Lettres de Jules Laforgue/041

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Lettres. — I (1881-1882)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome IVp. 165-166).
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XLI

À M. CHARLES HENRY

Bade [5 juin 1882].
Mon cher Henry,

N’avez-vous pas reçu ma lettre ? une longue lettre ? Pourquoi ne me répondez-vous pas ? Êtes-vous malade et plus à Paris ? Que devenez-vous ? Je ne sais rien de rien.

Nous quittons Bade après-demain, mercredi 7 juin. Nous allons à Berlin. Nous y restons une semaine. Et de là nous allons à Coblentz (château).

Je me demande pourquoi je n’ai pas reçu de réponse à ma longue lettre avec des vers. Sont-ce les vers qui vous ont cassé bras et jambes, ô homme maigre et difficile ?

Sachez que je m’ennuie horriblement. Je mène une vie stupide. Je passe mon temps à châtrer des livres peu intéressants. Et à contempler des sapins en attendant la 5e incarnation de Vishnou.

Publiez-vous quelque chose ? quelques petites, fables inédites de La Fontaine ? hein ?

Écrivez-moi. Ne serait-ce qu’une page. Encore un mois et demi et j’irai vous voir, et nous ferons nos promenades,

Des quais froids de la Seine aux bords brûlants du Gange.

Aurons-nous l’illustre Kahn ?

Je ne vous envoie de bonjour pour personne puisque tout le monde m’oublie, mais j’attends une lettre. Je suppose que vous n’avez pas été pris dans les troubles du Quartier Latin.

Adieu.

Jules Laforgue.