Lettres de Jules Laforgue/046

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Lettres. — I (1881-1882)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome IVp. 178-179).
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XLVI

À M. CHARLES HENRY

Toujours Coblentz [12 juillet 1882].
Mon cher Henry,

Le supplément de la Gazette a donné, samedi, ma première correspondance sur une exposition berlinoise[1].

Je fais beaucoup de vers. Mais j’ai moins que jamais l’envie de publier un volume.

Aujourd’hui les vers ne sont plus que pour être lus en petit comité, de ci de là, pour les seuls initiés.

Il faut écrire des romans. J’en écrirai, cela fait de la copie. Et des ouvrages d’art pour devenir, dans mon pays, un fonctionnaire d’art quelconque, au Louvre ou dans un ministère.

Ah ! si je savais dessiner, si je savais le métier proprement, ce serait peut-être là ma voie. Je voudrais bien que mon frère donne sa note (s’il en a une) en peinture.

À propos, il se pourra, il est presque sûr, que mes congés soient bouleversés. Je crois que le 20 de ce mois on me donnera quinze jours de congé ; puis j’irai à Babelsberg avec la cour, puis à Bade, et ensuite on me donnera encore un mois en octobre.

Qu’en dites-vous ?

Quinze jours de congé c’est trop peu pour aller à Paris vu l’état de mon budget. Alors qu’il me faudra y aller deux mois après et pousser jusqu’à Tarbes.

Que faire de ces quinze jours ?

Je ne veux pas les passer en Allemagne. Je crois que j’irai à Bruxelles où j’étudierai les musées pour me mettre la conscience en tranquillité.

Peut-être cependant irai-je les passer à Paris. La tentation est si forte, aller voir votre lustre.

L’homme propose et les appointements disposent.

Et vous, que ferez-vous ? Où serez-vous ?

Je vous serre la main.

Votre Jules Laforgue.

  1. Jules Laforgue parle de son article sur l’Exposition de l’Union artistique de Berlin paru, le 8 juillet 1882, dans la Chronique des Arts et de la Curiosité, annexe de la Gazette des Beaux-Arts.