Lettres de Jules Laforgue/033

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Lettres. — I (1881-1882)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome IVp. 142-143).
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XXXIII

À M. CHARLES HENRY

Berlin, dimanche [16 avril 1882].
Mon cher Henry,

Que devenez-vous ? Que devient le poète de la rue Denfert ? Kahn vit-il toujours, ou bien a-t-il émigré, sa barbiche en avant, vers un monde meilleur ?

Je lis du Maxime, beaucoup de Maxime du Camp, beaucoup de l’Henry Gréville. Et aussi du Huysmans.

Avez-vous lu la merveilleuse chose que Bourget a publiée sur Renan dans la Nouvelle Revue ?

Pendez-vous, brave Henry, vous avez laissé découvrir par un autre le Cantique des Cantiques de Bossuet ?

Je voulais vous écrire tout simplement pour vous reprocher votre silence (êtes-vous malade ?) et vous prévenir que mercredi prochain nous partons pour Bade.

Ma nouvelle adresse : J. Laforgue, auprès de Sa Majesté l’Impératrice-Reine, Maison Mesmer, à Bade.

Heureux. Vous allez voir le Salon. Je vous recommande uniquement l’envoi d’un ami qui sera bientôt le plus grand, le plus original des peintres de l’Allemagne. Il s’appelle Max Klinger. Il envoie un tableau intitulé Circé et quatre eaux-fortes étonnantes.

Je fais un travail sur son œuvre d’aquafortiste déjà considérable. Si vous avez un ami salonnier, ou des journalistes, menez-les devant et obtenez, si possible, des lignes de réclame. Klinger est un grand sauvage qui ne fera jamais ses affaires.

Adieu, mon ami. Bonjour à toutes mes connaissances.

Où sont nos soirées rue Séguier et rue Berthollet ? Nos promenades rue de l’Abbé-de-l’Épée, ou boulevard Port-Royal, et la fête de l’avenue des Gobelins, avec vos singulières causeries. Ce que j’ai de mieux à faire, c’est de travailler pour Paris et d’attendre juillet ou août où j’irai vous voir.

Adieu.

Jules Laforgue.