des vers.

Il tend la main. Elle lui donne le sonnet à lire.
Me fait des vers. Il le lit.

Me fait des vers. Comment les trouvez-vous ?

LE DUC GALLUS.

Me fait des vers. Comment les trouvez-vous ? Mauvais.

ZABETH.

Vous ne diriez pas ça si vous les aviez faits.

LE DUC GALLUS.

Au feu !

ZABETH.

Au feu ! Vous les brûlez, ces jolis vers ! Vous êtes
Contrariant.

LE DUC GALLUS.

Contrariant. Des vers d’amour sont toujours bêtes.

GUNICH.

Il tâche d’écarter ses soupçons.
Il rompt adroitement
Il est habile. Il rompt les chiens.
Bon ! voilà les soupçons très loin.
Il a bien dépisté Zabeth.

Fragment isolé contenant le plan de l’épisode de la bague, qui n’aurait pas alors été volée à Gallus, mais donnée, par un tiers, à Zabeth :

[On m’a fait des cadeaux :
(les énumérer)
On m’a fait des cadeaux : Mais le plus beau de tous
Le voici. —

Le voici. — Cette bague ? qu’est-ce ? un diamant ?
Mieux. Poison. C’est Cagliostro qui me l’a donnée.]

Variante de la même scène :

LE MARQUIS, au duc de Créqui.

Zabeth a rudoyé ta croix de Saint-Louis.

LE DUC DE CRÉQUI.

Mes yeux de sa beauté n’étant plus éblouis
Je m’en moque.

Cette variante dans l’admonestation de Gallus aux jeunes seigneurs :

LE DUC GALLUS.

Faites-lui la cour, soit. Qu’on roucoule et soupire
Nous sommes bons amis. Je ne trouve à redire
J’approuve tout, pourtant ne rions point.
J’approuve tout, sinon les sourires.
Je ne vois rien, sinon trop de gaîté. Mylords,
Qu’à de certains clins d’yeux railleurs. Messieurs, mylords…


SCÈNE IV. — Le duc Gallus, Zabeth.

Au début, quelques tâtonnements amenant cette variante :

LE DUC GALLUS.

J’ai pour mettre en ce parc, dans ce bois, n’importe où,
Commandé deux ou trois déesses à Coustou.

Au verso du feuillet 276, quelques vers de l’Épée[7].

Dans la définition faite par Gallus de l’existence de la femme, de grands remaniements à partir de ce vers :

Et quant au séraphin, il s’appelle Grétry.

(Voir p. 218.)

Tout ce feuillet [277] est rempli, marge comprise, et presque entièrement biffé. Nous y glanerons quelques variantes à l’encre et au crayon :

ZABETH.

Duc, je veux être franche avec vous.
Duc, je veux vous parler nettement.
Je vous dois un aveu, prince.

LE DUC GALLUS.

Je vous dois un aveu, prince. J’y tiens peu.
Je vous dois un aveu, prince. Peste ! un aveu !

Là s’arrête le premier développement, modifié et mis au net sur un nouveau feuillet.

Fragment isolé :

[Peut-être direz-vous ceci, que j’aurais su
Trouver quelque autre amour. — Peut-être ! J’aurais eu
Alors un homme jeune et sincère, une bouche
Sans mensonge, et j’aurais pris cette âme farouche,
Je l’eusse apprivoisée, adorant mon vainqueur,
Et j’aurais laissé prendre à cette âme mon cœur.]

Modifications encore dans les insultes de Zabeth aux seigneurs :

sont-ils, ces faquins de ducs et de
Où sont ces petits ducs et ces petits marquis ?
Ils sont nobles, ils sont charmants, ils sont exquis,
Ils sont infâmes. Moi, je suis l’âme, et je crie.
Ils sont infâmes. Moi, j’entends, pour peu qu’on rie.
Je suis au milieu d’eux. Fiers, ils ont pour patrie
L’orgueil, l’encens, le bleu profond,
L’orgueil, l’encens, le rire allier, l’immense azur ;
Dans la nue empourprée
Dans le hautain nuage
Dans le nuage auguste ils marchent d’un pied sûr ;
Ils sont les habitants du ciel. Tous sur le faîte.
J’y vais. J’ai l’air d’en être. On me mêle à la fête.
C’est à qui chantera, rira, boira, vivra.
Jeux. Bals. Que donne-t-on ce soir à l’Opéra ?
....................

Et dans tout l’univers je n’avais rien, — que Dieu !

J’entendais l’oiseau vivre, et j’avais
Je ne l’ai plus. Abîme ! Oui, j’avais pour ressource…

On croit semer la joie et c’est le deuil qu’on sème

On ne sait pas toujours quel est le grain qu’on sème.
....................

Mais j’ai pour me venger, mais j’ai pour me défendre

Hélas ! vous m’avez fait le cœur noir et terrible.
Contre vous, votre ennui, mon âme, et le tombeau.
Soyez maudit. Silence ! il me reste, et c’est beau,
Oh ! le dernier moment, le moment sombre, est beau.
Contre vous, votre ennui, ma haine, et le tombeau !

1869. Commencé le 4 mars. — Fini le 3 avril.

À midi[8].


LE LIVRE LYRIQUE. — LA DESTINÉE.

Avant l’interlude intitulé : nous, un fragment de papier collé sur un grand feuillet nous offre ce titre ou cette variante :

PRÉFACE LYRIQUE.
LE SEUIL DES GOUFFRES.

Le sous-titre au Livre lyrique : La Destinée, a été ajouté sur les épreuves.


Nous.

Victor Hugo, en écrivant cette pièce, sorte de préface au second volume de l’édition originale, s’est reporté en pensée à l’époque de la proscription, et, rétrospectivement, a décrit l’état d’âme des proscrits pendant l’empire ; mais si le manuscrit n’indique pas d’année, l’écriture nous fait supposer qu’il date de 1872 à 1876.


Quand le bien et le mal, couple qui nous obsède…

Le manuscrit ne commençait primitivement qu’à la quatrième strophe, les trois premières sont écrites en marge.


La calomnie immonde, et qu’on jette en courant…

Ce manuscrit, sans date, est semblable comme écriture à certaines pièces écrites avant l’exil. Il a été remanié bien plus tard, peut-être au moment de la publication.


Chanson d’autrefois. — Chanson d’aujourd’hui.

Ici, deux parties bien distinctes. La première, chanson d’autrefois, n’est pas datée, mais le papier, l’écriture se rapportent en tous points au manuscrit des Chansons des rues et des bois, dont elle a le rythme et le genre. Nous la placerons donc en 1859.

La seconde partie, chanson d’aujourd’hui, écrite sur papier bleu plus pâle, est datée : 31 mai 1857.


Près d’Avranches.

Les corrections, les quatre vers commençant par :

Je songeais à l’Égypte aux plis infranchissables…

et enfin le titre justifié par ces quatre vers et pourtant biffé (voir variantes, p. 455) sont d’une écriture et d’une encre très postérieures à la pièce même.


Coup d’épée, oui, mais non coup de poignard. Il faut…

Cette pièce, qui fait suite à la précédente, a pourtant été écrite bien plus tard, vers 1872 ou 1874.

En écoutant chanter la princesse de ***.

Manuscrit sur papier de fil. Écriture de 1872 à 1875.


Nuits d’hiver.

Ce manuscrit, très remanié, a cette particularité que les vers en marge venus naturellement après le texte de premier jet semblent avoir été écrits d’abord ; l’écriture change à tout moment, tantôt appuyée, tantôt légère, selon la plume prise pour telle ou telle strophe. C’est là un exemple frappant de la difficulté de fixer une date précise à tel ou tel manuscrit.

Plusieurs ajoutés, notamment dans les deux premiers feuillets ; au début le premier texte passait tout de suite de la seconde strophe à la septième.


Androclès.

Ce manuscrit devait être une suite à une autre pièce, ainsi que l’indique le trait placé tout en haut de la page. Les deux premières strophes de premier jet sont biffées, elles forment, par leur enchaînement, quelques variantes au texte définitif ; les voici :

Jadis, dans ma jeunesse, aurore
Dont on prolonge les adieux,
Quand tout me souriait encore,
J’ai vu, tandis que, radieux,

Ayant la force, ayant le nombre,
Les heureux chantaient leur concert,
L’exil qui se traînait dans l’ombre
Et qui saignait dans son désert.

Victor Hugo a développé ce début, après avoir écrit le titre en marge.

Nous avons fait relier à la suite de cette pièce une copie corrigée, annotée par Victor Hugo, et qui contient, après la première des strophes données plus haut, trois autres strophes curieuses restées inédites :

J’ai vu, tandis que, radieux,

Le succès chantait sa victoire
Et foulait aux pieds le passé,
À terre, au loin, dans la nuit noire,
Ramper un immense blessé ;

Son cri plaintif était féroce ;
Je méditais ; qu’est-ce que c’est ?
C’était on ne sait quel colosse,
Qui, fait pour rugir, gémissait ;

Son repaire
Sa demeure était un décombre

Son désert était inclément
Affreux sons les cieux incléments ;
Stigmatisé de foudroiements ;
Sa crinière semblait dans l’ombre
Une couronne par moments.


Sur la falaise.

En marge, le titre, la première division et une partie de la troisième. On remarquera que cette pièce a été écrite presque en même temps que les Paysans au bord de la mer, Océan (deux pièces du même rythme et du même sujet que Sur la falaise) et Les pauvres gens[9].


Tourmente.

Le titre date, avec quelques corrections, de 1870 ; le texte même semble être de 1852 à 1854, et a été collé sur un papier de grand format.


Ma vie entre déjà dans l’ombre de la mort…

Quatre feuillets [390 à 393] pour cette pièce qui n’en comptait primitivement que deux [391-392]. Sur les huit strophes du deuxième feuillet [391], quatre seulement ne sont pas biffées ; les quatre autres ont été utilisées soit avant, soit après. Avant les développements, la strophe qui finit la pièce venait après ce vers :

Qui sait où sont les morts ? Comment pouvez-vous rire ?


Entrée dans l’exil.

Le titre est plus récent que le manuscrit qui date de l’arrivée de Victor Hugo à Jersey, c’est-à-dire de 1853. Au dos de l’unique feuillet, cette ligne, rayée :

Peut-être développer et dire : tous les arbres, les buissons, etc.


Exil.

Trois surcharges de date dans cette pièce écrite au commencement de l’exil et corrigée bien plus tard ; le manuscrit est semblable à celui de la pièce suivante : Ô mon âme, en cherchant l’azur, ton vol dévie…, datée : 24 août 1854 ; la première date est illisible ; la seconde : 18 juillet 1869, et par surcharge 1870 ; la dernière strophe, de l’écriture de la revision, a été ajoutée en marge.


Tant qu’on verra l’amour pleurer, la haine rire…

Ici encore, Victor Hugo s’est reporté à ces dures années d’exil et a daté son manuscrit 2 décembre, anniversaire fatal ; mais l’écriture semble bien être celle de 1875.


Quand Eschyle au vautour dispute Prométhée…

La dernière strophe a été ajoutée, d’une écriture bien plus menue.

Pas d’année indiquée mais la mention : Jersey date la pièce, le poète n’ayant passé à Jersey que trois ans, d’août 1852 à octobre 1855.


Le sommet est désert, noir, lugubre, inclément…

Sur un fragment de papier collé sur le manuscrit on lit le premier début, composé de deux rimes féminines avec de nombreuses variantes :

Le sommet est désert et froid, l’ombre le noie
Le vent inépuisable et farouche
L’ouragan
L’aquilon formidable et farouche y
Par moments, et le vent fauve et sombre y tournoie.


Oui, la terre fatale, oui, le ciel nécessaire…

Le manuscrit primitif, dont la partie supérieure a été déchirée, a été collé, vers 1872 ou 1874, sur une grande feuille de papier au haut de laquelle Victor Hugo a écrit les deux premières strophes publiées.

En marge, cette note se rapportant sans doute à son deuil récent[10] :

Donc je n’ai pas le droit de me laisser aller à la douleur égoïste. Je me dois aux hommes. Je me dois à Dieu.

Cette note et les six dernières strophes ont été écrites vers 1871.


Lettre.

Ajouté important. La première version enchaînait ce vers :

Crois-tu pas que je vais pleurnicher mon exil ?

à cet autre :

Tu me dis : « Que fais-tu ?
Tu me dis : « Que fais-tu ? — Je suis l’homme des grèves.

C’est donc vingt-huit vers que Victor Hugo a écrits en marge.


Promenades dans les rochers.

Les quatre promenades remplissent trois feuilles détachées de l’album dont Victor Hugo se servait pendant son voyage aux Pyrénées, en 1843.


Le Parisien du faubourg.

Ce titre est écrit au crayon rouge au-dessus de deux strophes en marge.


Ô rois, de qui je vois les royaumes, là-bas…

Sans date. Papier de fil et grosse écriture voisine de 1872.


J’ai coudoyé les rois, les grands, le fou, le sage…

Nous ne possédons, de cette pièce, que le premier feuillet contenant les cinq premières strophes. Pas de date, par conséquent l’écriture seule nous fait supposer que ce manuscrit date environ de 1870.


Horreur sacrée.

La dernière strophe est reproduite, mais biffée, à l’avant-dernier feuillet du manuscrit, avant :

Alcée est sidéral…

(Voir p. 344.)

Pas d’année indiquée, mais l’écriture semble plus récente que celle de la pièce précédente, datée juillet 1875.


En plantant le chêne des États-Unis d’Europe.

Victor Hugo avait écrit le 21 juillet 1857 cette poésie à laquelle il attachait un caractère purement symbolique. Il l’avait gardée dans ses tiroirs sans lui attribuer une destination spéciale, lorsque, le 14 juillet 1870, il eut l’idée de procéder à une petite cérémonie qu’il raconte en ces termes dans ses carnets :

Aujourd’hui 14 juillet 1870, à une heure de l’après-midi, mon jardinier Tourtelle m’assistant, en présence de mon fils Charles, de MM. Duverdier et Busnach, de mesdames Charles Hugo, Duverdier, Chenay, Joséphine Meille et Marguerite Duverdier, Petit Georges et Petite Jeanne étant là, j’ai planté dans mon jardin le gland d’où sortira le chêne que je baptise Chêne des États-Unis d’Europe.

Le poète voulut marquer ce souvenir. En même temps qu’il faisait planter le chêne, il lui donnait cet admirable acte de baptême en vers, avec la date du 14 juillet 1870. La pièce de 1857 empruntait à cette petite cérémonie toute son actualité et toute sa signification, et au moment où la guerre allait éclater, Victor Hugo plaidait la cause de la fraternité des peuples.


LE LIVRE ÉPIQUE. — LA RÉVOLUTION.

Ce poème, daté décembre 1857, a certainement été écrit en plusieurs fois ; quand une idée fondamentale se présentait, Victor Hugo la fixait dans un vers jalon, qui souvent attendait sa rime et l’attend encore, les développements ayant quelquefois modifié le vers primitif ; deux sortes de papiers (bleu clair) : l’un fort, l’autre mince. Pas de titres de divisions dans le manuscrit ; de simples blancs. Au verso de certains feuillets, des chiffres crayonnés.


I. les statues.

Cette première partie remplit dix-huit feuillets [473 à 491 inclus] ; sur ces dix-huit feuillets, quatre ont été intercalés à la revision [476-479-480-481] ; dès le début, quelques vers biffés ont été repris et développés en marge. Voici l’ordre primitif :

Le cavalier de bronze était debout dans l’ombre.
Autour de lui dormait la ville aux toits sans nombre,
Notre-Dame montait
Où montait Notre-Dame ainsi qu’un double écueil.
Le ciel
L’espace était farouche et plein de tant de deuil
Que les lueurs du gouffre avaient disparu toutes.

L’ajouté nous a donné douze vers.

Plus bas, en variante, nous trouvons deux vers proposés pour le portrait de Henri IV et placés définitivement à propos de Louis XIV :

Il était là debout, avec cet air fatal
Et superbe, que donne aux morts le piédestal.

Au feuillet suivant [474], six vers rayés nous donnent par leur enchaînement quelques variantes :

Ce socle qui paraît, calme et battu des vents,
Une île du sépulcre au milieu des vivants,
Toute cette figure est un monstre du rêve.
Même quand le plein jour la précise et l’achève,
Elle est funèbre encor ; mais, le soir, loin du bruit,
Le colosse pensif reprend toute sa nuit.

Ce vers :

Sa voix n’osait sonner au cadran stupéfait

(Voir p. 365.)

termine le feuillet 478 qui s’enchaînait primitivement au feuillet 482 ; mais Victor Hugo raya en marge de ce dernier feuillet les dix premiers vers qu’il développa en trois feuillets intercalaires d’un papier plus fort et d’un plus grand format [479 à 481 inclus]. Ce remaniement nous a fait bénéficier de trente-six vers à partir de celui-ci :

L’eau triste frissonnait sous la rondeur de l’arche.

Après ce vers terminant le feuillet 484 :

Des flots d’ombre roulaient dans l’infini profond…

on lit cette note entre parenthèses :

(Ici peut être l’apostrophe à Henri IV, mais bien peser.)

Cette apostrophe, dont le début est inédit, a été publiée en grande partie dans la Pitié suprême et renferme dans ses trois feuillets des variantes intéressantes[11].


II. les cariatides. — III. l’arrivée (feuillets 492 à 526) :

Pas d’interruption entre la seconde et la troisième division, qui commence au cours de la page.

Les ratures et les ajoutés sont très nombreux dans la seconde partie, nous ne les mentionnerons que lorsque nous y rencontrerons quelques variantes intéressantes.

Au bas du feuillet 494, des notes, des vers utilisés. Trois pages plus loin, sur la marge autrefois repliée, des rimes proposées, des ébauches de vers. Cette particularité se retrouve souvent.

Une partie du feuillet 499 est toute rongée.

Au feuillet 504, après le vers clôturant l’apostrophe à Germain Pilon, nous lisons cette note :

Peut-être étais-tu simplement ému de l’infini, du mystère, de l’énigme, du destin, de la fatalité, d’Anankè, de Satan.

En marge du feuillet 505, vers inédit sur Henri IV :

Ce tyran bon vivant, ce despote luron.

Avant de commencer le portrait de Henri IV, cette note inutilisée :

Ajouter qu’Henri IV fit pendre les soldats héros qui avaient défendu contre lui le pont de Charenton.

Dans la marge repliée du feuillet 516, contenant des notes relatives au poëme, ces lignes semblant se rattacher plutôt à la Légende des siècles :

Attila. — Les Avares.

Les Obres. (Très grands. Espèces de géants.)

Attelant à leurs chariots des femmes slaves toutes nues.

Le feuillet 519 contenant vingt-deux vers a été complètement ajouté. Il commence ainsi :

On le méprise tant, ce malheureux, qu’on pleure.

(Voir p. 394.)

Voici l’enchaînement du feuillet 518 au feuillet 520 :

Comment nommer ce roi sinon le Bien-Aimé ?
À Saint-Denis où dort cette race célèbre,
On vit, tandis qu’autour du carrosse funèbre…

Non seulement il n’y avait pas de division établie entre les deuxième et troisième parties, mais les vers s’enchaînaient ainsi :

Et les trois rois marchaient muets et
Et les trois rois marchaient sur le quai ténébreux
Sans entendre ces cris de l’ombre derrière eux ;
Le Louvre les suivait des yeux, et son arcade
Tressaillit quand passa
Avait frémi devant l’étrange cavalcade ;

Ils côtoyaient toujours la Seine, et maintenant
Ils cheminaient le long du jardin frissonnant.

Oh ! les sombres chevaux, comme ils allaient farouches !
Nul souffle ne sortait de leurs livides bouches,
Nul rayon n’étoilait la noirceur de leurs yeux ;
À mesure que sourds, froids et silencieux,
Ils entraient plus avant dans la nuit solitaire,
L’obscurité semblait épaissir son mystère
Et courber sous un poids d’horreur plus accablant
Les deux cavaliers noirs et le cavalier blanc.

Une seule date pour tout ce poëme : 25 décembre 1857 (Christmas).


Soit. Mais quoi que ce soit qui ressemble à la haine…

Le deuxième feuillet est coupé environ à la moitié.

Trois dates à ce dernier manuscrit :

21 novembre 1857.
24 février 1858.
20 avril 1870.

Bien que les dix-huit derniers vers semblent être de l’écriture de 1870, ces trois dates doivent se rapporter à l’ensemble du Livre Épique, revu certainement en 1870, au moment où Victor Hugo comptait publier les Quatre vents de l’Esprit.


  1. Les vers, variantes et fragments inédits imprimés en italique sont biffés dans le manuscrit.
  2. Nous donnons entre crochets la pagination définitive du manuscrit, maintenant relié.
  3. Actes et paroles, Avant l’exil.
  4. Cette dédicace a été supprimée sur les épreuves.
  5. Nous faisons précéder les variantes et les vers inédits du dernier vers publié dans le texte.
  6. Dans cette version biffée, la seconde rime féminine manque. On la trouve dans le texte modifié en marge et publié page 139.
  7. Théâtre en liberté.
  8. Ces deux mots sont à l’encre rouge.
  9. La Légende des Siècles
  10. Mort de Charles Hugo, 1871.
  11. Voir Variantes et vers inédits de la Pitié suprême.